- il y a 2 semaines
Chaque week-end, l’émission pilotée par Pauline Revenaz avec à ses côtés Dominique Rizet, consultant police/justice BFMTV, traite d’un événement majeur de la semaine, ainsi que d’autres affaires qui sont revenues sur le devant de la scène.
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00:00Laurent Bénégui qui nous rejoint à l'instant, vous écrivez « Ma guerre » chez Mialet Barraud, merci d'être avec nous.
00:07Et c'est une plongée vertigineuse dans une quête, vous décrivez une mère de famille qui se bat pour retrouver sa fille,
00:14partie rejoindre les rangs de l'État islamique, je le montre ici, qu'on va retrouver dans le camp de Roy,
00:20« Sa guerre » pardon, c'est le titre de votre ouvrage.
00:23Et j'ai voulu vous faire dialoguer aujourd'hui avec le journaliste Noé Pignette qui est allé lui dans ce camp justement
00:28et qui a suivi les familles des mères des enfants de retour en France.
00:31Donc merci d'avoir accepté cette double invitation, c'est une première pour nous.
00:35Laurent Bénégui, pourquoi est-ce que vous avez choisi cette thématique ?
00:37Ce n'est pas évident, les enfants de Daesh, comment vous vous êtes documenté et comment vous vous êtes immergé dans ce dossier ?
00:43Alors à titre personnel, je suis un peu bouleversé par tout ce qui déchire notre société depuis quelques années,
00:49notamment ceux qui croient, ceux qui ne croient pas ou ceux qui ne croient pas à la même chose que leurs voisins,
00:55ceux qui ont pratiquement tout, ceux qui n'ont quasiment rien.
00:58Et je voulais écrire là-dessus.
01:00Et puis j'ai rencontré un homme qui est un agent des services secrets français en mission qui n'existe pas.
01:07Et pourtant il a été là-bas en Syrie pendant 18 mois, deux ans.
01:13Que vous remerciez dans votre page de remerciement ?
01:15Il est dedans ?
01:15Il est dedans mais ce n'est pas son vrai nom.
01:17Mais il est caché, d'accord.
01:18C'est plus prudent.
01:19Et donc je l'ai rencontré, il se trouve qu'il avait lu mes romans précédents
01:22et qu'il a eu envie de me parler.
01:25Ça a commencé par des conversations informelles.
01:27Et moi je ne voulais pas écrire un roman d'agent secret.
01:30Et je voulais écrire un roman à hauteur humaine, j'ai envie de dire, de vous et moi,
01:34parce que tout le monde est concerné par ce qui s'est passé et ce qui se passe encore.
01:38Et surtout il m'a fait dresser des portraits de femmes incroyables.
01:43Des mères, d'enfants partis faire le djihad.
01:46Et ces enfants, ces jeunes, où moi j'ai découvert que ça battait en brèche tous les préjugés,
01:50toutes les idées reçues que j'avais sur ces gamins, ces gosses,
01:54qui ne sont pas partis avec les couteaux entre les dents.
01:56Et qui n'ont rien demandé pour de vrai.
01:58Et qui n'ont rien demandé.
01:59Et ceux qui ensuite, puisqu'ils sont partis à 17 ans, 18 ans,
02:03ça a duré, c'est 2015, 2025 aujourd'hui,
02:06qui ont eu des enfants là-bas, qui sont encore moins demandés quoi que ce soit.
02:10Donc est-ce que vous pouvez nous pitcher, comme on dit en télé,
02:13Hélène, elle est cardiologue et sa fille de 18 ans,
02:15elle passe la frontière turque avec un terroriste notoire.
02:17Et après, qu'est-ce qui se passe sans dévoiler la fin ?
02:20C'est une quête éperdue, c'est jamais sans ma fille.
02:22C'est une quête qui... Oui, c'est un peu ça.
02:24C'est une quête qui dure plusieurs années.
02:26D'abord d'acceptation, quand elle apprend que sa fille disparaît du jour au lendemain,
02:31alors que c'est une mère de famille, pour qui tout va bien,
02:34et avec qui sa relation, la relation avec sa fille est fusionnelle, complice.
02:40Et pourtant, sa fille disparaît.
02:42Et la première nouvelle qu'elle a d'elle, c'est une photo que lui montre un agent des GSI,
02:47de sa fille dans un aéroport au Moyen-Orient.
