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Dans cette intervention sur Thinkerview, Jean Marc Jancovici, ingénieur et expert énergie climat, fondateur du Shift Project et membre du Haut conseil pour le climat, explique pourquoi notre économie doit être réorientée face à la décrue énergétique.
Il revient sur la dépendance du tertiaire, les limites de l’électrification, la planification écologique, les 56 sites industriels les plus émetteurs et les incohérences des politiques publiques. Jancovici décrit l’impact des chocs comme le covid et la guerre en Ukraine, l’évolution du discours politique et la libération progressive de la parole autour de la décroissance.
Une analyse claire et directe sur l’avenir énergétique et industriel de la France.

#écologie #climat #transition #thinkerview #jancovici

Catégorie

📚
Éducation
Transcription
00:00J'ai compris un truc, de plus, c'est qu'en fait, un plan un peu massif de réorientation de l'économie,
00:08on ne le ferait que derrière un choc.
00:10C'est-à-dire que ce n'est pas en période tranquille qu'on décidera mardi matin,
00:15alors que lundi était un lundi ordinaire,
00:17« Tiens, tout d'un coup, paf, on va faire la révolution. »
00:19Ce n'est pas comme ça que ça va se passer.
00:20On continue d'aller vers un système qui n'est pas du tout résilient face à la décrue énergétique.
00:31On continue à construire des autoroutes, à étaler l'urbanisme,
00:34à avoir des métiers tertiaires qui sont dépendants de flux longue distance
00:39et de production industrielle sous-jacente qui se trouve chez les autres maintenant et plus chez nous.
00:43Enfin bon, bref, on n'a pas du tout commencé à adapter le fonctionnement de la société
00:48à quelque chose qui va devenir...
00:51Si on le faisait, ce n'est pas nécessairement très grave.
00:53On arrêterait d'avoir des bagnoles d'une tonne et demie,
00:55on retrouverait des bagnoles de 500 kg
00:56et une partie d'entre nous ferait du vélo électrique et ce n'est pas très grave.
00:59Mais sauf que pour ça, il faut anticiper.
01:01Il faut construire les filières de fabrication, former les compétences.
01:06Ce n'est pas la même compétence pour réparer un vélo et pour visser
01:09et pour faire une soudure sur une bagnole.
01:10Tout ça, ce n'est pas pareil.
01:12Alors, on rebobine un peu.
01:15Quand tu as compris tout ça que les flux énergétiques, c'était l'économie,
01:17c'était notre société, ainsi de suite,
01:20tu as prononcé les mots magiques.
01:22Eureka ! Tu as compris ?
01:24Non, je ne parle pas grec.
01:25Tu ne parles pas grec.
01:26C'est bigo !
01:27Sauf sous la torture, comme il dit l'autre.
01:29C'est vrai.
01:30Si tu parles grec un petit peu.
01:31Eureka, oui.
01:34Donc, quand tu as eu cet éclair de lucidité
01:37à te reconnecter avec les fondamentaux de base
01:40de soutenabilité de notre société thermo-industrielle,
01:42quand tu as une allocution de notre ministre de l'Industrie,
01:48de l'économie ou de notre leader charismatique président Macron,
01:53quand tu les entends parler un petit peu de ton sujet
01:55ou d'anticipation ou de plans sur la comète
01:59ou de danses sur leur chaise,
02:02ça te provoque quel sentiment ?
02:05Alors, maintenant, tu t'es midi-tratisé
02:08à ce type d'intervention publique,
02:12donc ça ne te fait même plus réagir,
02:14ou des fois, tu as quand même un petit pincement
02:16ou tu as un petit mot dans ta tête
02:18ou tu jures la main sur le cœur ?
02:21Alors, il faut reconnaître une chose,
02:23c'est que depuis un an...
02:24Ils essayent ?
02:25Le contexte a quand même radicalement changé.
02:28À cause de la guerre ?
02:29Probablement.
02:31Ils auraient mis les yeux en face des trous ?
02:32Probablement.
02:33Alors, au moment où, au chiffre project,
02:36on avait fait le plan de transformation de l'économie française,
02:38c'est-à-dire on l'a démarré au moment du Covid...
02:40Ils ont pris pour un guignol.
02:41Ce n'est pas du tout ça que j'allais dire.
02:43Ça, c'est peut-être vrai, mais...
02:44En fait, on a compris...
02:45J'ai compris un truc, de plus.
02:48C'est qu'en fait, un plan un peu massif
02:52de réorientation de l'économie,
02:54on ne le ferait que derrière un choc.
