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  • il y a 10 heures
Regardez L'esprit de l'info avec Natacha Polony avec Thomas Sotto du 12 décembre 2025.

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Transcription
00:00Évitez de grignoter.
00:02Thomas Soto, RTL Matin.
00:04Il est 9h14, on est ensemble jusqu'à 9h30 et ce matin notre grand témoin du jour c'est Chloé Morin,
00:08politologue et auteure de Désaligné, publié aux éditions de l'Observatoire.
00:12Bonjour et bienvenue Chloé Morin.
00:13Merci, bonjour.
00:14Juste, Désaligné, ça veut dire quoi ?
00:16Ça veut dire tous les gens qui se sentent de moins en moins en phase avec cette époque
00:21où le débat public est de plus en plus structuré par la logique des plateformes, des réseaux sociaux.
00:25Et où donc tout va toujours plus vite, où il faut sans arrêt choisir son camp,
00:29où il faut sans arrêt se positionner dans une guerre de tranchées qui est de plus en plus violente,
00:34où le débat est de plus en plus hystérisé et où finalement ceux qui aimeraient bien
00:38prendre le temps de la réflexion, prendre le temps de la lecture,
00:40prendre le temps de consulter des avis contradictoires et voir un débat où on ne se tape pas dessus tout le temps,
00:45ceux-là se sentent de plus en plus étrangers.
00:47Il existe encore ce monde-là ? Il y a beaucoup de Désalignés ?
00:49Il y a une majorité silencieuse ?
00:51Oui bien sûr, en fait on ne la voit pas sur les réseaux sociaux,
00:53mais ce sentiment, on le voit quand on fait des sondages par exemple sur la fatigue informationnelle.
00:57Vous savez, ces gens qui disent « je débranche les médias, les réseaux sociaux, je n'y arrive plus ».
01:02Cette fatigue-là, elle vient de ce surcroît de notification, de ce sentiment de saturation.
01:07Ce n'est pas seulement le fait d'avoir des mauvaises nouvelles toute la journée qui pose problème,
01:11c'est l'accélération et c'est le sentiment de devoir toujours se positionner vite, vite, vite,
01:16alors qu'il y a quelques années, on pouvait prendre le temps.
01:18On n'était pas obligé de liker dès qu'on voyait un contenu, vous voyez ?
01:21Et si on ne like pas, c'est interprété, et si on like, c'est interprété dans l'autre sens.
01:25Un chapitre sur les réseaux sociaux dans votre livre s'appelle « La dictature des formats ».
01:29Ils ont pris la main éditoriale sur nos vies, sur notre société, les réseaux sociaux aujourd'hui ?
01:34Oui, alors d'abord, il faut savoir que les réseaux sociaux, ce ne sont pas des espaces neutres.
01:39Ce sont des espaces qui, parce qu'on parle des médias, on peut critiquer les médias traditionnels,
01:43mais les médias traditionnels sont soumis à un certain nombre de règles,
01:46et il y a l'ARCOM qui, évidemment, fait respecter ces règles, alors que les réseaux sociaux...
01:51L'ARCOM ne s'occupe pas des réseaux sociaux, on est d'accord ?
01:53Elle n'a pas compétence.
01:54Elle ne s'en occupe pas du tout, pour l'instant.
01:56Pour l'instant, ça pourrait venir un jour, même.
01:58Et donc, les réseaux sociaux, ils orientent nos comportements, nos désirs, ils les précèdent même.
02:02Ils favorisent l'émotion, c'est ce que je viens de dire, par rapport à la nuance.
02:06Ils favorisent la radicalité par rapport à la volonté de compromis,
02:13et donc ils transforment notre société, et ils structurent notre rapport à l'information,
02:18notre rapport à la politique, et notre rapport à nous-mêmes aussi,
02:21puisqu'on se valorise, en quelque sorte, en fonction des likes que l'on a.
02:26On est devenu esclave des réseaux sociaux ?
02:27Je pense qu'on n'a plus assez de recul, et qu'il faut faire attention à une...
02:31Il y a deux promesses qui sont fausses dans les plateformes.
02:35C'est, on nous vend de la liberté, et on nous vend du lien.
02:38La liberté, c'est le discours d'Elon Musk, qui dit que si l'Union Européenne veut réguler les plateformes,
02:44c'est attentatoire aux libertés.
02:45Moi, je ne suis pas du tout pour censurer les gens qui s'expriment sur les réseaux sociaux.
02:49Je trouve ça très bien.
02:50Et d'ailleurs, on a vu que ça a aidé à faire tomber des dictatures, etc.
02:53Le problème, c'est que ce n'est pas de la liberté,
02:54dès lors que les réseaux sociaux sont là pour maximiser le temps que vous allez passer dessus.
03:00Donc en fait, ils développent des dispositifs qui créent de l'addiction dans votre cerveau.
03:04Ils prennent le contrôle de votre cerveau, en fait.
03:05Et la deuxième chose, c'est qu'ils vous vendent du lien, donc des amis.
03:10Mais il faut savoir que l'immense majorité des gens qui vont sur les réseaux sociaux
03:13consomment des contenus qui sont du divertissement
03:15et qui sont produits par des gens qu'ils ne connaissent pas.