02:49Alors elle est heureuse de la retrouver,
02:51sauf que cette fille est accompagnée d'un type qui est un terroriste notoire,
02:55qui sont à l'aéroport de Gaziantep,
02:56qui était la porte d'entrée, une des portes d'entrée pour passer la frontière syrienne,
03:00et qu'elle découvre que sa fille serait non seulement partie faire le djihad,
03:04je précise, c'est une famille de tradition catholique.
03:0742% je crois des jeunes qui sont partis étaient de tradition catholique.
03:10Donc convertis, c'est ce qu'on appelle les convertis.
03:12Oui, alors qu'ils sont convertis juste avant ou juste après,
03:15je crois même qu'il y a des juifs, 6% de juifs.
03:17Donc c'est pour ça que je dis ça,
03:17en brèche, tout ce qu'on peut imaginer.
03:20Et elle découvre que sa fille,
03:21donc il faut accepter déjà,
03:23donc c'est cette quête de cette mère qui doit comprendre,
03:25accepter, apprendre ce que ça veut dire,
03:28et qui décide de sauver sa fille.
03:30Et qui veut aller la chercher.
03:31Et qui va faire tout pour aller la chercher,
03:32et qui va aller en Syrie.
03:34Parce qu'elle croit au moment où elle pense que sa fille est peut-être décédée,
03:37elle apprend qu'elle serait peut-être,
03:39je dis peut-être pour ne pas tout raconter,
03:40dans un de ses camps de réfugiés,
03:42notamment le camp de...
03:44Et alors justement, Noé, vous, vous êtes rentrée dans ce camp
03:46avec Fanny Morel,
03:48co-réalisant ce documentaire qui a été diffusé en 2021
03:52dans le format Ligne Rouge.
03:55C'est une matière si humaine, si sensible.
03:57Vous qui avez pu pénétrer dans ce camp,
03:59à quoi ça ressemble ?
04:00Et est-ce que vous pouvez nous...
04:02Les mots de Laurent sur vos images et votre enquête à vous ?
04:06Alors d'abord, les mots de Laurent sur les familles
04:08qui se battent depuis des années maintenant
04:10pour le rapatriement,
04:11pour retrouver leurs proches parfois qui ont disparu,
04:13puis pour le rapatriement de leurs enfants,
04:15de leurs petits-enfants aussi.
04:17Ça, c'est quelque chose avec lequel nous,
04:20les journalistes qui traitons le terrorisme,
04:22traitons au quotidien.
04:22Des gens qui nous appellent, qui nous disent
04:24« J'ai plus de traces de ma fille depuis 2017,
04:26j'ai plus de traces de mon fils depuis 2019,
04:28je crois qu'il est en prison,
04:29il est peut-être mort,
04:30il est peut-être encore en vie. »
04:32Et donc, dans ces camps
04:34où certaines familles maintenant se rendent
04:35pour essayer de retrouver leurs proches,
04:37on a une situation
04:39qui est profondément déplorable.
04:41On est très très loin, évidemment,
04:43des standards internationaux
04:44en termes de détention.
04:46On est donc avec des camps
04:48où il fait extrêmement chaud l'été,
04:50sous des tentes.
04:50C'est de la toile de quoi ?
04:52C'est de la toile,
04:53c'est des bâches,
04:55ils vivent sous des bâches.
04:57Dans des conditions extrêmement difficiles ?
04:59Oui, extrêmement difficiles.
05:01Il y a un accès à l'eau qui est très limité,
05:03l'eau est souvent contaminée,
05:04il y a un accès à la nourriture qui est très limité.
05:06En fait, les familles survivent
05:07parce que leurs proches, en France,
05:08leur envoient de l'argent,
05:09même si c'est interdit,
05:10ils continuent de leur envoyer de l'argent
05:11pour qu'ils puissent s'acheter du shampoing,
05:15de la nourriture,
05:16dans le petit soupe qu'il y a dans ce camp.
05:18Mais sinon, les colis alimentaires sont très maigres
05:21et la situation est extrêmement compliquée.
05:24Alors évidemment, on nous dira,
05:25peu importe, ce sont des djihadistes,
05:27ils ont décidé de partir là-bas.
05:28Oui, on entend cette argument.
05:29C'est-à-dire que ces gens-là ont des enfants
05:30et qu'il y a une centaine d'enfants aujourd'hui
05:32qui n'ont rien demandé,
05:33qui se retrouvent dans ces camps.
05:34Il y a encore sur zone une centaine d'enfants,
05:36une cinquantaine de femmes françaises
05:37et 47 hommes qui ont été transférés en Irak.
