00:00C'est Jean-François Adi Meglio, bonjour, vous êtes le président du conseil d'orientation de l'Asia Centre.
00:04On a eu un enchaînement de chiffres économiques autour de la Chine qui ne sont pas bons.
00:08Les derniers chiffres pour le mois d'août se confirment un ralentissement de l'économie chinoise.
00:12Ça ne redémarre pas, ce qu'on voit c'est que la consommation fonctionne à peu près correctement
00:16quand il y a des bons d'achat pour acheter des produits précis en Chine,
00:20mais que sinon il n'y a pas de mouvement de redémarrage.
00:24La déflation s'est peut-être arrêtée, mais on est clairement dans un mouvement déflationniste.
00:28Un mouvement déflationniste c'est quoi ? C'est qu'il n'y a pas d'appétit pour acheter.
00:32Pourquoi ? Parce qu'il y a un manque de confiance, il y a une perte des repères
00:36qui ont fait ce boom de la consommation pendant un temps très très court en Chine.
00:42Et je vous rappelle que les chiffres que vous n'avez pas mentionnés,
00:45c'est de l'ordre de 3% de croissance d'un mois sur l'autre sur la consommation.
00:50Donc c'est violent quand même.
00:51Et la Chine fait 5% de croissance.
00:54Ça veut dire, encore une fois, c'est quelque chose que j'ai souvent répété ici,
00:58si la consommation est plus faible que la croissance de la Chine,
01:03ça veut dire que la consommation perd du terrain dans la génération de valeurs en Chine.
01:08Et c'est exactement le contraire de ce que les autorités chinoises veulent,
01:11parce qu'elles veulent changer de modèle, elles veulent être moins dépendantes des exportations,
01:15et en particulier des exportations vis-à-vis des États-Unis.
01:19Et donc on n'est effectivement pas sur une bonne pente.
01:22On a parlé, au moment des chiffres que vous citez, de ce serpent de mer, d'un plan de relance.
01:29Le plan de relance, on en parle depuis longtemps.
01:31On sait que s'il fallait un plan de relance, il faudrait qu'il soit relativement massif.
01:35Et les autorités chinoises savent que les plans de relance, ça peut coûter très cher à terme.
01:40C'est ce qui s'est passé en 2008.
01:42Alors ce qu'on va avoir, c'est des baisses de taux, un soutien au crédit,
01:48et puis un soutien aussi aux provinces qui vont mal.
01:51Annalisa.
01:51Jean-François Dimeglio, c'est une phase délicate pour la Chine,
01:54qui essaye de se trouver une stature géopolitique,
01:56de se poser comme un véritable modèle face aux États-Unis.
01:59On a vu la semaine dernière le forum de la coopération de Shanghai,
02:02le grand défilé à Pékin.
02:04Est-ce que ces résultats qui sont mauvais dans la politique intérieure
02:08peuvent impacter sa stratégie géopolitique ?
02:11Oui, alors c'est le grand écart pour les dirigeants chinois, probablement.
02:15Je pense que, comme c'est leur job,
02:18ils ont un œil sur ces chiffres intérieurs
02:21et l'impact que ça peut avoir sur ce qu'on peut appeler l'opinion publique.
02:25Et puis un œil, effectivement, sur l'impact colossal,
02:29il ne faut pas le nier,
02:30de cette grande démonstration de force du 3 septembre.
02:34Et de cette démonstration de soutien géopolitique des alliés de la Chine.
02:38Alors, il y a un écart.
02:40On a beaucoup entendu parler du 3 septembre.
02:42Ici, on parle toujours, effectivement, des chiffres économiques.
02:46Et on a raison.
02:48Est-ce que l'un joue contre l'autre ?
02:51Ou est-ce que l'un, en revanche, joue en faveur de l'autre ?
02:55À savoir que, quand vous voulez calmer votre opinion,
02:58parce qu'elle est inquiète du climat domestique,
03:01vous lui jetez, en quelque sorte, un os à ronger sur la grandeur du pays
03:06et sur les ambitions que le pays peut avoir à l'étranger,
03:09c'est ça la grande question.
