- il y a 5 jours
Lundi 3 novembre 2025, retrouvez Julie Catala Marty (Associée, BCLP), Alexandre Lercher (Analyste Litigation, IVO Capital Partners) et Gabriel Lluch (Directeur juridique Concurrence et Réglementation, Orange) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.
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00:00On poursuit ce Lex Inside, le grand débat.
00:15Nous allons explorer ensemble les stratégies d'anticipation, de défense, de financement et de communication face à ces contentieux de masse.
00:25Et on va tout de suite débuter avec vous, Gabriel, cette deuxième partie pour savoir comment on peut anticiper ce type de risque.
00:34Alors concrètement, comment une direction juridique peut anticiper un contentieux de masse ?
00:40Alors il y a deux cas de figure. Comme l'a rappelé Julie, on a deux types de contentieux.
00:44On a la class action qui va émerger sur un problème qui n'était pas détectable,
00:48au cas du dieselgate pour Volkswagen ou un problème qui est lié à un souci du secteur.
00:55Et puis on a le contentieux dit de follow-on, qui est le contentieux concurrence.
00:59Celui-là, on le voit un peu arriver quand même, puisque normalement vous avez vécu devant l'autorité de la concurrence
01:03avec une procédure qui a déjà été longue.
01:05Donc vous avez eu le temps de l'avoir émergé.
01:07Après, ça ne veut pas dire qu'on connaît les griefs très tôt dans le dossier.
01:11On les connaît à la fin, mais on est capable d'imaginer ce que vont être les contentieux indemnitaires.
01:17Donc là, on peut s'organiser et évidemment, on a déjà une équipe qui est celle qui a travaillé sur le contentieux concurrentiel,
01:25donc avec les avocats, avec les économistes.
01:27Ça, ça permet déjà de s'organiser sur les contentieux de follow-on.
01:30Les contentieux qui sont plus exceptionnels, non pas que les contentieux concurrence ne soient pas exceptionnels,
01:35mais les contentieux que vous ne voyez pas émerger, c'est beaucoup plus compliqué,
01:37parce que là, il y a un effet de découverte.
01:40C'est quel type de contentieux ?
01:41Alors typiquement, moi, si je prends le secteur des télécommunications,
01:43on a eu un contentieux où on a eu une plainte de 400 demandeurs
01:49qui estimaient subir un préjudice individuel de santé lié à la 5G.
01:55Donc on découvre ça, et qui d'ailleurs est médiatisé immédiatement,
01:59puisque c'est aussi une stratégie des gens qui montent ce type de dossier,
02:05qui est de dire, voilà, il y a un problème de santé publique, c'est très grave.
02:08Et donc là, vous découvrez.
02:09Et donc, vous découvrez aussi des arguments qui sont parfois un peu étonnants,
02:14auxquels vous devez réagir.
02:15Typiquement, la 5G permet d'observer tout le monde,
02:18la 5G veut avoir des problèmes sur la santé qui n'ont pas été analysés par les autorités.
02:23Donc tout ça, il faut y réagir, et il faut réfléchir avec des arguments
02:26qui sont des arguments non pas de mépris, mais des arguments solides,
02:30et il faut les structurer.
02:31Tout ça, vous allez le découvrir.
02:32Deuxième point, c'est mobiliser, parce que quand il y a des classes actions,
02:35vous avez des multiples demandeurs.
02:37Il faut regarder d'où ils sont.
02:38Donc typiquement, sur la 5G, vous avez des demandeurs qui disent
02:40« j'ai été victime d'un problème de santé lié à la 5G ».
02:44Simplement, vous avez donc plusieurs plaignants,
02:47et vous regardez les plaignants.
02:48Et si vous avez 400, 500 plaignants, vous allez regarder,
02:50vous regardez les adresses.
02:51Et bien, typiquement, sur le contentieux 5G,
02:52on s'est aperçu qu'une bonne partie des plaignants ne vivaient pas en France.
02:55Et donc, ils ne sont pas du tout éligibles à ce type de demande,
02:58et même ce type de demande peut apparaître totalement non crédible,
03:02justement, de ce simple fait.
03:03Donc, une première partie, si je comprends bien, c'est un peu auditer le dossier, c'est ça ?
03:09Alors, c'est le tamiser, c'est-à-dire que l'auditer, regarder très concrètement,
03:13et pour ça, il faut le centraliser.
03:15Et donc, ça veut dire qu'il faut que vous ayez une tour de contrôle
03:18au sein d'une direction juridique,
03:20c'est-à-dire qu'un coordonnateur ou une équipe qui coordonne,
03:23et qui va coordonner avec probablement plusieurs directions juridiques aussi,
03:26si vous êtes un grand groupe et que vous avez différentes spécialisations.
03:29Un groupe comme Orange, c'est une équipe de combien, pour avoir une idée ?
03:32Alors, quand on parle de concurrence, ça va être mon équipe qui est la direction juridique concurrence,
03:38sur laquelle on va être une dizaine de personnes,
03:40et je vais spécialiser un certain nombre de personnes dans mon équipe dessus.
03:43Donc, on va prendre une team de 4-5 personnes qui va regarder avec les avocats
03:48et qui va travailler dessus, et puis avec les économistes.
03:51Et on va s'appuyer sur des experts.
03:52Et donc, c'est un travail de groupe, c'est un travail qui est très collectif,
03:57ce type de contentieux.
03:58Et comme c'est un travail collectif, mais de long terme,
04:02il faut faire attention à la mémoire dans ce type de dossier,
04:04c'est-à-dire bien archiver, bien conserver les dossiers,
04:08parce que sur 10 ans, vous allez avoir des gens qui vont bouger,
04:13même au sein d'une direction juridique, les choses peuvent bouger.
