00:00Face à Emmanuel Le Chiffre aujourd'hui, c'est Jean-Marc Daniel.
00:03L'incroyable poussée du taux d'épargne des Français, on est quasiment à 19% du revenu disponible.
00:07C'est un record depuis 78.
00:10Les Français stressent au niveau des déficits publics et de la dette.
00:13Du coup, ils se font un petit plan d'austérité personnel, ils mettent de côté.
00:17Est-ce que les Français épargnent trop, Emmanuel ?
00:20Oui, les Français épargnent beaucoup trop.
00:24D'abord, ils épargnent plus que la moyenne des autres grands pays.
00:27Vous avez cité les chiffres, il n'y a que les Allemands qui épargnent à peu près autant que les Français.
00:31Mais il faut savoir que les Allemands, ils sont beaucoup moins propriétaires que les Français.
00:34Donc, ceci explique en partie cela.
00:36Mais surtout, vous allez me dire, ok, bon, ils épargnent plus.
00:38Mais ce qui est fou, c'est qu'en fait, ils épargnent plus alors qu'il n'y a pas un parcours de vie moins risqué
00:45dans tous les grands pays que le parcours de vie des Français.
00:49C'est-à-dire, si vous prenez, par exemple, l'emploi, c'est en France que vous avez le moins de risque
00:54de perdre votre emploi et de vous retrouver au chômage.
00:58Si vous prenez, par exemple, les indices, pareil, de pauvreté, etc.,
01:03c'est en France que la chute sociale est la moins probable,
01:07compte tenu de tous les filets de protection qu'on a.
01:09Je vous rappelle, effectivement, les nouvelles méthodologies de l'INSEE.
01:13Grosso modo, les écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres,
01:16c'est 24 fois sans être corrigé.
01:19C'est presque à moins de 4 fois quand vous corrigez de tous les filets de protection.
01:22Vous avez moins besoin qu'à l'étranger de préparer, d'anticiper un accident de santé
01:29puisqu'il n'y a pas un pays où vous êtes aussi bien remboursé de vos soins de santé.
01:32J'ai regardé le reste à charge, par exemple, chaque année des Français en matière de maladie,
01:36c'est 274 euros par an.
01:39Vous avez, en France aussi, moins besoin d'épargner pour financer les études de vos enfants.
01:43À part, évidemment, quelques cas où vous allez grandir,
01:46mais prenez le coût des études universitaires.
01:48En France, c'est quelques centaines d'euros.
01:49Ailleurs, c'est souvent plusieurs milliers d'euros.
01:53Vous avez peu de risques sur les crédits immobiliers par rapport aux pays anglo-saxons.
01:57Vous avez tous les plafonds pour éviter le surendettement, etc.
02:03Et donc, au final, on se dit, oui, les Français épargnent trop,
02:07surtout au regard quand même de ce qu'ils font de leur épargne,
02:10parce qu'au moins, ils feraient quelque chose d'utile de leur épargne,
02:12mais ce n'est pas le cas.
02:13Donc, oui, les Français épargnent trop.
02:14Jean-Marc.
02:15Alors, pas du tout.
02:16Les Français n'épargnent pas assez.
02:17Il y a un critère simple à l'économie,
02:19qui est que la situation d'épargne d'un pays se mesure à sa situation de balance des paiements courants.
02:25On apprend ça en première semaine de licence de Sciences Éco.
02:29Ça se dit S.I. plus T moins G égale X moins M avec des équations.
02:33Là, on est mauvais.
02:34Et là, on est mauvais, parce que notre balance des paiements courants est en déficit.
02:37Elle est en déficit depuis 2002.
02:39Elle a été exceptionnellement excédentaire en 2024 grâce aux Jeux Olympiques,
02:43mais les Jeux Olympiques ne se renouvellent pas tous les ans,
02:46malgré la volonté de Mme Hidalgo de nous mettre des ronds olympiques partout.
02:51Oui, bon, ok.
02:52Voilà, donc il n'y a plus les Jeux Olympiques.
02:54Donc, rien que pour le mois de juin,
02:55on a eu 3,4 milliards de déficit de notre balance des paiements courants.
03:00Alors, il faut voir que l'épargne d'un pays, c'est l'épargne des ménages,
03:02mais c'est aussi la situation de l'État, l'épargne de l'État,
03:05qui est dans des épargnes colossales,
03:07et c'est la situation des entreprises qui sont, elles,
03:09plutôt dans une situation à peu près assainie.
03:12Concrètement, si on compare d'ailleurs aux années 70,
03:14puisque dans les années, on remonte à 78-79.
03:17En fait, dans la décennie précédente,
03:19le taux d'épargne a pratiquement été systématiquement au-dessus de 20% en France,
03:24à une époque où le déficit budgétaire faisait juste son apparition.
03:27C'est-à-dire que la France n'avait pas à financer par son épargne
03:31une partie du déficit de l'État.
03:33Les Français n'avaient pas à financer par leur épargne une partie du déficit de l'État.
03:37Donc, la situation n'est pas exactement comparable,
03:41parce qu'il y a un acteur, qui est l'État,
03:43qui désépargne considérablement par rapport à la situation des ménages.
