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  • il y a 6 semaines
Jeudi 23 octobre 2025, retrouvez Joseph Vogel (Associé Fondateur, Vogel & Vogel), Claire Tergeman (Associée, De Gaulle Fleurance) et Johan Gaulin (Associé, EY Société d'Avocats) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00Générique
00:30Bonjour, bienvenue, c'est Lex Inside, l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique.
00:36Du droit, du droit et rien que du droit.
00:38Au programme de ce numéro, on va évoquer le prix de revente conseillé par le fournisseur à ses distributeurs.
00:45Quels sont les risques ? On en parlera dans quelques instants avec Joseph Vogel, avocat associé, fondateur de Vogel & Vogel.
00:52On évoquera ensuite le pacte d'Utreil. Les entreprises familiales doivent-elles s'attendre à une réforme ?
01:00On en parle avec Johan Golin, avocat associé chez EY, société d'avocats.
01:06Et enfin, on parlera licenciement et liberté d'expression du salarié avec Claire Tergeman, avocate associée chez De Gaulle-Florence.
01:15Voilà pour les titres, Lex Inside, c'est parti !
01:22Un fournisseur peut-il encore conseiller des prix de revente à ses distributeurs aujourd'hui sans être en risque ?
01:35On en parle tout de suite avec mon invité, Joseph Vogel, avocat associé au sein du cabinet Vogel & Vogel.
01:42Joseph Vogel, bonjour.
01:43Bonjour Arnaud.
01:43Pour commencer, Joseph Vogel, en principe, un fournisseur est libre de communiquer ses prix de revente à ses distributeurs,
01:54des prix conseillers de revente, voire même des prix maximum imposés.
01:59Or, vous faites valoir dans différents articles que cette pratique a priori licite peut néanmoins être requalifiée en prix fixe ou minimum imposés
02:09qui sont interdits par le droit de la concurrence.
02:12Pourquoi ?
02:13Alors, vous avez tout à fait raison, Arnaud.
02:15Donc, un fournisseur, aujourd'hui, peut conseiller des prix de revente à ses distributeurs.
02:21Bon, c'est normal, puisqu'il connaît le marché, il connaît ses produits, il souhaite un positionnement prix.
02:26Donc, c'est tout à fait normal qu'il conseille des prix.
02:28Même chose, il peut imposer des prix maximum.
02:30Là aussi, c'est normal.
02:31Il souhaite que ses produits ne soient pas revendus trop chers et que les consommateurs payent le juste prix, le prix de marché.
02:36Donc, les prix conseillers et les prix maximum de revente sont normalement tout à fait licites.
02:43Le problème vient du fait que l'autorité de la concurrence a tendance à requalifier très facilement,
02:50trop facilement à notre goût, ses prix conseillers ou ses prix maximum en prix fixe ou minimum imposé.
02:58Donc, le problème vient de la requalification d'un comportement licite en un comportement illicite en une entente verticale de prix imposé.
03:08Donc, vous semblez dire, si je comprends bien, que cette requalification est anormale et excessive.
03:13Comment vous expliquez cette requalification par l'autorité ?
03:18Alors, je pense qu'il y a d'abord un problème de dérive probatoire.
03:23C'est-à-dire que l'autorité de la concurrence a tendance à trouver très facilement des preuves de prix imposé.
03:30On peut raisonner en preuves directes ou en preuves indirectes,
03:36mais elle considère, par exemple, comme preuves directes d'une infraction de prix minimum imposé,
03:42même de simples consultations d'un juriste d'entreprise à ses clients internes alertant sur un risque éventuel potentiel.
03:52Et elle va dire que cette consultation alertant sur un risque, c'est la preuve de l'infraction.
03:58Oui, ça va très très loin.
03:59Comment elle justifie cette interrogation ?
04:01Je pense qu'il y a vraiment une volonté des autorités de lutter contre les prix imposés.
04:07Il faut savoir qu'en Europe, je crois que 76% des affaires de restrictions verticales sont des affaires de prix imposés.
04:15Et lorsque vous recevez une notification de grief pour prix imposés, vous êtes condamné dans 88% des cas.
04:22Donc, il y a une volonté de lutter contre l'inflation.
04:26Mais je pense que c'est vraiment une mauvaise idée parce qu'on confond un comportement licite, les prix recommandés, les prix maximum,
04:36et on en fait trop facilement un prix minimum imposé.
04:40Et c'est également une autre dérive probatoire, réside dans un mode de preuve par cherry picking.
04:47C'est-à-dire qu'on va saisir par exemple 2 millions de fichiers, de déclarations, d'emails.