05:40Exactement.
05:40Et une vingtaine d'hommes dont on a perdu la trace
05:42puisqu'il y avait 67 hommes dans les prisons kurdes,
05:4447 ont été transférés
05:46et une vingtaine d'hommes.
05:47Sont-ils morts ?
05:47Sont-ils encore dans les prisons kurdes ?
05:48Et vous, vous les connaissez,
05:49vous les avez rencontrés.
05:51Quand vous entendez ces phrases convenues,
05:53tout le monde,
05:54ils l'ont bien méritée,
05:55ils l'ont bien cherchée,
05:56on ne va pas s'embêter à aller les chercher.
06:00Comment vous réagissez quand vous entendez ça ?
06:02Et que vous, vous les connaissez.
06:03Vous savez,
06:04vous connaissez les personnes dont on parle
06:05quand on s'est français.
06:07Alors, ce n'est pas qu'une histoire d'émotion.
06:08Évidemment,
06:08on rencontre des femmes
06:09et des hommes,
06:11parfois aussi,
06:12qui se sont fait embrigader
06:13dans une dérive sectaire.
06:14Donc, évidemment,
06:15on a envie que ça pèse
06:16devant un tribunal français
06:18qui pourrait prendre ça en cause
06:19comme circonstance atténuante.
06:21Voilà.
06:21Mais ce que j'ai envie de dire
06:22aux gens qui pensent ça,
06:24c'est que la justice antiterroriste kurde,
06:26elle condamne pour l'instant
06:27seulement des Syriens
06:28et pas les internationaux.
06:29Mais les Syriens
06:29ont des peines extrêmement faibles.
06:31Et la justice française,
06:33pour le coup,
06:33est la justice antiterroriste
06:35la plus sévère d'Europe.
06:37Il n'y a pas de terroristes,
06:38aujourd'hui,
06:38qui rentrent de zone
06:39irako-syrienne
06:41qui sont condamnés
06:41à moins de 8-10 ans de prison.
06:43Donc, en fait,
06:44on est face à une situation
06:45où on a des femmes,
06:47pour le coup,
06:47qui choisissent
06:48de rester en Syrie
06:49pour ne pas faire face à la justice,
06:51ce qui est quand même
06:51assez incroyable.
06:52On est face à des gens
06:52qui choisissent
06:53leur destin judiciaire
06:54alors même
06:54qu'ils sont soupçonnés
06:56de terrorisme
06:56et poursuivis
06:57par la justice française.
06:58Et donc,
06:58elles disent
06:59« Non, on préfère rester là
07:00puis on reste là
07:01avec nos enfants,
07:01d'ailleurs,
07:02qu'on condamne
07:02puisqu'ils ne peuvent pas
07:04aller à l'école.
07:04Ils vivent dans des camps,
07:05dans des conditions déplorables
07:06depuis des années maintenant.
07:07Et on les laisse choisir.
07:09L'État français
07:10décide de les laisser choisir.
07:12C'est bizarre comme situation.
07:13C'est extrêmement paradoxal.
07:15Évidemment.
07:16Je vous propose
07:16d'écouter un extrait
07:17de votre documentaire.
07:18On va écouter Sophia,
07:19une adolescente
07:20que vous aviez pu interviewer
07:21à l'époque
07:22et qui raconte
07:22son traumatisme.
07:25Dès que je me rappelle
07:26que je suis là,
07:26je n'ai pas envie de penser.
07:29Je n'ai pas envie de penser.
07:32Quand elle est arrivée
07:33dans le camp,
07:34Sophia a retiré son voile
07:35avant de se raviser
07:37sous la pression
07:37des plus radicalisés.
07:40À 15 ans,
07:41elle a connu
07:42l'État islamique,
07:43la guerre
07:43et les bombardements,
07:44jusqu'à la chute
07:46du califat autoproclamé
07:48à Barouz
07:48en mars 2019.
07:51Mon petit frère,
07:51le premier,
07:52il est mort
07:52à Barouz
07:54et ma soeur,
07:58elle est morte
07:58avec une balle
07:59dans sa tête
08:00et mon deuxième petit frère,
08:02il est mort
08:03à l'hôpital.
08:04Qu'est-ce qu'elle est devenue,
08:05Sophia ?
08:06Est-ce que toutes ces personnes
08:07que vous avez rencontrées,
08:08je rappelle que c'était
08:08en 2020,
08:09qu'est-ce qu'elles sont devenues ?