04:16Donc, il faut bien s'assurer qu'on archive,
04:17qu'on a bien l'historique de la doctrine, l'historique des données,
04:21et l'historique de tout ce que l'on a défendu pendant toute la période.
04:27Et ça, c'est un élément extrêmement important du débat.
04:29Vous utilisez des outils pour justement avoir l'historique,
04:34pour partager au sein de l'équipe les informations ?
04:38Alors, aujourd'hui, les modes de travail ont beaucoup évolué.
04:42Et on le voit, on a beaucoup de SharePoint qui sont ouverts.
04:47Alors, bien évidemment, comme ce sont des dossiers qui sont très sensibles,
04:51on ne les ouvre pas à tout le monde,
04:52mais on crée un groupe de travail avec des habilitations
04:55qui permettent à tous ceux qui doivent travailler sur certaines parties du dossier
04:59ou sur l'ensemble de voir tout ou partie du dossier.
05:02Ce qui permet d'avoir un travail collectif en permanence.
05:05Quand on a, par exemple, des écritures,
05:06on ouvre effectivement le dossier à ceux qui doivent alimenter.
05:10On organise des workshops ou des groupes de travail
05:13avec les gens qui sont mobilisés et mobilisables sur les parties du dossier.
05:17Donc, c'est vraiment un élément important.
05:20Cette vision panoptique, elle est importante dans ces dossiers-là
05:23parce que vous ne pouvez pas travailler en silo.
05:24Alors, est-ce qu'un autre élément aussi qui est important,
05:26c'est de bien dialoguer avec les autorités,
05:28avec l'autorité de la concurrence en ce qui vous concerne ?
05:31Alors, le dialogue, généralement, on l'a en amont
05:33et le dialogue, il est d'autant plus important
05:36que quand vous êtes demandeur ou défenseur.
05:41Donc, moi, je me suis retrouvé dans les deux situations.
05:44Donc, je peux en parler avec d'autant plus de liberté.
05:49Lorsqu'on est défenseur,
05:52il ne faut pas considérer qu'on n'a pas de dialogue à avoir avec l'autorité
05:56parce que je vous rappelle que quand il y a des griefs,
05:59il y a un espace entre la notification de grief et la décision.
06:03Et généralement, les griefs qui sont retenus à la fin
06:05ne sont pas toujours les griefs qui ont été décidés au début.
06:08Et ça, ce n'est pas seulement un combat,
06:10c'est aussi un effort de pédagogie, de conviction et c'est un échange.
06:14Et il faut convaincre les services d'instruction,
06:15mais aussi le collège,
06:16que peut-être une partie des griefs ne sont pas légitimes.
06:18Et ça, ça peut dégonfler toute une partie d'un dossier de follow-on
06:23et tout un contentieux de masse.
06:24Et ça, c'est très très important
06:25parce que le contentieux change totalement de physionomie.
06:28Si vous avez des marchés qui étaient affectés,
06:30qui ne sont plus affectés à la fin,
06:31c'est tout un pan du dossier qui tombe.
06:33Alors, je vais me tourner un peu vers l'avocate, Julie,
06:37pour avoir le point de vue du Conseil.
06:38Comment vous appréhendez-vous ces risques
06:41et comment anticiper ces contentieux de masse ?
06:45Alors, Gabriel l'a dit,
06:48ce n'est pas toujours facile d'anticiper ces contentieux.
06:51En tout cas, on fait une distinction entre les actions indemnitaires
06:53et les actions de groupe.
06:56Les actions indemnitaires, très franchement,
06:58on s'attend à avoir une action indemnitaire
07:00à la suite d'une décision de l'autorité de la concurrence.
07:02Donc, la façon dont on travaille, c'est très en amont.
07:05Lorsqu'on étudie le dossier antitrust devant les autorités de concurrence,
07:11eh bien, on va aussi étudier le risque d'une action indemnitaire.
07:15Voilà, on établit une sorte de cartographie des risques
07:17qu'on affine au fur et à mesure du temps.
07:21On l'affine une fois qu'on connaît la réalité des griefs,
07:24une fois qu'on a connaissance de la décision de l'autorité
07:27ou de la commission, qu'on a connaissance de sa motivation.
07:32Alors, pour se préparer, pour détecter une action indemnitaire,
07:36eh bien, on va s'attacher à plusieurs signaux.
07:38Il est plus probable d'être attaqué devant l'OTAE en indemnisation
07:48si, par exemple, la nature même de la pratique se prête à une indemnisation.
07:52C'est la première chose.
07:54Ensuite, si les tiers, les clients, par exemple,
07:58ou les fournisseurs ont contribué à la procédure
08:01devant l'autorité de la concurrence,
08:02alors ils peuvent contribuer comme plaignants,
08:04mais pas seulement, également comme tiers.
08:05On a des clients d'industriels qui sont très, très actifs
08:12dans leurs réponses aux auditions menées par l'autorité de la concurrence.
08:18On va également regarder la motivation de la décision,
08:21si elle est très, très motivée,
08:22si elle identifie une certaine typologie de clients,
08:25certaines typologies d'industriels lésés par la pratique,
08:29eh bien, ça va faciliter l'action indemnitaire.
08:32Et évidemment, on va regarder toutes les prises de parole publiques
08:34sur le sujet pour, eh bien, anticiper tout ça.
08:37On peut regarder aussi la concurrence, les concurrents...
08:39Bien sûr, oui.
08:41... pour voir, déjà, les contentieux qui ont existé sur ces questions, c'est ça ?
08:45On peut regarder la concurrence.
08:46Ça dépend de la typologie d'infraction qui est condamnée
08:50et puis de la typologie de victime.
08:52Des concurrents peuvent être victimes de la pratique anticoncurrentielle
08:56et, effectivement, saisir le TAE d'une action indemnitaire.