04:55Et sur ces 2 millions, on va en sélectionner une dizaine ou une vingtaine pour dire,
05:01« Non, mais ça, ça ressemble à un indice de prix imposé en interprétant peut-être un peu à charge. »
05:08Et les 1,999,980 autres pièces ou déclarations qui sont soit neutres ou qui disent qu'il n'y a pas de prix imposé, on les oublie.
05:19Oui. Avec ce mode de preuve, on peut condamner n'importe qui pour n'importe quoi. Je trouve que ça va trop loin.
05:25Ça laisse moins de liberté aux fournisseurs pour déterminer les prix ?
05:29Oui, parce qu'ils se disent « Est-ce que je peux encore conseiller des prix ? »
05:32Parce que même, ce n'est pas de ma faute, mais de simples dérapages occasionnels de gens que je ne connais même pas
05:42peuvent conduire à une condamnation pour prix imposé.
05:45Donc, ils hésitent à utiliser les prix conseillés au prix maximum, bien que ça soit très utile.
05:52Donc, en fait, on restreint leur capacité d'orientation des prix sur le marché.
05:58Économiquement, je trouve que ça va trop loin.
05:59Alors, au-delà de cette pratique de requalification de l'autorité que vous critiquez,
06:05vous critiquez également le test d'invitation et d'acceptation de l'autorité.
06:11C'est un test qui est à savoir sur les indices d'un double test d'invitation à pratiquer des prix
06:19et d'acceptation par les distributeurs. Pourquoi vous critiquez ce test ?
06:23Alors, je trouve que le test précédent qui était utilisé par l'autorité était beaucoup plus clair.
06:29C'était un triple test pour dire qu'il y a un prix minimum imposé.
06:34On disait qu'il faut que le fournisseur ait évoqué les prix avec ses clients et ses revendeurs.
06:39Bon, prix conseillé, ok, ce n'est pas interdit.
06:43Il fallait ensuite que ces prix aient été appliqués par un très grand nombre de distributeurs.
06:49Ce n'était pas interdit non plus.
06:50Mais il fallait surtout un élément de contrainte, c'est-à-dire qu'il fallait que le fournisseur intervienne auprès de ses distributeurs
06:58pour les forcer à appliquer les prix soi-disant conseillés.
07:02Donc, on avait trois conditions qui étaient très claires.
07:06Aujourd'hui, on n'a plus que deux conditions et elles sont très floues.
07:10Donc, l'invitation à pratiquer des prix et l'acceptation.
07:14Et on se contente d'indices très subjectifs.
07:19On va se contenter de dire que le distributeur pensait que c'était des prix imposés.
07:24D'accord.
07:25Mais c'est trop subjectif.
07:26C'est trop flou pour vous.
07:27Oui.
07:27Alors, est-ce que cette pratique, elle est conforme au droit européen ?
07:30Alors, nous, nous pensons qu'elle ne l'est pas.
07:32Pourquoi ?
07:33Alors, parce qu'en droit européen, pour qu'il y ait prix minimum imposé,
07:37d'après le règlement en restriction verticale, qui est vraiment la Bible en droit européen,
07:41il faut une contrainte du fournisseur sur le distributeur.
07:46C'est marqué dans le règlement.
07:48Et il faut également une simple surveillance des prix.
07:51Il ne suffit pas.
07:52Alors que dans la dernière décision de l'autorité, qui est l'affaire du matériel électrique,
07:56il est écrit noir sur blanc que pour eux, il n'est pas nécessaire pour qu'il y ait prix imposé
08:01qu'il y ait une contrainte, ni même une surveillance des prix.
08:04Donc, là, on va beaucoup plus loin que le droit européen, ce qui n'est pas permis.
08:08D'accord. On va essayer de se projeter.
08:11Quelles sont les perspectives, selon vous ?
08:12Est-ce qu'il peut y avoir des améliorations ?
08:14Oui. Alors, l'autorité peut toujours améliorer sa pratique.
08:18Et je pense que ce qui peut conduire à cette amélioration, c'est notamment la Cour d'appel de Paris.
08:24Puisque la Cour d'appel de Paris, déjà, avait rappelé l'autorité de la concurrence à l'ordre
08:28dans une affaire Apple il y a quelques années,
08:31en disant, dans l'affaire Apple, vous avez condamné Apple pour prix imposé,
08:34alors que les conditions ne sont pas là.
08:36Donc, la décision avait été réformée entièrement sur ce point.
08:41Et dans l'affaire du matériel électrique, il y a un appel en cours devant la Cour d'appel de Paris.
