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  • il y a 5 jours
Lundi 3 novembre 2025, retrouvez Gabriel Lluch (Directeur juridique Concurrence et Réglementation, Orange), Alexandre Lercher (Analyste Litigation, IVO Capital Partners) et Julie Catala Marty (Associée, BCLP) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00Générique
00:30Bonjour, bienvenue dans Lex Inside, le Grand Débat.
00:34Aujourd'hui, on va s'intéresser à un sujet complexe, les contentieux de masse.
00:39Ces procédures soulèvent des enjeux juridiques, financiers et réputationnels majeurs.
00:46Comment les entreprises peuvent-elles anticiper ces risques avant qu'ils deviennent explosifs ?
00:52Et une fois le contentieux lancé, comment structurer une réponse juridique efficace sans compromettre son image ?
01:00Pour répondre à ces questions, j'ai le plaisir de recevoir sur ce plateau,
01:04Gabriel Luc, directeur juridique concurrence et réglementation chez Orange.
01:09Bonjour, Gabriel.
01:10Bonjour, Arnaud.
01:11Également sur notre plateau, Julie Catala-Marty, associée chez BCLP.
01:16Bonjour, Julie.
01:17Bonjour, Arnaud.
01:18Et enfin, pour compléter ce panel, Antoine Lerchet, Analyst Litigation chez IVO Capital Partners.
01:25Bonjour, Alexandre.
01:26Bonjour, Arnaud.
01:27Dans notre émission, nous allons nous intéresser aux enjeux juridiques, poser les bases.
01:33Ce sera dans notre première partie, Grand Angle.
01:36Ensuite, dans notre débat, nous nous intéresserons aux stratégies d'anticipation, de financement, de défense et de communication.
01:46Et enfin, dans notre cas pratique, on illustrera de manière concrète les mécanismes en jeu.
01:53Voilà pour le sommaire Lex Inside, le Grand Débat.
01:57C'est parti.
01:57On commence tout de suite ce Lex Inside, le Grand Débat.
02:11On va commencer par notre Grand Angle pour définir un peu les bases de nos échanges,
02:16voire les différentes formes de contentieux de masse, les enjeux juridiques, réputationnels et financiers.
02:24On va s'intéresser tout d'abord avec vous, Julie Catalamarty, aux contentieux de masse, définir le cadre
02:30et d'abord savoir de quoi s'agit-il.
02:33Donc, qu'est-ce qu'un contentieux de masse, Julie ?
02:35De quoi on parle ?
02:36Alors, les contentieux de masse, c'est tout simplement des contentieux dans lesquels un grand nombre de plaignants saisit la justice.
02:43Alors, la justice peut être saisie de façon conjointe, on va parler d'actions collectives,
02:48ou bien dans le cadre de différentes actions individuelles, si les plaignants introduisent plusieurs actions individuelles
02:54dans un laps de temps assez court.
02:56Et donc, on va parler d'actions de masse.
03:00Alors, pour aller un peu plus loin, maintenant qu'on connaît ce qu'est un contentieux de masse,
03:05quels sont les principaux défis juridiques que posent ces contentieux de masse ?
03:09Alors, en matière de concurrence, vous avez deux types de contentieux de masse.
03:14Vous avez les class actions, les actions de groupe, et les actions indemnitaires en droit de la concurrence.
03:21Alors, les actions de groupe, ces deux types d'actions sont très différentes dans leur mécanisme.
03:26Les actions de groupe, en fait, elles permettent à un certain nombre de plaignants de se regrouper,
03:31d'agir en même temps.
03:32Donc, il y a une seule action qui est intentée par l'intermédiaire d'une association agréée pour se faire.
03:41Et on est là devant le tribunal judiciaire de Paris.
03:44Donc, ça, c'est le premier type d'action de masse, l'action collective, l'action de groupe.
03:48Deuxième type d'action, les actions indemnitaires, les follow-on actions,
03:52qui sont des actions en réparation d'un préjudice anticoncurrentiel,
03:56et qui sont des actions individuelles.
03:58Il y a autant d'actions individuelles qu'il y a de plaignants.
04:01Et on va parler d'actions de masse lorsque le nombre de plaignants est important.
04:07Et ces deux types d'actions, ce sont des follow-on actions.
04:10Alors, vous me parliez des défis.
04:14Donc, le principal défi, c'est le défi de la gestion du temps.
04:17Gestion du temps, parce que, donc, follow-on actions, ça veut dire quoi ?
04:20Ça veut dire que ce sont des actions qui interviennent à la suite d'une décision d'une autorité de concurrence
04:27qui va sanctionner des pratiques et une décision devenue définitive.
04:31Ça veut dire qu'il faut une décision avant de faire un recours.
04:34Exactement.
04:35Donc, premier défi, la gestion du temps.
04:37On est sur un temps long.
04:39Gestion du temps, ça veut dire gestion des éléments de preuve.
04:44Ce type de choses-là.
04:46Donc, ça, c'est un défi qui va préoccuper les uns et les autres,
04:52à la fois dans les classes actions et les actions de groupe.
04:54En matière d'actions de groupe, il y a tout un tas d'autres défis.
04:57La meilleure preuve, c'est qu'en matière de droit de la concurrence, il n'y a jamais eu aucune action de groupe.
05:02C'est bien que ce type d'action présente des difficultés.
05:05Alors, des difficultés liées à la constitution du groupe, tout simplement.
05:09Comment ce groupe va être constitué ?
05:12Comment les consommateurs ou les entreprises vont adhérer au groupe,
05:16puisqu'on est dans un système d'opt-in ?
05:19Des défis aussi liés à l'évaluation du préjudice, qui est importante.
05:27Voilà pour l'action de groupe.
05:28Et en matière d'actions indemnitaires, alors les choses sont un peu différentes.
05:32On a une directive, la directive d'hommage de 2014, qui a voulu faciliter ce type d'action.
05:37Donc, on pourrait se dire que les défis sont moins nombreux.
05:41Alors, ce n'est pas tout à fait vrai.
05:43Ce type d'action reste difficile, parce que c'est une action qui…
05:48Donc, les présomptions vont faciliter la démonstration de la faute.
05:52Mais pour autant, le débat ne va pas être facilité sur d'autres éléments comme le préjudice.
05:58Donc, c'est un type de contentieux dans lequel l'évaluation du préjudice est fondamentale.
06:04L'analyse économique est fondamentale.
06:07Et donc, le défi, c'est d'arriver à concilier des expertises techniques, économiques,
06:16et de faciliter la compréhension du juge.
06:18Donc, je pense que c'est le défi principal qui s'accompagne d'un défi, évidemment, lié à la collecte de la preuve.
06:24Et donc, c'est des contentieux dans lesquels les incidents de procédure sont nombreux,
06:28ce qui va rajouter encore du temps au temps et ajouter une difficulté complémentaire.
06:34On voit que les défis juridiques sont nombreux.
06:37Je vais m'adresser à vous, Gabriel, sur un autre aspect qui est important.
06:40Au-delà des enjeux juridiques, il y a aussi les risques réputationnels.
06:44Concrètement, comment une entreprise appréhende cet enjeu de réputation de l'image sur ce type de contentieux de masse ?
06:53Alors, comme Julie l'a dit, c'est des contentieux qui ont une durée très, très longue.
06:57Donc, vous allez vivre avec ces contentieux-là pendant plusieurs années et avec des phénomènes de réitération sur la médiatisation.
07:05C'est-à-dire que vous avez un premier effet qui est un effet de sidération,
07:08avec une première bulle médiatique sur laquelle il faut réagir ou ne pas réagir, en tout cas savoir comment se positionner.
07:15Et on peut voir d'ailleurs que des entreprises ont pu faire quelques faux pas dans le démarrage,
07:20puisque certaines contestent, puis après reviennent dessus pour assumer la faute.
07:24Et on voit que ce début peut être aussi un problème sur l'image qu'a l'entreprise face à ces contentieux-là.
07:33Donc, c'est un premier risque.
07:34Alors, c'est des contentieux qui sont exceptionnels.
07:36Donc, se préparer, déjà, c'est un défi en soi.
07:39C'est-à-dire qu'il n'y a pas de méthode, il n'y a pas de recette pour se préparer,
07:43puisque ça dépend de la typologie de contentieux et du contexte et de la manière dont vous allez réagir.
07:50Il peut y avoir un contentieux qui impacte l'ensemble d'un secteur,
07:53un contentieux qui vous impacte spécifiquement, et donc il faut réagir.
07:56Et n'oublions pas que ce sont des contentieux qui ont des effets systémiques
08:00et qui ont des effets parfois sur la survie d'une entreprise.
08:04On l'a vu avec l'entreprise Takata et les Arbags.
08:07On le voit avec Volkswagen.
08:10Regardez aujourd'hui, l'image de Volkswagen suite à l'affaire qu'il y a eu au Dieselgate,
08:16elle est encore relativement désastreuse.
08:18Et pour vous donner un exemple, c'est une affaire qui a 10 ans.
08:20Regardez, on a un arrêt de cours de cassation, 24 septembre 2025.
