00:00Gabriel Attal tente de résister au milieu des questions de retraite, c'est compliqué pour lui,
00:04il faut qu'il avale la suspension de la réforme aujourd'hui.
00:06Alors il propose de changer le système en misant sur la liberté de chacun, chacun part quand il veut.
00:11Alors pour éviter qu'il y ait des pensions trop faibles, il a cette proposition,
00:141000 euros versés à chaque enfant à partir de la naissance, c'est placé sur un fonds,
00:19chacun peut abonder après parents ou grands-parents.
00:22Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise idée, Emmanuel ?
00:24La réforme que propose Gabriel Attal, c'est vraiment un art de la synthèse
00:30de tout ce qui pourrait être effectivement une bonne réforme des retraites,
00:34c'est-à-dire qu'il prend ce qu'il y avait de meilleur dans le projet de retraite à points
00:38qui a finalement été abandonné, qui était le projet initial porté par Édouard Philippe quand même au départ,
00:46donc avec l'avantage de la souplesse, il n'y a plus d'âge de départ légal,
00:52vous cotisez en fonction d'un nombre de trimestres et vous touchez directement.
00:56C'est un système aussi où il veut de la simplicité,
00:58donc il supprime quand même les régimes spéciaux, il veut de l'individualisation,
01:03il veut de la capitalisation progressive effectivement,
01:06et là on reconnaît un peu la patte de ce qui s'est fait en Allemagne
01:10avec le chancelier Friedrich Merz qui avait proposé, lui alors un système un peu équivalent
01:14où on mettait 10 euros par mois aux enfants, etc.
01:16Donc sur le papier, tout ça est absolument parfait,
01:20simplement il y a quand même des écueils qui se dressent malgré l'aspect très séduisant de cette réforme,
01:28c'est-à-dire qu'il y a un moment où quoi qu'il arrive, que ce soit collectivement ou individuellement,
01:32si on ne travaille pas plus, il n'y aura pas plus d'équilibre du système des retraites.
01:37Là il y a un point qui est ambigu dans sa proposition, par exemple c'est que dans tous les systèmes à points,
01:40quand vous touchez, quand vous avez vos euros, vous les convertissez en points,
01:44là lui il est converti directement en euros.
01:46Oui, sauf que quand vous convertissez en points, ça vous permet d'assurer l'équilibre du régime.
01:52Donc sur le papier, c'est très séduisant, encore une fois, le diable se cache dans les détails
01:57et il y en a beaucoup encore à élucider.
01:59Jean-Marc, qu'est-ce que vous en pensez ?
02:01Ah, c'est de l'enfumage intégral, c'est-à-dire que comme l'a dit Emmanuel,
02:05à un moment donné il faut quand même voir que ce dont on a besoin c'est de production et donc de travail.
02:09Mais vous êtes pour la capitalisation dès la naissance ?
02:12Moi je suis pour la capitalisation, mais je pense que le véritable enjeu,
02:16par-delà la capitalisation, c'est effectivement de projeter de l'épargne
02:19au travers d'un système de retraite, au travers du PER, au travers de l'action de nos entreprises,
02:24dans les endroits où il y a des gens qui travaillent.
02:27C'est-à-dire que, je reviens au bon vieux principe d'Alfred Sauvi,
02:30c'est-à-dire que le problème des retraites c'est le seuil d'Anquise.
02:33Vous savez, Anquise c'est ce personnage dans la guerre de Troyes qui est le père d'Ainé.
02:37Et à la sortie, dans Virgile, à la sortie, Ainé emporte son père sur ses épaules.
02:43Et ce que dit Alfred Sauvi, c'est qu'Anquise qui est le retraité,
02:47il est sur les épaules du gars qui travaille.
02:49Et donc le véritable enjeu, c'est le nombre de gens qui travaillent.
02:52Donc vous pouvez faire tout un tas de bonnes taux,
02:54vous pouvez dire, tu as vu où est l'argent, tu as vu l'argent, c'est en euros, c'est là, c'est à gauche, c'est tout.
02:59Pour vous ça ne résout pas le problème ?
03:00Non, le seul véritable problème, si vous voulez, dans le rapport Charpin
03:03qui avait été fait à la demande de Jospin,
03:05à la fin, Charpin, avec évidemment des réserves des syndicats
03:10qui disaient, il faut regarder ça de plus près, tout ça,
03:12il disait, il n'y a que quatre éléments qui vont jouer.
03:14Le premier élément, c'est l'allongement de la durée de cotisation,
03:17c'est ça qui est un...
03:18Le deuxième élément, c'est la constitution d'un fonds de réserve,
03:21c'est-à-dire un début de capitalisation pour projeter de l'épargne
03:24et préparer effectivement l'avenir en projetant de l'épargne là où il y a du travail.
