00:00Focus ce matin sur la Chine qui tente de relancer son économie sur production, baisse des prix, consommation en berne qui a du mal à repartir mais aussi à développement des produits locaux, des leaders régionaux, le pays se transforme.
00:11Notre invité c'est Jacques Lemoisson, bonjour, vous voulez être le fondateur de Gate Capital Management, vous avez écrit une note d'une vingtaine de pages sur la politique anti-involution de la Chine.
00:22Qu'est-ce que vous mettez derrière ce terme ?
00:24C'est une prise de conscience de la Chine que de produire beaucoup pour gagner peu est fini, parce que l'involution a créé une vague de burn-out, de réduction de la natalité aussi,
00:41a en effet mis la Chine en place comme l'industrie et la manufacture du monde, mais in fine les marges n'étaient pas là
00:51et la consommation n'a pas été au rendez-vous non plus, c'est ce que vous mentionnez tout à l'heure.
00:56Et donc il a fallu, les autorités chinoises ont compris qu'il fallait organiser la compétition intra-secteur et entre régions aussi,
01:06parce que l'anti-involution, beaucoup de gens disent que c'est une révolution culturelle on va dire.
01:10Mais c'est la fin de la surproduction pour le monde entier.
01:14Ils veulent tendre vers ça.
01:16Donc ça veut dire, je développe des champions locaux, ça fonctionne notamment dans le luxe,
01:21même Bernard Arnault dit lui-même qu'il est impressionné par certains acteurs.
01:25Ah vous portez du luxe chinois ?
01:26C'est du luxe chinois, c'est le Hermès chinois en fait.
01:29Le Hermès chinois qui s'appelle ?
01:30C'est Shanghai Tang.
01:32Shanghai Tang ?
01:32Et qui fonctionne très bien.
01:34Qui fonctionne très très bien.
01:36En fait, la Chine n'est plus la manufacture du monde.
01:39En fait, elle devient son propre partisan de son imaginaire économique.
01:45Et en fait, ça repose sur trois piliers.
01:47L'anti-involution.
01:49Le Guangdong Xi qui est en fait, en traduction, ça veut dire d'aller de l'Est vers l'Ouest.
01:55Qui date de 2200 ans.
01:56C'est l'argot chinois qui veut dire faire du shopping.
01:59Et en fait, à Xi'an, qui était la capitale de la Chine il y a 2200 ans.
02:08En fait, il y avait deux marchés, Est-Ouest.
02:10Et on allait du marché Est, manufacture chinoise, à l'Ouest qui était, je dirais, le point d'arrivée de la route de la soie.
02:18Et donc déjà, dans l'imaginaire chinois, il y a déjà cette économie circulaire entre l'interne et l'externe.
02:23Et après, il y a le Guangzhou, qui est le terme qui est utilisé pour le Made in China.
02:30Et le China chic, surtout.
02:32Et en fait, maintenant, ce n'est plus du Made in China, c'est du Made for China.
02:36Donc les marques chinoises n'existent pas parce qu'elles copient l'Europe.
02:40Et la Chine n'attend plus de validation de l'Europe.
02:43Pour ses goûts, pour ses marques, pour sa tech.
02:46Elle a ses propres codes.
02:48Et maintenant, on a même un tourisme culturel qui fait que la jeune génération de créateurs va se plonger dans 5000 ans d'histoire.
02:57C'est pour ça que des marques comme Hermès font des partenariats avec des designers chinois.
03:02Parce que les marques chinoises, que ce soit dans le luxe, dans le cosmétique.
03:06D'ailleurs, L'Oréal a acheté Lan, je crois, il y a quelques jours.
03:08Parce qu'il y a un code qui doit être intégré par les Occidentaux.
03:15Et les Chinois n'acceptent plus la copie européenne ou occidentale.
03:20Laopu Gold, qui est joaillier pékinois, a dépassé les ventes de quartier au premier semestre 2025.