08:10Sophia est rentrée en France
08:11avec sa fratrie.
08:12Elle va bien.
08:13Elle a été prise en charge
08:15comme ça se fait en France
08:16par l'aide sociale à l'enfance
08:18et la protection judiciaire
08:19de la jeunesse.
08:20Et aujourd'hui,
08:21elle va à l'école,
08:22elle mène une vie
08:23normale,
08:24entre guillemets.
08:24Ses enfants,
08:25pour l'instant,
08:25ils se réintègrent.
08:26C'est extrêmement compliqué.
08:27Il y en a,
08:28Sophia a la chance
08:28de parler français,
08:29mais il y a des enfants
08:29qui ne parlaient même plus français.
08:32Et donc,
08:33petit à petit,
08:33ils se réintègrent,
08:34ils retrouvent leur famille,
08:35leurs grands-parents,
08:36quelquefois,
08:37leur mère,
08:37parce qu'il y en a
08:37qui sont partis
08:38avec un seul parent,
08:39souvent le père
08:40qui a enlevé l'enfant.
08:42Et donc,
08:43ils se réintègrent.
08:44Et j'ai envie de dire,
08:45comment peut-on croire
08:45que Sophia est aujourd'hui
08:46un danger pour la France ?
08:48Alors, plus elle reste...
08:48Donc, on est quand même
08:49un peu loin.
08:49L'expression que Dominique
08:51avait aussi,
08:52c'est cette...
08:52On parlait d'enfants
08:53de bombes à retardement.
08:55Quand on voit Sophia,
08:56on a du mal.
08:57Et Laurent ?
08:59Oui, oui.
08:59C'est-à-dire que même
09:00si on se plaçait
09:00d'un point de vue un peu cynique,
09:01la meilleure stratégie,
09:03ce serait de faire revenir
09:04ces enfants,
09:06parce qu'en les laissant là-bas,
09:07il faut imaginer,
09:08quand même, dans les camps,
09:09ils ont accès à l'information.
09:11Ils ont un téléphone,
09:12une télé.
09:13Ils savent très bien
09:13ce qu'on dit,
09:14ce qui se passe en France.
09:15Donc, comment ils peuvent
09:16réagir autrement
09:17en tant que gosses,
09:18de se dire,
09:18mais on ne veut pas de moi
09:19et c'est eux l'ennemi.
09:20Donc, on fabrique,
09:21on a plus de chances
09:22de fabriquer des terroristes...
09:23Là-bas ?
09:24Là-bas,
09:24qui un jour,
09:25un jour vont venir peut-être,
09:27que de les ramener ici,
09:28de les rééduquer
09:28ou de juger,
09:29pas les gosses,
09:30mais d'évaluer
09:32qui a du sang sur les mains
09:33ou pas.
09:33Donc, c'est une erreur
09:34stratégique terrible
09:35et qui est politique,
09:36d'autant qu'il y a eu
09:36un plan de rapatriement
09:41général des enfants
09:42en 2018-2019.
09:44Alors, depuis 2019,
09:46on va donner les chiffres,
09:47il y a 179 enfants
09:48qui sont rentrés
09:49et 60 femmes
09:49qui ont été rapatriées.
09:50On le rappelle,
09:51quand les femmes rentrent,
09:52elles sont judiciarisées
09:53et les enfants,
09:53comme vous l'avez bien expliqué,
09:54ils sont placés
09:55avec l'ASE
09:56ou avec la PJJ,
09:58la protection de la jeunesse.
10:00Judicière de la jeunesse.
10:00Oui, exactement.
10:02Et les rapatriements
10:03avaient cessé en 2023,
10:04faute de volontaires,
10:06disaient les autorités,
10:07et ce, souvenez-vous,
10:08malgré toutes les condamnations
10:09internationales.
10:09Donc, le dernier rapatriement,
10:11il date de septembre dernier.
10:12Est-ce qu'on peut espérer
10:14qu'il y ait d'autres rapatriements
10:15puisqu'il reste encore
10:16une centaine d'enfants ?
10:18Alors, on était sur une stratégie
10:19de compte-gouttes,
10:20ensuite, on était sur une stratégie
10:21un peu massive
10:22où d'un coup,
10:23on a rapatrié énormément de gens.
10:24On est de nouveau
10:25sur une stratégie de compte-gouttes.
10:26Là, il y a trois femmes
10:27qui sont rentrées seulement.
