00:00Focus ce matin sur le Japon, là aussi on cherche un Premier Ministre.
00:04Bonjour Jean-Yves Collin, vous êtes spécialiste de l'Asie du Nord à l'Asia Centre.
00:08Est-ce que ça se fait au Japon, cette recherche de Premier Ministre après la démission de Shigeru Shiba dans le calme ?
00:15Ou c'est comme chez nous, une sorte de chaos où on est dans une situation inextricable ?
00:21Non, ce n'est pas un chaos, ce n'est pas non plus une situation inextricable.
00:25Hier, le Parti libéral-démocrate a décidé de réunir une sorte de conseil très élargi, composé de 295 élus, chambres basses, chambres hautes,
00:38et également du même nombre d'élus du parti venant des préfectures.
00:43Donc il va y avoir une compétition qui aura lieu du 22 septembre au 4 octobre.
00:49Il y a d'ores et déjà 5 candidats plus ou moins déclarés, un vraiment déclaré et 4 autres qui sont dans les starting blocks.
00:59Peut-être qu'il y en aura d'autres, la dernière fois il y en a eu 9.
01:01Donc je dirais la compétition est en cours.
01:05Et on sait qui est le favori ?
01:07Alors non, aujourd'hui c'est assez difficile à dire, ne serait-ce d'ailleurs qu'à cause de la composition de ce conseil
01:14qui donne un rapport de force un peu plus important aux élus de base, en quelque sorte, du parti.
01:21En revanche, certains pensent qu'il faut d'abord conquérir le cœur, si j'ose dire, des élus parlementaires,
01:28avant de se retourner vers la base.
01:30D'autres à l'inverse.
01:30En tout cas, il y a deux personnes qui semblent se dégager, mais il n'est pas du tout certain que ce soit elle qui soit à l'arrivée.
01:37D'une part, l'ancienne protégée de Shinzo Abe, Takahichi Sane, qui était déjà candidate la dernière fois,
01:44qui était arrivée numéro 2.
01:46Et Koizumi, qui est le fils de son père, si j'ose dire, est actuellement ministre de l'Agriculture.
01:51D'accord.
01:51Annalisa Capellini.
01:52Alors vous disiez effectivement la démission du Premier ministre nous fait penser évidemment à la situation française.
01:57Il y a aussi d'autres similitudes.
01:59Il y a les questions économiques avec un coût de la vie en hausse, avec la hausse du prix du riz, par exemple,
02:05qui est un indicateur important pour le Japon.
02:07Il y a la question démographique.
02:08Le Japon, lui aussi, est un pays vieillissant.
02:10Est-ce que la situation économique est similaire à celle française, à votre avis ?
02:13Alors la situation économique est effectivement à peu près similaire, si j'ose dire,
02:19parce qu'il y a une sorte d'inflation qui est relativement de faible ampleur pour quelqu'un de mon âge,
02:26par exemple, qui a connu des inflations entre 10 et 20 %, mais qui pour les Japonais est extrêmement importante
02:31parce que vous avez toute une génération, je dirais, les gens qui ont aujourd'hui entre 30 et 40 ans au Japon,
02:37ils n'ont pas connu d'inflation du tout.
02:38C'est-à-dire qu'ils ont connu un pays déflationniste et aujourd'hui se retrouvent avec une inflation
02:43qui est aux alentours, disons, de 3 %, mais avec un point de, je dirais, de focalisation extrêmement fort
02:49qui est le prix du riz.
02:51Là, il y a eu, si j'ose dire, un mismanagement de la gestion du riz,
02:56en ce sens que le gouvernement a tablé sur une demande décroissante, une offre déclinante,
03:00et finalement, il y a eu un déséquilibre dans ce rapport qui fait que ça a créé une tension politique très importante
03:06que M. Ishiba n'a pas réussi à calmer totalement en nommant M. Koizumi,
03:11qui est une personnalité un peu charismatique, si j'ose dire, en tout cas,
03:14ce qu'on appellerait un beau gosse dans le langage japonais de base.
03:19La démographie, bien entendu, c'est un sujet crucial au Japon depuis 40 ans, 50 ans,
03:25et qui est beaucoup plus difficile qu'en France, moins pire, si j'ose dire, qu'en Corée,
03:30mais quand même très difficile.