08:46Donc, j'espère qu'on reviendra à une chose plus raisonnable.
08:50Au-delà de la jurisprudence de la Cour d'appel,
08:52est-ce qu'il peut y avoir d'autres améliorations qu'on peut attendre ?
08:56De l'autorité, peut-être ? La pratique de l'autorité ?
08:58Oui, alors peut-être sous l'empire du droit européen.
09:02Peut-être que l'influence du droit européen peut également nous aider.
09:06Et sous l'influence aussi des articles des économistes et des juristes
09:10qui écrivent et qui disent que l'autorité, par sa requalification, va trop loin.
09:15Tout cela peut aider à changer la pratique décisionnelle de l'autorité.
09:18Pour terminer, vous êtes plutôt optimiste quant à la solution ?
09:21Toujours optimiste.
09:23Je suis très confiant dans la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris.
09:27Je pense qu'on va aller vers une amélioration.
09:29On va attendre alors la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris.
09:33Je vous remercie Joseph Vaugelle.
09:35Je rappelle que vous êtes associé, fondateur du cabinet Vaugelle et Vaugelle.
09:39Merci.
09:40Tout de suite, on va changer de registre.
09:42On va parler fiscalité successorale avec l'éventuelle réforme du pacte d'Utreil.
09:58Les entreprises familiales peuvent-elles craindre une réforme du pacte d'Utreil ?
10:04On en parle tout de suite avec mon invité, Johan Golin, avocat associé chez EY Société Avocats.
10:11Johan, bonjour.
10:11Bonjour Arnaud.
10:12Le pacte d'Utreil est au cœur des débats fiscaux.
10:17On va voir aujourd'hui ce qu'il en est concrètement.
10:20Tout d'abord, pourquoi le pacte d'Utreil est considéré comme un outil incontournable
10:25dans la transmission des entreprises familiales ?
10:29Le pacte d'Utreil est incontournable car il évite une vente forcée de l'entreprise familiale
10:34ou de puiser dans la trésorerie pour les héritiers,
10:38pour acquitter des droits de succession qui sont souvent prohibitifs.
10:43Il faut remonter à la genèse en 2003 quand Renaud Dutreuil a instauré le pacte qui porte son nom
10:49où on avait une véritable hémorragie des ETI, des PME familiales à l'époque
10:54et on s'étonnait du peu d'entreprises familiales en France versus ce qui se faisait en Allemagne.
11:00Donc il faut remonter à cette genèse et le pacte d'Utreil a permis d'éviter ces effets désastreux
11:07sur nos entreprises familiales en instaurant sous condition une exonération de 75%
11:14sur la valeur d'entreprises transmises, que ce soit dans le cadre de donations ou de succession.
11:22C'est le premier point et c'est sur la genèse.
11:25Donc d'éviter véritablement une vente forcée d'entreprises familiales ou de puiser dans la trésorerie de l'entreprise.
11:33Et après, le deuxième point à avoir en tête sur l'outil incontournable, c'est que ça fonctionne.
11:38On a réalisé récemment le premier baromètre de la transmission
11:43et on voit que 85% des entreprises familiales utilisent le pacte dans le cadre de leur transmission.
11:49Donc ça fonctionne. Et pour vous donner une vision, un peu un ordre d'idée en termes d'enjeux,
11:56il faut bien comprendre qu'en l'absence de pacte d'Utreil, sur une transmission d'une entreprise familiale
12:02avec une valorisation autour de 10 millions d'euros, transmission en pleine propriété,
12:08sur ces 10 millions d'euros, on va avoir des droits de donation de l'ordre de 3,4-3,9 millions d'euros.
12:14Donc un taux d'imposition autour de 34 à 40%.
12:19Ça, c'est dans l'hypothèse d'absence de pacte d'Utreil.
12:22Donc un coût extrêmement sensible.
12:24Et avec le d'Utreil, ça va coûter, sur une donation, selon que l'un ou les deux parents donnent,
12:31entre un peu plus de 560 000 jusqu'à un peu plus d'un million cent.
12:34Donc évidemment, un taux d'imposition entre 5,6% et 11,2%, selon que le donateur va avoir 70 ou moins de 70 ans.
12:46Mais de garder ces éléments-là qui sont extrêmement sensibles en termes de coût de transmission.
12:52Donc on a vu ensemble la genèse du pacte d'Utreil.
12:55On voit que c'est un outil qui fonctionne bien, selon vos termes.
12:58Et pour autant, on envisage sa suppression ou des ajustements.
13:03Quelles sont les critiques qui sont formulées ?