09:01Alors, juste pour compléter ma réponse sur les actions collectives,
09:05c'est plus compliqué.
09:06Et Gabriel le disait tout à l'heure,
09:09c'est que, finalement, on a du mal à anticiper ce type d'action-là.
09:14Alors, des actions concurrence, je vous l'ai dit, il n'y en a jamais eu.
09:16En revanche, il y a eu, de mémoire, 35 actions collectives
09:20qui ont été introduites en France.
09:22Alors, depuis 2014, on voit bien que c'est très peu.
09:25Nous, on a accompagné une entreprise dans le cadre d'une action collective
09:29en matière de publicité trompeuse.
09:31Et ce qu'on a regardé en amont, ce qui a fait dire à notre client
09:34qu'il y avait des risques qu'il soit attaqué un jour,
09:37eh bien, c'est...
09:38Bon, alors, on regarde le nombre de plaintes de consommateurs
09:40auprès du service client.
09:41On va regarder l'activité des associations agréées.
09:47Certaines communiquent très largement en amont,
09:50lancent des appels publics pour collecter des données.
09:56Donc, tout ça, ce sont des signaux qui nous font dire
09:58que, oui, une action collective est probable.
10:01Pour autant, se préparer en amont, ce n'est pas toujours facile.
10:04Alors, si jamais le contentieux arrive,
10:06comment on organise la réponse juridique ?
10:09Alors, quand le contentieux arrive, nous, la première étape,
10:12c'est une étape d'évaluation des risques.
10:15Évaluation des risques de manière générale.
10:19Alors, on va regarder quels sont les montants en jeu, ce type de choses.
10:24Donc, c'est une analyse assez macro du dossier.
10:29Après, pour se préparer, pour élaborer notre défense,
10:33eh bien, très classiquement, on va regarder deux types de choses.
10:36Est-ce qu'on a des arguments d'ordre procédural à faire valoir ?
10:41Alors, des arguments d'ordre procédural,
10:43ce sont peut-être des exceptions procédurales,
10:46une incompétence, une irrecevabilité,
10:49des arguments liés à la prescription,
10:50qui sont très importants dans ce type de dossier.
10:52Qui sont assez classiques, mais qui sont très importants.
10:54Qui sont classiques, mais qui sont très importants,
10:56parce que sur le fond, notamment en matière d'action indemnitaire,
10:59il y a tout un tas de présomptions qui font qu'il est plus difficile de se battre.
11:03Donc, on va aller regarder du côté des arguments procéduraux.
11:07Et sur le fond, ce qu'on va regarder en priorité,
11:12eh bien, ce sont tous les éléments liés à l'évaluation du préjudice.
11:16Et donc, là, on va mettre en place un triptyque.
11:18On va travailler avec l'entreprise, donc avec notre client,
11:20et avec un économiste.
11:22Et donc, il faut que clients, avocats, économistes,
11:25arrivent à travailler de concert.
11:26Et c'est facile, ça, de travailler à trois sur ce triptyque ?
11:31C'est facile.
11:32Ce qui n'est pas toujours évident,
11:34c'est d'arriver à rendre ce travail collectif intelligible,
11:37parce que la finalité de tout ça,
11:40ce n'est pas l'harmonie entre les trois,
11:43mais c'est de convaincre le juge.
11:44Bien sûr.
11:45Donc, ce travail n'a qu'une finalité,
11:47convaincre le juge de la réalité du préjudice.
11:52Et donc, il faut à la fois que l'entreprise coopère,
11:54alimente l'économiste, que l'économiste rende un travail intelligible
11:59et que l'avocat arrive à traduire tout ça
12:00pour, in fine, convaincre le juge.
12:02Donc, c'est quand même un travail...
12:05De longue haleine.
12:06Voilà, de longue haleine,
12:07qui est parfois, oui, difficile.
12:10En tout cas, un travail absolument incontournable.
12:13Et puis, dernier élément qui est important
12:15quand on travaille ce type de dossier-là,
12:17c'est que, oui, on se prépare à, j'allais dire, à la bagarre.
12:22Voilà, on est au contentieux et donc à convaincre le juge,
12:26mais avec toujours en tête la possibilité de négocier.
12:29Et donc...
12:29C'est important d'avoir cette possibilité de transiger ?
12:32C'est très important.
12:33C'est très important parce que ce sont des contentieux de longue haleine,
12:37ce sont des contentieux complexes.
12:39L'aléa judiciaire est ce qu'il est.
12:41Et donc, parfois, il vaut mieux négocier.
12:44Oui, et puis il y a le coût aussi.
12:45Il y a le coût du contentieux
12:47et puis il y a l'aspect réputationnel aussi.
12:50Et donc, il vaut mieux parfois transiger ce type de dossier-là
12:53qu'aller au bout.
12:55Une bonne transaction vaut mieux qu'un mauvais procès.
12:57Exactement.
12:58L'adage est tout à fait d'actualité dans ce domaine.
13:01Gabriel, comment ça se vit côté entreprise,
13:04cette relation avec économiste, avocat,
13:07dans le cadre de ce type de contentieux ?
13:09Comme Julie l'a dit, le but, c'est de convaincre le juge
13:12et pas forcément que tout le monde s'entende bien en interne.
13:17L'objectif est vraiment d'épurer
13:19et de rendre lisible finalement la défense.
13:24Et ça, c'est très compliqué parce que dans les débats,
13:26dans des débats qui sont des débats indemnitaires,
13:28vous avez des débats très experts, très économiques.
13:30Et donc, il faut éviter le bruit entre l'économiste d'en face
13:33ou les économistes d'en face et votre propre économiste.
13:36Et donc, c'est des débats qui sont très complexes.
13:38très complexes à rendre intelligibles
13:40parce qu'on a plein de cabinets qui sont très performants tous,
13:44mais qui défendent les thèses des demandeurs
13:46et de celui qui se défend ou de ceux qui se défendent.
