- il y a 22 heures
Regardez L'esprit de l'info avec Roger-Pol Droit avec Thomas Sotto du 29 octobre 2025.
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00:00Pour vos animaux, Thomas Soto, RTL Matin.
00:04A 9h15, à l'esprit de l'info avec notre grand témoin du jour, Roger Paul Droit, écrivain et philosophe.
00:08Bonjour et bienvenue à vous Roger Paul.
00:09Bonjour.
00:10Ce matin, vous avez choisi de nous parler d'un sujet qui, finalement, peut tous ou nous concerne tous, la rumeur.
00:16La rumeur, alors qu'hier soir, des peines de 3 à 12 mois de prison ont été requises contre les 10 cyber-harceleurs présumés de Brigitte Macron.
00:24Cette armée accusée d'avoir voulu faire passer l'épouse du chef de l'État pour une personne transgenre.
00:29Alors, pour commencer, tiens, juste sur cette affaire-là, qu'est-ce qu'elle raconte de notre époque ?
00:34Elle me paraît absolument exemplaire, cette affaire.
00:37Tout à fait au-delà de la personne même de Brigitte Macron, au-delà des contenus.
00:43Elle est exemplaire pour plusieurs raisons.
00:45La première, c'est qu'il y a, finalement, une extraordinaire disproportion, et c'est ça la rumeur moderne,
00:52entre cette histoire à bras catabrant, Brigitte Macron est un homme, elle a pris l'identité de son frère,
01:01c'est un transgenre, mais on nous le cache, on nous dit rien.
01:04Enfin bon, un délire qui devient une affaire mondiale avec plusieurs milliards de...
01:11Oui, avec répercussions aux Etats-Unis.
01:12Avec répercussions aux Etats-Unis, avec à travers le monde des émissions, des milliards de vues et de messages.
01:21Et il y a là quelque chose qui est tout à fait à méditer, je crois, pour notre époque,
01:26parce que la rumeur, ce n'est pas une nouveauté.
01:29La calomnie, la mauvaise langue, les ragots, tout ça, voilà.
01:34Tout ça a existé, et la parole nocive, destructrice, tout ça existe depuis toujours,
01:40mais c'était artisanal.
01:42C'était du bouche à oreille, des histoires de villages, du comérage,
01:46et ça devient, à travers, évidemment, la connexion planétaire,
01:50ça devient quelque chose qui est absolument planétaire, mondial.
01:55C'est l'effet des réseaux sociaux, ça.
01:55C'est l'effet des réseaux sociaux, mais oui, bien sûr, mais pas seulement.
01:59Pardon, mais moi, je me dis quand même, j'ai l'impression qu'aujourd'hui, plus c'est gros, plus ça passe.
02:03Avant, quand on racontait n'importe quoi, on faisait semblant que ça soit à peu près crédible.
02:08Là, on se dit, plus c'est gros, plus ça passe.
02:10Et finalement, ça peut être complètement caricatural, vous disiez à paracadabrant,
02:13ça ne freinera pas la rumeur.
02:16Au contraire, j'ai l'impression que ça l'amplifie.
02:19C'est-à-dire que ça, ça dit autre chose.
02:21C'est un exemplaire en un autre sens.
02:23C'est celui de notre déséquilibre, j'ai envie de dire, imaginaire ou mental.
02:28C'est-à-dire que...
02:29Déséquilibre imaginaire.
02:29Oui, parce qu'il y a quelque chose là, si vous voulez, qui fait que nous perdons,
02:35d'une manière ou d'une autre, ou tous ceux qui relaient,
02:38perdent le sens, à la fois des réalités, de la responsabilité, du vraisemblable,
02:43de l'importance des choses.
02:45Et ça dit beaucoup, je crois, sur notre rapport collectif ou mondial aux politiques.
02:51C'est-à-dire que ce n'est pas par hasard que les objets privilégiés de ce type de rumeurs délirantes
02:58sont Barack Obama, Brigitte Macron, donc des femmes, des femmes de pouvoir.
03:03Et là, il y a cette idée que, finalement, on peut être d'abord misogyne à bon compte,
03:08transphobe à bon compte,
03:10et derrière, il y a ces idées de complots,
03:14comme s'il y avait
03:15des perversions sexuelles,
03:18des trafics ignobles, des silences.
03:20Vous savez ce que vous répondez, les cyber-harceleurs, dans ces cas-là ?
03:22Ils sont exposés, c'est leur choix,
03:25en gros, c'est la rançon de la gloire.
03:27Oui, et puis ils répondent aussi,
03:28mais ça aussi, ça fait partie, je crois,
03:30des symptômes exemplaires.
03:32Ils répondent, nous rions.
03:34Vous voyez, c'est-à-dire...
