00:00L'annulation de voyages chinois au Japon, suspension des importations de produits de la mer,
00:04il y a même des films japonais qui ont été reportés dans leur sortie en Chine.
00:08Notre invité pour en parler c'est Jean-Yves Collin.
00:10Bonjour, vous êtes spécialiste de l'Asie du Nord à l'Asia-Centre.
00:14On voit que les premiers pas de la première ministre japonaise sont assez houleux.
00:20Est-ce que c'était volontaire ou c'est une crise malgré elle ?
00:24Alors certains considèrent qu'elle a fait une bévue à la Chambre des représentants,
00:29donc la chambre basse de la diète.
00:31Pour ma part je dirais qu'à la limite je suis prêt à accepter qu'il s'agisse d'une maladresse
00:36mais en vérité son propos correspond à une position assez classique du gouvernement japonais
00:43et du Parti libéral-démocrate.
00:44C'est une position qui a été élaborée par un précédent Premier ministre, Shinzo Abe.
00:53La nouveauté c'est que jamais le Premier ministre en tant que Premier ministre
00:58ne s'était exprimé aussi clairement.
01:01Et ça, ça correspond en fait à une volonté de Madame Takechi de parler vrai,
01:08je dirais presque de parler un peu cru, pour présenter les positions du Japon.
01:15Or il faut se rappeler qu'en l'occurrence,
01:17le Japon sur une carte a l'air assez loin de Taïwan et de la Chine,
01:23mais en vérité il y a tout un chapelet d'îles qui vont de Taïwan à Okinawa
01:30et la plus proche est à 120 km des côtes de Taïwan.
01:36Donc tout problème qui concernerait Taïwan du fait d'un blocus maritime aérien,
01:42en fait déborde naturellement sur ce chapelet dîle.
01:47C'est ce qu'elle a dit en fait, elle n'a pas dit autre chose que ça.
01:50Elle a dit en fait, elle a dit que ça pourrait mettre en cause la survie du Japon.
01:55C'est une expression qui est presque juridique,
01:58qui est incluse dans une loi de 2015.
02:02Elle n'a pas dit, comme ça a été parfois rapporté dans la presse,
02:07qu'elle était prête à une riposte militaire.
02:10Elle a simplement dit qu'un blocus maritime et un blocus aérien
02:13pourraient poser problème et seraient de nature à mettre en cause la survie du Japon.
02:18Et c'est vrai que ça mettrait en cause la souveraineté du Japon.
02:21Or la Chine, au cours des mois et presque des années récentes,
02:26a d'abord contesté la souveraineté du Japon sur les îles Sengaku,
02:32qu'on met en cause ce chapelet d'îles,
02:34et maintenant même, met en cause la souveraineté d'Okinawa.
02:39Donc voilà.
02:41Annalisa ?
02:41Le temps monte et continue de monter.
02:43La question, c'est de savoir jusqu'où ça peut aller,
02:45jusqu'où vont aller les tensions entre la Chine et le Japon ?
02:47Alors, je pense qu'elles vont finir par retomber.
02:50Il faut aussi garder à l'esprit que la Chine est remarquablement habile
02:55pour instrumentaliser tous ces phénomènes.
02:58Je vous prends deux exemples différents.
03:01Le premier, c'est que Mme Takechi, quand elle était en Corée du Sud
03:05pour le sommet de l'APEC, a rencontré un ancien vice-premier ministre de Taïwan.
03:10Les Chinois en ont fait tout un barouf, si vous me permettez l'expression.
03:15Or, de tels rendez-vous avaient déjà eu lieu dans le passé
03:17avec d'autres premiers ministres japonais.
03:19Autre exemple, pendant le week-end,
03:22les États-Unis et la Corée ont signé des accords
03:26concernant la sécurité et la défense,
03:29et notamment le développement de sous-marins à propulsion militaire.
03:34Or, l'un des chefs d'état-major de l'armée américaine
03:37a déclaré que ces sous-marins devaient être utilisés pour contrer la Chine.
03:40La Chine est restée calme.
03:42Je dis simplement que la Chine sait utiliser les moindres écarts
03:47et faire monter la tension et la faire redescendre quand il faut.
03:50Là, on fait monter la tension sur des questions économiques
03:52et la pression sur le tourisme, notamment le tourisme chinois,
03:55très important pour le Japon.
03:56Il y a ce plan de relance annoncé par Sanae Takahashi.
04:01Sur quel relais de croissance elle peut compter aujourd'hui ?
04:04Aujourd'hui, elle compte surtout sur le relais de croissance de l'investissement.
04:08Si on regarde les chiffres du dernier trimestre publié,
04:12c'est l'investissement qui a été le faible moteur,
04:16mais le moteur d'une petite croissance.
04:19La consommation reste à tonne, ça c'est un problème qui est,
04:22si j'ose dire, général au Japon depuis un certain temps.
04:26C'est notamment lié à la baisse des salaires réels
04:29et à des phénomènes spécifiques comme la hausse du prix du riz au printemps
04:33et le retour d'une inflation qui est aujourd'hui aux alentours de 2,9%
04:39hors produits alimentaires.
04:41Inflation qui était absolument inconnue de toute génération inférieure à 55 ans,
04:47si vous voulez, donc c'est un phénomène, je dirais, mystérieux
04:52pour beaucoup de Japonais, l'inflation.
04:55Voilà, donc, et quant au moteur des exportations,
04:59il a été victime des menaces de Donald Trump sur les droits de douane
05:06au Japon, comme en Corée et comme en Europe.
05:09Voilà.
05:09Merci beaucoup d'être venu ce matin dans la matinale de l'économie.
05:12Jean-Yves Collin, spécialiste de l'Asie du Nord à l'Asia Centre.
05:15Donc, je vous remercie.