13:50Et donc, c'est évidemment, chacun défend sa thèse
13:53avec la même conviction.
13:56Et donc, il faut essayer de rendre les arguments
13:58les plus simples possibles, les plus intelligibles
14:00et les plus rationnels.
14:02Les plus rationnels et ça...
14:05Et comment on fait ?
14:05Ça, ça passe par, déjà, le fait qu'on ne laisse pas,
14:10on ne délègue pas à l'expertise aux experts.
14:12Il faut aussi se mettre dans la peau du juge.
14:14Il faut aussi se mettre à la fois dans la peau d'un joueur
14:17mais d'un spectateur en permanence.
14:19Et donc, écouter les arguments, voir si on est convaincu
14:23et si on pense que sur la base des éléments tangibles
14:26dont on dispose, tout ça est cohérent.
14:28Parce qu'il n'y a rien de pire dans ce type de contentieux
14:30que d'être pris en flagrant délit de raconter n'importe quoi.
14:33Parce que ça, c'est très facile.
14:34Vous pouvez défendre une thèse extrêmement savante
14:37dans ces contentieux, qui sont des contentieux,
14:39notamment de follow-on.
14:41Il y a des choses qui sont très simples.
14:43Il y a une faute, il y a un lien de causalité
14:46et il y a le fait que vous avez été individuellement impacté.
14:49Si vous êtes une entreprise qui fait plus de 500% de bénéfices
14:52pendant la période des pratiques,
14:53ça va être compliqué quand même d'expliquer
14:55que vous avez été particulièrement touché.
14:57On peut avoir ce type de débat.
14:59C'est pour ça que la gestion de la preuve est importante
15:03pour accréditer sa thèse.
15:05Et c'est très compliqué parce qu'on parle de marchés
15:07qui parfois ont été affectés il y a 10 ans.
15:09Et donc, vous n'avez pas forcément l'idée
15:10que vous allez garder tous les éléments du marché de l'époque,
15:13des marchés, des discussions.
15:15C'est valable pour le demandeur comme pour celui qui se défend.
15:17Je ne dis pas que la question ne se pose que pour celui qui se défend.
15:22Elle se pose pour tout le monde.
15:23Et c'est très compliqué parce que les débats judiciaires
15:26sont déplacés dans le temps par rapport aux faits.
15:29Alors, on va venir avec vous, Alexandre,
15:32sur la question du financement pour aller plus loin.
15:36Quels sont les mécanismes à l'œuvre ?
15:38Le mécanisme du tiers financement, il est assez simple.
15:41Le principe, c'est que le financeur va prendre en charge
15:43tous les frais qui sont liés au contentieux.
15:46Et en échange de cette prise en charge,
15:47il touchera une partie des dommages et intérêts
15:49de ses clients financés en cas de succès du contentieux.
15:53Si le contentieux est perdu, à ce moment-là,
15:55le tiers financeur perd son investissement.
15:57Le pourcentage, il y a des fourchettes ?
15:59Alors, en pratique de marché, on va être entre 10 et 30 %
16:03et le pourcentage va évoluer en fonction de la durée du contentieux.
16:07Donc, plus le contentieux dure longtemps, plus le pourcentage augmente.
16:11D'accord.
16:11Voilà la façon dont le principe du financement de contentieux fonctionne.
16:17Et j'ajouterais peut-être le rôle du financeur dans ce type de contentieux.
16:22Donc, comme je le disais, nous, on intervient toujours un petit peu après
16:24dans les cas de follow-on où on va arriver une fois que la décision
16:29de l'autorité de la concurrence est devenue définitive.
16:32Quand c'est des actions de masse, là, en revanche, on va être là dès le début.
16:36Mais le rôle du financeur, ça va être aussi de faire ce rôle un petit peu de...
16:40comment dire, de...
16:42On va faire un audit, nous, du dossier,
16:44puisqu'effectivement, on ne finance pas tous les contentieux qu'on nous propose.
16:47En général, on est plutôt autour d'un taux de sélectivité de 10 %.
16:50Donc, pour un dossier financé, on va en voir une dizaine.
16:54Et donc, en fait, ce qu'expliquait Gabriel, par exemple,
16:56de regarder dans une action de masse d'où viennent les demandeurs,
17:01voir si la classe de demandeurs, elle est légitime et homogène,
17:04ça, c'est un travail qu'on va faire, nous, en amont.
17:08Donc, je pense qu'un des points positifs, on va dire, du financement de contentieux,
17:12c'est aussi de permettre d'avoir des dossiers qui vont arriver devant les juridictions
17:16en étant mieux structurés, mieux préparés,
17:19en essayant d'éviter, justement, des passagers clandestins
17:21ou des dossiers qui ne devraient pas se présenter devant les juridictions.
17:24Et ça, c'est l'apport du financement de contentieux sur ce type de contentieux.
17:29Aujourd'hui, vous financez quel type de contentieux de masse ?
17:33Je veux dire, dans quel secteur ?
17:34Alors, les secteurs, ils sont assez variés puisqu'on a à la fois des contentieux
17:40dans le domaine de l'automobile, dans le domaine des télécoms,
17:45dans le domaine, on a beaucoup de choses dans le domaine des données personnelles,
17:50donc avec le RGPD.
17:52Et au niveau des juridictions, là, c'est un petit peu, de la même façon,
17:55c'est assez éclaté en Europe.
17:56On est à la fois en Espagne, au Portugal, je l'ai mentionné tout à l'heure,
17:59les Pays-Bas, sur les actions collectives, qui est vraiment la juridiction leader en ce moment en Europe.
18:07En France, on est un peu à la traîne ?