03:12Mon commentaire aujourd'hui, c'est de dire que la Chine n'est pas prête
03:16à prendre des risques géopolitiques.
03:19Et c'est là, tout l'arbitrage très difficile d'un dirigeant chinois aujourd'hui,
03:22c'est un job qui n'est pas plus facile que celui de nos dirigeants à nous.
03:24Sur l'économie pure et simple, sur les questions des véhicules,
03:29on voit la Chine qui veut limiter la production et l'exportation de véhicules.
03:34Il y a eu une surproduction trop importante.
03:36Là, c'est sur les véhicules, mais ça pourrait être sur un tas d'autres produits.
03:40On en est là à dire qu'il faut baisser la production.
03:44C'est-à-dire que, en ce qui concerne le secteur automobile,
03:46c'est une question d'assainissement du secteur.
03:50Parce que, comme au tout début de l'automobile en Occident,
03:53on a une profusion de nouvelles marques, de producteurs.
03:59Il y a des canards boiteux, en particulier des canards boiteux
04:02qui ont été aidés par les provinces, qui ont été aidés par l'argent facile.
04:06Et puis, par aussi une aide à l'innovation.
04:09Dans ce que j'appelle les canards boiteux,
04:11il y a eu parfois des innovations et on en voit les résultats.
04:13Mais ils prévoient quand même que, par exemple, l'Europe achètera moins de véhicules.
04:17C'est-à-dire qu'ils se disent qu'on ne va pas pouvoir écouler l'ensemble des stocks.
04:20Oui, alors ça, si vous voulez, je serais tenté de dire
04:24que c'est se jeter en avant pour ne pas tomber en arrière.
04:27C'est-à-dire que, si on s'expose à des restrictions européennes,
04:33autant dire qu'on ne voit pas des véhicules chinois s'entasser dans les ports
04:39comme on encourait le risque.
04:40C'est une très mauvaise image, ça.
04:42Donc, c'est plutôt ça, mon interprétation.
04:45Et pour autant que ce soit réellement le cas.
04:48Donc, la Chine préempte, en quelque sorte, des mesures qui seraient prises.
04:53Encore faut-il que ces mesures soient prises.
04:55Il semblerait qu'on en prenne le chemin.
04:57Elles ne sont pas encore là.
04:59On verra bien.
05:00Un mot de TikTok, mais on en reviendra sur le dossier dans le journal de 7h30.
05:03Il y a un deal avec Donald Trump et Xi Jinping.
05:06C'est aussi éminemment politique.
05:07Là, il n'y avait pas le choix, en fait.
05:09Il fallait laisser partir le TikTok américain.
05:12Écoutez, vous vous souvenez qu'on a vu très souvent ces feuilletons à épisodes,
05:17y compris sous Trump 1.
05:19Il a fallu trois ans pour arriver à le fameux accord de janvier 2020,
05:24où, effectivement, on fait une sorte de paix.
05:28Et d'une certaine façon, la guerre commerciale a repris.
05:31Il y a des sous-jacents extrêmement importants.
05:33L'affaire TikTok, effectivement, ça ne concerne que 170 millions d'Américains.
05:36On vous dit, oui, les Américains veulent reprendre la maîtrise sur TikTok.
05:42Ce n'est pas une question de capital.
05:43C'est une question d'algorithmes.
05:45Et derrière ces algorithmes, en fait, on est au vrai cœur du sujet de l'affrontement chine-US.
05:51C'est qui est-ce qui va avoir les meilleures techniques ?
05:53Qui est-ce qui va avoir la meilleure approche cyber ?
05:56Donc, pour l'instant, la Chine aurait lâché du lest.
05:59On ne sait pas combien elle a lâché du lest sur l'accès aux algorithmes.
06:03Mais cet algorithme de TikTok, en fait, c'est l'algorithme qui permet à TikTok
06:06de vous envoyer en permanence les vidéos que vous voulez.
06:09Il donne accès à la connaissance des profils.
06:13Et il y a tout un côté à la fois confidentiel et un côté hyper performant
06:17des algorithmes chinois qui sont en jeu.
06:19Merci beaucoup Jean-François Démégliaux d'être venu ce matin dans la matinale de l'économie.