02:56C'est-à-dire que ce n'est pas en période tranquille
02:57qu'on décidera mardi matin,
03:00alors que lundi était un lundi ordinaire,
03:03tiens, tout d'un coup, paf, on va faire la révolution.
03:05Ce n'est pas comme ça que ça va se passer.
03:07Donc, en fait, on a compris un truc,
03:09c'est que ce qu'il fallait, c'était d'avoir les plans prêts
03:11pour le moment où il y aurait vraiment le choc
03:14qui allait déclencher la réorientation.
03:16Alors, je pense que la guerre en Ukraine a joué ce rôle-là.
03:18Le Covid ne l'a pas joué.
03:20Il a joué un rôle de réveil des consciences
03:23où un certain nombre de gens, dont moi,
03:26se sont dit qu'il faut absolument qu'on ait un plan prêt
03:27pour la prochaine fois,
03:28enfin, qu'on ait le début d'une direction
03:30dans laquelle aller pour la prochaine fois.
03:32Et là, c'est un...
03:33Alors, ce n'est pas ce qui est en train de se passer,
03:35mais on commence à voir des choses.
03:37Par exemple, au sein du gouvernement,
03:39on a créé une administration dédiée,
03:41qui est le secrétariat général à la planification écologique.
03:44Il y a un numéro vert avec ou pas, non ?
03:45Il y a un numéro pas vert, je pense,
03:47qui est chargé...
03:49Maintenant, plus rien n'est payant dans les appels téléphoniques.
03:51Tout est compris dans les abonnements forfaitaires.
03:53Donc, le numéro vert n'a plus de sens.
03:54C'est bon pour les vieux comme nous,
03:57c'est le numéro vert.
03:58Surtout toi, non ?
03:59Surtout moi.
04:00Mais donc,
04:02le...
04:03Donc, c'est un organisme
04:05qui est chargé explicitement
04:06de penser le long terme
04:07et de penser le cadrage général.
04:09Et le profil des gens à l'intérieur ?
04:11Alors, c'est des fonctionnaires.
04:13Et en fait, c'est beaucoup des gens que je...
04:15Enfin, pour certains,
04:16leur nom était connu d'avant
04:17et c'est des gens qui réfléchissent
04:18à la question depuis un certain temps.
04:20Ils réfléchissent avec le même schéma ?
04:22On est capable de se parler.
04:25C'est-à-dire qu'ils comprennent mon cadre de raisonnement
04:27et quelque part, ils l'acceptent.
04:30Enfin, je veux dire,
04:31il y a une acceptation au moins partielle
04:33de ce cadre de raisonnement.
04:34D'accord ?
04:36Il y a quand même,
04:38dans la parole politique aujourd'hui,
04:40le sujet environnement-ressources
04:42qui est beaucoup plus présent
04:43que ça ne l'était.
04:45On a quand même fait un virage sur l'aile
04:47en ce qui concerne la manière
04:50dont on abordait le système électrique.
04:51On est quand même passé de Macron
04:53fermant Fessenheim
04:54à Macron disant...
04:56Qui aurait pu prédire ?
04:57Ouais, enfin, je vais quand même partir
04:59totalement à l'opposé, finalement.
05:02Ça s'appelle comment ça ?
05:03Au-dessus des toits,
05:04c'est une girouette ?
05:06Alors, c'est une girouette
05:07quand on fait ça tout le temps.
05:09Si on est un peu plus sympa,
05:11quand on fait ça une fois et pas deux,
05:12on peut se dire,
05:13c'est reconnaître ses erreurs.
05:14T'as déjà vu une girouette
05:14qui se prend une tatane de bourrasque ?
05:17Donc, il commence à y avoir
05:21au niveau des ministères
05:23des réflexions un peu opérationnelles.
05:26On va planter des arbres en sixième.
05:28Non, c'est pas ça ?
05:28Oui, non, mais ça, c'est cosmétique.
05:29Ah oui, ça fait rêver.
05:33On commence à s'intéresser un peu
05:35à l'avenir de la forêt française.
05:37J'avais trop tard.
05:38On est bien d'accord.
05:39Après 25 ans de rapports
05:41qui se sont empilés les uns sur les autres,
05:43qui disaient à peu près tous la même chose
05:44et qui sont restés d'être remotes.
05:45Il faut essayer de prévenir, d'ailleurs.
05:46Oui, oui, oui, mais ça y est.
05:48Alors, il a fallu qu'on se prenne des baffes.
05:50Les incendies, les squelettes,
05:52le dépérissement, etc.
05:53Mais ça commence à venir.
05:55L'agriculture,
05:56alors ça, c'est toujours
05:56électro-encéphalogramme plat.
05:58Le ministère de l'Agriculture
05:59est probablement celui
06:00qui est le plus en retard
06:00dans cette histoire.