10:27Mais, encore une fois,
10:30il faut qu'elles disent
10:31qu'elles sont d'accord
10:32puisque les autorités françaises
10:34disent que si elles ne donnent
10:35pas leur accord,
10:36ça représenterait
10:37un enlèvement international
10:38puisque les Kurdes syriens
10:39n'étant pas un État reconnu,
10:40ils ne peuvent pas livrer
10:41ces femmes à l'État français.
10:43La vérité, c'est qu'en fait,
10:44les Kurdes syriens
10:45pourraient les envoyer en Irak
10:46et ensuite,
10:46on les rapatrierait en France.
10:48Alors, on est tous d'accord
10:49sur le fait qu'un gamin
10:50n'est pas responsable
10:52des actes de ses parents.
10:54On est tous d'accord là-dessus.
10:55On devrait tous être d'accord là-dessus.
10:56Maintenant, est-ce que
10:57ces gens qui reviennent
10:58regrettent à chaque fois ?
11:01Est-ce que le regret,
11:02c'est un passage forcé
11:03de leur retour
11:06ou c'est un passage forcé
11:07de ce que vous entendez
11:08quand ils vous parlent
11:09de leur passé ?
11:10Ou est-ce qu'il y a des gens
11:10qui sont allés
11:11et qui disent
11:12« Moi, j'y suis allé
11:12parce que j'y croyais,
11:13je reviens parce que
11:14je ne peux plus rester là-bas
11:15mais je n'ai pas de regrets ? »
11:17Ça dépend.
11:17Ça dépend.
11:18Ça dépend.
11:19La majorité regrette.
11:21La majorité aussi
11:22sont dans une certaine
11:23forme de déni
11:23sur l'ampleur
11:24de ce qu'a représenté
11:26l'État islamique,
11:27notamment les attentats
11:27en Europe.
11:28Ils disent « Mais nous,
11:28on n'a rien à voir avec ça,
11:29on était en Syrie »
11:31alors qu'ils ont des proches
11:32parfois qui ont participé
11:33à l'organisation des attentats.
11:34Donc, ils sont dans
11:36une forme de déni.
11:37Les femmes disent souvent
11:38« Mais nous, on était à la maison,
11:39on s'occupait des enfants. »
11:41Bon, les femmes,
11:41elles ont eu un rôle central
11:42à savoir transmettre
11:43l'idéologie de Daesh
11:44à leurs enfants quand même.
11:45Donc, il y a quelque chose
11:46qui est en soi
11:48hautement condamnable.
11:48Elles ont condamné
11:49leurs enfants
11:50à une idéologie mortifère
11:52et aujourd'hui,
11:53ces enfants seront
11:55sûrement marqués à vie.
11:56Donc, il y a évidemment
11:57des femmes qui regrettent,
11:59qui disent « On s'est trompé. »
12:01Des femmes qui sont parties
12:02extrêmement jeunes,
12:02qui disent « Mais moi,
12:03je n'ai pas vraiment eu le choix.
12:04En fait, c'est ma mère.
12:05J'avais 16 ans.
12:06C'est ma mère qui m'a emmenée.
12:07On partait en vacances en Turquie
12:08puis ensuite,
12:09on a franchi la frontière. »
12:10Il y a des cas extrêmement,
12:11extrêmement différents.
12:13Mais peu importe, en fait,
12:15dans le sens où ces gens-là
12:16doivent rentrer,
12:17être judiciarisés
12:20s'ils ont commis des crimes
12:22et puis passer par un processus
12:23de déradicalisation.
12:25On n'est pas en gédé
12:26qu'on ne va pas réussir
12:26à tous les déradicaliser.
12:27Il y a un projet qui va...
12:28Pardon, Pauline.
12:30Laurent, votre personnage,
12:31elle regrette, elle,
12:32d'être partie ?
12:34Alors, pour ne pas tout dévoiler,
12:36c'est plutôt la mère
12:38qui se pose...
12:38La mère de celle qui est partie,
12:41bien sûr,
12:42qui culpabilise
12:42et après qui se pose
12:43énormément de questions
12:44sur le comportement
12:46qu'elle,
12:46elle doit avoir.
12:47Il faut savoir que...
12:48On parle évidemment
12:49très souvent
12:51de la présomption d'innocence,
12:52mais on est en train
12:53d'inventer un truc
12:53qui s'appelle
12:54la péremption de l'innocence.
12:55C'est-à-dire,
12:57à deux ans,
12:57à trois ans,
12:58est-ce qu'ils sont devenus...
12:59À quel âge ?