18:08En France, on est à la traîne, même si je pense qu'il y a une vraie volonté
18:13de rattraper un petit peu ce retard, et à la fois du côté des juridictions
18:19qui commencent à avoir de plus en plus l'habitude de traiter ces sujets,
18:23ça c'est un premier point.
18:25Du côté aussi des avocats, je pense qu'il y a de plus en plus de réflexes
18:30de considérer ces actions avec leurs clients.
18:34Donc, on est sur un développement qui est, à mon avis, positif,
18:37mais qui, effectivement, par rapport à d'autres juridictions, est un petit peu en retard.
18:40Est-ce qu'il y a des bonnes pratiques à avoir en tête pour s'assurer
18:44d'un bon financement d'un contentieux ?
18:47Alors, effectivement, on peut s'inspirer un petit peu des différentes
18:52de ce qui se fait un petit peu à l'étranger et où ils sont un petit peu en avance.
18:55Je pense que le premier point, c'est de prendre un financeur qui a pignon sur rue,
19:00c'est-à-dire un financeur qui est bien établi,
19:02pas aller avec une personne privée qui voudrait faire un coup d'essai.
19:07Voilà, donc aller sur des financeurs qui ont…
19:09Des gens qui ont l'habitude de faire ce genre de choses.
19:11Qui ont de l'expérience, exactement, et qui…
19:13Le mieux étant d'avoir des financeurs qui ont des agréments
19:16de la part des autorités financières de leur pays.
19:19L'AMF, par exemple, nous, chez IVEO, on a un agrément de l'AMF
19:22pour notre activité.
19:24Donc, voilà, avoir des partenaires qui ont pignon sur rue,
19:28je pense que c'est quelque chose d'important.
19:30Et pour prendre l'exemple du mécanisme néerlandais,
19:33je pense que dans les classes action, il y a quelque chose qui est très positif,
19:36c'est que le contrat de financement qui est passé avec la fondation,
19:40qui représente du coup la classe de demandeurs,
19:43il est revu par le juge qui est en charge de la procédure.
19:46Et ça permet, en fait, d'avoir un garde-fou qui est là
19:49pour s'assurer que les intérêts de tout le monde sont respectés.
19:52Et ça évite aussi des débats qui pourraient être dilatoires devant les juridictions,
19:56où certains défendeurs pourraient avoir comme idée de vouloir contester la validité du financement.
20:03Et je pense que le fait que ce soit purgé en amont par le juge qui est en charge de la procédure,
20:07ça permet de faire gagner beaucoup de temps à tout le monde.
20:10Alors, Julie, on a évoqué cette question du financement à l'instant.
20:14Est-ce que le financement peut influencer la stratégie contentieuse ?
20:20Alors, la stratégie contentieuse, oui, bien sûr, ça peut influer sur la stratégie contentieuse.
20:24Alors, déjà, on demande, ça peut être un déclencheur qui va faire que le demandeur va s'engager dans une action.
20:31Et on le voit, c'est ce que disait Alexandre, les juridictions dans lesquelles ce type de contentieux est développé
20:38sont celles dans lesquelles le financement par des tiers est également le plus développé.
20:44Alors, après, ça peut aussi influencer la stratégie en défense.
20:49Pourquoi ?
20:50Pourquoi ? Parce que, en fait, et Alexandre le relevait aussi,
20:52c'est-à-dire que pour ce financement n'est obtenu que si le dossier est solide.
20:57Le dossier est étudié en amont.
20:59Et donc, quand on est en défense et que l'on sait par un moyen ou un autre que le dossier est financé,
21:06c'est quand même un indicateur de la solidité du dossier.
21:09Et donc, ça, ça peut inciter à une solution amiable.
21:13Voilà.
21:13Donc, oui, ça peut influer, tout à fait.
21:16Et vous, comment vous préconisez d'aller au contentieux ou pas ?
21:20C'est quoi le curseur qui fait qu'on va décider plutôt de transiger ou plutôt d'aller au contentieux ?
21:25Alors, il y a plusieurs paramètres, vraiment.
21:27Je pense que, et Gabriel l'a plus ou moins dit tout à l'heure,
21:31il faut éviter les demandes fantasques dans ce type de contentieux.
21:36Il n'y a rien de pire que d'être démasqué en cours de contentieux
21:39parce que l'évaluation du préjudice n'est pas sérieuse.
21:43Voilà.
21:44Donc, pour moi, vraiment, le point le plus important,
21:48c'est évaluer sérieusement, en amont, la solidité du dossier, la solidité des prétentions.
21:54Si le dossier est sérieux et qu'on est, par exemple, en follow-on action,
21:57eh bien, oui, il faut poursuivre le contentieux,
22:01mais pour autant, envisager en même temps une solution négociée.
22:05Et après, l'arbitrage, il se fait en fonction de tout un tas d'éléments
22:07que l'avocat ne maîtrise pas forcément
22:09parce que, eh bien, l'entreprise va prendre en considération plusieurs choses.
22:16Peut-être qu'elle va vouloir, alors si c'est un contentieux avec des clients, par exemple,
22:23peut-être qu'elle va vouloir préserver de bonnes relations
22:26plutôt qu'aller au bout d'un contentieux de longue haleine
22:30qui va abîmer cette relation, l'endommager de manière totalement…
22:34Donc, c'est important, le contexte.
22:35Voilà.
22:36Le contexte est important, l'aspect réputationnel est important.
22:39Il y a tout un tas d'éléments qui font qu'on va décider ou pas de transiger.
22:44Et bien évidemment, il y a les conditions de l'accord, les conditions de la transaction.
22:47Qu'est-ce qu'on obtient dans une transaction ?
22:49Une transaction, ce sont des renoncements réciproques.
22:54Et donc, est-ce que c'est un bon accord ou pas ?
22:57Voilà.