06:02Et pourquoi ?
06:02Parce qu'il n'y a pas de solution
06:03à convertir de la calorie fossile ?
06:06J'y reviendrai après.
06:09On se perd un peu en conjecture.
06:10À l'industrie,
06:13ils ont commencé quand même
06:14à avoir à la fois un discours,
06:16une réflexion.
06:17Il y a un sujet sur les 50 sites
06:18les plus émetteurs de CO2.
06:20Sur certains de ces sites,
06:21il y a des plans industriels.
06:22Alors, ils ne se feront pas.
06:23Mais ce que je veux dire,
06:24c'est qu'on a commencé
06:24à descendre à l'étage en dessous.
06:26On a commencé à descendre
06:26un peu dans la soute
06:27et à commencer à réfléchir
06:29à un certain nombre de trucs
06:30qui sont opérationnels.
06:34Il y a toujours des choses
06:35qui partent dans le mauvais sens.
06:36Je le redis.
06:37Je ne comprends pas, par exemple,
06:38qu'on construise l'autoroute
06:39en Occitanie.
06:41C'est un truc
06:42qui n'a pas de sens pour moi.
06:45Il y a des aménagements.
06:48Je ne comprends pas, par exemple,
06:49quitte à partir
06:51dans la véhicule électrique
06:52qu'on autorise
06:52les véhicules électriques
06:53de 2 tonnes et demie.
06:550 à 100, 2 secondes, 1.
06:57Tu ne connais pas le plaisir,
06:57c'est pour ça ?
06:58Non, je ne connais pas le plaisir.
06:59Mais ce que je sais,
06:59c'est que les véhicules électriques,
07:01ils les font en priorité
07:01pour des gilets jaunes.
07:02Il ne les faut pas en priorité
07:03pour des gens
07:04qui ont mon pouvoir d'achat
07:05ou celui des gens
07:06qui peuvent s'acheter une Tesla.
07:06Alors, certes,
07:08c'est chez ces gens-là
07:10qu'on va faire la marge.
07:11Mais quand on regarde
07:12en termes de besoins globaux du pays,
07:14ce n'est pas là d'abord
07:14que ça doit aller.
07:16Mais il y a eu une réponse
07:18il n'y a pas longtemps
07:19sur le bonus écologique
07:20qui maintenant va intégrer
07:21l'empreinte carbone
07:22de fabrication des véhicules
07:23et qui va exclure, justement,
07:26les véhicules les plus lourds
07:27ou qui va inclure,
07:30quelque part implicitement,
07:31une espèce de bail européen acte.
07:32Donc, on commence à voir des prémices.
07:35Il y a eu un colloque
07:37il n'y a pas longtemps à l'Europe,
07:38alors ça, ce n'est pas la France,
07:39c'est l'Europe,
07:39où Wanderlein est quand même
07:41allé inaugurer une discussion
07:42sur la décroissance.
07:43Alors, moi, je me méfie
07:43des grands mots.
07:44La décroissance, pour moi,
07:45ça ne veut tout dire et rien dire.
07:46On se méfie aussi
07:46de Wanderlein.
07:47Oui, mais il y a quand même
07:48un signal qui est envoyé.
07:49Ça veut dire que vous avez
07:50le droit d'en parler,
07:50vous avez le droit d'y réfléchir,
07:52vous avez le droit
07:52de faire des propositions.
07:53C'est ça que ça veut dire en pratique.
07:54Ça ne veut pas dire
07:55j'ai tout compris.
07:55Ça veut dire que le sujet
07:56est sur la table.
07:58On peut en parler,
07:59on peut prendre un angle différent
08:00sur l'avenir, etc.
08:01C'est ça que ça veut dire en pratique.
08:03Donc, moi, je trouve...
08:04Alors, je ne suis pas en train de dire
08:05qu'on est sortis d'affaires.
08:06Ce n'est pas du tout ça
08:06que je suis en train de dire.
08:08Mais je trouve qu'il y a eu
08:09un tournant depuis un an
08:10ou un an et demi, quand même.
08:11Et je pense effectivement
08:12que la guerre en Ukraine
08:13a dû jouer un rôle significatif
08:14là-dedans sur une partie
08:17des choses qui sont discutées,
08:21éventuellement décidées,
08:23éventuellement envisagées.
08:25qu'on n'avait pas avant.
08:27Il y a quand même
08:27une forme de libération
08:28de la parole
08:28sur un certain nombre de sujets.
08:31Sous-titrage Société Radio-Canada
08:34Sous-titrage Société Radio-Canada
08:38Sous-titrage Société Radio-Canada
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