08:24Ça relance l'affaire, puisque un plaignant a obtenu la résolution du contrat,
08:30en tout cas la reconnaissance qu'il était légitime de la Nandé.
08:32Donc, ça revient 10 ans après.
08:3410 ans après, et ce que l'on dit, c'est que cette décision de cassation va relancer les contentieux.
08:40Et donc, ça veut dire que vous vivez après 10 ans sur un contentieux qui est relancé.
08:43Donc, c'est ça, la gestion de la médiatisation.
08:46Et c'est un vrai enjeu parce qu'on peut choisir de le faire à bas bruit,
08:50mais ne pas l'affronter, c'est refuser d'affronter quelque chose
08:53avec lequel vous allez devoir vivre pendant plusieurs années.
08:55Donc, il vaut mieux avoir une stratégie, la définir et vivre avec et s'y tenir.
08:59– Alors, on a vu qu'il y a des enjeux juridiques, réputationnels,
09:03mais aussi des enjeux financiers, Alexandre,
09:06puisque ces procédures sont longues et coûteuses.
09:10Concrètement, comment on finance ce type d'action ?
09:13– Tout à fait, je pense que le point commun entre ces deux types de procédures
09:16que présentait Julie, c'est effectivement la grosse difficulté,
09:20c'est le coût qu'elles engendrent, puisque vous l'avez tous bien expliqué,
09:23c'est des procédures qui sont longues,
09:26donc il faut pouvoir faire travailler les cabinets d'avocats,
09:30les experts économiques sur l'évaluation du préjudice
09:33et le travail de tous ces experts, il a un coût qui est important.
09:37Le financeur de contentieux, il va intervenir pour venir aider les plaignants
09:42à pouvoir monter leur action, que ce soit l'action de groupe ou l'action individuelle.
09:46Nous, on va intervenir plus souvent une fois que la décision de l'autorité,
09:49donc de la concurrence, est devenue définitive.
09:51Pour nous, le temps de l'action est un petit peu moins long pour l'entreprise en défense.
09:56Une fois que l'autorité a rendu sa décision et qu'elle est définitive,
10:01à ce moment-là, le financeur va soit être contacté par une entreprise de manière individuelle
10:06ou par une association qui va vouloir qu'on les soutienne et qu'on les aide financièrement
10:11pour à la fois faire l'agrégation des plaignants,
10:14c'est-à-dire leur permettre de pouvoir aller contacter les personnes
10:17qui vont constituer la classe, ou alors simplement payer les frais des honoraires des avocats
10:23et les frais des experts pour pouvoir identifier les postes de préjudice avec précision.
10:28On a une fourchette de coûts de ce type d'action ?
10:30Alors en France, pas encore sur les actions de groupe,
10:34parce que comme le disait Julie, il n'y en a pas encore eu.
10:37Sur les actions qu'on a, par exemple au Pays-Bas,
10:40qui est une juridiction qui est un petit peu plus développée sur ce type d'action,
10:43on est sur des actions qui vont avoir des budgets d'environ entre 2 et 2,5 millions d'euros à peu près.
10:49D'accord. On en a fini pour cette première partie.
10:53On a posé le cadre du débat qui va se poursuivre dans un instant.
10:58On poursuit ce Lex Inside, le grand débat.
11:14Nous allons explorer ensemble les stratégies d'anticipation, de défense, de financement
11:20et de communication face à ces contentieux de masse.
11:25Et on va tout de suite débuter avec vous, Gabriel,
11:27cette deuxième partie, pour savoir comment on peut anticiper ce type de risque.
11:33Alors concrètement, comment une direction juridique peut anticiper un contentieux de masse ?
11:39Alors il y a deux cas de figure.
11:41Comme l'a rappelé Julie, on a deux types de contentieux.
11:42On a la class action qui va émerger sur un problème qui n'était pas détectable,
11:48le cas du dieselgate pour Volkswagen,
11:51ou un problème qui est lié à un souci du secteur.
11:54Et puis on a le contentieux dit de follow-on,
11:56quel contentieux concurrence ?
11:57Celui-là, on le voit un peu arriver quand même,
11:59puisque normalement vous avez vécu devant l'autorité de la concurrence
12:02avec une procédure qui a déjà été longue.
12:04Donc vous avez eu le temps de l'avoir émergé.
12:06Après, ça ne veut pas dire qu'on connaît les griefs très tôt dans le dossier,
12:10on les connaît à la fin,
12:11mais on est capable d'imaginer ce que vont être les contentieux indemnitaires.
12:16Donc là, on peut s'organiser.
12:18Et évidemment, on a eu déjà une équipe qui est celle qui a travaillé sur le contentieux concurrentiel,
12:24donc avec les avocats, avec les économistes.
12:26Ça, ça permet déjà de s'organiser sur les contentieux de follow-on.
12:29Les contentieux qui sont plus exceptionnels,
12:31non pas que les contentieux concurrents ne soient pas exceptionnels,
12:34mais les contentieux que vous ne voyez pas émerger,
12:35c'est beaucoup plus compliqué, parce que là, il y a un effet de découverte.
12:39C'est quel type de contentieux ?
12:40Alors, typiquement, moi, si je prends le secteur des télécommunications,
12:43on a eu un contentieux où on a eu une plainte de 400 demandeurs
12:48qui estimaient subir un préjudice individuel de santé lié à la 5G.
12:54Donc on découvre ça, et qui d'ailleurs est médiatisé immédiatement,
12:58puisque c'est aussi une stratégie des gens qui montent ce type de dossier,
13:04qui est de dire, voilà, il y a un problème de santé publique, c'est très grave.
13:07Et donc là, vous découvrez.
13:08Et donc, vous découvrez aussi des arguments qui sont parfois un peu étonnants
13:12et auxquels vous devez réagir.
13:14Typiquement, la 5G permet d'observer tout le monde.
13:16La 5G veut avoir des problèmes sur la santé
13:19qui n'ont pas été analysés par les autorités.
13:21Donc tout ça, il faut y réagir et il faut réfléchir avec des arguments
13:25qui sont des arguments non pas de mépris, mais des arguments solides.
13:29Et il faut les structurer.
13:30Tout ça, vous allez le découvrir.
13:31Deuxième point, c'est mobiliser.
13:33Parce que quand il y a des classes action, vous avez des multiples demandeurs.
13:36Il faut regarder d'où ils sont.
13:37Donc typiquement, sur la 5G, vous avez des demandeurs qui disent
13:39« j'ai été victime d'un problème de santé lié à la 5G ».
13:42Simplement, vous avez donc plusieurs plaignants.
13:46Et vous regardez les plaignants.
13:47Et si vous avez 400, 500 plaignants, vous allez regarder, vous regardez les adresses.
13:50Et bien, typiquement, sur le contentieux 5G,
13:51on s'est aperçu qu'une bonne partie des plaignants ne vivaient pas en France.
13:54Et donc, ils ne sont pas du tout éligibles à ce type de demande.
13:57Et même ce type de demande peut apparaître totalement non crédible, justement, de ce simple fait.
14:02Donc, une première partie, si je comprends bien, c'est un peu auditer le dossier, c'est ça ?
14:08Alors, c'est le tamiser, c'est-à-dire que l'auditer, regarder très concrètement.
14:12Et pour ça, il faut le centraliser.
14:14Et donc, ça veut dire qu'il faut que vous ayez une tour de contrôle au sein d'une direction juridique,
14:19c'est-à-dire qu'un coordonnateur ou une équipe qui coordonne,
14:22et qui va coordonner avec probablement plusieurs directions juridiques aussi,
14:25si vous êtes un grand groupe et que vous avez différentes spécialisations.
14:28Un goût comme Orange, c'est une équipe de combien, pour avoir une idée ?
14:31Alors, quand on parle de concurrence, ça va être mon équipe qui est la direction juridique concurrence,
14:37sur laquelle on va être une dizaine de personnes,
14:38et je vais spécialiser un certain nombre de personnes dans mon équipe dessus.
14:42Donc, on va prendre une team de 4-5 personnes qui va regarder avec les avocats
14:47et qui va travailler dessus, et puis avec les économistes.
14:50Et on va s'appuyer sur des experts.
14:52Et donc, c'est un travail de groupe, c'est un travail qui est très collectif, ce type de contentieux.
14:57Et comme c'est un travail collectif, mais de long terme,
15:00il faut faire attention à la mémoire dans ce type de dossier,
15:03c'est-à-dire bien archiver, bien conserver les dossiers,
15:07parce que sur 10 ans, vous allez avoir des gens qui vont bouger,
15:11même au sein d'une direction juridique, les choses peuvent bouger.
15:14Donc, il faut bien s'assurer qu'on archive, qu'on a bien l'historique de la doctrine,
15:19l'historique des données et l'historique de tout ce que l'on a défendu pendant toute la période.
15:25Et ça, c'est un élément extrêmement important du débat.
15:28Vous utilisez des outils pour justement avoir l'historique,
15:33pour partager au sein de l'équipe les informations ?
15:37Alors, aujourd'hui, les modes de travail ont beaucoup évolué.
15:41Et on le voit, on a beaucoup de SharePoint qui sont ouverts.
