00:00Est-ce que Bercy s'est encore compté ? Il manque 10 milliards d'euros sur le budget 2025, c'est la troisième année que Bercy se trompe sur les prévisions de TVA,
00:09sans compter l'histoire du déficit en 2023 et en 2024. Pourquoi il y a autant d'erreurs, Emmanuel ?
00:15Oui, alors le Jean-Marc Daniel, pour fondeur des cryptos, il va moins faire le malin quand on va s'attaquer au Jean-Marc Daniel, ancien, de la direction du budget.
00:22Jean-Marc, il n'a pas dit un mot que déjà...
00:25Non, mais ce qui effectivement est frappant, c'est que les erreurs se multiplient au fil des années, au point de devenir presque structurelles.
00:33Vous vous rappelez, le grand choc, ça a été les 20 milliards de 2024, où quasiment on a parlé de scandales, de dissimulations, etc.
00:43Bruno Le Maire a justifié devant la commission d'enquête parlementaire, et effectivement le cauchemar continue avec cette année,
00:485 à 10 milliards de recettes de TVA dont on ne sait pas où ils sont passés.
00:52Alors, il y a des hypothèses qui sont, par exemple, ce qu'a mis en avant Amélie de Montchalin sur les petits colis en provenance de Chine, par exemple,
01:02dont la valeur serait sous-estimée, mal déclarée.
01:06Alors, c'est avec des montants tellement bas qu'on a du mal à calculer.
01:10François Cali, il n'y croit pas, ça.
01:11Oui, mais c'est des petites fuites fiscales, mais multipliées par des dizaines de millions de colis.
01:17Ça peut faire beaucoup. Non, après, il y a forcément des explications du côté de la fraude, sans doute,
01:23du côté des nouveaux modes de consommation reportés vers des produits qui rapportent moins de TVA.
01:29Bref, la philosophie de tout ça, c'est est-ce qu'il faut vraiment s'acharner à multiplier les techniques, à revoir tous les modèles ?
01:37On n'arrive plus à prévoir.
01:38Avec précision. Oui, voilà. Et il y a des pays dans lesquels la dramaturgie budgétaire ne passe pas forcément par un calcul très précis des recettes.
01:48Je pense aux Pays-Bas, par exemple. Mais à quoi ça sert, si vous voulez, de laisser les députés s'écharper sur des dizaines d'amendements
01:55qui rapportent quelques millions quand on se gourde 10 milliards d'euros ?
01:58Jean-Marc, vous avez travaillé au budget ?
01:59Oui, j'ai travaillé à la direction du budget, avec un objectif qui était de réduire le déficit budgétaire.
02:03Et j'ai connu un échec personnel, puisque même à l'époque où j'y étais, il y avait déjà du déficit budgétaire.
02:11Mais on calculait bien à l'époque, Jean-Marc ?
02:13Alors la question qui se pose, c'est qu'effectivement, à l'époque, on mettait en avant deux éléments.
02:17La première chose, c'est que le rôle de la direction du budget, c'est de contrôler la dépense,
02:21et que la véritable maîtrise qu'a l'État dans le budget, c'est sur ses dépenses, sur les recettes.
02:26Il est dépendant de la conjoncture économique, il est dépendant effectivement d'évolutions structurelles.
02:30Et j'ai connu la période où en 1993, au moment de la récession de 1993,
02:35l'ampleur des pertes fiscales était déjà considérée comme étant totalement aberrante
02:39par rapport à ce qu'on aurait pu s'attendre vu l'évolution de la récession.
02:42Donc c'est normal de se planter en fait sur les recettes ?
02:44Oui, et j'ai connu effectivement à une époque où à la direction du budget,
02:48les anciens évoquaient une très très vieille règle,
02:50qui était celle qui avait été établie au 19e siècle par un ministre des Finances qui s'appelait Villel,
02:54qui disait, écoutez, sur les recettes, vous n'avez pas une véritable maîtrise.
02:57Ce que vous maîtrisez, c'est vraiment les dépenses.
