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  • il y a 2 jours
Ce lundi 1er décembre, Alexis Karklins-Marchay, directeur général délégué d'Eight Advisory, était l'invité de Annalisa Cappellini dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Erwan Morice. Ils sont revenus sur l'échec de Donald Trump à résorber les excédents chinois et le déficit américain. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Et ce matin c'est avec vous Alexis Karklins, bonjour.
00:02Bienvenue sur le plateau de BFM Business, directeur général délégué Date Advisory,
00:06avec moi pour vous interroger Annalisa Capellini qui nous a rejoint.
00:10Alexis, le président américain, a un caillou dans sa chaussure, il s'appelle balance commerciale.
00:14Peu importe les droits de douane, peu importe la politique protectionniste mise en place par Washington,
00:18Trump échoue à résorber les excédents chinois et le déficit américain.
00:23Je crois que c'est un bon résumé, beaucoup de questions sur la politique commerciale,
00:27est-ce que ça allait fonctionner ? Et si on voit les tarifs douaniers comme une forme d'outil politique de négociation,
00:34de pression, de rapport de force, sur cet aspect-là, on peut dire que ça a fonctionné.
00:38On voit bien que lorsque Donald Trump arrive dans une négociation, ça fait peur, ça met la pression.
00:43Donc sur cet aspect-là, oui. Sur l'aspect purement économique, il faut regarder plusieurs indicateurs.
00:48Premier indicateur, le déficit commercial lui-même. Vous l'avez dit, c'est vrai qu'en rythme mensuel depuis avril,
00:54il a plutôt baissé. Surtout par rapport à un premier trimestre où le déficit commercial a baissé
01:02parce que les importations se sont réduites. Mais le premier trimestre lui-même était très atypique.
01:07Très atypique parce qu'il y avait un phénomène d'anticipation. Au début de l'année, il s'était vraiment creusé.
01:12Pourquoi ? Parce que beaucoup d'entreprises américaines anticipant ces tarifs douaniers
01:16avaient augmenté leurs importations. En réalité, quand on regarde aujourd'hui le niveau du déficit,
01:19on est en rythme mensuel au niveau de 2023. On est un peu plus bas qu'en 2024,
01:25donc ça a un peu reculé quand même. Mais les États-Unis ont une balance commerciale
01:30qui reste très déficitée.
01:31Alors que Donald Trump a joué quand même toute sa campagne là-dessus, Alexis.
01:35C'était un élément, c'est un des vrais pivots des annonces de Trump
01:40et de la politique américaine qu'il avait décrite.
01:42Ça passait aussi par une croissance de l'activité. Alors où est-ce que là on en est ?
01:46Encore, ça ne marche pas, en tout cas pas tel qu'on peut l'imaginer,
01:49parce que la croissance américaine en 2025 sera plus basse, plus basse qu'en 2024
01:55et plus basse qu'en 2023. Donc sur ces éléments-là, on ne peut pas dire
01:59que la politique des tarifs douaniers a fonctionné. En réalité, c'est même pire que ça.
02:03Ça crée un climat qui est plutôt moins favorable aux entreprises,
02:07et notamment aux entreprises américaines, qui crée beaucoup d'incertitudes.
02:09On le voit, il y a un manque de prévisibilité, ça se ressent sur l'économie.
02:13Il y a un autre indicateur très important, c'est celui de l'emploi.
02:15Est-ce qu'on voit déjà les effets ?
02:17Alors, c'est vrai que là encore, Donald Trump avait dit,
02:19moi avec ma politique, je vais forcer les entreprises à relocaliser leur production,
02:24ça c'est pour les entreprises américaines.
02:25Beaucoup l'ont fait.
02:27Ça a été beaucoup annoncé. On n'en voit pas encore le fruit.
02:29On verra dans le temps, mais pour l'instant, on n'en voit pas le fruit.
02:32Et puis l'autre élément, ça a été dans les négociations.
02:34On n'en voit pas le fruit, juste pardon, on n'en voit pas le fruit parce que c'est du long terme.
02:37C'est des constructions d'usines, c'est un outil industriel à développer, ça va prendre du temps.
02:41C'est ça, et c'est d'ailleurs un des éléments de la rhétorique américaine aujourd'hui,
02:44pour expliquer qu'on n'en voit pas encore les effets.
02:46Il y a un autre élément, ne pas oublier, dans les négociations commerciales,
02:49Donald Trump a dit à ses partenaires commerciaux,
02:53vous voulez des territoires isolés plus favorables, plus sympathiques,
02:56vous investissez aux Etats-Unis.
02:57Donc ces effets sur l'emploi, on ne les voit pas.
02:59Ce qui est clair, c'est que 2025 ne sera pas une bonne année en termes de création d'emploi.
03:03On est là encore en dessous de 2023, en dessous de 2024, et on a même un taux de chômage qui remonte.
03:07Le dernier indicateur, c'est l'inflation.
03:10Vous savez que là encore, Donald Trump se félicite du fait qu'il a lutté contre l'inflation.
03:14La réalité, c'est que oui, elle s'est stabilisée, officiellement à 3%,
03:17mais sur la catégorie spécifique de l'alimentaire, elle reste élevée.
03:23Les ménages américains se plaignent du prix de l'alimentation.
03:26Et d'ailleurs, ça explique pourquoi l'administration Trump a levé
03:29quelques tarifs douaniers sur les importations, même sur le bœuf, sur le café, sur la banane,
03:34en disant, là, ça rentre dans le portefeuille, c'est vraiment une question de pouvoir d'achat,
03:36ça rentre dans le portefeuille des ménages américains.
03:38Et il y a d'autres problèmes encore, Alexis Karklins ?
