00:00Gilles Mouek, bonjour, chef économiste du groupe AXA.
00:03Je vous ai demandé de venir ce matin pour qu'on parle notamment des investisseurs japonais
00:07parce qu'on a besoin des investisseurs japonais sur les marchés obligataires.
00:10Ils fournissent beaucoup de dettes quand même aux pays occidentaux.
00:14On s'attend potentiellement à ce qu'ils se replient sur eux-mêmes.
00:17Est-ce qu'il y a un risque demain de crise de la dette à cause des japonais ?
00:23Les investisseurs japonais bougent en général de manière assez graduelle
00:28ou en tout cas ne réagissent pas à des nouvelles qui ne sont pas confirmées,
00:34qui n'ont pas fait l'objet d'une étude vraiment très approfondie de leur part.
00:40On l'a vu à plusieurs reprises dans le passé, ce ne sont pas des investisseurs volatiles,
00:45ce sont des investisseurs de long terme.
00:47Maintenant, ce sont des gens qui sont confrontés à des choix assez complexes
00:52sur leur propre marché domestique,
00:55ce qui probablement les incite à rester aussi très prudents
00:59dans leur stratégie aujourd'hui d'allocation internationale.
01:01Je ne crois pas qu'on va avoir des mouvements très très nets
01:04de leur part à très court terme,
01:06parce que leur choix à eux,
01:08à la fière action en centrale,
01:09c'est comment réagir à la nouvelle bonne politique au Japon,
01:12comment réagir à ce qui pourrait être
01:15la place d'une politique budgétaire
01:17beaucoup plus expansioniste.
01:19Et je pense que tant qu'ils ne sauront pas
01:21à quel point s'ils sont mangés, entre guillemets, domestiquement,
01:24je ne pense pas qu'ils bougent beaucoup.
01:25On va avoir des questions...
01:27Même Gilles, si Sanae Takahashi, en arrivant au pouvoir,
01:31elle a annoncé qu'elle allait mettre en place des abénomics,
01:33le capital ne peut pas être partout.
01:35Donc à un moment donné, si on a besoin de capitaux
01:37pour faire une relance hypothétique au Japon,
01:40on ne peut pas être à la fois au Japon
01:42et sur les marchés occidentaux.
01:44Sauf si les taux montent.
01:45Ce qui est une possibilité non nulle dans le cas japonais.
01:50Parce qu'il y a pour moi une vraie difficulté
01:55dans le dépoussiage, entre guillemets, d'abénomics aujourd'hui.
01:59C'est qu'abénomics, à l'époque, était complètement approprié.
02:03Enfin, je rappelle, abénomics, c'était le mélange
02:06d'une politique budgétaire expansionniste
02:08avec une politique monétaire accommodante
02:10et des réformes structurelles.
02:11C'était ça les trois flèches d'abénomics.
02:14A l'époque, c'était complètement approprié
02:16parce qu'on était dans une situation
02:19de déflation complètement enquistée
02:24dans l'économie japonaise.
02:25Aujourd'hui, on n'est plus dans une situation
02:27de déflation enquistée.
02:29C'est même bien le contraire.
02:30Ce qui a provoqué d'ailleurs la défaite du LDP
02:33dans deux élections récemment,
02:35c'est précisément le fait que le retour de l'inflation
02:37venant éroder le pouvoir d'achat des ménages
02:39se traduit par un mécontentement des électeurs.
02:42Donc, abénomics, je comprends cette tentation
02:46parce que la croissance japonaise est assez faible,
02:50parce qu'il y a ce souci de pouvoir d'achat
02:52qui incite les politiques à essayer de répondre
02:56par des politiques actives.
02:59Mais dans l'état actuel,
03:01dans la configuration japonaise actuelle,
03:03c'est quelque chose qui pourrait se traduire
03:04soit par un score-croît d'inflation,
03:07soit par une augmentation des taux longs.
03:09Donc là, il y a une vraie difficulté.
