00:00C'est un cas d'école quand même, les retraites, comment on peut être le pays qui dépense le plus et travailler le moins, ça reste quand même un mystère.
00:05Mais donc ce matin, cette question, faut-il abandonner la réforme des retraites, Emmanuel ?
00:09L'inquiétude, entre guillemets, vient de ce qu'a dit Elisabeth Borne hier, qui, alors manifestement, évidemment, le but du jeu, c'est de tendre la main aux socialistes,
00:18mais en disant pourquoi ne pas geler en cours de route la réforme qui avait été entreprise et qu'elle avait elle-même défendue,
00:27ce qui reviendrait à geler, finalement, à 63 ans, l'âge de départ à la retraite.
00:31Et là, ce serait une capitulation terrible, une triple capitulation politique, parce que c'est quand même la réforme emblématique des mandats d'Emmanuel Macron.
00:41Et là, au rythme où ça va, on se dit que la gelée, oui, mais pourquoi ne pas l'abandonner ?
00:46Et là, ce serait quand même, qu'est-ce qu'il resterait du mandat d'Emmanuel Macron ?
00:49Il faut quand même rappeler...
00:49L'ISF.
00:51Oui, mais l'ISF, il a aussi...
00:52Et l'emploi.
00:52Oui, l'ISF, il a quand même des possibles qui reviennent.
00:59Et vu qu'on va augmenter la fiscalité sur le capital, certainement, voilà, bon bref, il ne resterait pas grand-chose.
01:05Et puis surtout, remettez un peu en perspective Emmanuel Macron, il y a eu huit réformes des retraites, grosso modo, des grandes réformes depuis 1981.
01:14Toutes ont réussi, Emmanuel Macron serait quand même le président de la République, qui en aurait raté deux, c'est-à-dire la réforme à points.
01:20Et puis, celle-là, ce serait quand même un échec terrible.
01:22L'échec économique, c'est qu'effectivement, on sait très bien qu'au cœur de la problématique de la compétitivité française, il y a cette affaire d'insuffisance de travail.
01:31Donc, on sait que le meilleur moyen pour augmenter la quantité de travail, c'est de repousser l'âge de départ à la retraite.
01:36Donc, c'est quand même un énorme coût pour la compétitivité de nos entreprises.
01:39Et puis, financièrement, là aussi, il y a le coût mécanique qui est, alors la Cour des comptes nous dit, 5 milliards au sens strict d'ici 2035, 13 milliards au sens large.
01:49Mais il y a le coût de ce qu'a été le combat de cette réforme, toutes les non-réformes, toutes les réformes qui n'ont pas été faites.
01:55Et puis, dernièrement, que vont penser nos investisseurs internationaux que la France, finalement, n'a pas changé, alors qu'ils avaient cru qu'elle avait changé ?
02:02– On en parlera avec Gilles Mouèque dans un instant. – Et ça, ça va coûter très cher aussi.
02:04– Mais si vous vous dites qu'il ne faut pas la toucher, vous n'allez pas me dire, Jean-Marc, qu'il faut revenir sur la réforme des retraites ?
02:08– Je pense que ce n'est pas une question de revenir, on est déjà revenus.
02:11Quand Emmanuel nous dit qu'il y a eu 8 réformes qui ont réussi, elles ont échoué, puisqu'à chaque fois, il faut refaire une réforme.
02:16Et donc, je pense qu'on est arrivé à une situation… Vous savez, je cite assez souvent cette phrase de Saint-Just.
02:20Alors, Saint-Just, ce n'est pas forcément le champ intellectuel auquel je me rattache, mais Saint-Just, un jour, dit à propos des Girondins,
02:27ceux qui font les réformes et les révolutions à moitié creusent leur tombe. Et donc, je pense qu'à force de faire des réformes qui sont des réformes…
02:34– Donc, elles sont tellement nazes, les réformes, que vous mieux recommencez.
02:37– Oui, on creuse sa tombe. Et avoir l'idée qu'effectivement, on fait un conclave sur les retraites, c'était déjà une façon de dire « la réforme est morte ».
02:44Donc, ce n'est pas aujourd'hui Elisabeth Borne qui dit « il faut abandonner la réforme », c'est François Béroux qui a dit « j'ai abandonné la réforme ».
02:50Et donc, à partir du moment où elle a été abandonnée, au lieu de se battre sur des points de détail,
02:55il faut dire une bonne fois pour toutes, on va faire une vraie réforme qui ne sera pas…
03:00– Non mais d'abord, Jean-Marc, il faut laisser tomber la réforme.
03:02– Il faut la geler. Ce que dit Elisabeth Borne, c'est « on la gèle ».
03:05Et donc, elle ne dit pas qu'il n'y a pas de problème. Elle constate qu'il y a un problème.