03:27L'élargissement de l'assiette de financement, c'est-à-dire on peut effectivement...
03:31Et la modification des règles d'indexation, c'est-à-dire le partage
03:34entre les actifs et les inactifs de la production qui est réalisée.
03:37Tout le reste, à mon avis, c'est...
03:39C'est du blabla, quoi.
03:40C'est du blabla.
03:40Donc il faut trouver quelqu'un qui est capable de dire aux Français
03:42qu'il faut travailler plus.
03:43Il faut travailler plus, il faut épargner plus
03:45pour aller effectivement investir dans les endroits où il y a des jeunes.
03:48Et alors, puisque c'est mardi,
03:49ça fait un certain temps que je n'ai pas fait de citation latine.
03:51Oui, c'est vrai.
03:52Je me permets de rappeler à tous ces gens-là,
03:55ave, ave, avès, avès, essai.
03:58C'est-à-dire ?
03:58C'est-à-dire, c'était ce que disaient les jeunes romains à leurs ancêtres.
04:03Ils leur disaient, salut ancêtre, salut grand-père,
04:06tu veux manger des oiseaux ?
04:08Et ils apportaient à ce moment-là un plat
04:09où il y avait les oiseaux qui étaient cuits, qui étaient cuisinés.
04:13C'est-à-dire qu'effectivement, c'est les jeunes qui doivent assumer...
04:16Qui apportent des oiseaux.
04:16Qui apportent des oiseaux aux vieux, il n'y a pas d'autre solution.
04:19Non, la difficulté, c'est qu'effectivement,
04:23c'est un peu la faiblesse de ces propositions
04:27que je qualifierais de françaises en général.
04:29C'est-à-dire qu'elles sont habillées d'une perfection technique
04:33qui fait qu'on a l'impression qu'on peut s'affranchir des lois de la gravité.
04:37Mais ce qui ne veut pas dire, travaillez plus !
04:38Oui, voilà, les lois de la gravité économique et politique aussi,
04:42parce que oui...
04:43Et démographique !
04:44Et démographique !
04:45Oui, mais c'est bien pour ça qu'à un moment,
04:46un, il va falloir quand même travailler plus.
04:48La problématique de faire travailler plus les seniors,
04:50elle reste intacte.
04:51Et puis la problématique politique,
04:53qui va consister à faire adopter cette réforme des retraites,
04:56elle est, elle aussi, intacte.
04:58Notamment quand vous voulez supprimer tous les régimes spéciaux,
05:01on voit bien à quel point c'est extrêmement compliqué.
05:03Donc ça peut être une ligne directrice.
05:06Elle a le mérite de la simplicité.
05:08Donc on avance progressivement.
05:09Mais effectivement,
05:10ça n'est pas la réforme qui va nous permettre de nous affranchir.
05:14Mais il reste 20 secondes.
05:15Pourquoi on n'arrive pas à sortir du déni démographique ?
05:17Pourquoi en France, on pense toujours qu'on est une société qui fait plein d'enfants ?
05:21Pourquoi on ne sort pas de là ?
05:22Alors je ne sais pas si on est encore une société qui pense qu'on fait plein d'enfants.
05:26Sinon, on ne reviendrait pas sur la réforme.
05:29Ah non, mais ce n'est pas pour des raisons démographiques qu'on revient...
05:31On se croit en capacité de financer le système des reprises.
05:34Mais oui, mais pas parce qu'on est dans le déni démographique,
05:37parce qu'on est dans le déni financier.
05:39Et qu'en France, la problématique,
05:41ce n'est pas la façon dont vous envisagez la démographie,
05:43c'est la façon dont vous considérez un déficit.
05:46Et en France, un déficit, on considère qu'on pourra toujours le financer.
05:49Jean-Marc.
05:49Non, juste pour répondre à cette question,
05:51dans le rapport Charpin, ce fameux rapport Charpin,
05:53que j'invite les auditeurs à lire,
05:56il y a la contribution de la CGT.
05:58Et la CGT dit, tout ça aussi, c'est très intéressant,
06:00mais vous faites des projections à 40 ans,
06:03vous êtes dans l'incapacité de prévoir ce qui va se passer
06:05dans les 40 ans qui viennent.
06:06Souvenez-vous des projections qui avaient été faites en 1938
06:08sur l'évolution de la démographie.
06:11Et donc la démographie, elle a été secouée par la guerre,
06:13puis par le baby-boom.
06:14Donc il faut aussi rester modeste dans la façon dont vous traitez
06:19l'évolution du système de retraite.
06:20Merci à tous les deux.