13:05On a principalement trois critiques sur le pacte d'Utreil aujourd'hui.
13:10On a vu qu'hier, avant-hier, dans l'annexe du budget de la proposition de loi rectificative,
13:18se glissait une estimation du coût annuel du pacte d'Utreil,
13:23où sur les deux dernières années, il est estimé entre 4 et 5 milliards.
13:26C'est sensiblement plus que ce que c'était en termes d'estimation au cours des dix dernières années,
13:33puisque c'était autour de 500 millions.
13:35Donc là, on a un effet exponentiel.
13:38Et c'est ce coût-là, dans le contexte budgétaire qu'on connaît tous, qui commence à gratter.
13:43Pourquoi est-ce qu'on arrive à ces 4 ou 5 milliards,
13:46qui est aussi le chiffre qui est avancé par la Cour des comptes,
13:48qui sortira son rapport probablement au cours du mois de novembre sur les effets du pacte d'Utreil ?
13:54Parce qu'on a deux éléments.
13:57D'abord, on a une prise de valeur des actifs au cours des cinq dernières années,
14:00qui a été sensible.
14:02Et puis, on a aussi, ces deux dernières années, un climat extrêmement anxiogène,
14:05qui fait qu'il y a une accélération sur les transmissions,
14:09et que ce phénomène va continuer, parce qu'il est d'ordre démographique.
14:14Une entreprise sur deux va être transmise dans les sept ans qui viennent.
14:16Donc, il y a un coût, et il tient aussi à la démographie de nos entreprises familiales.
14:21Donc, juste sur le coup, il y a un point qu'il est important d'avoir en tête.
14:25C'est vrai que ça gratte, ce coût de 4 à 5 milliards par an,
14:28mais c'est un coût annuel.
14:31D'accord.
14:31Il faut faire attention sur ce coût annuel.
14:33Pourquoi ?
14:34À ne pas avoir une vision, simplement.
14:37Est-ce qu'on doit apprécier le coût du pacte d'Utreil en format annuel,
14:42ou est-ce qu'on doit regarder les effets, notamment extra-financiers,
14:46sur nos territoires, sur l'emploi, sur l'ancrage territorial ?
14:49Pour vous, il faut une vision plus globale des choses pour appréhender le sujet ?
14:53Je crois que la vraie vision d'appréciation du pacte d'Utreil
14:56ne doit pas être simplement le coût annuel.
15:00La transmission va avoir lieu une fois tous les 20, 25, 30 ans.
15:04Et donc, il faut aussi évaluer les effets extra-financiers,
15:09les considérations extra-financières d'un pacte d'Utreil,
15:12parce que ça va permettre de conserver des entreprises sur le territoire,
15:16des emplois, un ancrage, des savoir-faire,
15:19et que ces effets positifs induits sont aujourd'hui mal mesurés.
15:24Il ne faudrait pas réduire le débat simplement à ce coût budgétaire annuel.
15:28On a vu les critiques.
15:29Quelles sont les réformes envisagées, pour être dans le concret ?
15:33Alors, on a vu que le débat avait commencé.
15:36Il y avait déjà un certain nombre d'amendements qui sont sortis hier
15:39et qui ont commencé à poindre.
15:41Et ça viendra sans doute, on aura sans doute d'autres effets
15:44au cours du débat public qui va s'ouvrir.
15:47Les principales pistes de réforme concernent d'abord le plafonnement de l'exonération.
15:53Aujourd'hui, on a un plafonnement de l'exonération autour de 75%,
15:58donc 75% d'abattement sur la valeur de l'entreprise.
16:00Certains préconisent de laisser le Dutreil en l'état,
16:05mais de ne l'appliquer qu'aux valeurs d'entreprise jusqu'à 50 millions.
16:10Ce qui veut dire qu'au-delà de 50 millions, potentiellement,
16:12on n'aurait plus le Dutreil.
16:13Ou alors un Dutreil dégressif, 75, 50, 25.
16:16La première piste, c'est le plafonnement de l'exonération.
16:20La deuxième piste, c'est de revisiter la durée d'engagement des conditions du Dutreil.
16:27Aujourd'hui, c'est entre 4 et 6 ans.
16:30Et c'est de dire, finalement, comme on souhaite ancrer des entreprises familiales au sein de la famille,
16:35ce ne serait pas complètement choquant d'avoir une durée plus longue qui pourrait être de 8, 10, 15 ans.
16:40La troisième réforme, et on a déjà un amendement en ce sens qui est sorti,
16:46c'est le recentrage des actifs qui sont susceptibles de bénéficier du Dutreil.
