00:00Vous l'attendez évidemment un redoutable adversaire ce matin, Jean-Marc Daniel qui est de retour.
00:07Bonjour Jean-Marc.
00:07Bonjour.
00:08On est très heureux de vous retrouver.
00:10On va évidemment parler de François Bayrou qui n'est pas allé de main morte hier dans la dramatisation de la situation économique
00:16en nous menaçant d'un accident de crédit, un défaut.
00:19Est-ce que c'est oui ou non possible Emmanuel ?
00:22Écoutez, je ne sais pas si c'est possible mais c'est souhaitable.
00:26C'est souhaitable. François Bayrou il a fait hier son exercice favori, cette pédagogie de la dette.
00:33Alors c'est vrai qu'on peut lui reconnaître cette légitimité, ça a été un des premiers en France à le faire.
00:37Rappelez-vous sa campagne présidentielle de 2007, c'était déjà la dette c'est grave, c'est catastrophique.
00:42Parce qu'il l'a redit hier, ce qui nous menace c'est effectivement une sévère sanction des marchés financiers
00:48et une sévère cure d'austérité comme ont connu pas mal de pays.
00:53Sauf que, effectivement, quand on compare la situation de la France et celle de ses pays,
00:57on se dit mais finalement il faudrait presque la souhaiter, cette sanction des marchés financiers.
01:03Vous souhaitez un défaut, je ne peux même pas entendre ça, ça me fait siffler les oreilles.
01:07Je ne vous parle pas de défaut, je vous parle de crise financière qui incite,
01:13qui oblige à mettre en place finalement des mesures, des vraies mesures d'austérité
01:18comme on en a connu des pays comme le Canada, la Suède, le Portugal, l'Espagne, etc.
01:22Parce que ces pays-là, comment ça s'est passé ?
01:24Oui, il y a eu des coupes dans les dépenses sociales, des suppressions d'effectifs de fonctionnaires,
01:30des hausses de TVA, quand je vous parle des hausses de TVA, c'est 4-5 points à chaque fois,
01:33ce n'est pas un point.
01:35Et d'ailleurs, ce qui est intéressant, c'est que souvent l'effort a été porté par les ménages,
01:38plus que par les entreprises avec, en gros, ça a coûté,
01:42si vous prenez Canada, Suède, c'était 1 500 euros sur l'année pour un ménage,
01:46je ne parle pas du cas de la Grèce, 5 000, 7 000 euros par ménage,
01:48donc des vraies cures d'austérité.
01:50Et en France, on n'a pas eu tout ça depuis 40 ans,
01:52puisque ce qu'on a appelé austérité, etc.,
01:54on avait toujours des dépenses qui augmentaient moins, grosso modo,
01:56mais qui augmentaient toujours, le SMIC qui augmentait toujours, etc.
01:59Mais quand vous regardez en 40 ans comment a évolué l'économie de ces pays,
02:03vous regardez quoi ?
02:04Finalement, c'est en France que le revenu par habitant a le moins progressé.
02:09Donc, dans le pays qui a refusé les ajustements,
02:12parce que tous ces pays se sont redressés de façon assez spectaculaire
02:15après ces gros efforts.
02:17Donc, on finit par se dire, mais plutôt que de cette agonie
02:21qu'est en train de subir la France...
02:23Allons-y un bon coup.
02:24Allons-y un bon coup, une bonne cure d'austérité,
02:27et tous les pays qui ont subi ces cures d'austérité,
02:29eh bien, il y a eu un après-austérité.
02:32Jean-Marc.
02:33Oui, je vais vous rassurer, il n'y aura pas d'accident de crédit,
02:35il n'y aura pas de défaut.
02:36C'est pas rassurant ça, Jean-Marc.
02:37Pourquoi il n'y a pas de défaut ?
02:39Parce qu'il y avait des défauts, autrefois,
02:42les États faisaient banqueroute quand ils prenaient des engagements
02:44en termes de quantité d'or à fournir.
02:46Alors, ils avaient commencé par dire,
02:47on ne remboursera pas la dette, on versera des intérêts.
02:50C'est ce qu'on continue à faire.
02:51C'est-à-dire, on ne rembourse pas la dette.
02:53C'était issu du fait que, sous l'Ancien Régime,
02:55au XVIIIe siècle, on n'avait pas assez d'or,
02:58donc on se contentait de dire,
02:59on va vous donner 3% de ce qu'on vous a emprunté,
03:01c'est l'intérêt, puis ça, on arrivera à le trouver.