03:16Donc ce n'est pas du lien.
03:17Bon, réguler tout ça.
03:19Emmanuel Macron veut interdire au moins de 15 ans ou de 16 ans cette semaine en Australie.
03:23Ils ont officiellement été interdits pour les moins de 16 ans.
03:27C'est une chance d'y arriver ou c'est franchement refusé ?
03:32Alors, on ne s'est pas posé la question quand on a interdit les cigarettes au moins de 18 ans
03:36ou quand on a interdit l'alcool.
03:37Ça paraît plus simple, non ?
03:39Ce n'est pas plus simple, si vous voulez.
03:40Moi, je pense que, évidemment, l'interdire, ça ne suffira pas dans le sens où il faudra quand même éduquer.
03:47Il faudra quand même obliger les algorithmes à une forme de transparence
03:50et avoir des designs moins addictifs puisqu'ils génèrent de l'addiction dans le cerveau des enfants.
03:55Mais l'interdiction, pour moi, ça envoie un signal clair qui est que la santé mentale,
03:59la santé attentionnelle, vaut autant que la santé physique.
04:02Et aujourd'hui, ça ne vous choque pas qu'on régule l'industrie agroalimentaire.
04:06Vous trouvez normal qu'on diminue le sucre, qu'on diminue même les pubs pour les boissons sucrées pour les enfants, par exemple.
04:11Donc il faudrait la même logique, en fait.
04:13C'est exactement la même logique, c'est juste de la régulation, ce n'est pas une limitation des libertés.
04:16Et ce qui me semble fou aujourd'hui dans notre société, c'est qu'on a interdit la commercialisation du travail des enfants.
04:24On ne peut pas commercialiser leur corps, on les protège de ce point de vue-là par principe,
04:29mais qu'on autorise l'exploitation de leur cerveau, le fameux temps de cerveau disponible.
04:34Et ça, on ne le protège pas.
04:35Le temps de cerveau disponible, c'était Patrick Lelay, il y a au moins une vingtaine d'années,
04:38qui parlait de TF1, donc la télé traditionnelle à l'époque.
04:40Bien sûr, mais c'est la même logique, sauf qu'aujourd'hui, c'est illimité.
04:43C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les plateformes exploitent, sur le cerveau des enfants, qui est un cerveau en construction,
04:50des designs hyper addictifs.
04:52Et donc, en fait, ils les transforment en cobayes.
04:54Mais nous aussi, on est des cobayes.
04:55Mais qui tient la main de tout ça ? C'est quoi ?
04:56Tout ça, c'est une question de pub et d'argent, au final ?
04:59Bien sûr, c'est juste une industrie qui, il faut, enfin, comment dire,
05:03ce n'est pas une question de morale, là.
05:06Les plateformes sont là pour que vous restiez le plus longtemps à scroller du contenu,
05:10parce qu'ils valorisent, ils monétisent votre temps de cerveau disponible.
05:14Donc, ce n'est pas bien ou mal, c'est juste qu'il faut le savoir.
05:17Et il faut savoir, par exemple, qu'elles ne sont pas là pour vous informer.
05:20Vous parlez aussi, évidemment, pas mal des politiques,
05:22parce que personne n'échappe aux réseaux sociaux, ni vous, ni moi, ni les politiques,
05:26ni les gens qu'on croise dans la rue.
05:28Et vous dites, par exemple, Edouard Philippe, c'est un cas intéressant.
05:30Un homme de la droite républicaine, pondéré, souvent complexe dans ses diagnostics,
05:33mais constamment renvoyé par les commentaires à sa tiédeur supposée.
05:36Trop complexe pour les formats courts, trop prudent pour les chaînes d'info.
05:40Il n'est pas taillé pour la viralité.
05:42Ça veut dire quoi ?
05:42Oui, parce qu'en fait, vous voyez bien que quand il fait des posts, des interviews,
05:48ça ne bosse jamais.
05:49Il y a rarement des polémiques.
05:52Et ça dit aussi la contamination de la logique des plateformes vers les médias traditionnels.
05:58C'est-à-dire qu'aujourd'hui, lorsque vous êtes un média, vous produisez des contenus.
06:01Ces contenus, vous espérez qu'ils seront vus.
06:04Et donc, ils vont passer dans la boucle des différents réseaux sociaux.
06:06Et si ces réseaux-là, avec leurs algorithmes, ne valorisent pas vos contenus,
06:10vous allez gagner moins d'argent en tant que médias.
06:13Mais pour que ça marche, il faut qu'on ait une phrase lapidaire à vendre, entre guillemets.
06:16Mais c'est ça, bien sûr.
06:17Et c'est ça qui est en train de tuer le débat.
06:19C'est-à-dire qu'en tant que journaliste qui essaye de nourrir un débat constructif,
06:23pondéré, intéressant, etc.,
06:26vous êtes obligés, à un moment donné, toujours,
06:29de vous engouffrer dans cette logique du clash, du buzz, de la polémique
06:32qui permettra à votre contenu, à votre émission, d'être vu, tout simplement.