15:47Bien évidemment, comme ce sont des dossiers qui sont très sensibles,
15:49on ne les ouvre pas à tout le monde, mais on crée un groupe de travail avec des habilitations
15:54qui permettent à tous ceux qui doivent travailler sur certaines parties du dossier
15:58ou sur l'ensemble de voir tout ou partie du dossier.
16:01Ce qui permet d'avoir un travail collectif en permanence.
16:04Quand on a, par exemple, des écritures, on ouvre effectivement le dossier à ceux qui doivent alimenter.
16:09On organise des workshops ou des groupes de travail
16:12avec les gens qui sont mobilisés et mobilisables sur les parties du dossier.
16:16Donc, c'est vraiment un élément important.
16:19Cette vision panoptique, elle est importante dans ces dossiers-là
16:21parce que vous ne pouvez pas travailler en silo.
16:23Alors, est-ce qu'un autre élément aussi qui est important,
16:25c'est de bien dialoguer avec les autorités,
16:27avec l'autorité de la concurrence en ce qui vous concerne ?
16:30Alors, le dialogue, généralement, on l'a en amont.
16:33Et le dialogue, il est d'autant plus important que quand vous êtes,
16:37alors vous pouvez être demandeur ou défenseur.
16:40Donc, moi, je me suis retrouvé dans les deux situations.
16:43Donc, je peux en parler avec d'autant plus de liberté.
16:48Lorsqu'on est défenseur, il ne faut pas considérer qu'on n'a pas de dialogue à avoir avec l'autorité
16:55parce que je vous rappelle que quand il y a des griefs,
16:58il y a un espace entre la notification de grief et la décision.
17:01Et généralement, les griefs qui sont retenus à la fin
17:04ne sont pas toujours les griefs qui ont été décidés au début.
17:07Et ça, ce n'est pas seulement un combat,
17:09c'est aussi un effort de pédagogie, de conviction et c'est un échange.
17:12Et il faut convaincre les services d'instruction,
17:14mais aussi le collège, que peut-être une partie des griefs ne sont pas légitimes.
17:17Et ça, ça peut dégonfler toute une partie d'un dossier de follow-on
17:21et tout un contentieux de masse.
17:23Et ça, c'est très, très important
17:24parce que le contentieux change totalement de physionomie.
17:27Si vous avez des marchés qui étaient affectés,
17:29qui ne sont plus affectés à la fin,
17:30c'est tout un pan du dossier qui tombe.
17:32Alors, je vais me tourner un peu vers l'avocate Julie
17:36pour avoir le point de vue du Conseil.
17:37Comment vous appréhendez-vous ces risques
17:40et comment anticiper ces contentieux de masse ?
17:44Alors, Gabrielle l'a dit,
17:47ce n'est pas toujours facile d'anticiper ces contentieux.
17:50En tout cas, on fait une distinction
17:51entre les actions indemnitaires et les actions de groupe.
17:55Les actions indemnitaires, très franchement,
17:56on s'attend à avoir une action indemnitaire
17:59à la suite d'une décision de l'autorité de la concurrence.
18:01Donc, la façon dont on travaille, c'est très en amont.
18:04Lorsqu'on étudie le dossier antitrust
18:08devant les autorités de concurrence,
18:10eh bien, on va aussi étudier le risque
18:12d'une action indemnitaire.
18:14Voilà, on établit une sorte de cartographie des risques
18:16qu'on affine au fur et à mesure du temps.
18:20On l'affine une fois qu'on connaît la réalité des griefs,
18:23une fois qu'on a connaissance de la décision
18:25de l'autorité ou de la commission,
18:28qu'on a connaissance de sa motivation.
18:30Alors, pour se préparer, pour détecter une action indemnitaire,
18:35eh bien, on va s'attacher à plusieurs signaux.
18:38On est...
18:40Il est plus probable d'être attaqué devant le TAE en indemnisation
18:46si, par exemple, la nature même de la pratique
18:49se prête à une indemnisation.
18:51C'est la première chose.
18:52Ensuite, si les tiers, les clients, par exemple,
18:57ou les fournisseurs ont contribué à la procédure
19:00devant l'autorité de la concurrence,
19:01alors ils peuvent contribuer comme plaignants,
19:03mais pas seulement, également comme tiers.
19:05On a des clients d'industriels qui sont très, très actifs
19:10dans leurs réponses aux auditions menées par l'autorité de la concurrence.
19:16On va également regarder la motivation de la décision,
19:20si elle est très, très motivée,
19:21si elle identifie une certaine typologie de clients,
19:24certaines typologies d'industriels lésés par la pratique,
19:28eh bien, ça va faciliter l'action indemnitaire.
19:30Et évidemment, on va regarder toutes les prises de parole publiques
19:33sur le sujet pour, eh bien, anticiper tout ça.
19:36On peut regarder aussi la concurrence, les concurrents...
19:38Bien sûr, oui.
19:40Pour voir, déjà, les contentieux qui ont existé sur ces questions, c'est ça ?
19:43On peut regarder la concurrence.
19:45Ça dépend de la typologie d'infraction qui est condamnée
19:49et puis de la typologie de victime.
19:51Des concurrents peuvent être victimes de la pratique anticoncurrentielle
19:54et, effectivement, saisir le TAE d'une action indemnitaire.
20:00Alors, juste pour compléter ma réponse sur les actions collectives,
20:04c'est plus compliqué.
20:05Et Gabriel le disait tout à l'heure, c'est que, finalement,
20:09on a du mal à anticiper ce type d'action-là.
20:13Alors, des actions concurrence, je vous l'ai dit, il n'y en a jamais eu.
20:16En revanche, il y a eu, de mémoire, 35 actions collectives
20:19qui ont été introduites en France.
20:21Alors, depuis 2014, on voit bien que c'est très peu.
20:24Nous, on a accompagné une entreprise dans le cadre d'une action collective
20:28en matière de publicité trompeuse.
20:30Et ce qu'on a regardé en amont, ce qui a fait dire à notre client
20:33ou qu'il y avait des risques qui soient attaqués un jour,
20:36eh bien, c'est...
20:36Bon, alors, on regarde le nombre de plaintes de consommateurs
20:39auprès du service client.
20:40Bien sûr.
20:41On va regarder l'activité des associations agréées.
20:46Certaines communiquent très largement en amont,
20:49lancent des appels publics pour collecter des données.
20:54Donc, tout ça, ce sont des signaux qui nous font dire
20:57que, oui, une action collective est probable.
20:59Pour autant, se préparer en amont, ce n'est pas toujours facile.
21:03Alors, si jamais le contentieux arrive,
21:05comment on organise la réponse juridique ?
21:08Alors, quand le contentieux arrive, nous, la première étape,
21:11c'est une étape d'évaluation des risques.
21:14Évaluation des risques de manière générale.
21:17Alors, on va regarder quels sont les montants en jeu,
21:22ce type de choses.
21:23Donc, c'est une analyse assez macro du dossier.
21:27Après, pour se préparer, pour élaborer notre défense,
21:32eh bien, très classiquement, on va regarder deux types de choses.
21:35Est-ce qu'on a des arguments d'ordre procédural à faire valoir ?
21:40Alors, des arguments d'ordre procédural,
21:42ce sont peut-être des exceptions procédurales,
21:45une incompétence, une irrecevabilité,
21:47des arguments liés à la prescription
21:49qui sont très importants dans ce type de dossier.
21:51Qui sont assez classiques, mais qui sont très importants.
21:53Qui sont classiques, mais qui sont très importants,
21:55parce que sur le fond, notamment en matière d'actions indemnitaires,
21:58il y a tout un tas de présomptions
21:59qui font qu'il est plus difficile de se battre.
22:02Donc, on va aller regarder du côté des arguments procéduraux.
22:06Et sur le fond, ce qu'on va regarder en priorité,
22:11eh bien, ce sont tous les éléments liés à l'évaluation du préjudice.
22:14Et donc, là, on va mettre en place un triptyque.
22:17On va travailler avec l'entreprise, donc avec notre client,
22:19et avec un économiste.
22:21Et donc, il faut que clients, avocats, économistes,
22:24arrivent à travailler de concert.
22:26Et c'est facile, ça, de travailler à trois sur ce triptyque ?
22:30C'est facile.
22:31Ce qui n'est pas toujours évident,
22:33c'est d'arriver à rendre ce travail collectif intelligible,
22:36parce que la finalité de tout ça,
22:39ce n'est pas l'harmonie entre les trois,
22:42mais c'est de convaincre le juge.
22:43Bien sûr.
22:43Voilà. Donc, ce travail n'a qu'une finalité,
22:46convaincre le juge de la réalité du préjudice.
22:51Et donc, il faut à la fois que l'entreprise coopère,
22:53alimente l'économiste,
22:55que l'économiste rende un travail intelligible,
22:57et que l'avocat arrive à traduire tout ça
22:59pour, in fine, convaincre le juge.
23:01Donc, c'est quand même un travail...
23:04De longue haleine.
23:05Voilà, de longue haleine,
23:06qui est parfois, oui, difficile,
23:09en tout cas un travail absolument incontournable.