22:57Il y a aussi un aspect psychologique qui est important dans ce type de dossier.
23:02Voilà.
23:02Il faut déterminer jusqu'où on veut aller, à quel moment on accepte de lâcher.
23:07Donc, c'est tout un tas d'éléments qui sont pris en considération pour se décider.
23:11Alors, Gabriel, j'aimerais revenir sur l'aspect réputation de l'entreprise, atteinte à l'image de l'entreprise.
23:20Comment on fait pour gérer vraiment ce type de contentieux quand c'est médiatisé largement dans la presse ?
23:27Est-ce qu'il faut réagir tout de suite ou est-ce qu'il faut se donner le temps d'avoir les bons arguments ?
23:32Comment on fait ?
23:33Alors, quand c'est un contentieux concurrent, on sait qu'il va arriver.
23:38Il faut quand même avoir une stratégie de réponse.
23:40Alors, l'idée n'est pas de commenter pour commenter, parce que vous ajoutez du bruit au bruit.
23:47Et puis, globalement, on entend assez peu de choses quand un condamné s'exprime.
23:52On entend juste qu'il est condamné, même s'il s'exprime et même s'il s'exprime avec des éléments qui sont à décharge.
23:58Donc, c'est compliqué quand vous êtes celui qui doit se défendre d'avoir cette prise de parole.
24:03Il faut qu'elle soit mesurée.
24:04Il faut qu'il y ait des arguments intelligibles, qui peuvent être des arguments soit d'assumer un passé compliqué en expliquant qu'il était très lointain.
24:15Il renvoie à des choses qui n'existent plus.
24:17Et généralement, on parle de faits qui peuvent avoir 10-15 ans.
24:20Et donc, c'est quelque chose qu'une entreprise peut assumer en disant, oui, peut-être que c'est des choses qui ont pu se passer.
24:27Nous n'estimons pas qu'ils ont eu cette ampleur, mais pour autant, on n'estime pas qu'il ne s'est rien passé.
24:33Et on estime qu'aujourd'hui, nous sommes devenus un acteur vertueux.
24:38Il ne faut pas forcément avoir peur de ce genre de discours.
24:40C'est quelque chose qui doit se mesurer.
24:42Évidemment, vous êtes dans un environnement indemnitaire.
24:44Donc, vous n'allez pas dire, oui, je suis un condamné en habillumière.
24:49Je vais sortir le carnet de chèques.
24:50Ce n'est pas ça.
24:51Là encore, il faut avoir un discours qui soit intelligible.
24:54Ne serait-ce que parce qu'il ne faut pas l'oublier, je lui le rappelais, il y a des clients.
24:58Il y a des demandeurs qui peuvent aussi être votre partenaire.
25:01Donc, à un moment, il ne faut pas non plus insulter les situations.
25:03Et donc, si vous êtes condamné et que vous êtes condamné de manière avérée,
25:08la question, c'est est-ce qu'il y a eu des dommages à l'économie ?
25:11Et donc, c'est là où il faut positionner le débat.
25:13Mais vous ne serez jamais intelligible sur l'indemnitaire.
25:15Donc, la seule chose que les gens vont retenir, c'est la faute.
25:18Là où la prise de parole, elle devient importante,
25:21c'est quand vous estimez que la décision, elle est critiquable.
25:24Que vous la critiquez, que vous l'attaquez.
25:28Et là, c'est un peu problématique parce qu'il y a un peu ce qu'on appelle la loi de Brandolini,
25:33qui est que si vous gagnez à la fin, peu de gens s'en rappelleront.
25:38C'est-à-dire que tout le monde se rappellera que vous avez été condamné,
25:40peu de gens sauront que vous avez été blanchi.
25:44Et ça, c'est compliqué.
25:45Et ça, c'est compliqué.
25:46Donc, c'est un élément important parce que sinon,
25:47vous avez la petite musique en permanente,
25:49que vous êtes un délinquant et qui revient, qui revient, qui revient.
25:52Et même si à la fin, vous êtes blanchi, c'est très compliqué.
25:55Et globalement, tous les acteurs qui ont été condamnés à un moment ou à un autre,
25:58il y a un peu cette double peine.
25:59Le droit de l'oubli n'existe pas ou peu de manière médiatique.
26:03Alors, et le rôle du directeur juridique dans tout ça, quelle est sa place ?
26:07C'est fournir des éléments à la direction de la communication ?
26:12Comment on fait des aussi, des échanges avec votre avocat ?
26:18Comment ça se passe ?
26:19Alors, dans une entreprise qui, ça dépend déjà du niveau d'expertise,
26:24si on parle de la concurrence et qu'il y a une direction de concurrence,
26:26elle va être impliquée, évidemment, dans la gestion de la communication
26:30parce que c'est elle qui a le savoir sur la procédure.
26:34Et évidemment, elle va préparer des éléments de langage avec la direction de la communication.
26:39Donc, on n'attend pas que le ciel nous tombe sur la tête pour réagir,
26:42surtout si on sait qu'une décision arrive
26:44ou si on sait qu'il va y avoir un effet médiatique sur une décision concurrence.
26:49Lorsque c'est des actions collectives qu'on ne peut pas détecter,
26:53là, on les découvre comme tout le monde au fur et à mesure.
26:56Pour ce qui est des actions qu'on peut anticiper,
27:00il y a des éléments de langage, on est toujours mesuré
27:02parce que là encore, vous vivez devant les juridictions.
27:04S'il y a des appels, vous ne pouvez pas non plus venir expliquer aux juridictions
27:08qu'elles ont tort, qu'elles ont eu tort, ou à l'autorité qu'elle a tort.
27:11Donc, il faut être mesuré.
27:12Il faut être mesuré, il faut être rationnel.
27:14Et puis, il y a très peu de choses qui sont entendues et entendables.