03:10Elle dit « j'ai fait une proposition ». Cette proposition ne correspond plus à la réalité que nous vivons,
03:15puisqu'il y a eu le conclave, puisque de toute façon, en pratique, les décisions qui sont prises et qui vont être prises,
03:21voire amendées, voire remettent à place ma réforme.
03:24Donc, qu'on parte de nouveau sur une base, qui soit une base acceptable.
03:29– La gauche comprend, on va revenir à 62 ans.
03:30– Oui, la gauche part sur cette situation-là. De même que la gauche, on peut considérer qu'une fois qu'elle aura abandonné cette hausse,
03:38elle va s'abattre sur l'ISF. Donc après, il y a un problème de gouvernement, là aussi.
03:42Mais sur le fond, il y a quand même un vrai problème, puisque ces réformes n'arrivent jamais à résoudre un problème
03:47qui a été mis sur la table par Michel Rocard en 1991, qui a été réexpertisé à la fin des années 90 par le rapport Charpin,
03:54donc sur lesquels on a quand même des solutions.
03:57Et le fait d'abandonner, quel est l'homme politique qui est censé être en ce moment le plus populaire ?
04:02C'est quand même Édouard Philippe, c'est lui dont on annonce…
04:04– Dans les sondages, il ne décolle pas quand même.
04:06– Il ne décolle pas, mais c'est quand même celui dont on annonce qu'il a le plus de chance à l'instant T
04:10pour être le prochain président de la République.
04:13Or, qu'est-ce qu'il a fait ?
04:13– Ah, la réforme à point, on voulait revenir.
04:15– Il a fait une réforme à point qu'il a abandonné.
04:17– Il avait la bonne réforme des retraites.
04:18– Voilà, donc il avait fait une réforme qui était une réforme assez originale.
04:21La vraie question que l'on doit se poser, c'est prendre les leçons de toutes ces réformes,
04:26prendre les leçons de toutes les impasses qui ont été constatées à ce moment-là,
04:30et une bonne fois pour toutes, se poser la question de
04:32est-ce qu'on pourrait fermer ce dossier et faire en sorte que ce ne soit pas…
04:35– Non, mais ce n'est pas possible de fermer ce dossier.
04:36– Que ce ne soit pas à l'infini l'espèce de…
04:39– Oui, mais Jean-Marc…
04:40– Le sparadat du capitaine, donc on parle de Picsou et de bande dessinée,
04:43c'est le sparadat du capitaine.
04:45– Jean-Marc, c'est inhérent au système par répartition.
04:49C'est-à-dire que dès l'instant où on a des évolutions démographiques
04:52qui imposent des ajustements, on est bien obligé de les faire au fur et à mesure.
04:56Et d'ailleurs, le texte initial de la retraite par répartition de 1941
05:01dit très bien qu'il prévoit d'ailleurs qu'il va y avoir des évolutions démographiques
05:05et qu'il va falloir faire des ajustements.
05:07Et d'ailleurs, les gouvernements qui ont réussi ces ajustements,
05:11finalement, l'ont fait quand même de façon, qu'ils soient de droite ou de gauche,
05:16de façon assez… pas facile, mais c'est bien passé.
05:20Regardez François Fillon en 2003, il fait quand même une réforme difficile qui passe bien.
05:25Regardez François Hollande, président de gauche.
05:27La réforme la plus dure, finalement, c'est presque celle qui durcissait les conditions,
05:32notamment, et l'allongement de la durée de cotisation
05:35et le nombre de trimestres qu'il fallait pour avoir la retraite.
05:38La réforme touraine.
05:39Donc tout ça s'est passé.
05:40Donc il y a quand même un vrai problème de méthode
05:43et une véritable nécessité économique.
05:45Alors peut-être que ce sera reculé pour mieux sauter
05:47et qu'un gouvernement plus libéral, dans deux ans,
05:51proposera la grande réforme qui séduira tout le monde.
05:54Mais pour le moment, on ne voit pas par quel chemin il pourrait passer.
05:56Juste une remarque.
05:57Ce que vient de dire Emmanuel, c'est qu'il dit
05:59oui, oui, on voit bien le système par répartition.
06:01Déjà en 1941, ça avait des faiblesses liées à la démographie.
06:05La réponse, c'est les fonds de pension.
06:06Les fonds de pension, ils sont dans le rapport Charpin.
06:08Ils ne sont toujours pas dans la réforme.
06:10Donc une bonne fois pour toutes, on fasse une vraie réforme.
06:13Oui, mais vous allez trop loin Jean-Marc.
06:14On n'ira pas jusqu'à la privatisation du système de retraite.
06:17Mais la conséquence...
06:18Vous allez toujours trop loin.
06:19La conséquence, c'est qu'on a, c'est le sparadon du capitaine Haddock.
06:23Ça rebondit et ça pollue le débat politique.
06:25Je...
06:26Je...