03:11Il y a un timing qui est extraordinairement compliqué,
03:14à la fois pour Takahashi
03:15et pour la Banque du Japon.
03:17J'ajouterais, pour que le tableau soit complet,
03:21que Takahashi ne fera pas exactement ce qu'elle voudra.
03:24Elle ne fera pas exactement ce qu'elle voudra,
03:25parce qu'elle devra négocier un accord de coalition
03:27avec des partis qui sont eux aussi également favorables
03:31à une politique budgétaire active,
03:32mais différemment.
03:33Takahashi, c'est la politique budgétaire active
03:35plutôt axée sur l'investissement.
03:38Et ça, c'est plutôt bien,
03:39parce que ça évitera beaucoup d'effets inflationnistes domestiques.
03:42Mais elle a des alliés potentiels
03:43qui, eux, veulent une relance budgétaire,
03:46j'allais dire classique,
03:47passant par le soutien à la consommation.
03:50Donc on est vraiment dans un attentif.
03:52Donc ce n'est pas gagné que les abénomics,
03:54ça fonctionne à nouveau.
03:55Ça n'avait pas marché la dernière fois.
03:57Il n'y a pas de raison que ça fonctionne à nouveau.
03:59Gilles, je ne peux pas résister
04:00au fait de vous poser une question
04:01quand même sur la situation française.
04:03Vous entendez qu'on va revenir
04:04sur la réforme des retraites.
04:05Comment peut-on être le pays
04:07qui travaille le moins
04:09avec le niveau de dépense sociale le plus élevé ?
04:12Il y a eu un papier de Gilles Berset
04:15dans les écoles il y a peu de temps.
04:16Gilles Berset, c'était mon ancien patron
04:18à la Banque de France,
04:18donc j'ai évidemment beaucoup de respect pour lui.
04:20Et un des points qu'il faisait
04:22qui me paraissait juste,
04:23qui était un peu de renversé logique,
04:25était de dire
04:25pourquoi a-t-on ce problème aujourd'hui
04:28de discussion budgétaire,
04:30de soutenabilité de notre état social ?
04:32Et sa réponse était
04:33parce que notre croissance est trop faible,
04:35parce que notre PIB par habitant est trop faible.
04:38Et parce que notre PIB par habitant est trop faible,
04:40nous n'avons pas les moyens, entre guillemets,
04:41de soutenir l'état de présence
04:43que nous souhaitons collectivement,
04:46parce que c'est un choix civilisationnel français.
04:48Et son point, c'était de dire
04:49cherchons les raisons qui font
04:51que le PIB par habitant français
04:53est plus bas que dans les pays nordiques, par exemple.
04:55Et on trouve toujours cette fameuse question
04:57du taux d'emploi,
04:59d'une faiblesse du taux d'emploi,
05:00en particulier pour les seniors.
05:02Donc, quel que soit l'habillement,
05:04l'habillage qu'on trouvera
05:05sur la réforme d'intraite en soi,
05:08pour moi, la question l'incidante
05:09est toujours la même.
05:10Comment peut-on faire remonter le taux d'emploi ?
05:14Parce que c'est en remontant le taux d'emploi,
05:16y compris probablement pour les seniors,
05:18qu'on réussira à trouver les moyens financiers
05:20de servir l'ambition que, semble-t-il,
05:23nous avons tous, culturellement, en France,
05:25pour un état de providence relativement développé.
05:28C'est ça, pour moi, qui est véritablement important.
05:30La question du paramétrage de la réforme
05:33elle-même me paraît un tout petit peu secondaire.
05:36L'important, c'est de réussir à faire en sorte
05:37qu'on ait un système de retraite
05:39qui permette qu'il soit compatible
05:41avec une extension du taux d'emploi.
05:44Merci beaucoup, Gilles Mouek,
05:45chef économiste du groupe AXA,
05:46d'avoir été avec nous ce matin
05:47dans la matinale de l'économie.