03:31Et la croissance, il y a eu une révision des taux de croissance toute récente, il y a 2-3 jours,
03:37elle est plutôt aux alentours de 1,5%, 1,2%, mais enfin, je suis extrêmement prudent sur la croissance
03:42parce qu'il y a des révisions assez régulières des prévisions économiques.
03:45Alors vous me disiez que c'est plus calme que chez nous,
03:48mais la vie politique japonaise peut quand même être assez violente, on en a eu quelques démonstrations.
03:52Alors la vie japonaise, elle n'est d'abord pas caractérisée par une radicalité forte,
03:58c'est-à-dire qu'au Parlement, vous avez un parti qui a longtemps été majoritaire
04:02et qui reste dominant, qui est le Parti libéral-démocrate,
04:05qui est lui-même un ensemble de factions, en fait,
04:08d'où le souci de trouver le moyen de garder le liant entre toutes ces factions.
04:13Et puis vous avez des oppositions qui, en dehors du Parti communiste,
04:16sont en fait des oppositions, je dirais, entre centre-droit et centre-gauche,
04:21avec un parti principal d'opposition que le Parti démocrate constitutionnel,
04:25qui n'a pas enregistré un grand succès aux dernières élections.
04:29Mais avec une défiance quand même de la population face à sa corporation politique.
04:34La population japonaise depuis toujours est relativement défiante à l'égard de son personnel politique
04:39et n'attend pas de son personnel politique, je dirais, un changement de la nuit au jour,
04:46pour reprendre une expression ancienne française.
04:48Un mot des droits de douane ?
04:49Absolument, des droits de douane.
04:50Alors ça, c'est un problème qui est, entre guillemets, commun à tous les pays développés.
04:56Si je veux dire.
04:57Et qui était un point sur lequel s'appuyait M. Ishiba pour tenir son poste, en quelque sorte.
05:03Il disait, tant qu'il faut discuter avec M. Trump...
05:05Je resterai en place.
05:06Je reste en place.
05:08Il a considéré, peut-être pas...
05:12C'est plus un prétexte qu'autre chose, en ce sens qu'il a dit,
05:14puisque maintenant les négociations ont abouti, je peux partir.
05:17En fait, on s'aperçoit que les négociations ne sont pas complètement terminées
05:20parce que, le diable étant dans le détail,
05:22il y a encore des choses à discuter entre le Japon et les États-Unis,
05:26comme il y a des choses à discuter entre l'Union européenne et les États-Unis.
05:29Mais ça en dit long sur la relation avec les États-Unis,
05:31qui était le principal allié du Japon.
05:33Aujourd'hui, les choses commencent à changer.
05:35Les États-Unis restent le principal allié du Japon
05:38et il n'y a pas dans la classe politique japonaise,
05:41je dirais qu'on aille de la droite au centre-gauche,
05:44de gens qui ont envie de remettre en cause cette alliance.
05:48En revanche, je dirais qu'il y a un doute,
05:51maintenant un peu existentiel au Japon,
05:53sur la fiabilité du parapluie américain.
05:57En ce sens que ce qui s'est passé en Irak,
05:59ce qui s'est passé en Afghanistan,
06:02a introduit le doute,
06:04non seulement dans l'état-major militaire ou politique,
06:08mais aussi dans la population.
06:09Alors, les menaces, après, sont les mêmes.
06:11C'est-à-dire que les États-Unis demandent d'augmenter
06:14les dépenses militaires, également au Japon.
06:16Il n'y a pas qu'à l'Europe qu'on demande ça.
06:17Oui, tout à fait.
06:18Ce sont les mêmes pourcentages qui sont en jeu.
06:22Le gouvernement japonais,
06:23à l'époque du Premier ministre Kishida,
06:26avait annoncé un plan.
06:27Ce plan, il se heurte à deux difficultés principales.
06:31Le financement, parce que le Japon est un pays,
06:34comme vous le savez,
06:35qui a une dette encore plus importante que la France.
06:37Et d'autre part, gérer un problème presque plus grave,
06:39un problème logistique.
06:41C'est comment trouver les gens
06:42qui veulent faire leur service militaire
06:44et continuer à acheter du matériel militaire,
06:48l'avoir avec un bon timing.
06:51Il faut des bras pour ça, il faut des jeunes.
06:52Jean-Marc Daniel vous écoute religieusement
06:54derrière la caméra.
06:56Merci d'être venu, Jean-Yves Collin,
06:57spécialiste de l'Asie du Nord à l'Asia Centre.
07:00Merci d'avoir regardé cette vidéo !
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