06:36Vous dites de manière très agréable des choses très inquiétantes, Chloé Morin, non ?
06:40J'essaye de ne pas être inquiétante, parce que, si vous voulez,
06:42pour moi, on peut encore vraiment éviter le pire.
06:46Et on n'est pas du tout dans la situation dans laquelle sont les Etats-Unis.
06:49Aux Etats-Unis, vous avez eu depuis 20 ans une chute de la lecture de 30 à 40%.
06:53Bon, ici, on n'est pas terrible, si, sur la lecture ?
06:55On n'est pas terrible, mais on n'y est pas encore.
06:57Donc, on peut encore éviter le pire si on régule les plateformes,
07:00d'abord pour les enfants,
07:01mais aussi si on se rend compte nous-mêmes
07:04que le temps qu'on passe sur les écrans
07:06est un temps qui abîme notre cerveau
07:08et que la meilleure manière de le régénérer,
07:11c'est de lire.
07:11Et donc, je pense aux gens qui sont en train de faire leur cadeau,
07:14leur course de Noël,
07:15la meilleure chose que vous puissiez transmettre à vos enfants,
07:17c'est des livres.
07:18Et le goût de la lecture.
07:18C'est Augustin Trapenard qui va nous dire le contraire,
07:20qui nous rejoindra dans un instant, Augustin.
07:22Vous dites aussi que tout ça, ça pousse à la radicalité.
07:24Et vous écrivez, depuis quelques années,
07:25je vois des intellectuels se radicaliser
07:27pour continuer à être vus et luciens.
07:29Que même ceux qui sont censés se poser,
07:31qui sont censés nous faire réfléchir,
07:33ils sont pris dans cette espèce de roue de hamster.
07:36Mais moi aussi, je l'ai vécu, bien sûr.
07:38Vous êtes très présente sur les réseaux sociaux, vous ?
07:40Oui, je relaie en tout cas les...
07:42Mais quand je donne une interview, par exemple,
07:45aux Echos ou aux Figaro,
07:46je poste l'interview sur Instagram,
07:49évidemment, ça ne fait pas de vues.
07:50Et quand je poste une vidéo du concert de Lady Gaga,
07:52là, j'ai 250 000 vues.
07:54Donc, on voit bien qu'on est sur un terrain
07:56où tous les arguments...
07:57Du coup, est-ce que vous postez Lady Gaga
07:59pour aussi étendre votre audience ?
08:00Est-ce qu'il y a de ça aussi ?
08:01Et aussi par plaisir.
08:02Mais j'espère qu'un jour,
08:05nous vivrons dans un monde
08:05où lorsque vous posterez une interview
08:08à l'Opinion ou aux Echos,
08:09vous arriverez à avoir beaucoup de vues.
08:10Mais aujourd'hui, ça n'est pas le cas.
08:11Et c'est la démonstration
08:12de ce que je disais
08:14sur le fait que les réseaux sociaux
08:15ne sont pas un terrain neutre.
08:16Et tout ça, il y a des nouveaux acteurs
08:17qui interviennent, des influenceurs.
08:19Certains trouvent que c'est du vent absolu.
08:20Et pourtant, il faut bien reconnaître
08:21qu'ils pèsent aujourd'hui.
08:22Ils pèsent beaucoup.
08:23Ils pèsent beaucoup.
08:24Et les responsables politiques sont en train...
08:25Et c'est du vent ou pas ?
08:26Oui, c'est du vent.
08:26Et pour le coup,
08:27ils pèsent parce qu'ils sont formatés
08:30pour les contenus des réseaux sociaux.
08:32C'est-à-dire qu'ils savent
08:33susciter des émotions rapidement.
08:35Ils savent se scénariser,
08:36se mettre en scène
08:37dans des vidéos ultra courtes
08:38et aller chercher
08:39les auditeurs, les téléspectateurs
08:43par les tripes, en fait.
08:46Et aujourd'hui, les politiques
08:47sont obligées de faire ça.
08:48Et donc, vous avez de plus en plus
08:49de responsables politiques
08:50qui se comportent comme des influenceurs.
08:52On peut lire à partir de quel âge
08:53pour un ado ?
08:53C'est bien ce livre ou pas ?
08:54Ou c'est trop tôt ?
08:55C'est peut-être un peu compliqué,
08:56mais on peut essayer.
08:57Désaligné, Chloé Morin.
08:58Vraiment, si vous cherchez
08:59une idée de cadeau de Noël
09:00pour réfléchir,
09:01pour poser un peu
09:02votre téléphone et vos écrans,
09:03n'hésitez pas,
09:03c'est publié aux éditions
09:04de l'Observatoire
09:05pour essayer de mieux comprendre
09:06une société qui ne tourne
09:08pas toujours complètement rond.
09:09Merci d'être venu nous voir,
09:10Chloé Morin.
09:10Et restez avec nous
09:11parce que dans l'instant,
09:11c'est donc le trapenard du vendredi,
09:13l'homme qui aime les livres
09:13et qui nous les fait aimer.
09:14Bonjour Augustin.
09:15Salut Thomas.
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