12:59On perd son innocence ?
13:00À quel âge ?
13:01L'État ?
13:02Les États, d'ailleurs,
13:03parce qu'ils sont à peu près...
13:05Il y a des femmes et des enfants
13:08de, je crois,
13:08une quarantaine de nationalités.
13:10La Belgique, notamment,
13:11qui a beaucoup rapatrié aussi.
13:12Oui, et la problématique
13:13est quand même
13:14globalement la même.
13:15À quel âge ?
13:15On considère qu'un gamin
13:16est encore un gamin
13:17ou c'est devenu
13:18un extrémiste
13:20en puissance ?
13:21Et ça,
13:22c'est une vraie question.
13:23C'est une question
13:23que se pose
13:24la mère...
13:25Enfin,
13:26le personnage de mon roman.
13:27Alors, attendez,
13:27je voulais vous proposer
13:28d'écouter
13:28une interview
13:30de Laurent Nunez
13:30qu'on a réalisé
13:31au moment de la diffusion
13:32de ce documentaire
13:33sur BFMTV en 2021.
13:34Et à l'époque,
13:35il était coordinateur
13:35du renseignement
13:36et du terrorisme.
13:37Et justement,
13:37il évoque cette stratégie
13:38du compte-gouttes
13:39dont vous parliez.
13:40Écoutez.
13:41La position de la France,
13:42c'est de considérer,
13:43et c'est une position claire,
13:44ferme et très déterminée,
13:45c'est de considérer
13:45que ces individus
13:46sont partis sur zone
13:47en sachant très bien
13:49quels actes
13:50ils allaient commettre,
13:51ce à quoi
13:51ils allaient participer.
13:52Et c'est qu'ils doivent
13:53être jugés
13:54là où ils ont commis
13:54leurs méfaits.
13:55Évidemment,
13:56ça n'empêche pas
13:56chaque fois qu'on le peut
13:57de rapatrier les enfants
13:59qui se trouveraient
13:59dans des situations
14:00humanitaires délicates.
14:02Et c'est ce qui est fait
14:03comme d'autres grands pays.
14:05Nous ne rapatrions pas
14:05nos djihadistes adultes,
14:07hommes,
14:07qui ont commis
14:07des méfaits dans ces pays.
14:09Mais ce sont des gens
14:10qui ont un potentiel
14:12de radicalité
14:13qui est toujours le même.
14:14Donc ça,
14:15c'était en 2021.
14:16Il y a une djihadiste présumée,
14:19Émilie Koenig,
14:19qui va revenir
14:20et le parquet a requis
14:21effectivement son renvoi
14:22devant les assises.
14:23Ça, c'est un procès
14:23qu'on va énormément guetter
14:25et justement,
14:26on va essayer de comprendre
14:26si elle,
14:27elle pose des mots
14:28sur cet engagement
14:29et les raisons
14:30pour lesquelles
14:30elle est partie.
14:31Émilie Koenig,
14:32elle a fait des allers-retours,
14:33elle regrette,
14:33elle ne regrette plus.
14:34Mais ce qui est presque amusant
14:36dans la déclaration
14:37de Laurent Nunez,
14:38c'est qu'il sait
14:38que c'est impossible.
14:39En fait,
14:40on ne peut pas juger
14:40ces djihadistes
14:41là où ils ont commis
14:41leurs crimes.
14:42En Syrie,
14:43la Syrie se relève
14:44de 50 ans de dictature.
14:47La zone où ils sont contrôlés,
14:48c'est les Kurdes syriens
14:49qui la contrôlent.
14:49Ce n'est pas un État.
14:50Il n'y a pas de juridiction
14:51antiterroriste pour les juger,
14:53en tout cas pas pour l'instant.
14:54Il n'y aura pas
14:55d'organisation de procès
14:56international type Nuremberg
14:57au Kurdistan syrien
14:58parce que ça voudrait dire
14:59reconnaître le Kurdistan syrien
15:00ce que la France ne veut pas.
15:01Donc la France juge.
15:02Donc la France se met
15:03à juger ces gens
15:04qui sont rentrés.
15:05Elle en envoie en Irak aussi.
15:07Alors elle en envoie en Irak
15:08avec une justice expéditive.
15:10On a eu des procès
15:10déjà en Irak
15:11de djihadistes,
15:1211,
15:13les procès duraient 30 minutes
15:14sans traducteur,
15:17avec, voilà,
15:17pas du tout satisfaisant
15:18même si à l'époque
15:19le gouvernement par la voie
15:20de Sibeth Ndiaye
15:20nous disait
15:21la justice est appliquée
15:24et les procès sont impartiaux.