03:41Alors, en fait, pourquoi ça ne fonctionne pas pour le moment ?
03:45Il y a un élément où Donald Trump n'avait pas vraiment imaginé,
03:49c'est l'évolution des taux de change.
03:51– C'est difficile de l'anticiper.
03:53– Et oui, et il misait sur la baisse du dollar,
03:56de façon à être beaucoup plus compétitif à l'exportation
03:58et de renchérir encore plus les importations.
04:01Alors, quand on regarde l'évolution du dollar, ça dépend des monnaies,
04:04alors oui, le dollar a un peu baissé depuis mi-avril,
04:07qui est en gros le moment où les annonces ont été faites sur les premiers tarifs douaniers,
04:10un peu baissé contre l'euro,
04:12et il a un peu baissé aussi contre le renminbi chinois.
04:15Mais par exemple, le yen japonais ou le won coréen,
04:17eux, ça ne s'est pas du tout passé comme ça,
04:19parce qu'ils ont continué, eux, à baisser contre le dollar.
04:21Donc ça n'a pas fonctionné comme ça avait été imaginé.
04:25Il y a un autre facteur structurel qui joue,
04:27c'est que derrière la tech et l'intelligence artificielle,
04:30eh bien, relocaliser des emplois, ça nécessite des compétences,
04:34et la réalité, c'est que l'industrie américaine en particulier
04:36a perdu en compétences sur les 25 dernières années.
04:39Là encore, ça va prendre du temps.
04:41On est dans un moment, on ne peut pas dire que là,
04:43on arrive à la fin 2025,
04:45que ce qui a été annoncé par l'administration Trump
04:47fonctionne, en tout cas sur le plan économique.
04:50Alexis, le but de ces droits de douane était de frapper les Européens, bien sûr,
04:53mais surtout la Chine.
04:54Est-ce qu'on voit un effet déjà ?
04:55Alors, la Chine souffre un peu des tarifs douaniers américains,
05:00elle en souffre sur, justement, les exportations vers le marché américain.
05:03Clairement, la Chine exporte moins vers les États-Unis.
05:08Mais il y a des répercussions, et notamment sur l'Europe.
05:10Vous avez raison de faire le lien.
05:11Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, on le sait,
05:13la Chine, c'est un tiers de la production industrielle mondiale.
05:16C'est une économie dont la demande intérieure est en berne.
05:19Aujourd'hui, la Chine est en surabondance d'offres.
05:22Ça veut dire quoi ?
05:23Ça veut dire qu'elle a besoin d'exporter pour tenir un peu de croissance.
05:26Et où est-ce qu'elle se tourne ?
05:27Elle se tourne vers l'Europe.
05:30Elle exporte vers l'Europe à coût de renminbi plutôt bas,
05:35à coût de subventions,
05:37et donc avec des produits aussi qui ont monté en qualité.
05:39Et tout ça fait qu'aujourd'hui, en réalité,
05:42la Chine va avoir un excédent commercial en 2025
05:46qui sera même supérieur à ce qu'elle connaissait avant.
05:49Simplement, c'est un peu moins vers les États-Unis,
05:51c'est plus vers l'Europe,
05:52et c'est plus vers le reste de l'Asie.
05:54Donc il y a un vrai jeu de balance qui se joue,
05:56pardon pour ce vrai jeu de mots,
05:57mais qui se rejoue aujourd'hui sur la planète.
05:59Mais l'Europe que vous évoquiez, Alexis,
06:01pour terminer là-dessus,
06:02comment est-ce que les Européens doivent se positionner ?
06:04Comment est-ce qu'ils peuvent se défendre
06:07et continuer d'exister dans ce monde
06:08qui est de plus en plus un retour à un monde bipolaire
06:12entre la Chine et les États-Unis ?
06:13On a l'impression que les Européens observent,
06:15en tout cas, ne sont pas à la hauteur des enjeux.
06:17C'est vrai, Erwin,
06:17et il y a beaucoup de voix en Europe
06:19qui se sont élevées sur la nécessaire refonte
06:22de la politique commerciale internationale européenne.
06:26L'Europe est pour l'instant la perdante,
06:27elle n'a pas la tech américaine,
06:29et elle n'a pas la compétitivité,
06:30l'hyper-compétitivité chinoise.
06:32Alors que faire ?
06:33Eh bien, les voix, comme Mario Draghi, disent,
06:34il faut vraiment travailler sur la compétitivité
06:36en créant un espace unifié.
06:37Et puis vous allez voir, comme celle de Nicolas Dufour,
06:39par exemple, qui évoque la nécessité d'être déjà lucide.
06:42Ça peut passer par la taxation des importations chinoises,
06:45par l'exigence d'investissement chinois en Europe,
06:48finalement un peu ce que fait Trump avec les États-Unis,
06:52et puis faire évoluer la politique de change.
06:53Clairement, on est dans un rapport de force,
06:55c'est ce que vaut les Trump.
06:56Eh bien, on y est fin 2025,
06:57et c'est au niveau mondial.
06:58Et il y aura un rendez-vous important à suivre cette semaine
07:00à partir de mercredi, Emmanuel Macron,
07:02qui justement est en visite officielle en Chine.
07:04Donc il y aura sûrement des annonces,
07:06parce qu'il y a beaucoup d'enjeux qui vont se jouer à ce moment-là,
07:09beaucoup de sujets à discuter, négocier,
07:11autour des commandes, autour des terres rares.
07:13Voilà, on suivra bien sûr tout ça sur BFM Business.
07:15Merci beaucoup, Alexis Karklins-Marchais,
07:17directeur général délégué de Data Advisory.
07:19Merci beaucoup.
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