03:04Bon, maintenant, on ne donne pas de l'or,
03:06on met en regard de ce qu'on a pris comme engagement,
03:09sa propre monnaie.
03:10Les pays qui ont été en situation, effectivement,
03:13de défaut, entre guillemets,
03:14ce n'est pas les États en tant que tels, c'est les pays,
03:16et les pays ont été en défaut,
03:17parce que les engagements qu'ils prenaient en tant que pays,
03:19c'était de fournir des dollars.
03:21Nous, on prend un engagement de fournir des euros,
03:23et les gens qui ont des euros,
03:24s'ils veulent des dollars,
03:25ils vont voir la caisse commune,
03:27et il y a une caisse commune, qui est la BCE.
03:29Donc, ce n'est pas la peine de nous parler comme Antigone ?
03:32Oui, ce n'est pas ça, le véritable enjeu.
03:35De même qu'on nous menace,
03:36alors, vous savez,
03:37Emmanuel l'a dit,
03:39François Béroux, quand il était candidat,
03:40annonçait, c'est catastrophique,
03:42je vais lutter contre la dette.
03:43Ce qui est intéressant, c'est que les gens,
03:44ils n'étaient pas au pouvoir,
03:45mais les gens au pouvoir disaient la même chose.
03:47C'est-à-dire, François Fillon nous disait,
03:49quand il était Premier ministre,
03:50je suis à la tête d'un état en faillite.
03:51Je cite assez souvent le fait que
03:53Édouard Philippe, dans son discours de politique générale,
03:56citait Bob Dylan en disant,
03:57vous savez, la célèbre chanson « Blowing in the wind »
04:00en disant, combien de temps peut-on faire semblant de ne pas voir ?
04:02Et il disait, on est arrivé au moment
04:04où on ne peut plus faire semblant de ne pas voir.
04:06Et pourtant...
04:06Mais on voit, c'est juste qu'on ne veut pas,
04:08ça n'a rien à voir.
04:08Oui, mais sauf qu'il n'y a pas de conséquences immédiates
04:10sur les taux d'intérêt.
04:11Est-ce que c'est les taux d'intérêt,
04:12les marchés qui nous menacent ?
04:13Les taux d'intérêt sont à un peu plus de 3% en ce moment.
04:16Je rappelle qu'en 2007,
04:17avant la crise financière,
04:18à une époque où on accusait effectivement
04:21la banque centrale d'être plutôt assez restrictive,
04:24assez sadomonétariste,
04:25ils étaient à 4,5%
04:26avec une inflation qui était de la même nature.
04:30Et donc, on arrivait à vivre avec...
04:31À 4,5%, avec le montant de dette qu'on émet,
04:33ça commence un peu à être chaud quand même.
04:35Il y a quand même, Jean-Marc,
04:36il y a quand même sans doute
04:37un niveau de taux d'intérêt
04:39qui n'y aura pas à exercer
04:41une pression suffisamment forte sur nos économies
04:43pour qu'on prenne les bonnes décisions.
04:45Parce qu'en fait,
04:46l'effet pervers de tout ça,
04:49et Jean-Marc vous expliquera très bien
04:50tout ça avec l'équivalence ricardienne,
04:52c'est que cette cure d'austérité
04:54que les gouvernements successifs
04:56ont refusé de nous imposer,
04:58mais finalement,
04:58les Français se l'imposent à eux-mêmes.
05:01En faisant quoi ?
05:02En épargnant.
05:03Rappelez-vous, cet indicateur...
05:05Jean-Marc boit du petit lait.
05:06Non, mais cet indicateur...
05:07Je ne sais pas si Jean-Marc l'a vu.
05:10Tous les mois,
05:10l'INSEE demande aux Français
05:11est-ce que vous jugez
05:12que c'est plutôt opportun d'épargner
05:14ou de consommer ?
05:15Dans l'enquête de juillet,
05:17l'opportunité d'épargner
05:19n'a jamais été aussi élevée
05:21depuis que cette enquête existe
05:24en 1972.
05:25Donc jamais les Français
05:26n'ont été dans un état d'incertitude
05:28aussi important qu'aujourd'hui
05:30et avec l'impact négatif
05:33que ça a sur l'activité.
05:34Donc c'est ça qui est pervers.