15:26Bon, les procès impartiaux
15:26de 30 minutes
15:27et qui aboutissent
15:28à une condamnation à mort,
15:29ça ne remplit pas
15:31les standards européens
15:32et encore moins
15:33les standards français.
15:34Laurent, une petite note d'espoir
15:35sans dévoiler la fin
15:35de votre livre.
15:36Il y a aussi
15:36la génération d'après,
15:37c'est-à-dire qu'il y a aussi
15:38ces enfants qui sont nés
15:39dans les camps
15:40et qui n'ont rien demandé,
15:41encore une fois,
15:42doublement rien demandé
15:43et qu'on peut avoir
15:44bon espoir de rapatrier
15:45et ça, c'est aussi un moteur
15:47pour votre personnage, Hélène.
15:49Oui, mais aussi
15:50elle doit accepter l'idée
15:51parce qu'en fait,
15:53elle, en tant que mère
15:54d'une jeune femme
15:55qui est partie,
15:56elle subit les mêmes préjugés
15:59que tout le monde,
16:01tout ce qui vient d'être dit
16:02ou que dit Laurent Nunez,
16:03tout le monde a des idées reçues
16:04et donc elle doit aussi
16:06faire un chemin
16:07et c'est tout le chemin
16:07qu'elle fait dans ce livre
16:08qui finalement se révélera
16:11un chemin de concorde.
16:13Mais juste une chose encore,
16:15parce qu'on ne peut pas réduire
16:18tous ces jeunes
16:18qui sont partis là-bas
16:19à juste des gens
16:20qui étaient convaincus
16:23et qu'il y en a
16:23qui sont partis par erreur.
16:25Vraiment,
16:25il y a des filles
16:26qui sont tombées amoureuses
16:27et qui arrivaient là-bas
16:28ont été mises
16:30en mode afghan,
16:31c'est-à-dire
16:31on leur a supprimé
16:32leur téléphone portable,
16:33elles ne pouvaient plus rien dire
16:34et elles ont été emprisonnées
16:36pendant toutes ces années
16:38pour finalement,
16:39une fois parfois,
16:40libérées de leur mari
16:41qui lui,
16:41les hommes,
16:42la plupart,
16:42ont été tués,
16:43sont morts à Barouz
16:45ou pendant les bombardements,
16:47sous les bombardements
16:47de la coalition.
16:48Elles se sont retrouvées
16:49aujourd'hui dans ces camps
16:49donc elles passent
16:50d'une prison à l'autre.
16:51Et moi,
16:52je pense que
16:53on ferait beaucoup progresser
16:56nos sociétés
16:58en les acceptant,
16:59en jugeant.
17:00De toute façon,
17:00quand elles arrivent en France,
17:01il ne faut pas imaginer
17:02qu'elles sont relâchées
17:02dans la nature.
17:02Non,
17:03elles sont toutes judiciarisées,
17:04on le rappelle.
17:04Et qu'elles vont au supermarché.
17:05Placées en détention provisoire,
17:07instruites et jugées.
17:08Elles arrivent à l'aéroport
17:09de Villacoublet,
17:09elles sont présentées
17:10à un juge d'instruction.
17:12On va dire que
17:13l'avenir est beau.
17:14Comment ?
17:15L'avenir est beau,
17:15ce sont nos enfants
17:16qui vont le construire,
17:18dont ceux qui reviennent
17:18de là-bas.
17:19Oui,
17:19mais il faut absolument...
17:21En tout cas,
17:21il faut leur faire une place.
17:22C'est ça que vous dites
17:22tous les deux.
17:23Vous avec les mots,
17:24vous avec les images
17:25et avec les enquêtes,
17:26il faut se dire
17:27qu'il faut les réintégrer
17:29dans notre collectif.
17:30Bien sûr,
17:31il y a des enfants
17:31qu'on retrouve.
17:32Il y a un documentaire
17:34qui a été fait
17:34par Tani Morel
17:35sur Kylian,
17:36un petit garçon
17:37qui a été enlevé à sa mère
17:38à 7 ans par son père
17:39et qui a grandi
17:40sous l'État islamique
17:41et qui a été rapatrié
17:42il avait 13 ans.
17:43Il a été entraîné
17:44aux armes,
17:44Kylian.