27:18Et donc, il faut là aussi faire attention.
27:20Et puis, il y a aussi des effets qui sont,
27:22quand vous êtes une société cotée, il faut faire attention à ce que vous racontez.
27:25Parce que...
27:25Il y a des effets après.
27:26Il y a des effets.
27:27Et donc, tout ça est évidemment important et maîtrisé.
27:31Ce qui fait que la direction juridique est évidemment embarquée dans la communication,
27:36mais elle n'est pas le seul acteur de la communication.
27:38Julie, est-ce que la transaction peut être aussi un moyen de limiter le bad buzz ?
27:44Oui, tout à fait.
27:45Pourquoi ?
27:45Parce que la transaction, ça va permettre de contrôler un narratif.
27:49Donc, dans le cadre de la transaction, encore une fois,
27:51la transaction, c'est tout simplement un accord avec le plaignant.
27:55On peut se mettre d'accord sur les éléments de communication.
27:58Et généralement, on se met d'accord pour ne pas communiquer.
28:00Et donc, ça...
28:01Voilà.
28:02Ça cadre les choses.
28:03Ça cadre les choses.
28:05C'est souvent l'intérêt principal de la transaction.
28:09Parce qu'on sait que s'exposer à un jugement,
28:13on connaît la motivation des jugements,
28:16des jugements du TAE.
28:19Je pense que personne ne veut me contredire.
28:21Il y a une grande amélioration.
28:23Mais malgré tout, parfois, on peut avoir des considérants
28:27qui sont extrêmement dommageables pour l'entreprise.
28:31Donc, oui, la transaction a cette vertu-là.
28:33Contrôler plus ou moins le narratif
28:35et garder la main sur la communication.
28:37Alors, on sait qu'il y a un mouvement aussi des pouvoirs publics
28:40pour encourager justement la médiation, la conciliation.
28:45Est-ce que les juridictions encouragent ce type de solution aussi ?
28:49Oui, elles encouragent ce type de solution.
28:51Alors, il n'y a pas que les juridictions.
28:53Il y a une nouvelle contribution à la justice économique
28:56qui a été mise en place.
29:00Elle a été mise en place.
29:01C'est une contribution qui peut aller jusqu'à 100 000 euros
29:03et qui s'applique aux entreprises de plus de 250 salariés de mémoire
29:08et pour des prétentions qui vont au-delà de 50 000 euros.
29:12Donc, c'est une contribution qui, très vraisemblablement,
29:14va s'appliquer dans de nombreuses actions indemnitaires.
29:17Et donc, cette contribution-là, je la mentionne pourquoi ?
29:21Parce qu'elle est remboursée en cas de transaction.
29:24Et donc, on voit qu'il y a une véritable volonté des pouvoirs publics
29:28de rationaliser les actions devant le TAE,
29:34le Tribunal des activités économiques.
29:35Pourquoi ?
29:36Pour éviter les demandes fantasques, désengorger les tribunaux,
29:39responsabiliser les justiciables.
29:42Mais cette contribution est remboursée en cas de solution négociée.
29:47Autre élément, alors là, qui concerne vraiment les juridictions,
29:51il y a un nouveau protocole qui a été mis en place par le TAE
29:56qui prévoit d'aider les entreprises à transiger.
30:00Enfin, voilà, il y a vraiment un appel à désengorger les tribunaux,
30:05si bien que, oui, il y a une forme de soutien.
30:10On peut dire ça comme ça.
30:11Peut-être juste pour ajouter quelque chose sur la transaction,
30:14je pense que pour faire le lien avec ce que disait Gabriel
30:15en tout début d'émission sur l'arrêt de la cour de cassation
30:18qui concernait Volkswagen sur le Dieselgate,
30:21la situation du Dieselgate, il est assez intéressant
30:25parce qu'on a eu exactement les mêmes comportements
30:26de l'entreprise aux États-Unis et en Europe.
30:29Aux États-Unis, même s'il y a un cadre législatif
30:32qui est un petit peu différent,
30:33il y a eu une transaction qui a été faite
30:35avec le gouvernement américain
30:36et avec les représentants des classes action
30:40qui étaient en train de se monter.
30:41Je crois que ça a duré six mois, quelque chose comme ça.
30:43Alors, certes, Volkswagen a dû payer 15 milliards
30:46pour à peine, je crois, 300 000 véhicules
30:48qui étaient en circulation à ce moment-là aux États-Unis.
30:52Mais, in fine, ils ont contrôlé à la fois le temps de l'action
30:57puisqu'aujourd'hui, c'est terminé.
30:58Le narratif, je pense qu'aux États-Unis,
31:00ce n'est plus vraiment un sujet,
31:02tout du moins, j'imagine.
31:03Alors qu'aujourd'hui, effectivement, on est dix ans après.
31:05Vous avez une solution de la cour de cassation
31:07qui vient de tomber.
31:08Je crois qu'il y a aussi en Autriche,
31:10une solution dans la même veine
31:13qui avait été rendue il y a un ou deux ans.
31:15Et donc, Volkswagen, aujourd'hui,
31:16est encore en Europe concerné par ses contentieux
31:18alors qu'ils auraient pu, de la même façon qu'aux États-Unis,
31:21transiger et mettre un terme à tout ça
31:24si on avait eu en Europe un système
31:26qui leur aurait permis de pouvoir faire une transaction
31:30avec des systèmes d'opt-out comme aux États-Unis.
31:32Malheureusement, ce qu'on n'avait pas à l'époque
31:33et ce qu'on n'a encore pas aujourd'hui
31:35dans toutes les juridictions européennes.
31:36Alors justement, est-ce qu'on ne peut pas s'inspirer
31:38de ce que font d'autres pays, les États-Unis ?
31:41Vous avez parlé tout à l'heure des Pays-Bas
31:43pour une meilleure appréhension de ce type de contentieux.