03:34L'esprit Charlie, il y en a un qui a dit ça au procès.
03:37L'esprit Charlie.
03:37Oui, je dis ça, je dis rien, vous voyez ?
03:40C'est-à-dire, le fait d'affirmer quelque chose
03:43et d'aussitôt le retirer, de le fictionner.
03:44Or, il ne faut pas oublier que les meurtres politiques
03:49et les meurtres même réels,
03:52ça commence aussi par le rire.
03:54Vous savez, la fameuse radio d'Émile Colline,
03:56le génocide du Rwanda,
03:57c'était une radio marrante.
03:59On se fichait de la gueule des Tutsis,
04:02on les traitait, on les ridiculisait,
04:05et il y avait de la musique, et tout ça était joyeux.
04:07Et donc, sous le rire,
04:09il y a très souvent, effectivement,
04:11non seulement la haine,
04:12mais quelque chose de la violence meurtrière.
04:15Juste quand même sur l'esprit Charlie,
04:18qu'à la barre, un cyber-harceleur présumé de Brigitte Macron,
04:21dise, oh ben c'est l'esprit Charlie,
04:23c'est un dévoiement.
04:25Oui, bien sûr.
04:25C'est pas ça l'esprit Charlie, il faut quand même le rappeler.
04:27L'esprit Charlie, c'est pas le droit de dire n'importe quoi.
04:30L'esprit Charlie, c'est d'abord, parfois,
04:32de choquer, de provoquer,
04:34mais pour rappeler à des choses qui peuvent changer,
04:36à des points de justice,
04:38à des enjeux idéologiques ou politiques.
04:41C'est pas du lynchage.
04:41C'est pas du tout du lynchage, non.
04:43Ça peut être, effectivement, désagréable,
04:46ça peut être provoquant,
04:47ça peut être jugé blasphématoire par des religieux,
04:51on a connu ça de très près,
04:54mais en même temps, c'est pour des enjeux
04:57et pas pour un jeu gratuit ou une médisance sans objet.
05:02Alors, on a essayé de comprendre ce qui se passait
05:03du point de vue des harceleurs.
05:06Maintenant, comment cela est vécu par les harcelés ?
05:08Écoutez, Éric Dupond-Moretti,
05:09l'ancien garde des Sceaux,
05:10qui réagissait à cette affaire concernant Brigitte Macron.
05:13C'était lundi soir dans RTL Soir,
05:14au micro d'Anne-Sophie Lapix.
05:15Tout ça a été fait pour atteindre le président de la République,
05:19comme d'ailleurs des histoires de partouze
05:21avaient été inventées
05:22et elles ont affecté et touché Mme Pompidou
05:25dans le but de toucher le président Pompidou.
05:27Comment Brigitte Macron et Emmanuel Macron
05:29vivent cette affaire aujourd'hui ?
05:30Mais très, très mal, enfin.
05:32Brigitte, elle a des enfants,
05:33elle a des petits-enfants,
05:34elle a une famille.
05:35Enfin, vous imaginez qu'il faille,
05:37j'allais dire, au quotidien,
05:39se justifier,
05:40à défaut de se justifier,
05:41savoir que pèse cette rumeur.
05:43Il ne faut pas oublier
05:44que c'est extrêmement lourd à porter
05:45qui qu'on soit,
05:46qui que l'on soit.
05:47Bien sûr,
05:48parce qu'il ne faut pas oublier
05:49que,
05:51quelle que soit la place
05:52où l'on se trouve,
05:53c'est Montaigne qui disait
05:54que même les rois
05:57sont assis sur leur trône,
05:59sur leur cul,
06:00ça veut dire
06:01que ce sont des êtres humains.
06:02Ce sont des êtres humains.
06:03Et, bien sûr,
06:04ils peuvent avoir
06:05le cuir un peu épais
06:06ou s'habituer
06:09à résister,
06:11mais une piqûre,
06:12puis une autre,
06:12puis mille piqûres,
06:13ça finit, évidemment,
06:15par atteindre,
06:16par corroder.
06:17Et ce qu'on oublie,
06:18là aussi,
06:19c'est exemplaire
06:20et à retenir,
06:22ce qu'on oublie,
06:22c'est que les paroles
06:23sont des actes.
06:24C'est que les...
06:25Les paroles tuent.
06:26Et on en vient d'ailleurs
06:27au livre que vous avez publié
06:28il y a quelques années,
06:29Quand la parole détruit.
06:30Voilà, c'était en 2023.
06:31Exactement.
06:32En 2023,
06:33on a publié ce livre
06:34Quand la parole détruit
06:35pour essayer de comprendre
06:36ce que devient
06:37la parole nocive,
06:38destructrice,
06:39la mauvaise langue
06:40aujourd'hui.
06:41et on y est en plein.
