00:00C'est Jean-Marc Daniel qui débat face à vous. Je ne sais pas si vous devez garder cet essai d'esprit, il va peut-être vous découper en rondelles.
00:06Jean-Marc, on ne sait pas ce qui va se passer. Notre débat du jour, c'est autour de Chine.
00:11Le gouvernement français a saisi la justice pour demander le blocage de la plateforme, officiellement pour des raisons d'illégalité de produits.
00:17Derrière, il y a une demande de la filière textile française. Est-ce que ce type de décision peut permettre de sauver la filière en France ?
00:25D'abord, heureusement que le découpage n'est pas le style préféré de Jean-Marc Daniel.
00:30Il est très poli.
00:31Il est très poli.
00:33Vous avez peur en fait ?
00:34Non, pas du tout.
00:36Il y a une histoire qui résumerait très bien la situation de Chine.
00:43C'est Jean-Marc Daniel qui me l'avait fait découvrir.
00:44C'était Frédéric Bastia et sa fable de la pétition des marchands de chandelle, en gros,
00:50qui envoie une pétition au roi pour que le roi, finalement, les préserve de la concurrence déloyale et gratuite du soleil
00:59et qu'il oblige les gens à fermer les fenêtres pour pouvoir vendre plus de chandelles.
01:05Non, la réalité...
01:06On en est là pour vous.
01:07Oui, parce que la réalité, c'est qu'en fait, le déclin du textile français, c'est un très long processus
01:12qui démarre très longtemps avant la création des plateformes chinoises.
01:15Je me suis replongé, par exemple, dans une étude de l'INSEE de 2018 qui nous dit que dans les années 2000 et 2010,
01:22notre industrie textile a perdu les deux tiers de ses effectifs et plus de la moitié de sa production,
01:28que toutes nos marques françaises qui, aujourd'hui, crient au scandale,
01:31se sont mises à importer les trois quarts des vêtements qu'elles vendent d'Asie et d'Europe de l'Est.
01:35Les boutiques, c'est pareil, finalement, elles ont toutes diminué,
01:39et notamment, il y a eu une hémorragie dans les centres-villes.
01:41Mais si vous voulez, quand vous mettez...
01:43À chaque fois, ça a été un scandale.
01:45La concurrence de la distribution qui s'est mise à vendre des vêtements, ça a été un scandale.
01:48Les enseignes à bas prix dans les zones commerciales, les quihabilles, la halle, ça a été un scandale.
01:54Après, il y a eu dans les années 90, Zara, H&M, ça a été un scandale.
01:58Et puis, alors, évidemment, le déferlement des plateformes chinoises, surtout depuis le Covid,
02:03bah oui, mais si toutes les marques françaises ont disparu, c'est parce qu'elles n'ont pas su s'adapter.
02:06Et d'ailleurs, ce qu'on voit, c'est que ce n'est pas Internet, le problème.
02:09La preuve, c'est que les marques qui savent, finalement, proposer des produits attrayants pour les consommateurs,
02:14prenez Primark, par exemple, ça cartonne, alors que c'est 100% du magasin physique.
02:19Donc, si vous avez la bonne stratégie, vous pouvez, aujourd'hui, encore survivre.
02:23Ce n'est pas l'interdiction de Chine qui changera, quoi que ce soit.
02:25Mais si les Tati, Camayo, Jennifer, Caporal, Pimki ou Nafnaf ont disparu,
02:29c'est parce qu'ils n'ont pas su s'adapter.
02:30– Jean-Marc, quand il commence un débat, en citant vos propres idées,
02:33c'est qu'a priori, vous allez être d'accord.
02:34– Je ne suis pas un pilleur d'idées.
02:36– Non, mais là, vous êtes d'accord avec Jean-Marc ?
02:37– Non, non, non, je suis tout à fait d'accord avec la présentation générale.
02:42J'apporterai quelques amendements, pas des bémols, des amendements.
02:45La première remarque que je ferai, c'est quand même qu'en reprenant les thèses que je défends,
02:49effectivement, il cite Bastia, il cite un roi, c'est-à-dire le roi, c'est Louis-Philippe.
02:54On est au XIXe siècle, il m'accuse de vivre dans les années 70.
02:58– Non, mais c'est un peu mieux, parce que vous vivez dans les années 1870.
03:02– Oui, Philippe, c'est encore avant 1870.
03:05Donc, voilà.
03:07– Mettez-vous sur ma filière textile.
03:08– Voilà, alors sur la filière textile, moi, ce qui me frappe, d'abord, effectivement,
03:11mes trois remarques du jour.
03:12La première remarque, c'est le fait que, dans ce pays,
03:15on est en train d'annoncer régulièrement des mesures de politique industrielle.
03:20Et en fait, c'est de l'acharnement thérapeutique.
03:22Il n'y a pas d'autre mot.
03:23C'est-à-dire, on donne le nom de politique industrielle
03:25à une vision dépassée du monde qui conduit à de l'acharnement thérapeutique.