23:12Et puis, dernier élément qui est important
23:14quand on travaille ce type de dossier-là,
23:16c'est que oui, on se prépare à,
23:19j'allais dire, à la bagarre.
23:21Voilà, on est au contentieux,
23:22et donc à convaincre le juge,
23:24mais avec toujours en tête la possibilité de négocier.
23:27C'est important d'avoir cette possibilité de transiger ?
23:30C'est très important.
23:32C'est très important parce que ce sont des contentieux de longue haleine,
23:36ce sont des contentieux complexes,
23:38l'aléa judiciaire est ce qu'il est,
23:40et donc parfois, il vaut mieux négocier.
23:43Oui, et puis il y a le coût aussi.
23:44Il y a le coût du contentieux,
23:46et puis il y a l'aspect réputationnel aussi.
23:49Et donc, il vaut mieux parfois transiger ce type de dossier-là
23:52qu'aller au bout.
23:54Une bonne transaction vaut mieux qu'un mauvais procès ?
23:56Exactement, l'adage est tout à fait d'actualité dans ce domaine.
24:00Gabriel, comment ça se vit côté entreprise,
24:03cette relation avec économiste, avocat,
24:06dans le cadre de ce type de contentieux ?
24:08Comme Julie l'a dit, le but, c'est de convaincre le juge
24:11et pas forcément que tout le monde s'entende bien en interne.
24:16L'objectif est vraiment d'épurer
24:18et de rendre lisible finalement la défense.
24:23Et ça, c'est très compliqué parce que dans les débats,
24:25dans des débats qui sont des débats indemnitaires,
24:27vous avez des débats très experts, très économiques.
24:29Et donc, il faut éviter le bruit entre l'économiste d'en face
24:32ou les économistes d'en face et votre propre économiste.
24:35Et donc, c'est des débats qui sont très complexes.
24:37Très complexes à rendre intelligible
24:39parce qu'on a plein de cabinets qui sont très performants tous,
24:43mais qui défendent les thèses des demandeurs
24:45et de celui qui se défend ou de ceux qui se défendent.
24:49Et donc, c'est évidemment, chacun défend sa thèse
24:52avec la même conviction.
24:55Et donc, il faut essayer de rendre les arguments
24:57les plus simples possibles, les plus intelligibles
24:59et les plus rationnels.
25:01Les plus rationnels et ça...
25:04Et comment on fait ?
25:05Ça, ça passe par, déjà, le fait qu'on ne laisse pas,
25:09on ne délègue pas à l'expertise aux experts.
25:11Il faut aussi se mettre dans la peau du juge.
25:13Il faut aussi se mettre à la fois dans la peau d'un joueur,
25:16mais d'un spectateur en permanence.
25:18Et donc, écouter les arguments, voir si on est convaincu
25:22et si on pense que sur la base des éléments tangibles
25:24dont on dispose, tout ça est cohérent.
25:27Parce qu'il n'y a rien de pire dans ce type de contentieux
25:29que d'être pris en flagrant délit de raconter n'importe quoi.
25:32Parce que ça, c'est très facile.
25:33Vous pouvez défendre une thèse extrêmement savante.
25:36Dans ces contentieux, qui sont des contentieux,
25:38notamment de follow-on,
25:40il y a des choses qui sont très simples.
25:42Il y a une faute, il y a un lien de causalité
25:45et il y a le fait que vous avez été individuellement impacté.
25:48Si vous êtes une entreprise qui fait plus de 500% de bénéfices
25:51pendant la période des pratiques,
25:52ça va être compliqué quand même d'expliquer
25:54que vous avez été particulièrement touché.
25:56On peut avoir ce type de débat.
25:59C'est pour ça que la gestion de la preuve est importante,
26:02justement, pour accréditer sa thèse.
26:03Et c'est très compliqué parce qu'on parle de marchés
26:06qui parfois ont été affectés il y a dix ans.
26:08Et donc, vous n'avez pas forcément l'idée
26:09que vous allez garder tous les éléments du marché de l'époque,
26:12des marchés, des discussions.
26:14C'est valable pour le demandeur comme pour celui qui se défend.
26:16Je ne dis pas que la question ne se pose que pour celui qui se défend.
26:21Elle se pose pour tout le monde.
26:22Et c'est très compliqué parce que les débats judiciaires
26:25sont déplacés dans le temps par rapport aux faits.
26:28Alors, on va venir avec vous, Alexandre,
26:31sur la question du financement.
26:33Pour aller plus loin, quels sont les mécanismes à l'œuvre ?
26:37Le mécanisme du tiers financement, il est assez simple.
26:40Le principe, c'est que le financeur va prendre en charge
26:42tous les frais qui sont liés au contentieux.
26:45Et en échange de cette prise en charge,
26:46il touchera une partie des dommages et intérêts
26:48de ses clients financés en cas de succès du contentieux.
26:52Si le contentieux est perdu, à ce moment-là,
26:53le tiers financeur perd son investissement.
26:56Le pourcentage, il y a des fourchettes ?
26:58Alors, en pratique de marché, on va être entre 10 et 30 %
27:01et le pourcentage va évoluer en fonction de la durée du contentieux.
27:06Donc, plus le contentieux dure longtemps, plus le pourcentage augmente.
27:10D'accord.
27:10Voilà, la façon dont le principe du financement de contentieux fonctionne.
27:17Et j'ajouterais peut-être le rôle du financeur dans ce type de contentieux.
27:21Donc, comme je le disais, nous, on intervient toujours un petit peu après
27:23dans les cas de follow-on, où on va arriver une fois que la décision
27:28de l'autorité de la concurrence est devenue définitive.
27:31Quand c'est des actions de masse, là, en revanche, on va être là dès le début.
27:34Mais le rôle du financeur, ça va être aussi de faire ce rôle un petit peu de…
27:40Comment dire ? On va faire un audit, nous, du dossier,
27:43puisqu'effectivement, on ne finance pas tous les contentieux qu'on nous propose.
27:46En général, on est plutôt autour d'un taux de sélectivité de 10 %.
27:49Donc, pour un dossier financé, on va en voir une dizaine.
27:53Et donc, en fait, ce qu'expliquait Gabriel, par exemple,
27:55de regarder dans une action de masse d'où viennent les demandeurs,
28:00voir si la classe de demandeurs, elle est légitime et homogène,
28:03ça, c'est un travail qu'on va faire, nous, en amont.
28:07Donc, je pense qu'un des points positifs, on va dire, du financement de contentieux,
28:11c'est aussi de permettre d'avoir des dossiers qui vont arriver devant les juridictions
28:15en étant mieux structurés, mieux préparés,
28:18en essayant d'éviter, justement, des passagers clandestins
28:20ou des dossiers qui ne devraient pas se présenter devant les juridictions.
28:23Et ça, c'est l'apport du financement de contentieux sur ce type de contentieux.
28:28Aujourd'hui, vous financez quel type de contentieux de masse ?
28:32Je veux dire, dans quel secteur ?
28:34Alors, les secteurs, ils sont assez variés puisqu'on a à la fois des contentieux
28:39dans le domaine de l'automobile, dans le domaine des télécoms,
28:44dans le domaine, on a beaucoup de choses dans le domaine des données personnelles,
28:49donc avec le RGPD.
28:51Et au niveau des juridictions, là, c'est un petit peu, de la même façon,
28:53c'est assez éclaté en Europe.
28:55On est à la fois en Espagne, au Portugal, je l'ai mentionné tout à l'heure,
28:58les Pays-Bas, sur les actions collectives,
29:01qui est vraiment la juridiction leader, là, en ce moment, en Europe.
29:06En France, on est un peu à la traîne ?
29:07En France, on est à la traîne, même si je pense qu'il y a une vraie volonté
29:12de rattraper un petit peu ce retard, et à la fois du côté des juridictions
29:18qui commencent à avoir de plus en plus l'habitude, en fait, de traiter ces sujets,
29:22ça, c'est un premier point.
29:24Du côté aussi des avocats, je pense qu'il y a de plus en plus de réflexes,
29:29de considérer ces actions avec leurs clients.
29:32Donc, on est sur un développement qui est, à mon avis, positif,
29:36mais qui, effectivement, par rapport à d'autres juridictions,
29:38est un petit peu en retard.
29:40Est-ce qu'il y a des bonnes pratiques à avoir en tête
29:42pour s'assurer d'un bon financement d'un contentieux ?
29:46Alors, effectivement, on peut s'inspirer un petit peu des différentes,
29:51de ce qui se fait un petit peu à l'étranger,
29:52et où ils sont un petit peu en avance.
29:54Je pense que le premier point, c'est de prendre un financeur
29:57qui a pignon sur rue, c'est-à-dire un financeur qui est bien établi,
30:01ne pas aller avec une personne privée qui voudrait faire un coup d'essai.
30:06Voilà, donc aller sur des financeurs qui ont…
30:08Des gens qui ont l'habitude de faire ce genre de choses.
30:10Qui ont de l'expérience, exactement,
30:12et qui, le mieux étant d'avoir des financeurs
30:14qui ont des agréments de la part des autorités financières de leur pays.