06:43Comment discerner
06:44les responsabilités ?
06:45Parce qu'évidemment,
06:45il y a ceux qui se font attraper,
06:47qui sont jugés.
06:48Ok, on a les noms,
06:49c'est qui c'est,
06:49ils sont jugés,
06:50la justice lira ce qu'il en est.
06:53Mais celui qui partage
06:55ou qui met un petit like
06:56sur les réseaux sociaux,
06:57sur Twitter,
06:57sur Instagram ou ailleurs,
06:59il est aussi responsable
07:00de cette forme de harcèlement
07:01qui naît de la rumeur ?
07:03Pour une toute petite part,
07:04mais évidemment oui.
07:05Évidemment oui,
07:06parce que,
07:07alors là ça devient,
07:09on entre dans une sorte
07:10de zone grise,
07:12un peu difficile à définir,
07:13mais celui qui ne fait
07:15que partager,
07:17il diffuse,
07:18il diffuse à son nombre
07:19de followers,
07:20il n'est pas l'auteur du texte,
07:22il n'endosse pas complètement,
07:23mais cependant,
07:24il participe de cette inflation.
07:27Il fait du mal aussi.
07:28Il fait du mal aussi,
07:29bien évidemment.
07:30Alors,
07:31comment le juger ?
07:32Comment le...
07:33c'est très difficile,
07:35on ne peut pas.
07:36Mais je crois qu'il faut appeler
07:38à deux choses.
07:39D'abord,
07:40il est juste
07:41et il est bon
07:42de poursuivre en justice.
07:45Et ça,
07:45je crois que là aussi,
07:46cette affaire peut avoir
07:47quelque chose d'exemplaire.
07:49Et puis,
07:49il faut aussi se dire
07:51qu'il y a la responsabilité
07:52de chacun.
07:54Tourner cette fois son pouce
07:55au-dessus de son clavier,
07:57si j'ose dire,
07:58vous voyez,
07:58c'est-à-dire réfléchir au fait
08:00que ce que je dis,
08:02ce que je diffuse,
08:03ce que je partage,
08:04ce que je like,
08:06eh bien,
08:06à chaque fois,
08:07j'agis.
08:08Tout a des conséquences,
08:09en fait.
08:09Oui.
08:09Je voudrais qu'on écoute
08:10quelques notes de Sheila,
08:12La Rumeur.
08:12Je ne suis pas
08:13celle qui chante
08:15ni celle ou celui qu'on dit
08:18à la une
08:19de France dimanche
08:21pas de fumée
08:23sans incendie
08:24mais qu'importe
08:26les offenses
08:27La Rumeur
08:29La Calomnie
08:30La Rumeur,
08:31La Calomnie,
08:32Sheila,
08:32en était victime toute sa vie.
08:33Il a dit il y a quelques jours
08:34sur France 2
08:35à quel point ça lui avait
08:35pourri la vie.
08:37Ce qu'il faut dire,
08:38c'est que ça touche
08:38les personnes connues
08:39mais La Rumeur,
08:40ça peut aussi abîmer
08:41les anonymes
08:41dans un petit cercle.
08:42bien sûr.
08:43Et c'est pour ça
08:44que les enfants harcelés,
08:47les gens qui sont moqués
08:50pour, je ne sais pas,
08:51leur visage,
08:52leur poids,
08:54leur appartenance ethnique,
08:56leur différence,
08:57je crois qu'il faut,
08:59et ça,
09:00c'est aussi une des leçons
09:02pour l'avenir,
09:03cette fois,
09:04de cette affaire récente
09:05et en cours,
09:06il ne faut pas hésiter
09:08à porter plainte.
09:10Il y a maintenant
09:10des moyens
09:11à la fois judiciaires,
09:14il y a des avocats spécialisés,
09:16il y a des brigades
09:17de gens,
09:17et c'est encore en train
09:19de se mettre en place,
09:20mais il ne faut pas hésiter
09:21parce qu'il n'est pas possible
09:22que ce qui se passe
09:23dans la vraie vie,
09:24si vous dites
09:25de moi des choses insupportables,
09:27je peux me plaindre,
09:28que cela reste
09:31sans effet
09:32et sans suite
09:33quand c'est sur la toile.
09:35Je ne dirai rien de tel
09:36vous concernant Roger Paul.
09:37En revanche,
09:37j'invite nos auditeurs
09:38qui veulent aller plus loin
09:38à se procurer ce livre
09:39qu'on a encore trouvé,
09:40j'imagine,
09:41au moins dans les deux.
09:41Oui, 2023.
09:42Ah, c'est 2023, oui.
09:43Quand la parole détruit,
09:44Monique Atelan,
09:45Roger Paul Droit,
09:46aux éditions de l'Observatoire.
09:47Merci beaucoup.
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