Ce mercredi 26 novembre, Alexis Karklins-Marchay, directeur général délégué d'Eight Advisory, était l'invité d'Annalisa Cappellini dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Laure Closier. Ils ont discuté de la stratégie de la nouvelle Première ministre japonaise, Sanae Takaichi, ainsi que du plan de relance massif du Japon. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.
00:00Focus ce matin sur le Japon. Est-ce que la première ministre japonaise Sanae Takahishi ne serait pas plus proche d'un profil à la listreuse qu'un profil à la Margaret Thatcher ?
00:08La question se pose car les taux de long terme ont atteint un niveau record.
00:12On en parle avec ici Kathleen Smarcher. Bonjour, directeur délégué d'Eighted Visori.
00:16Il y a quand même un truc, avant qu'on parle de la stratégie de Sanae Takahishi, le Japon quand même découvre l'inflation.
00:23C'est un truc que personne n'avait connu pour les moins de 55 ans. Il se passe quand même quelque chose d'inédit dans ce pays.
00:27C'est vrai et c'est vrai et le Yen est faible. Et donc qui dit Yen faible dit importation chère.
00:32Qui dit importation chère dit inflation. Et dans un pays où on sait à quel point la démographie compte, c'est le pays le plus vieux du monde,
00:4230% de la population a aujourd'hui plus de 65 ans. Pour faire une comparaison, en France on est à 21%.
00:49Tout ça, ça pèse structurellement sur un pays qui était beaucoup plus habitué à la déflation qu'à l'inflation.
00:55Il y a eu beaucoup de plans de relance depuis 40 ans, on va le dire, depuis 35 ans, depuis la fin des années 80.
01:01Quand on voyait à l'époque le Japon devenir la première puissance du monde, on en est loin aujourd'hui, c'est la quatrième puissance mondiale.
01:06Quand même, ça reste une économie importante. Mais c'est un pays qui effectivement découvre l'inflation, l'inflation importée.
01:12Et ça comptait beaucoup. Dans l'arrivée au pouvoir de Sanae Taikishi, on sait que l'inflation ça a coûté, les premiers ministres précédents ont simplement été limogés et ont dû partir parce que l'inflation était extrêmement impopulaire.
01:26Alors c'est marrant parce qu'aujourd'hui il y a le budget britannique aussi qui est présenté.
01:30Et on fait très attention aux taux obligataires. C'est devenu vraiment ce qui valide votre plan budgétaire ou pas ?
01:36Alors au Japon, le taux d'intérêt, les taux d'intérêt remontent depuis quelques années, depuis 2024 notamment, ça s'est vraiment accéléré.
01:45On reste sur des taux très bas. Le Japon c'est un peu une anomalie quand on compare les marchés financiers.
01:50Le taux à 10 ans, si on prend le 10 ans qui est un peu la référence internationale, le Japon on est autour de 1,80 aujourd'hui.
01:56On était à 0,6 il y a presque deux ans. Ça avait commencé à monter en 24, on était à 1,20, 1,25 au début de l'année.
02:02Là on est donc à 1,80, c'est le plus haut depuis les subprimes au Japon.
02:06Ça ne reste pas.
02:07En France on est à 3,4, aux Etats-Unis on est à 4% sur le même 10 ans.
02:11Donc ça reste un pays quand même assez atypique.
02:14Mais il y a une vraie remontée et cette remontée, on le sait, elle est liée à plusieurs facteurs.
02:18Les facteurs structurels, la dette, c'est le pays qui a la dette publique la plus importante au monde.
02:23On est à presque 240% du PIB.
02:25Là encore, c'est des niveaux qu'on ne peut pas comparer à d'autres pays.
02:28Dans le même temps, c'est aussi une dette qui est très largement possédée par l'épargnant japonais.
02:33Donc il y a une forme de sécurité.
02:34La notation à des niveaux de dette comme ça, on doit avoir une notation qui explose.
02:37Un rating, les Standard & Poor's, les Moody's, les Fitch, on doit avoir des ratings qui explosent.
02:41On est à peu près au niveau de la France, alors que la dette publique est bien plus importante.
02:45Et puis évidemment, ils sont venus greffer deux facteurs importants.
02:48D'abord, les tensions chez le Japon.
02:50Les tensions diplomatiques sont très fortes.
02:52On en a parlé la semaine dernière ensemble.
02:54Et puis l'économie qui est au ralenti avec une inflation, comme on l'a dit, qui est assez élevée.
02:57Annalisa ?
02:58La réalité, c'est que l'économie japonaise traverse une phase de fragilité plus globale.
03:03C'est vrai, c'est un pays qui souffre, qui souffre notamment de ses exportations.
03:07Évidemment, le contexte international et les tarifs douaniers ne sont pas favorables au pays.
03:11La production industrielle stagne, la consommation stagne, l'investissement privé stagne.
03:16La croissance cette année 2025, on sera autour de 0,6-0,7%, peut-être 1%, mais pas beaucoup plus.
03:22Donc une économie effectivement qui souffre.
03:24Et donc, quand on rajoute en plus à ça le vieillissement de la population,
03:27le Japon c'est 124 millions d'habitants.
03:30Le pays perd entre 500 et 600 000 habitants par an désormais.
03:34Donc la population se réduit vite.
03:35Quand on rajoute à ça un environnement international qui est assez compliqué,
03:40et puis ce fameux plan qui a été annoncé, le plan Takashi, on appelle ça maintenant le Sanae Nomix.