30:18L'AMF, par exemple, nous, chez IVEO,
30:20on a un agrément de l'AMF pour notre activité.
30:23Donc, voilà, avoir des partenaires qui ont pignon sur rue,
30:27je pense que c'est quelque chose d'important.
30:28Et pour prendre l'exemple du mécanisme néerlandais,
30:32je pense que dans les class actions,
30:33il y a quelque chose qui est très positif,
30:35c'est que le contrat de financement qui est passé avec la fondation,
30:39qui représente du coup la classe de demandeurs,
30:42il est revu par le juge qui est en charge de la procédure.
30:45Et ça permet, en fait, d'avoir un garde-fou qui est là
30:48pour s'assurer que les intérêts de tout le monde sont respectés.
30:51Et ça évite aussi des débats qui pourraient être dilatoires
30:54devant les juridictions,
30:56où certains défendeurs pourraient avoir comme idée
31:00de vouloir contester la validité du financement.
31:02Et je pense que le fait que ce soit purgé en amont
31:04par le juge qui est en charge de la procédure,
31:06ça permet de faire gagner beaucoup de temps à tout le monde.
31:09Alors, Julie, on a évoqué cette question du financement à l'instant.
31:13Est-ce que le financement peut influencer la stratégie contentieuse ?
31:18Alors, la stratégie contentieuse, oui, bien sûr,
31:21ça peut influer sur la stratégie contentieuse.
31:23Alors déjà, on demande, ça peut être un déclencheur
31:26qui va faire que le demandeur va s'engager dans une action.
31:30Et on le voit, c'est ce que disait Alexandre,
31:33les juridictions dans lesquelles ce type de contentieux est développé
31:37sont celles dans lesquelles le financement par des tiers
31:41est également le plus développé.
31:43Alors après, ça peut aussi influencer la stratégie en défense.
31:48Pourquoi ?
31:48Pourquoi ? Parce que, en fait, et Alexandre le relevait aussi,
31:51c'est-à-dire que pour ce financement n'est obtenu que si le dossier est solide.
31:56Le dossier est étudié en amont.
31:58Et donc, quand on est en défense et que l'on sait par un moyen ou un autre
32:02que le dossier est financé, c'est quand même un indicateur
32:06de la solidité du dossier.
32:07Et donc ça, ça peut inciter à une solution amiable.
32:12Voilà.
32:12Donc oui, ça peut influer, tout à fait.
32:15Et vous, comment vous préconisez d'aller au contentieux ou pas ?
32:19C'est quoi le curseur qui fait qu'on va décider plutôt de transiger
32:22ou plutôt d'aller au contentieux ?
32:24Alors, il y a plusieurs paramètres, vraiment.
32:26Je pense que, et Gabriel l'a plus ou moins dit tout à l'heure,
32:31il faut éviter les demandes fantasques dans ce type de contentieux.
32:35Il n'y a rien de pire que d'être démasqué en cours de contentieux
32:38parce que l'évaluation du préjudice n'est pas sérieuse.
32:42Voilà.
32:42Donc, pour moi, vraiment, le point le plus important,
32:46c'est évaluer sérieusement, en amont, la solidité du dossier,
32:51la solidité des prétentions.
32:53Si le dossier est sérieux et qu'on est, par exemple, en follow-on action,
32:56eh bien, oui, il faut poursuivre le contentieux,
32:59mais pour autant, envisager en même temps une solution négociée.
33:04Et après, l'arbitrage, il se fait en fonction de tout un tas d'éléments
33:06que l'avocat ne maîtrise pas forcément
33:08parce que, eh bien, l'entreprise va prendre en considération plusieurs choses.
33:15Peut-être qu'elle va vouloir,
33:17alors si c'est un contentieux avec des clients, par exemple,
33:22peut-être qu'elle va vouloir préserver de bonnes relations
33:25plutôt qu'aller au bout d'un contentieux de longue haleine
33:29qui va abîmer cette relation, l'endommager de manière totalement…
33:33Donc, c'est important le contexte.
33:34Voilà, le contexte est important, l'aspect réputationnel est important.
33:38Il y a tout un tas d'éléments qui font qu'on va décider ou pas de transiger.
33:42Et bien évidemment, il y a les conditions de l'accord,
33:45les conditions de la transaction.
33:46Qu'est-ce qu'on obtient dans une transaction ?
33:48Une transaction, ce sont des renoncements réciproques.
33:53Et donc, est-ce que c'est un bon accord ou pas ?
33:56Voilà, il y a aussi un aspect psychologique qui est important dans ce type de dossier.
34:01Voilà, il faut déterminer jusqu'où on veut aller,
34:03à quel moment on accepte de lâcher.
34:06Donc, c'est tout un tas d'éléments qui sont pris en considération pour se décider.
34:11Alors, Gabriel, j'aimerais revenir sur l'aspect réputation de l'entreprise,
34:16atteinte à l'image de l'entreprise.
34:19Comment on fait pour gérer vraiment ce type de contentieux
34:23quand c'est médiatisé largement dans la presse ?
34:26Est-ce qu'il faut réagir tout de suite ?
34:27Est-ce qu'il faut se donner le temps d'avoir les bons arguments ?
34:31Comment on fait ?
34:32Alors, quand c'est un contentieux concurrent, on sait qu'il va arriver.
34:36Il faut quand même avoir une stratégie de réponse.
34:39Alors, l'idée n'est pas de commenter pour commenter,
34:43parce que vous ajoutez du bruit au bruit.
34:46Et puis, globalement, on entend assez peu de choses quand un condamné s'exprime.
34:51On entend juste qu'il est condamné, même s'il s'exprime,
34:53et même s'il s'exprime avec des éléments qui sont à décharge.
34:57Donc, c'est compliqué quand vous êtes celui qui doit se défendre d'avoir cette prise de parole.
35:02Il faut qu'elle soit mesurée, il faut qu'il y ait des arguments intelligibles,
35:05qui peuvent être des arguments, soit d'assumer un passé compliqué
35:11en expliquant qu'il était très lointain,
35:14et il renvoie à des choses qui n'existent plus.
35:16Et généralement, on parle de faits qui peuvent avoir 10, 15 ans.
35:19Et donc, c'est quelque chose qu'une entreprise peut assumer,
35:22en disant, oui, peut-être que c'est des choses qui ont pu se passer.
35:25Nous n'estimons pas qu'ils ont eu cette ampleur,
35:29mais pour autant, on n'estime pas qu'il ne s'est rien passé,
35:32et on estime qu'aujourd'hui, nous sommes devenus un acteur vertueux.
35:37Il ne faut pas forcément avoir peur de ce genre de discours,
35:39c'est quelque chose qui doit se mesurer.
35:40Évidemment, vous êtes dans un environnement indemnitaire,
35:43donc vous n'allez pas dire, oui, je suis un condamné en habillé de lumière,
35:48je vais sortir le carnet de chèques.
35:49Ce n'est pas ça.
35:50Là encore, il faut avoir un discours qui soit intelligible,
35:53ne serait-ce que parce qu'il ne faut pas l'oublier,
35:55Julie le rappelait, il y a des clients.
35:57Il y a des demandeurs qui peuvent aussi être votre partenaire.
36:00Donc, à un moment, il ne faut pas non plus insulter les situations.
36:02Et donc, si vous êtes condamné et que vous êtes condamné de manière avérée,
36:07la question, c'est est-ce qu'il y a eu des dommages à l'économie ?
36:10Et donc, c'est là où il faut positionner le débat.
36:12Mais vous ne serez jamais intelligible sur l'indemnitaire.
36:14Donc, la seule chose que les gens vont retenir, c'est la faute.
36:17Là où la prise de parole, elle devient importante,
36:20c'est quand vous estimez que la décision, elle est crédiquable,
36:23que vous la critiquez, que vous l'attaquez.
36:26Et là, c'est un peu problématique parce qu'il y a un peu ce qu'on appelle
36:31la loi de Brandolini, qui est que si vous gagnez à la fin,
36:35peu de gens s'en rappelleront.
36:37C'est-à-dire que tout le monde se rappellera que vous avez été condamné,
36:39peu de gens sauront que vous avez été blanchi.
36:42Et ça, c'est compliqué.
36:43Et ça, c'est compliqué.
36:45Donc, c'est un élément important parce que sinon,
36:47vous avez la petite musique en permanente,
36:48que vous êtes un délinquant et qui revient, qui revient, qui revient.
36:51Et même si à la fin, vous êtes blanchi, c'est très compliqué.
36:54Et globalement, tous les acteurs qui ont été condamnés à un moment ou à un autre,
36:57il y a un peu cette double peine.
36:58Le droit de l'oubli n'existe pas ou peu de manière médiatique.
37:02Alors, et le rôle du directeur juridique dans tout ça,
37:05quelle est sa place ?
37:06C'est fournir des éléments à la direction de la communication ?
37:11Comment on fait des aussi et des échanges avec votre avocat ?
37:17Comment ça se passe ?
37:18Alors, dans une entreprise qui, ça dépend déjà du niveau d'expertise,
37:23si on parle de la concurrence et qu'il y a une direction concurrence,
37:25elle va être impliquée, évidemment, dans la gestion de la communication
37:29parce que c'est elle qui a le savoir sur la procédure.