02:59Donc il faut que vous imposiez, à partir du moment où vous connaissez vraiment les recettes,
03:03c'est-à-dire celles de l'année précédente, voire de deux ans auparavant,
03:06vous dites à tous les gens qui vont dépenser que ce qu'ils ont à disposition,
03:10c'est l'équivalent des recettes.
03:12Vous gêlez quoi !
03:12On gèle effectivement une sorte d'année blanche,
03:15et puis à partir de ce moment-là, on voit comment ça évolue,
03:18on constate que si la situation économique s'améliore, il y a plus de recettes,
03:21on dégage des excédents.
03:23Si au contraire la situation économique se détériore, il y a moins de recettes,
03:26et donc on avait déjà théorisé...
03:28Donc on ne fait pas de prévision, on veut dire, dans ce cas-là.
03:29Voilà, on avait déjà théorisé l'idée qu'il y a un mécanisme de stabilisation automatique,
03:34et qu'à certains moments, il faut accepter l'idée que les recettes ne sont pas celles qui ont été prévues.
03:38C'est ce que font un peu les Pays-Bas, par exemple.
03:40Les Pays-Bas, en fait, eux, ils ont une trajectoire de croissance à moyen terme.
03:46En fonction de ça, il y a un niveau de dépense publique qui est jugé soutenable,
03:50et puis après, en fonction de la conjoncture, les recettes, elles sont parfois meilleures,
03:54parfois moins bonnes, mais effectivement, ça n'est pas la dramaturgie à laquelle on assiste chaque année en France
04:00autour de la prévision de Bercy du dixième de point de croissance.
04:05Non, je crois qu'il ne faut pas les faire, je crois qu'il faudrait effectivement accepter cette logique
04:08que vient de décrire Emmanuel, qui est la logique des stabilisateurs automatiques,
04:12qui est celle qui est prévue par les traités européens, c'est-à-dire qu'il y a des périodes
04:15où, effectivement, le déficit se creuse parce que la relativité ralentit,
04:19et puis il y a des périodes où, normalement, le déficit, non seulement s'annule,
04:22mais on dégage des excédents qui permettent de réduire la dette.
04:25Mais vous pouvez avoir des grosses, grosses surprises, quand même,
04:27avec un écart entre recettes et dépenses, si vous faites ça, parce que si l'activité se dégrade...
04:31Oui, il y a eu beaucoup d'années, on a eu des bonnes surprises.
04:32Oui, mais...
04:33Alors, ce qu'il faut, effectivement, c'est avoir une évolution des dépenses,
04:37elles, qui soient véritablement normées sur le moyen et long terme,
04:40à partir des hypothèses de croissance.
04:42Et puis, je crois qu'il y a, pour finir avec la formule latine du mardi,
04:47c'est fide, c'est quivide, c'est-à-dire qu'il faut faire confiance aux gens qui ont fait leur preuve.
04:52C'est-à-dire, dans tous les gens qui font des prévisions, maintenant,
04:55il n'y a pas que Bercy qui fait des prévisions.
04:57À la limite, il faut faire ça comme à l'anglaise, où on dit...
05:00On multiplie les instituts et on fait une synthèse.
05:02Et on fait une synthèse, et puis on rémunère en fonction de la capacité...
05:06Jean-Marc, il y avait un truc qui s'appelait le groupe technique
05:10de la Commission des Comptes de la Nation, il y a longtemps,
05:12qui réunissait tous les instituts de conjoncture
05:14pour discuter prévisions avec Bercy.
05:18Ça n'existe plus.
05:18Bah si, on n'a pas essayé de faire un groupe d'experts,
05:20dans lequel il y a tous les gens des experts d'ici qui sont à Bercy.
05:22Il y en a qui ont essayé, mais ils ont eu des problèmes.
05:24Ah bon, mais si, on a fait un truc...
05:26Oui, mais ça n'a pas vraiment été refait.
05:29Enfin, le café, quoi.
05:29Bah, en tout cas, non.
05:32Moi, j'ai connu ça, quand j'étais au centre de prévision de l'exposition,
05:34je participais à ça, avec tous nos amis qu'on revoit aujourd'hui,
05:37qui sont tous nos économistes qui défilent à l'antenne,
05:39qui participaient à ces réunions, qui étaient très intéressantes.
05:41Merci à tous les deux.