03:45J'aime pas les milliards rajouter.
03:46Comme les Abenomix.
03:47En plus, Aben était Shinzo Abe, l'ancien premier ministre, et son mentor.
03:51On parle maintenant du Sanae Nomix.
03:52Alors là, on n'est pas du tout dans la réduction de la dépense publique.
03:55Bien au contraire, et c'est ça qui provoque cette remontée additionnelle,
03:58incrémentale depuis quelques jours.
04:00C'est que c'est un plan qui est très ambitieux en matière de dépense publique.
04:03Mais il y a aussi des réductions de coûts budgétaires prévues,
04:06avec une sorte de doge, exactement comme Elon Musk,
04:09pour couper les coûts, aller regarder,
04:11il y a 30 fonctionnaires qui doivent évaluer les programmes qui ont un faible impact économique.
04:15Alors ça, c'est un message qui est envoyé aux investisseurs,
04:17en disant, voilà, moi je vais quand même avoir de la poigne,
04:19je vais réduire la dépense publique sur certains sujets,
04:21notamment l'inefficience.
04:23Mais il y a surtout, dans ce qui est retenu, c'est un plan qui est assez colossal,
04:26on est à 135 milliards de dollars,
04:29on est plus même que ce qui avait été anticipé.
04:33C'est un plan qui est, d'abord et avant tout, composé de dépenses publiques.
04:37Des dépenses, alors il y a des chèques, chèques consommation,
04:41directs, chèques consommation, vous avez un enfant, bim, un chèque tout de suite.
04:45Des subventions pour l'électricité, des réductions d'impôts pour les ménages,
04:48et puis des investissements publics qui visent à soutenir des secteurs extrêmement importants,
04:54la défense, on sait que c'est un pays qui veut à nouveau dépenser beaucoup plus en défense,
04:58dans l'énergie, réouverture, imaginons ce qu'on est en train de vivre,
05:02réouverture de la plus grande centrale nucléaire du monde,
05:06voilà, et ça, ça veut dire aussi quelque chose,
05:08ça veut dire que le Japon aujourd'hui cherche les voies de sa souveraineté,
05:11de son indépendance, dans un contexte géopolitique très tendu,
05:15ça passe aussi par l'investissement dans les semi-conducteurs,
05:18on parle beaucoup de Taïwan, on oublie,
05:19le Japon est aussi un pays très fort en semi-conducteurs,
05:21dans l'intelligence artificielle,
05:22donc il y a des dépenses publiques très importantes,
05:25et c'est ça qui sans doute a pu inquiéter une partie,
05:28et inquiète une partie des analystes aujourd'hui.
05:30Justement Alexis, on a vu un début de mandat de Sanayi Takayashi,
05:33très musclé, avec des prises de position très fortes sur l'économie,
05:36sur Taïwan notamment,
05:38est-ce que c'est juste un ton,
05:39elle se compare elle-même à Margaret Thatcher,
05:41est-ce que c'est une posture, un ton communicatif,
05:43ou elle peut vraiment arriver à relancer le Japon avec cette méthode ?
05:46Alors, il y a les points communs,
05:47on l'a comparé elle-même,
05:49elle se disant, moi je suis la dame de fer japonaise,
05:51donc il y a les points communs,
05:52un style assez radical,
05:54une volonté, un volontarisme politique et économique,
05:57on sait qu'elle fait même des réunions avec son équipe à 3h du matin,
06:00voilà, donc il faut dire,
06:01c'est vraiment, on est sur un style assez,
06:03elle a un conservatisme aussi,
06:05elle assume complètement son conservatisme,
06:08comme Margaret Thatcher,
06:09le contexte quand même n'est pas le même,
06:11et on le voit dans ce plan,
06:12oui, il y a quelques annonces un peu spectaculaires
06:15sur la volonté de réduire les dépenses,
06:17la réalité c'est que c'est un vrai plan de relance,
06:19que je vais qualifier de keynésien,
06:22on n'est pas sur les privatisations massives,
06:24on n'est pas sur une libéralisation drastique de l'économie,
06:27comme ce fut le cas à l'époque de l'Angleterre,
06:29de la fin des années 70,
06:30et du début des années 80,
06:31c'est autre chose,
06:32le Japon vit un moment important,
06:33est-ce que ça peut marcher ?
06:34Tout va dépendre de la reprise de l'investissement privé,
06:37et la confiance du consommateur japonais,
06:40pour l'instant,
06:42les taux de popularité sont très forts,
06:44elle a dit qu'elle était prête évidemment à être impopulaire,
06:46tiens, comparaison avec Margaret Thatcher,
06:48mais pour l'instant,
06:49son taux de popularité est très élevé,
06:51donc à voir si cette confiance revient dans un pays
06:53qui doute beaucoup de son avenir.
06:55Et sur Taïwan, les tensions sont fortes,
06:57parce que les Chinois ont redit hier
06:59que de toute façon Taïwan faisait partie de la Chine,
07:00que c'était le projet depuis le début,
07:02et ce matin,
07:03l'armée taïwanaise annonce qu'elle vise
07:04un très haut niveau de préparation face à la Chine d'ici 2027.
07:07Et avec l'appui du Japon,
07:10la dernière île dans ce chapelet d'île
07:13que le Japon,
07:14tout au sud,
07:15tout au sud-ouest,
07:16est à 110 km de Taïwan.
07:18Le Japon est plus proche par cette petite île,
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