37:33Et évidemment, elle va préparer des éléments de langage
37:35avec la direction de la communication.
37:37Donc, on n'attend pas que le ciel nous tombe sur la tête pour réagir,
37:41surtout si on sait qu'une décision arrive
37:43ou si on sait qu'il va y avoir un effet médiatique sur une décision concurrence.
37:48Lorsque c'est des actions collectives qu'on ne peut pas détecter,
37:52là, on les découvre comme tout le monde au fur et à mesure.
37:55Pour ce qui est des actions qu'on peut anticiper,
37:59il y a des éléments de langage.
38:00On est toujours mesuré parce que là encore, vous vivez devant les juridictions.
38:03S'il y a des appels, vous ne pouvez pas non plus venir expliquer aux juridictions
38:07qu'elles ont tort, qu'elles ont eu tort, ou à l'autorité qu'elle a tort.
38:10Donc, il faut être mesuré.
38:11Il faut être mesuré, il faut être rationnel.
38:13Et puis, il y a très peu de choses qui sont entendues et entendables.
38:17Et donc, il faut là aussi faire attention.
38:19Et puis, il y a aussi des effets qui sont, quand vous êtes une société cotée,
38:22il faut faire attention à ce que vous racontez.
38:24Parce que...
38:24Il y a des effets après.
38:25Il y a des effets.
38:26Et donc, tout ça est évidemment important et maîtrisé.
38:30Ce qui fait que la direction juridique est évidemment embarquée dans la communication,
38:35mais elle n'est pas le seul acteur de la communication.
38:37Julie, est-ce que la transaction peut être aussi un moyen de limiter le bad buzz ?
38:43Oui, tout à fait.
38:44Pourquoi ?
38:44Parce que la transaction, ça va permettre de contrôler un narratif.
38:48Donc, dans le cadre de la transaction, encore une fois,
38:50la transaction, c'est tout simplement un accord avec le plaignant.
38:54On peut se mettre d'accord sur les éléments de communication.
38:57Et généralement, on se met d'accord pour ne pas communiquer.
38:59Et donc, ça...
39:00Voilà.
39:01Ça cadre les choses.
39:02Ça cadre les choses.
39:04C'est souvent l'intérêt principal de la transaction.
39:08Parce qu'on sait que s'exposer à un jugement,
39:12on connaît la motivation des jugements,
39:15des jugements du TAE.
39:18Je pense que personne ne va me contredire.
39:20Il y a une grande amélioration.
39:22Mais malgré tout, parfois, on peut avoir des considérants
39:26qui sont extrêmement dommageables pour l'entreprise.
39:29Donc, oui, la transaction a cette vertu-là.
39:32Contrôler plus ou moins le narratif
39:34et garder la main sur la communication.
39:36Alors, on sait qu'il y a un mouvement aussi des pouvoirs publics
39:39pour encourager justement la médiation, la conciliation.
39:44Est-ce que les juridictions encouragent ce type de solution aussi ?
39:48Oui, elles encouragent ce type de solution.
39:50Alors, il n'y a pas que les juridictions.
39:52Il y a une nouvelle contribution à la justice économique
39:55qui a été mise en place.
39:59Elle a été mise en place.
40:00C'est une contribution qui peut aller jusqu'à 100 000 euros
40:02et qui s'applique aux entreprises de plus de 250 salariés de mémoire
40:07et pour des prétentions qui vont au-delà de 50 000 euros.
40:11Donc, c'est une contribution qui, très vraisemblablement,
40:13va s'appliquer dans de nombreuses actions indemnitaires.
40:16Et donc, cette contribution-là, je la mentionne, pourquoi ?
40:20Parce qu'elle est remboursée en cas de transaction.
40:23Et donc, on voit qu'il y a une véritable volonté des pouvoirs publics
40:27de rationaliser les actions devant le TAE,
40:33le Tribunal des activités économiques.
40:34Pourquoi ? Pour éviter les demandes fantasques,
40:37désengorger les tribunaux, responsabiliser les justiciables.
40:40Mais cette contribution est remboursée en cas de solution négociée.
40:46Autre élément, alors là, qui concerne vraiment les juridictions,
40:50il y a un nouveau protocole qui a été mis en place par le TAE
40:55qui prévoit d'aider les entreprises à transiger.
40:59Enfin, voilà, il y a vraiment un appel à désengorger les tribunaux,
41:04si bien que, oui, il y a une forme de soutien.
41:08On peut dire ça comme ça.
41:10Peut-être juste pour ajouter quelque chose sur la transaction,
41:13je pense que pour faire le lien avec ce que disait Gabriel
41:14au tout début d'émission sur l'arrêt de la cour de cassation
41:17qui concernait Volkswagen sur le Dieselgate,
41:20la situation du Dieselgate, il est assez intéressant
41:23parce qu'on a eu exactement les mêmes comportements
41:25de l'entreprise aux États-Unis et en Europe.
41:28Aux États-Unis, même s'il y a un cadre législatif
41:31qui est un petit peu différent, il y a eu une transaction
41:33qui a été faite avec le gouvernement américain
41:35et avec les représentants des class actions
41:39qui étaient en train de se monter,
41:40je crois que ça a duré six mois, quelque chose comme ça.
41:42Alors, certes, Volkswagen a dû payer 15 milliards
41:45pour à peine, je crois, 300 000 véhicules
41:47qui étaient en circulation à ce moment-là aux États-Unis.
41:50Mais, in fine, ils ont contrôlé à la fois le temps de l'action
41:56puisqu'aujourd'hui, c'est terminé.
41:58Le narratif, je pense qu'aux États-Unis,
41:59ce n'est plus vraiment un sujet, tout du moins j'imagine.
42:01Alors qu'aujourd'hui, effectivement, on est dix ans après.
42:04Vous avez une solution de la Cour de cassation
42:06qui vient de tomber.
42:07Je crois qu'il y a aussi en Autriche
42:09une solution dans la même veine
42:12qui avait été rendue il y a un ou deux ans.
42:14Et donc, Volkswagen, aujourd'hui, est encore en Europe
42:16concerné par ses contentieux
42:17alors qu'ils auraient pu, de la même façon qu'aux États-Unis,
42:20transiger et mettre un terme à tout ça
42:23si on avait eu en Europe un système
42:25qui leur aurait permis de pouvoir faire une transaction
42:28avec des systèmes d'opt-out, comme aux États-Unis.
42:31Malheureusement, ce qu'on n'avait pas à l'époque
42:32et ce qu'on n'a encore pas aujourd'hui
42:34dans toutes les juridictions européennes.
42:35Alors justement, est-ce qu'on ne peut pas s'inspirer
42:37de ce que font d'autres pays, les États-Unis ?
42:40Vous avez parlé tout à l'heure des Pays-Bas
42:41pour une meilleure appréhension de ce type de contentieux.
42:47Je pense qu'effectivement, un des vrais points
42:49sur lequel on pourrait faire un gros effort,
42:52c'est le fait de passer à l'opt-out
42:54et sortir de notre mécanisme d'opt-in.
42:56Ça donnerait beaucoup plus de force aux actions collectives,
42:59mais ça permettrait aussi aux entreprises
43:01de considérer de manière plus sérieuse,
43:04j'allais dire, les transactions,
43:05parce que la difficulté qu'on a aujourd'hui,
43:07et je le comprends, moi, du côté de l'entreprise en défense,
43:08c'est que quand vous allez faire une transaction
43:11avec un demandeur ou avec un groupe de demandeurs,
43:13il n'y a aucune garantie
43:15que vous n'ayez pas un autre groupe de demandeurs
43:16qui va former une nouvelle action derrière.
43:18Il n'y a pas de possibilité, en fait,
43:19de tenir toutes les personnes
43:21qui sont potentiellement victimes du cartel ou de l'entente.
43:25Et donc, c'est compliqué de s'engager avec un groupe
43:27en se disant que peut-être, derrière,
43:30en réalité, ça va ouvrir la porte
43:32à beaucoup d'autres demandes qui vont se succéder.
43:35Donc, effectivement, je pense que déjà,
43:36si on arrivait à passer sur un système d'opt-out,
43:38ce serait une grande avancée
43:40pour le mécanisme des actions collectives en France.
43:43Julie, vous vouliez ajouter un élément ?
43:44Non, mais oui, pour rebondir sur ce que disait Alexandre
43:47et sur les difficultés qu'il peut y avoir aussi à transiger.
43:50Parce que ce n'est pas si simple de transiger
43:54dans des configurations dans lesquelles
43:56le défendeur a affaire à plusieurs plaignants
44:01qui ont des intérêts différents,
44:05qui ont des stratégies différentes.
44:07Donc, déjà, il y a un problème de coordination de la défense,
44:11de mettre de la cohérence dans la défense
44:15alors même que les actions sont individuelles.
44:17Donc, ça, c'est le premier point.
44:19Et ensuite, le défendeur doit aussi être cohérent
44:21ou tenir compte à minima de ce que font les autres défendeurs,
44:24notamment dans les cas d'actions indemnitaires
44:26à la suite d'un cartel.