03:25Alors déjà, c'est pas mal.
03:27Annalisa, cette lutte contre l'involution et le projet de Pékin, est-ce qu'ils y arrivent ?
03:31Est-ce que vous voyez déjà un effet sur les entreprises, sur la consommation ?
03:34Alors, la consommation, pas encore. Dans certains secteurs, oui.
03:39On commence à avoir des hausses de marge, notamment dans tout ce qui est les livraisons à domicile.
03:47Donc, le chantier est gigantesque.
03:49On ne transforme pas une société qui, je dirais, se nourrit du supply, donc de l'offre,
03:56et qui passe à une économie de demande.
03:58Et là, ça a demandé quelques années, on va dire.
04:02Mais bon, la Chine est un pays qui est organisé, on va dire, et planifié.
04:06Et donc, dans le 15e plan quinquennal, c'était clairement énoncé.
04:09C'est la base.
04:10Ce qui veut dire qu'il faut, nous, Européens, changer complètement notre manière de penser la Chine.
04:14C'est-à-dire qu'on a une erreur stratégique, là.
04:17Complètement. En fait, même pour les investisseurs, le problème, c'est pas le risque Chine.
04:22Le problème, c'est de ne pas comprendre ce que la Chine est en train de devenir et va devenir.
04:27Le moment deep-seek qu'on a eu en début d'année, c'est pas un petit blip qui est arrivé par hasard dans les voitures électriques.
04:36Le moment deep-seek, ça veut dire un acteur chinois qui est capable de rivaliser avec les Américains avec beaucoup, beaucoup moins d'argent.
04:42Oui. En fait, les semi-conducteurs, par exemple, ils ont choisi une autre voie.
04:46Là, ils font du hardware moins puissant, mais ils mettent un logiciel autour de façon à booster les performances de chips qui sont de semi-conducteurs,
04:56qui sont un peu moins évolués que ce qu'il y a aux Etats-Unis.
04:58Mais l'anti-involution permet ce qu'on appelle en bon français le brain drain, c'est-à-dire une fuite des cerveaux de l'Occident maintenant vers la Chine.
05:06Vous avez l'une des patronnes d'ASML sur la lithographie qui est maintenant en Chine depuis deux ans et qui recrée une compétence technologique qu'il n'avait pas.
05:16Vous avez un aussi des patrons de l'Intel qui est reparti en Chine.
05:21Donc, on a ce reverse engineering, on va dire, et cette création interne.
05:27Mais avec également, on le disait ça ce matin dans les échos, il y a la patronne de Volkswagen en France, qui vient d'être recrutée par BYD pour développer BYD en France,
05:36avec, à l'inverse, des compétences chinoises qui vont arriver sur le plan industriel en Europe, avec des transferts de technologies attendus par les Européens.
05:46Là, c'est l'histoire inverse.
05:47Oui, mais en fait, après, derrière, il faut faire attention sur cet espoir.
05:51La Chine a ses propres marques, ses propres codes, tant qu'on le reste dans un environnement qui leur est favorable, par exemple, voiture électrique, par exemple.
06:02Je ne vois pas comment ils peuvent, je dirais, tout transférer, sachant que la tech, les batteries sont chinoises, sachant que les softwares sont chinois,
06:13sachant que même les pièces détachées maintenant, les voitures électriques, c'est un iPhone à roue, donc c'est un assemblage.
06:18Donc, très clairement, ils ont la compétence, donc ils vont en effet transférer des choses chez nous,
06:23mais ils garderont quand même la main sur le cerveau et sur la capacité de création,
06:27et surtout, ils ont une capacité de vitesse, le made in China, le China chic,
06:32repose aussi sur la rapidité de création et l'adaptation à la demande, que nous, on n'a pas.
06:39Vous dites réindustrialisation, oui, transfert de technologies, bof, c'est un peu ça.
06:43Merci beaucoup d'être venu ce matin, Jacques Lemoisson, fondateur de Gate Capital Management.