05:35C'est que ce sont les Français
05:36qui s'infligent cette crise à eux-mêmes
05:38à travers toute l'incertitude
05:39générée par ces errements fiscaux
05:42et budgétaires.
05:42Oui, alors par rapport à ça,
05:44d'abord, encore une fois,
05:45un pays qui est en déficit
05:46de sa balance des paiements courants
05:47est un pays qui n'épargne pas assez.
05:49Or, nous avons eu un équilibre
05:50de notre balance des paiements courants
05:52exceptionnel en 2024
05:53parce qu'on a eu des entrées touristiques
05:54exceptionnelles
05:56qui étaient liées aux Jeux Olympiques.
05:57Mais on a eu un excédent
05:59sur l'année 2024
06:00d'environ 4 à 5 milliards d'euros.
06:02Rien que sur le mois de juin,
06:03le dernier mois dont on a des statistiques,
06:05on a eu un déficit
06:06de 3,5 milliards d'euros.
06:08Donc on est de nouveau
06:09dans le déficit.
06:10Donc effectivement,
06:11ce mécanisme qui est un mécanisme
06:12de l'épargne des Français
06:14est un mécanisme qui est positif
06:15sauf que l'État
06:16est dans un tel niveau de déficit
06:17que cette épargne
06:18est détruite par l'État,
06:20absorbée par l'État
06:21et donc cette épargne
06:22d'une certaine façon est perdue.
06:24Je pense que,
06:24pour revenir au...
06:25Qu'est-ce qui nous menace ?
06:27L'épargne est perdue
06:277h25, c'est quand même...
06:28L'épargne est perdue
06:29parce qu'elle sert à financer
06:30effectivement le déficit de l'État
06:32et non pas la préparation
06:33de l'avenir au travers
06:34de l'investissement.
06:35C'est-à-dire que normalement,
06:36on devrait utiliser cette épargne
06:38pour le faire.
06:38Il l'a bien expliqué.
06:39Il l'a bien dit.
06:41Il parle des enfants.
06:41Voilà.
06:42Alors, juste,
06:43qu'est-ce qui nous menace vraiment ?
06:45En deux mots,
06:45je pense que ce qui nous menace vraiment,
06:47c'est, non pas le défaut,
06:49c'est la perte d'influence en Europe.
06:51C'est-à-dire que nous avons signé
06:52des traités.
06:52Nous avons signé un traité
06:53le dernier après la crise
06:56des dettes publiques
06:56dont la Grèce était devenue
06:57le symbole,
06:59mais où l'ensemble des pics
06:59s'étaient menacés.
07:00On avait signé un traité
07:01où on prenait l'engagement
07:03d'avoir un équilibre structurel.
07:05On prenait l'engagement,
07:07effectivement,
07:07d'accepter l'idée
07:08qu'il y a un déficit,
07:09mais que ce déficit
07:10serve à lisser la conjoncture,
07:12serve à absorber le cycle.
07:14Et là, on ne remplit pas le contrat.
07:15On ne remplit pas le contrat.
07:16Mais j'en remarque,
07:16un alcoolique qui ne tient pas
07:17ses promesses
07:18qu'il va arrêter de boire,
07:19il n'y a qu'une seule solution,
07:21c'est la cure de désintoxication
07:22obligée.
07:23C'est ça qu'il nous faut.
07:24Vous souhaitez l'austérité.
07:26Mais arrêtez de nous prêter
07:27de l'argent.
07:27On ne tient jamais
07:29les promesses qu'on fait.
07:30Moi, j'appelle à la cure d'austérité,
07:32mais je dis que ce ne sont pas
07:33les marchés qui vont nous imposer
07:34la cure d'austérité,
07:35ce sont nos partenaires européens.
07:37Ah !
07:38D'où qu'elle vienne,
07:39cette cure d'austérité
07:41sera la bienvenue.
07:42Vous parlez plus latin, Jean-Marc ?
07:44Je pourrais parler latin,
07:46mais juste,
07:47je reviendrai sur la citation
07:48que j'avais faite
07:49la dernière séance
07:50de l'année dernière
07:50qui reste toujours dans l'actualité.
07:53Ciné laboré,
07:54non érit panis.
07:56Il faut bosser ?
07:56Non, c'est pas ça ?
07:57Il faut bosser sans travail.
07:59On n'aura pas de pain.
08:00Il faut travailler.