00:00Face à mes deux chiffres aujourd'hui, c'est Jean-Marie Daniel.
00:02On l'a dit 100 fois sur ce plateau, Emmanuel.
00:05La réforme des retraites, c'est systémique.
00:07Si on revient dessus, ça va faire monter les marchés obligataires.
00:09Rien de rien, on vient de le voir avec Étienne.
00:11On a même signé un record sur le CAC 40 au même moment où on votait le texte à l'Assemblée.
00:15C'est des autruches, le marché ? Qu'est-ce qui se passe ?
00:17Non, mais je crois qu'il y a à la fois un problème d'horizon,
00:22c'est-à-dire qu'il ne faut pas qu'on se trompe sur ce qui relève du court terme,
00:25de ce qui relève du long terme,
00:27et qu'il y a quand même toujours une logique sur les marchés.
00:30Bon, évidemment, quand il y a un marché directeur qui est les États-Unis, par exemple,
00:37eh bien oui, quand il se passe quelque chose aux États-Unis, tous les marchés suivent.
00:41Mais il y a une logique, en fait, hier, dans cette histoire d'adoption,
00:44finalement, des retraites simultanées et du record du CAC,
00:47c'est que, bon, quand vous êtes sur les marchés, vous regardez quoi ?
00:50Vous regardez le coût, finalement, de ce renoncement,
00:53et on voit que pour 2026-2027, c'est un coût qui est, allez, 300 millions pour 26,
01:01un peu plus, presque 2 milliards pour 27.
01:04Oui, mais sauf que quand vous mettez en face de ça le coût de l'instabilité politique,
01:09qu'on connaît maintenant, puisque ça a été chiffré,
01:11grosso modo, c'est 1 milliard par mois.
01:121 milliard d'euros, 1 milliard d'euros de PIB en moins par mois.
01:18Donc, puisque vous avez les recettes publiques qui font à peu près la moitié du PIB,
01:23500 millions par mois de recettes en moins pour les caisses de l'État.
01:26Donc ça vaut le coût.
01:27C'est-à-dire que si on se dit, ben là, c'est qu'une pause après, on a l'élection présidentielle,
01:32et en gros, le coût économique, finalement, de la stabilité politique, certes acheté cher,
01:37eh bien, c'est quand même mieux que le bazar politique.
01:40Et puis après, à long terme, effectivement, et ça, Étienne l'a rappelé,
01:43les marchés, ils ne sont pas fous.
01:44Quand on dit les marchés, ça salue les licenciements boursiers, etc., etc.
01:48Mais la réalité, c'est qu'à long terme, il n'y a pas de miracle,
01:50et qu'effectivement, on est dans une situation d'instabilité politique
01:54et de régression sur les réformes économiques et sociales,
01:57et que la Bourse de Paris, du coup, performe beaucoup moins que les autres,
02:02et que c'est un appauvrissement pour le pays,
02:03et c'est un appauvrissement pour nous aussi, les épargnants.
02:05Jean-Marc.
02:06Écoutez, je pense que sur les marchés,
02:10je reprendrai la formule d'un des grands spécialistes,
02:12un prix Nobel d'économie, qui était Robert Schiller,
02:14qui citait cette formule célèbre du philosophe allemand Hegel,
02:18qui est « l'oiseau de Minerve s'envole au crépuscule ».
02:21Ça veut dire quoi en français ?
02:22Ça veut dire que l'oiseau de Minerve, c'est l'intelligence,
02:25et « s'envole au crépuscule », c'est-à-dire qu'elle s'envole
02:27à la fin de la journée, parce qu'elle ne sait pas
02:30ce qui va se passer dans la journée.
02:32Et donc, elle combat avec intelligence le passé,
02:35parce qu'elle est incapable de prévoir l'avenir.
02:37En réalité, tous les gens rationnels,
02:39ils sont capables d'expliquer ce qui s'est passé,
02:41mais rarement capables de véritablement prévoir ce qui va se passer.
02:45Alors, pourquoi Robert Schiller réagissait ?
02:47Il réagissait à une formule célèbre d'Alan Greenspan,
02:50qui n'a utilisé ça qu'une seule fois,
02:52c'était en décembre 1996,
02:53il a parlé d'exubérance irrationnelle des marchés.
02:57C'est-à-dire, effectivement, il y a des périodes
02:59où les marchés s'emballent.
03:00Alors, est-ce qu'il peut y avoir de la rationalité dans tout ça ?
03:02Je pense qu'il y a quand même deux éléments qui jouent.
03:04Le premier élément, c'est que normalement,
03:06en théorie, ce qu'on apprend à nos étudiants,
03:07c'est que les cours de bourse représentent
03:10les anticipations de bénéfices futurs des entreprises.