44:29Et donc, tout ça va complexifier le schéma.
44:32Si on donne un exemple,
44:33on peut parler du cartel des camions
44:36qui a donné lieu à de nombreuses actions indemnitaires.
44:39Donc, des milliers d'actions indemnitaires
44:42dans plus de dix juridictions en Europe
44:44avec cinq entreprises en défense.
44:49Et donc, on voit bien là toute la difficulté
44:51qu'il peut y avoir à se coordonner
44:52et à envisager une transaction.
44:55Puisqu'effectivement, si on transige dans un pays,
44:57ça n'éteint pas forcément les actions dans les autres.
45:01Si on transige avec une certaine typologie de victimes,
45:05il va rester...
45:05Donc, tout ça doit être appréhendé et transigé.
45:08Ce n'est pas si simple que ça
45:11dans des contentieux de grande ampleur.
45:13Et comment on peut apporter de la cohérence,
45:15comme vous dites ?
45:16La cohérence, ça va être de...
45:20Il faut qu'il y ait un tronc commun dans la défense,
45:25que les arguments principaux soient les mêmes.
45:29Alors, on va aussi, dans ce type de dossier,
45:32essayer d'identifier les divergences
45:35entre les argumentations des demandeurs.
45:39C'est-à-dire qu'on va essayer de désolidariser
45:41les uns et les autres pour en tirer des arguments.
45:45Et puis, oui, la cohérence, ça va être...
45:49Elle va devoir être définie dans le cadre
45:51d'une stratégie globale,
45:52une fois que l'on a une vision panoramique
45:56de toutes les actions en cours.
45:59Et puis, tout ça, ça s'affine au fur et à mesure du temps,
46:01puisqu'on voit certains arguments qui sont avancés par les uns,
46:04pas par les autres, etc.
46:06Mais il faut une ligne de conduite.
46:10Un socle global, c'est ça ?
46:11Exactement, un socle global,
46:13dont on ne doit pas dévier.
46:15Sinon, à la fin, c'est trop compliqué.
46:17Il peut y avoir une...
46:18On peut regarder, effectivement, la manière de transiger,
46:21mais quand vous avez plusieurs acteurs,
46:22il faut déjà réserver la transaction
46:24à une typologie d'acteurs
46:25sur lesquels vous croyez qu'il y a potentiellement
46:28matière à transiger.
46:28Parce que sinon, ça veut dire que c'est la prime à tout demandeur.
46:31Et il faut quand même avoir une stratégie claire.
46:33Et après, il faut rationaliser.
46:34C'est-à-dire que là aussi,
46:35vous ne pouvez pas avoir des écarts monstrueux
46:37entre un type de demandeur et un autre type de demandeur.
46:40Au moins pour l'interne,
46:40quand vous êtes une société cotée,
46:41vous avez des comptes à rendre aussi sur ce que vous faites.
46:45Et par ailleurs,
46:46quand vous êtes des sociétés qui sont cotées,
46:49les litiges d'importance, ils sont visibles.
46:51Et donc, si vous les transigez,
46:53ils disparaissent, les litiges visibles.
46:54Donc, tout le monde a vu que vous avez transigé un litige.
46:58Donc, c'est aussi un signal que vous donnez
47:00à l'ensemble des acteurs du marché.
47:01Donc, il faut faire très, très attention.
47:03Il faut le faire de manière très rationnelle.
47:04Ce n'est pas juste, je veux éteindre les contentieux
47:06pour plus en entendre parler.
47:07On va conclure là-dessus ce débat
47:10et on enchaîne tout de suite avec notre cas pratique.
47:12On commence tout de suite notre cas pratique
47:25et on va se poser dans le cas d'un recours collectif
47:29contre un opérateur dans le domaine de l'énergie
47:32pour pratiques anticoncurrentielles.
47:36Et je vais commencer avec vous, Gabriel.
47:37Si vous étiez dans la peau d'une entreprise
47:41dans le secteur de l'énergie,
47:43quelles seraient les premières étapes
47:44à enclencher dans ce cas de figure ?
47:47Déjà, si vous avez été mis en cause
47:48pour des raisons concurrentielles,
47:50il faut bien regarder ce sur quoi le périmètre
47:52sur lequel vous avez été mis en cause.
47:54C'est la base.
47:54C'est-à-dire que d'abord, c'est quel est le socle
47:56sur lequel vous avez à vous défendre
47:58pour évaluer l'impact.
48:00Et c'est un double impact.
48:03C'est l'impact de la procédure que vous allez avoir.
48:06Et puis, potentiellement, le risque financier
48:09qui, immédiatement, va devoir être évalué,
48:13au moins pour l'interne,
48:14parce que c'est là aussi quelque chose
48:16qui est au sein d'une entreprise.
48:17Quand vous avez des contentieux de ce type-là,
48:19c'est des contentieux exceptionnels
48:20qui sont massifs,
48:22massifs par leur ampleur
48:23en termes de mobilisation de ressources,
48:25mais massifs aussi sur les conséquences financières
48:27pour l'entreprise.
48:28Et donc, immédiatement, l'interne,
48:30si vous avez un actionnaire étatique,
48:32si vous êtes une société, par exemple,
48:33dans l'électricité,
48:34peut-être qu'on va vous demander des comptes
48:36aussi sur ce sujet-là.
48:37Donc, ça va être le premier sujet.
48:38Deuxième sujet, c'est que vous allez regarder
48:40la manière dont vous allez vous organiser.
48:42C'est-à-dire, vous avez identifié les griefs,
48:44qu'est-ce qui vous est reproché,
48:45et immédiatement, commencez à bâtir
48:46une stratégie avec une équipe.
48:48Si vous êtes dans le domaine de l'électricité,
48:50vous allez un peu benchmarker
48:51ce qui s'est fait à l'étranger,
48:52est-ce qu'il y a eu d'autres cas ?
48:54Immédiatement, le réflexe, c'est ça.
48:55C'est-à-dire, s'il y a eu d'autres cas à l'étranger,
48:57quelle a été la réaction ?
48:58Quelle a été la défense ?
48:59Et puis, quelles ont été potentiellement
49:01les condamnations ?
49:02Et ça, c'est un élément essentiel du début.
49:04Et après, il y a toute l'organisation.
49:05Et là, vous organisez le travail,
49:08c'est un marathon.
49:10Pourquoi c'est un marathon ?
49:11Parce que vous savez que vous allez vivre
49:12avec ce dossier-là pendant de longues années.
49:14Et donc, on ne s'organise pas de la même manière
49:16pour un 100 mètres que pour un marathon.
49:18Et donc, il faut de l'énergie.
49:22Des ressources, des experts, des financements,
49:26des experts qui sont économiques, juridiques.
49:28Et donc, vous allez constituer une team.
49:30Et comment on mobilise cette team, alors ?
49:32Déjà, quand vous êtes dans un secteur,
49:35vous allez chercher des experts
49:36qui connaissent ce secteur-là.
49:37C'est toujours mieux.
49:38En tout cas, ce n'est pas obligé,
49:39mais il y a un effet d'apprentissage dans les secteurs.
49:41Donc, c'est toujours quand vous êtes
49:42dans des secteurs très techniques.
49:44Généralement, vous allez vous tourner vers des gens
49:46avec lesquels vous avez l'habitude de travailler.
49:50Ça ne veut pas dire que c'est un interlocuteur en particulier.
49:53Il y a des acteurs dans les avocats
49:55qui connaissent mieux le domaine de l'énergie.
49:58Donc, vous allez sans doute aller voir ces gens-là.
50:00Les économistes, certains ont fait beaucoup de dossiers,
50:02compris en merger, par exemple, sur l'énergie.
50:05Donc, vous allez essayer d'aller chercher des gens
50:07qui connaissent ces secteurs-là,
50:09en tout cas pour essayer de bâtir un argumentaire.
50:11Et puis, parce qu'ils ont une légitimité.
50:13Ils ont une légitimité dont vous allez vous servir aussi.
50:15Et ça, c'est important.
50:16Et donc, vous allez constituer cette team-là.
50:18Et à partir de là, vous allez commencer
50:20à échafauder une stratégie
50:23et puis commencer à analyser les données,
50:26établir des rapports.
50:27Et ça, ça prend beaucoup de temps.
50:29Et aussi, le risque réputationnel ?
50:31Alors, le risque réputationnel,
50:32il est à la première seconde.
50:34C'est-à-dire que, en plus,
50:36si vous êtes une entreprise
50:37dont l'activité, comme c'est le cas de l'énergie,
50:40affecte toutes les personnes,
50:41vous avez une sorte...
50:43Vous êtes sous le regard de la société.
50:46De tout le monde.
50:47Et puis, même si la pratique
50:49a affecté plutôt des concurrents,
50:51vous avez des consommateurs, au final.
50:53Et donc, ils se disent,
50:54c'est terrible,
50:54moi, j'ai peut-être payé trop cher mon électricité,
50:57ce n'était pas normal, etc.
50:58Et donc, vous avez potentiellement un sujet d'image.