03:48Autre argument, autre élément clé,
03:50c'est que l'épargne, ça prépare l'avenir.
03:52L'avenir, c'est que la France est en train de vieillir.
03:55Les pays qui vieillissent ont besoin de préparer le vieillissement.
03:59Alors, effectivement, immédiatement, leur crédit immobilier...
04:01Enfin, c'est surtout les retraités qui épargnent.
04:03Donc, ce n'est pas ceux qui préparent la suite.
04:05Si, parce que les retraités, une fois qu'ils seront morts,
04:07ils auront des héritiers.
04:09Leur épargne arrivera entre les mains de leurs héritiers.
04:12C'est long, mais ça finit par arriver.
04:13Ça finit par arriver, et ça finira par arriver.
04:16Globalement, les pays qui sont dans la même situation que la France
04:19sont en train de dégager une épargne considérable.
04:21On a parlé de l'Allemagne, mais c'est aussi le cas de l'Italie.
04:23Sans parler du Japon, qui, lui, est dans une situation encore plus avancée
04:27en termes de vieillissement.
04:28Donc, ces pays dégagent énormément d'épargne
04:30et qu'ils investissent à l'étranger.
04:32Donc, là où je rejoindrai sur un point, Emmanuel,
04:35c'est le fait que l'épargne que nous avons est mal utilisée.
04:38Elle est mal utilisée, pourquoi ?
04:39Parce qu'elle est consacrée à financer le déficit public,
04:43mais pas exclusivement.
04:44Je rappelle quand même que la moitié de la dette publique
04:46est détenue par des étrangers.
04:47et elle est consacrée à des placements de court terme
04:51et à de l'immobilier, alors qu'il faudrait investir
04:55comme les Allemands, les Italiens, les Espagnols, les Japonais,
04:59dans les pays où il y a de la croissance.
05:00Emmanuel, si c'est les Français, ils refusent de consommer.
05:03En gros, ils préfèrent épargner au lieu d'aller payer de la TVA,
05:06de faire de la demande, etc.
05:08À un moment donné, l'État, il va dire
05:09c'est 6 600 milliards d'euros d'épargne que je vais aller chercher dedans,
05:13puisque moi, je fais la cigale.
05:15C'est là qu'il est l'argent, en fait.
05:17Alors, aujourd'hui, il n'y a rien qui permet dans la loi
05:19de permettre à l'État, effectivement, d'aller ponctionner.
05:23Ne vous inquiétez pas.
05:23Après, il y a des pays où ça s'est fait.
05:25Le cas de l'Islande, pas le cas de l'Islande,
05:28le cas de Chypre, c'est compliqué,
05:30parce que c'était vraiment une crise bancaire.
05:31Mais prenez l'Italie, par exemple,
05:32l'Italie en 1992, elle a décidé qu'elle prenait 0,6%
05:35sur les comptes de tous les Italiens.
05:39Donc, non, ça passera sans doute par la fiscalité, quelque part.
05:42Et notamment, je pense, par la fiscalité de l'assurance-vie.
05:44Donc, s'il y a un endroit où on peut être touché,
05:47c'est à peu près pareil.
05:49Après, par rapport à ce que dit Jean-Marc,
05:51je pense qu'il ne faut pas oublier,
05:53Jean-Marc étant un expert de la balance des paiements,
05:55que la contrepartie au déficit courant,
05:58c'est quand même des rentrées de capitaux.
05:59Ça peut vouloir dire aussi que l'étranger est très heureux
06:01de venir investir en France.
06:03Ça, c'est une bonne nouvelle.
06:05Que l'épargne est effectivement très concentrée en France
06:08et que vous avez quand même 40% seulement des ménages
06:12qui épargnent plus de 50 euros par mois
06:15et que vous pouvez effectivement avoir toutes les incitations
06:18que vous voulez.
06:18En gros, il y a une partie des Français qui a trop d'argent
06:21et vous pouvez l'inciter à faire n'importe quoi.
06:24Elle ne le fera pas.
06:24Et que cet argent est mal utilisé et qui roupille.
06:27Donc, moi, à la limite, j'ai envie de dire à Jean-Marc
06:28que je préfère de la consommation compétitive
06:31plutôt que de l'épargne improductive.
06:34Donc, ça ne me...
06:35Dix secondes, Jean-Marc.
06:36Dix secondes.
06:36D'abord, la consommation productive,
06:38je ne sais pas ce que c'est.
06:39L'augmentation de toute consommation dans ce pays
06:40se traduit par plus d'importation
06:42parce que nous sommes à un niveau d'utilisation
06:44de nos capacités de production qui est de saturation.
06:47Deuxième élément...
06:48C'est les services qui comptent, Jean-Marc.
06:49Oui.
06:50Enfin, je constate qu'effectivement...
06:51Deuxième élément, deuxième élément...
06:52Deuxième élément, concernant effectivement
06:55les pays qui nous financent
06:57parce que nous avons un déficit,
06:58ça veut dire que nous préparons
06:59la ruine de la génération future
07:00parce qu'il faudra les payer, ces financements.
07:02Et donc, on a parlé de l'égoïsme des boomers.
07:05Là, on est plutôt dans l'égoïsme des gens
07:07qui sont à l'heure actuelle aux manettes.
07:09Bien.