03:13Donc, on peut considérer que, effectivement,
03:15un certain nombre de gens considèrent
03:17que l'intelligence artificielle,
03:20tout le discours sur les nouvelles technologies,
03:23va avoir un impact sur la réalité des entreprises.
03:26même si, Étienne l'a rappelé,
03:28c'est plutôt les économies à l'ancienne,
03:31c'est plutôt les entreprises dans les secteurs les plus anciens
03:33qui performent pas mal en ce moment.
03:35Mais donc, il y a cette idée que, finalement,
03:37ce n'est pas parce qu'on n'a pas de ministre de l'économie
03:39qui dure plus de trois mois
03:40que, fondamentalement, les entreprises sont menacées
03:43dans leur existence et dans leurs projets.
03:45Ce n'est pas parce que le gouvernement est menacé
03:47que les entreprises...
03:48Non, mais quand vous votez que des dépenses,
03:50pas de recettes, à un moment donné, quand même,
03:52vous voyez, il va y avoir un problème.
03:53Oui, et après, le deuxième élément...
03:54Mais encore une fois, ça n'engage pas sur très longtemps.
03:58Le deuxième élément, si vous voulez,
04:00c'est ce que disait, notamment,
04:01alors là aussi, un économiste assez célèbre,
04:03qui est Robert Marot,
04:04toutes ces histoires d'écoïvalence ricardienne.
04:06Il y a un moment où, effectivement,
04:08la société, quand elle voit l'incapacité de l'État
04:10à équilibrer ses comptes,
04:11quand elle voit l'incapacité des élites
04:14à équilibrer la gestion publique,
04:17elle se réfugie dans l'épargne
04:18et elle va se porter sur deux éléments,
04:20l'immobilier et la bourse.
04:23Et donc, c'est Robert Marot,
04:25disait, le déficit budgétaire de Reagan
04:28aura eu comme conséquence
04:30de chasser la classe moyenne de Manhattan
04:31et d'enrichir les fonds de pension.
04:33Jean-Marc, moi, je veux bien qu'on se réfère
04:35à des gens comme Alan Greenspan,
04:36qui nous a quand même dit tout et son contraire.
04:39C'est-à-dire que, quand Greenspan dit,
04:42effectivement, l'exubérance irrationnelle des marchés,
04:44c'est le même Alan Greenspan
04:45qui disait, pour défendre l'efficacité des marchés,
04:48mais comment voulez-vous que moi,
04:50banquier central,
04:52je sois mieux informé
04:53que ces dizaines de milliers de gens
04:55qui, eux, ont des informations,
04:57qui font les marchés
04:58et dont tout le savoir et la connaissance
05:01se, finalement, concentrent
05:03dans une seule information
05:04qui est le prix,
05:05qui est le cours.
05:06Donc, la réalité,
05:08c'est qu'on est quand même
05:09sur une forme
05:10à la fois d'irrationalité par moment,
05:14mais de grande rationalité
05:15qui est qu'aujourd'hui,
05:16les fondamentaux de l'économie française
05:17sont mauvais,
05:19sont plus mauvais
05:20que ceux des autres pays européens
05:21et que, du coup,
05:23on a un indice boursier
05:25qui, sur le long terme,
05:26effectivement,
05:26ne peut pas défier
05:27les lois de la gravité économique
05:29et les lois d'apesanteur.
05:30Ce que je comprends, Jean-Marc,
05:31avec vos histoires d'oiseaux,
05:32c'est qu'on ne sait pas
05:34ce qui va se passer demain
05:34et ce n'est pas parce que
05:35les marchés aujourd'hui
05:36font un plus haut en séance
05:38que ça a garanti
05:39que demain, ça va se courir.
05:40Les gens qui vont commenter
05:41commenteront le passé.
05:42Mais leur capacité
05:43à prévoir ce qui va se passer...
05:44C'est le « je ne suis pas madame Irma ».
05:45Le « je ne suis pas madame Irma ».
05:46En clair.
05:47La seule chose qui est un peu solide
05:48dans tout ça,
05:49c'est encore une fois,
05:49il y a quand même
05:50des anticipations d'évolution de profit
05:52et donc des situations
05:53qui sont des situations
05:54des entreprises
05:54et pas de l'État.
05:55Et la deuxième chose,
05:56c'est que vis-à-vis de l'État,
05:58il faut se prémunir
05:58contre, effectivement,
06:00cette tendance de l'État
06:01à vouloir augmenter
06:02systématiquement les impôts.
06:03Et pour ça,
06:03il faut avoir mis
06:04un peu d'argent de côté
06:05donc autant le mettre en bourse.
06:06Merci beaucoup à tous les deux.
06:07On se retrouve demain.
06:09Femme et le Chiffre
06:09sera face à Raphaël Lejean
06:10puisque demain,
06:11nous sommes vendredi.