17:45Et pourtant,
17:46je l'ai vu il y a
17:46un mois et demi.
17:48Qu'est-ce qu'il devient ?
17:48Il va bien.
17:49Il raconte tout maintenant.
17:51Il en veut beaucoup
17:52à son père.
17:52Il en veut aussi,
17:54malheureusement,
17:54un peu à la France
17:55qu'il a laissée là-bas
17:55pendant très longtemps,
17:56dans un camp.
17:57Mais il découvre
17:58l'école en France.
17:58Mais il découvre
17:59l'école en France.
17:59Il est en formation.
18:02Et il réapprend aussi.
18:03Il avait peur de la police.
18:04Beaucoup au début
18:05peur des journalistes aussi.
18:06Alors, le début
18:08a été assez compliqué.
18:09Et en fait,
18:09c'est des enfants
18:10qui, aujourd'hui,
18:11il a une grande sœur
18:13qui s'occupe de lui.
18:14Il a sa mère
18:15qui s'occupe de lui.
18:16Il va à l'école.
18:16Il a des copains.
18:17Il a réappris le français.
18:19En fait,
18:19il aspire à la normalité.
18:20Est-ce que tu sais, Noé,
18:21si dans la cour de l'école,
18:23il parle de ça
18:24avec ses copains ?
18:25Il commence à en parler.
18:26C'est très difficile.
18:27Il passe pour qui
18:28dans la cour de l'école ?
18:28Est-ce que c'est...
18:29Il dit qu'il a été en Syrie,
18:31pas qu'il a été djihadiste
18:32parce qu'il n'a pas été djihadiste
18:33quelque part.
18:33Mais quand il dit
18:34les armes,
18:34il a utilisé des armes.
18:35S'il raconte ça,
18:36c'est quoi ?
18:36Je ne sais pas s'il raconte...
18:37Pardon,
18:38on n'est pas dans la cour d'école
18:38avec eux.
18:39Non, mais le détail des armes,
18:40c'est quelque chose
18:41qui, je pense,
18:42est un peu compliqué
18:42à aborder,
18:44même si, bon,
18:44peut-être qu'il n'en est pas fier.
18:47Il n'en est pas fier.
18:47Non, mais il est sur le chemin,
18:49en tout cas.
18:49Mais c'est un gamin
18:50pas comme les autres,
18:50mais qui a l'air
18:51d'un enfant comme les autres
18:52quand on le voit aussi
18:53et qui a un suivi
18:55très lourd psychologique,
18:56qui a un suivi judiciaire,
18:58qui ne sont pas les faits
18:58dans la nature.
18:59C'est extrêmement encadré.
19:01Mais oui,
19:03c'est un enfant comme les autres.
19:04On a mangé ensemble
19:05des sushis.
19:06Il va à la plage
19:06avec sa mère
19:07en maillot de bain.
19:09C'est l'apprentissage
19:10de libre ensemble.
19:11Il a découvert aussi ça.
19:12Mais il y a encore quelque chose
19:13et là,
19:13c'est un cri de sa mère
19:15qui manque.
19:16C'est la déradicalisation.
19:18Elle est seule face à ça.
19:19Elle, elle va sur Internet,
19:20elle lit,
19:20elle essaye de lui lire
19:21les phrases de traité
19:22du courant.
19:24Voilà,
19:24il manque des moyens
19:25et il manque vraiment des moyens.
19:27Elle,
19:27elle connaît mal
19:29la religion musulmane.
19:31Elle ne sait pas
19:31comment déradicaliser son fils
19:32sur plein d'aspects
19:33et elle est seule face à ça.
19:34Elle me dit
19:34mais si je l'emmène à la mosquée
19:36pour rencontrer un imam,
19:38moi je ne sais pas
19:38qui est l'imam.
19:39Est-ce que la PGG
19:39va me dire
19:40mais vous ne deviez pas
19:41l'amener à la mosquée,
19:42l'imam est radicalisé.
19:43En fait,
19:43ils sont quand même livrés
19:44à eux-mêmes les parents
19:44et c'est quelque chose
19:46qu'il reste à construire
19:47pour l'État français.
19:48C'est sûr.
19:48Le dossier de la déradicalisation,
19:50on y reviendra
19:50dans d'autres émissions.
19:52Merci à tous les deux
19:52d'être venus avec nous.
19:53Je rappelle
19:53Sager,
19:54Laurent Bénégui
19:54aux éditions
19:55Miel et Barreau.
19:56Merci beaucoup.
19:57Merci.
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