31:48Je pense qu'effectivement, un des vrais points
31:51sur lequel on pourrait faire un gros effort,
31:53c'est le fait de passer à l'opt-out
31:55et sortir de notre mécanisme d'opt-in.
31:57Ça donnerait beaucoup plus de force aux actions collectives,
32:00mais ça permettrait aussi aux entreprises
32:02de considérer de manière plus sérieuse,
32:05j'allais dire, les transactions.
32:06Parce que la difficulté qu'on a aujourd'hui,
32:08et je le comprends, moi, du côté de l'entreprise en défense,
32:10c'est que quand vous allez faire une transaction
32:12avec un demandeur ou avec un groupe de demandeurs,
32:15il n'y a aucune garantie
32:16que vous n'ayez pas un autre groupe de demandeurs
32:17qui va former une nouvelle action derrière.
32:19Il n'y a pas de possibilité, en fait,
32:20de tenir toutes les personnes
32:22qui sont potentiellement victimes du cartel ou de l'entente.
32:26Et donc, c'est compliqué de s'engager avec un groupe
32:29en se disant que peut-être, derrière,
32:31en réalité, ça va ouvrir la porte
32:33à beaucoup d'autres demandes qui vont se succéder.
32:36Donc, effectivement, je pense que déjà,
32:37si on arrivait à passer sur un système d'opt-out,
32:39ce serait une grande avancée
32:41pour le mécanisme des actions collectives en France.
32:44Julie, vous vouliez ajouter un élément ?
32:45Non, mais oui, pour rebondir sur ce que disait Alexandre
32:48et sur les difficultés qu'il peut y avoir aussi à transiger,
32:51parce que ce n'est pas si simple de transiger
32:55dans des configurations dans lesquelles
32:57le défendeur a affaire à plusieurs plaignants
33:02qui ont des intérêts différents,
33:05qui ont des stratégies différentes.
33:08Donc, déjà, il y a un problème de coordination de la défense,
33:13de mettre de la cohérence dans la défense
33:16alors même que les actions sont individuelles.
33:18Donc, ça, c'est le premier point.
33:20Et ensuite, le défendeur doit aussi être cohérent
33:22ou tenir compte à minima
33:24de ce que font les autres défendeurs,
33:26notamment dans les cas d'actions indemnitaires
33:27à la suite d'un cartel.
33:30Et donc, tout ça va complexifier le schéma.
33:33Si on donne un exemple,
33:34on peut parler du cartel des camions
33:37qui a donné lieu à de nombreuses actions indemnitaires,
33:41donc des milliers d'actions indemnitaires
33:43dans plus de 10 juridictions en Europe
33:46avec 5 entreprises en défense.
33:50Et donc, on voit bien là
33:51toute la difficulté qu'il peut y avoir à se coordonner
33:53et à envisager une transaction.
33:56Puisqu'effectivement, si on transige dans un pays,
33:59ça n'éteint pas forcément les actions dans les autres.
34:02Si on transige avec une certaine typologie de victimes,
34:06il va rester.
34:06Donc, tout ça doit être appréhendé.
34:09Et transiger, ce n'est pas si simple que ça
34:12dans des contentieux de grande ampleur.
34:14Et comment on peut apporter de la cohérence,
34:16comme vous dites ?
34:17La cohérence, ça va être de...
34:20Il faut qu'il y ait un tronc commun dans la défense,
34:26que les arguments principaux soient les mêmes.
34:30Alors, on va aussi, dans ce type de dossier,
34:33essayer d'identifier les divergences
34:36entre les argumentations des demandeurs.
34:40C'est-à-dire qu'on va essayer de désolidariser
34:42les uns et les autres pour en tirer des arguments.
34:46Et puis, oui, la cohérence, ça va être...
34:50Elle va devoir être définie dans le cadre d'une stratégie globale,
34:54une fois que l'on a une vision panoramique
34:57de toutes les actions en cours.
35:00Et puis, tout ça, ça s'affine au fur et à mesure du temps,
35:02puisqu'on voit certains arguments qui sont avancés par les uns,
35:05pas par les autres, etc.
35:07Mais il faut une ligne de conduite.
35:11Un socle global, c'est ça ?
35:12Un socle global dont on ne doit pas dévier.
35:16Sinon, à la fin, c'est trop compliqué.
35:18Il peut y avoir une...
35:19On peut regarder, effectivement, la manière de transiger.
35:22Mais quand vous avez plusieurs acteurs,
35:23il faut déjà réserver la transaction à une typologie d'acteurs
35:26sur lesquels vous croyez qu'il y a potentiellement matière à transiger.
35:30Parce que sinon, ça veut dire que c'est la prime à tout demandeur.
35:32Et il faut quand même avoir une stratégie claire.
35:34Et après, il faut rationaliser.
35:35C'est-à-dire que là aussi, vous ne pouvez pas avoir des écarts monstrueux
35:38entre un type de demandeur et un autre type de demandeur.
35:41Au moins pour l'interne, quand vous êtes une société cotée,
35:42vous avez des comptes à rendre aussi sur ce que vous faites.
35:46Et par ailleurs, quand vous êtes des sociétés qui sont cotées,
35:50les litiges d'importance, ils sont visibles.
35:53Et donc, si vous les transigez, ils disparaissent, les litiges visibles.
35:56Donc, tout le monde a vu que vous avez transigé un litige.
35:59Donc, c'est aussi un signal que vous donnez à l'ensemble des acteurs du marché.
36:02Donc, il faut faire très, très attention et il faut le faire de manière très rationnelle.
36:05Ce n'est pas juste, je veux éteindre les contentieux pour plus en entendre parler.
36:09On va conclure là-dessus ce débat et on enchaîne tout de suite avec notre cas pratique.
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