03:29Il faut, à tout prix, préserver, sauver certains secteurs
03:32dont on sait, donc là, Emmanuel l'a rappelé,
03:34qu'ils sont en train de décliner régulièrement.
03:36Et donc, on va passer à autre chose.
03:38C'est le cas pour le textile, c'est le cas pour la sidérurgie,
03:41c'était le cas pour le charbonnage.
03:42– Là, il y a textile et commerce.
03:43– Et commerce, oui.
03:44– Oui, mais le commerce, il est en face d'une rupture de destruction créatrice.
03:48Alors, on est d'accord pour la création,
03:49mais il faut accepter aussi la destruction.
03:51La deuxième chose qui me frappe,
03:53c'est l'introduction dans les démarches protectionnistes
03:55de la justice et du droit.
03:59C'est-à-dire qu'avant, on faisait du protectionnisme à l'ancienne,
04:02comme le fait Donald Trump, avec des droits de douane.
04:04Là, maintenant, on accuse les gens dont on veut se débarrasser
04:06d'être en contravention avec la loi sur un certain nombre de thèmes
04:09qui n'ont rien à voir avec leur activité commerciale.
04:12Donc, on l'a vu aux États-Unis, quand on s'est abattu sur le système bancaire
04:17après la crise de 2008-2009, le système bancaire européen,
04:20à qui les Américains ont imposé des amendes colossales
04:23pour essayer, effectivement, de favoriser le système bancaire américain.
04:27Il y a cette espèce de doctrine de l'extraterritorialité du dollar
04:30qui permet à la justice américaine d'aller pourchasser des entreprises.
04:32– Ça, c'est de l'anticoncurrence pour vous ?
04:33– C'est de l'anticoncurrence.
04:34Et donc là, on fait un peu la même chose.
04:36On dit, vous savez, Cheyenne, c'est de la pornographie,
04:39Tému, il vente des armes, etc.
04:41Donc, on utilise la justice à des fins qui sont des fins
04:43qui dépassent sa mission pour essayer de trouver
04:46une nouvelle forme de protectionnisme.
04:48Mais ça reste du protectionnisme.
04:50Et pour le textile, le dernier mot, c'est corso magenta.
04:54– C'est-à-dire ?
04:55– Vous vous souvenez de corso magenta ?
04:57– Mais non, j'ai oublié les mots en latin, Jean-Marc.
04:58Je ne progresse pas en latin.
04:59– Alors là, ce n'est pas du latin, c'est de l'italien.
05:01C'est l'avenue à Milan où se fait la mode.
05:05Et donc, la France et l'Italie sont sur le plan du textile
05:11dans une position hyper favorable, mais d'un certain type de textile.
05:15– C'est la critique que j'allais faire à Jean-Marc.
05:19Il n'y a pas d'histoire de filière en général.
05:21Vous avez des segments de marché considérables.
05:23– Sur le segment de gamme, il y a quelque chose à faire.
05:24– Mais d'ailleurs, ce qui est intéressant,
05:26c'est de voir que les seules productions qui sont restées en France,
05:28c'est les productions de luxe.
05:29Et qu'il y a beaucoup de projets de réindustrialisation
05:32dans le secteur textile.
05:34Il y en a plus de 700 aujourd'hui.
05:35– Mais il faut pouvoir payer cher, ça.
05:36– Oui, mais c'est ça.
05:37Oui, mais ça s'adresse à un type de clientèle.
05:39Vous ne pouvez pas adresser toute la clientèle.
05:42Regardez quand même la remarque incroyable
05:43des premiers clients hier du BHV.
05:45– C'est trop cher.
05:45– C'est trop cher.
05:47Et donc, regardez ce qui compte.
05:49C'est ce que vous proposez, le renouvellement des gammes.
05:51Et c'est pour ça que je vous dis qu'aujourd'hui,
05:53Primark et Chine, c'est même combat
05:55que vous soyez sur Internet
05:57ou que vous soyez en magasin physique.
05:58Donc, le sujet, ce n'est pas le canal de distribution.
06:00Le sujet, c'est c'est quoi votre offre et à quel prix.
06:02Et aujourd'hui, il y a une grande majorité de clients français
06:04qui veulent de cette offre.
06:05Mais il y a de la place aussi pour tous les autres produits.
06:08Mais vouloir produire pas cher en France
06:10pour une clientèle qui veut acheter pas cher en France,
06:13non, ça, ce n'est pas de l'économie.
06:15– J'aime quand vous dites Primark.
06:16C'est un peu comme moi quand je confonds le latin et l'italien.
06:19C'est trop mignon.
06:20– Alors, Primark, est-ce que vous connaissez beaucoup de gens
06:22qui disent Primark comme on est censé le dire ?
06:24– Oui, oui, Emmanuel, je connais beaucoup de gens
06:26qui disent Primark.
06:26– Non, Corso Magenta.
06:28– Voilà, parlons l'italien, ça sera plus simple.
06:29– C'était un déjeuner.
06:30– C'était un déjeuner.