51:02Et donc, là, vous allez devoir gérer
51:03ce sujet d'image très, très rapidement.
51:06Soit en désamorçant,
51:08soit en assumant,
51:09mais en minimisant.
51:10Mais en tout cas,
51:11vous allez devoir prendre position
51:12sans préempter non plus
51:13le débat indemnitaire qui arrive.
51:15Et ça, c'est toujours la difficulté
51:16parce que vos prises de parole,
51:18elles sont scrutées, analysées
51:20et elles vous sont renvoyées
51:21dans le contentieux.
51:22Et donc, ça, c'est un élément
51:22très, très important.
51:24Alors, Julie,
51:25imaginons que Gabriel fasse appel
51:27à votre cabinet d'avocats.
51:29Quels sont les leviers de défense
51:30possibles dans ce cas de figure ?
51:32Écoutez, déjà, Gabriel a dit
51:33beaucoup de choses.
51:34C'est un marathon.
51:37Donc, on se prépare
51:38à une bataille de longue haleine
51:41avec le client
51:43et avec les économistes.
51:46C'est un point important.
51:49Et la façon dont on se défend,
51:51dont on prépare la défense,
51:52elle est très différente
51:53selon qu'on est en matière indemnitaire
51:55ou en matière d'action de groupe.
51:57Pourquoi c'est différent ?
51:58Alors, en matière indemnitaire,
52:00c'est tout simplement une action
52:03en responsabilité civile classique.
52:05Donc, il y a trois paramètres
52:06à prendre en considération.
52:07La faute, le préjudice
52:09et le lien de causalité.
52:10Alors, on ne se défend pas
52:12comme dans tous les dossiers classiques
52:14en matière indemnitaire.
52:15Pourquoi ?
52:15Parce qu'on a une directive
52:16qui établit des présomptions.
52:19C'est-à-dire qui facilite la tâche
52:20au demandeur.
52:21Donc, lorsque la directive est applicable
52:23et qu'une décision a sanctionné
52:28de manière définitive le client,
52:31la faute est présumée.
52:32Donc là, le travail de défense,
52:34ça va être d'essayer de regarder
52:37dans quelle mesure les pratiques
52:39qui sont allégées par le demandeur
52:40ne correspondent pas exactement
52:42à la faute qui a été sanctionnée.
52:44Et donc, pour essayer de sortir
52:46de la présomption et dire
52:47ce que vous nous reprochez là,
52:48ce n'est pas exactement
52:49ce qui a été sanctionné
52:50par l'autorité de la concurrence.
52:52Donc là, vous ne pouvez pas faire jouer
52:53une présomption.
52:54Donc ça, c'est le premier point.
52:56Ensuite, sur le préjudice,
52:58eh bien, effectivement,
52:59il faut arriver à montrer
53:00que le préjudice allégué
53:02n'est pas le préjudice réel
53:04et la tâche va être complexifiée
53:06par une présomption
53:08de répercussion du surcoût.
53:13En fait, le client...
53:14Qu'est-ce que ça veut dire ?
53:15Alors, je vais vous expliquer ça.
53:16Le plaignant dit, voilà,
53:17moi, j'ai un préjudice de temps.
53:20Ce préjudice, il est lié au prix
53:22que vous m'avez...
53:24Je schématise, mais que vous m'avez appliqué,
53:27qui était surévalué
53:28parce que vous êtes parti
53:30à une pratique anticoncurrentielle.
53:31Donc moi, j'ai surpayé
53:32certaines prestations.
53:35Et donc, sur cette base,
53:36voilà mon préjudice.
53:39Eh bien, toute la question
53:40est de savoir si ce surcoût
53:42qui a été payé par la victime
53:44a été répercuté ou pas
53:46au propre client de la victime.
53:49C'est-à-dire que l'enjeu
53:51pour le défendeur,
53:52ça va être de montrer que non,
53:54ce préjudice que vous alléguez,
53:55vous ne l'avez pas subi
53:56puisque vous-même,
53:57vous avez répercuté le surcoût
53:58à vos propres clients.
54:00Donc ça, c'est un enjeu.
54:01C'est un enjeu difficile
54:02parce que ça implique
54:03de comprendre
54:04comment le plaignant
54:06a constitué son prix
54:07et d'avoir accès à des données.
54:10Donc, c'est une partie difficile.
54:12Et le dernier élément,
54:13c'est le lien de causalité.
54:14C'est de dire au plaignant,
54:16OK, vous alléguez tel préjudice,
54:18vous avez été dans une situation difficile,
54:21mais ça n'est pas en lien
54:22avec les pratiques
54:23que moi, j'ai mises en œuvre.
54:24La situation que vous dénoncez,
54:27le préjudice que vous dénoncez,
54:29en fait,
54:29il est lié
54:31à tout un tas de facteurs exogènes.
54:33Ça va être lié
54:34à votre propre comportement.
54:36Peut-être que votre politique commerciale,
54:38elle n'est pas si bonne que ça
54:39et c'est ce qui a fait
54:41que vous avez subi un préjudice.
54:43Ça peut être lié
54:43à des conditions de marché
54:44qui ne sont pas du tout
54:45en lien avec les pratiques.
54:48Donc, voilà.
54:49Essayez de détricoter
54:50ce lien de causalité.
54:53Donc, ça,
54:53c'est pour les actions indemnitaires.
54:55Et en matière d'action de groupe,
54:56c'est un peu différent.
54:57On va challenger
54:58la constitution du groupe.
55:01Essayez de montrer
55:01que les consommateurs
55:03ou les entreprises,
55:04puisque maintenant,
55:04les entreprises peuvent
55:05tenter une action de groupe,
55:06ne sont pas dans une situation similaire.
55:09Voilà.
55:09Et enfin,
55:10sur la question de financement,
55:11comment on agit dans ce cas de figure ?
55:13Alors, un petit peu,
55:14on va aller à rebours, en fait,
55:15de ce qui est fait en défense.
55:17C'est-à-dire que nous,
55:18le cabinet avec les demandeurs
55:21vont venir nous solliciter
55:22pour un financement.
55:24On va faire une analyse en interne
55:26de la solidité des arguments juridiques.
55:29On va regarder aussi,
55:30de manière très importante,
55:33la solvabilité du défendeur,
55:34puisque si on voit
55:36que le défendeur
55:37a des problèmes de solvabilité,
55:38c'est des dossiers
55:38qu'on n'accompagnera pas.
55:40Et donc,
55:41si on trouve qu'à la fois
55:42les arguments
55:44qui sont amenés par le cabinet
55:46semblent solides
55:48que si on est dans une action
55:49de groupe,
55:51si la classe semble
55:52effectivement homogène,
55:53qu'il n'y a pas de difficulté
55:55de ce côté-là,
55:57qu'au niveau du préjudice,
55:58le préjudice qui est réclamé,
55:59il semble établi,
56:00qu'on n'a pas de problème,
56:01justement,
56:01de passage du surcoût
56:02à d'autres entités,
56:03etc.
56:04À ce moment-là,
56:06on va pouvoir accompagner
56:07le cabinet et les demandeurs
56:09dans le contentieux
56:12et espérer gagner au bout.
56:15Au-delà de ces éléments
56:16que vous venez d'indiquer,
56:17est-ce qu'il y a d'autres choses
56:18que vous prenez en compte
56:20dans ce cas de figure ?
56:21Des éléments contextuels aussi ?
56:23Les éléments contextuels
56:25qu'on va regarder,
56:26ce que je vous disais,
56:27c'était le...
56:29On va regarder aussi
56:30dans quel pays
56:31on va aller faire exécuter
56:32la décision.
56:33Donc ça,
56:33tout dépend si on est
56:34sur un type de contentieux
56:35international ou pas.
56:35C'est-à-dire du forum shopping ?
56:37Non, pas du forum shopping,
56:38simplement voir...
56:39Parce qu'un des éléments
56:40qui est important
56:41pour un financeur de contentieux,
56:43c'est la durée du contentieux.
56:45C'est un élément
56:46qui est très important.
56:46Et si vous êtes devant
56:49des juridictions
56:49où vous savez que le contentieux
56:51va durer,
56:51mettons, 4 ou 5 ans,
56:52c'est une durée
56:53qui est acceptable.
56:54Mais si le défendeur
56:55a ces biens
56:56qui sont situés
56:56dans un pays tiers
56:57et où là,
56:58vous savez que
56:59pour faire exécuter
57:00votre décision,
57:00il va peut-être vous falloir
57:013 ou 4 ans de plus,
57:03à ce moment-là,
57:03ça va être beaucoup plus compliqué
57:04de réussir à mettre en place
57:05un plan de financement.
57:07Donc,
57:07ce n'est pas du forum shopping,
57:08c'est simplement
57:09l'évaluation du temps
57:10qu'il faudra
57:11pour aller récupérer
57:13les sommes qui sont dues.
57:14On va conclure là-dessus.
57:16C'est la fin de cette émission.
57:18Merci à tous les trois.
57:20Quant à moi,
57:20je vous retrouve très bientôt
57:21sur Bsmart4Chain.
57:22Restez curieux
57:23et informés.
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29:55
À suivre