16:51Ça veut dire quoi ?
16:52Ça veut dire qu'aujourd'hui, vous êtes susceptibles de bénéficier du Dutreil si vous êtes une entreprise commerciale,
16:56mais aussi si vous avez ce qu'on appelle une holding animatrice qui regroupe des actifs professionnels, mais pas que.
17:03On peut avoir de la trésorerie, on peut avoir des actifs personnels sous cette holding animatrice.
17:08Et donc, aujourd'hui, on fait tout rentrer dans le pacte Dutreil.
17:11Donc, l'idée, ce serait de pouvoir sortir la trésorerie potentiellement excédentaire,
17:15ou bien les actifs non professionnels.
17:18Un des autres, le dernier point également, ce serait sur les plus-values,
17:22c'est-à-dire qu'aujourd'hui, si vous faites un Dutreil avec vos enfants et à l'issue des délais d'engagement,
17:28si les enfants cèdent, vous allez calculer une valeur de cession qui est la valeur de transmission.
17:34Et ce serait de ne plus avoir cet effet sur les plus-values, sur la valeur de transmission,
17:39mais avant abattement des 75%, de sorte qu'on ait une assiette qui ne permette pas de purger,
17:46que le Dutreil ne purge pas les plus-values.
17:48Pour terminer, brièvement, dans cette période intermédiaire,
17:51où on ne sait pas encore les contours de cette réforme,
17:55quel conseil vous avez à formuler à l'intention des dirigeants d'entreprises familiales ?
18:00Alors, on est évidemment beaucoup sollicité, compte tenu du contexte,
18:05de dire il faut que je fasse mon Dutreil absolument maintenant.
18:08D'abord, je rappelle que la loi de finances est rétroactive par nature,
18:12donc elle peut rétroagir au 1er janvier 2025.
18:15Donc, ce n'est pas parce que vous le faites aujourd'hui que vous bénéficierez des dispositions en vigueur.
18:20Ensuite, il est urgent d'agir, mais il est aussi important de le faire dans la sérénité et sans précipitation.
18:29Parce que la fiscalité ne doit pas être le seul curseur,
18:34le schéma juridique fiscal ne doit surtout pas être le seul curseur.
18:38Une transmission, c'est un projet, ça se pilote, ça s'encadre.
18:42Il est important de prendre l'intégralité des éléments liés à une transmission,
18:46tels que les éléments psychologiques avec les enfants, le conjoint, le financement, les valorisations.
18:52Donc, attention pour autant à ne pas se précipiter quand bien même le dispositif serait touché.
18:57Donc, pas de précipitation, on attend de voir ce qui se passe avant de prendre quelconque décision.
19:03Voilà, il faut ouvrir le débat de la transmission parce que c'est un projet au long cours,
19:08mais pas de précipitation pour aller réaliser uniquement chercher des économies fiscales.
19:13On va conclure là-dessus.
19:14Merci, Johan Golin.
19:16Je rappelle que vous êtes avocat associé chez EY, Société d'avocats.
19:19Merci, Arnaud.
19:20Tout de suite, l'émission continue.
19:22On va parler licenciement et liberté d'expression du salarié.
19:25La liberté d'expression du salarié est un droit fondamental,
19:40mais peut-elle s'exprimer par l'intermédiaire d'un avocat ?
19:43On en discute tout de suite avec mon invité, Claire Tergeman, avocate associée chez De Gaulle Florence.
19:50Claire, bonjour.
19:51Bonjour.
19:51Alors, on va parler ensemble de la liberté d'expression du salarié au travers d'une jurisprudence
19:57et voir si elle peut s'exprimer par l'intermédiaire d'un avocat.
20:01Mais tout d'abord, on va rappeler un peu le cadre juridique de la liberté d'expression.
20:07En quoi la liberté d'expression du salarié constitue-t-elle un droit fondamental dans l'entreprise ?
20:14Alors, en fait, le salarié jouit dans l'entreprise et hors de l'entreprise,
20:19donc de la liberté d'expression.
20:21Comme vous venez de le rappeler, cette liberté d'expression est un droit fondamental
20:24qui va permettre aux salariés d'exprimer ses opinions ou bien de partager ses impressions
20:32sur l'organisation, le fonctionnement de l'entreprise.
20:36Néanmoins, ces propos ne doivent pas caractériser un abus.
20:40Et faute de cela, l'employeur pourrait licencier un salarié en cas de propos qui seraient abusifs.
20:49Alors, comment est-ce que la jurisprudence caractérise cette notion d'abus ?
20:53Eh bien, il y a plusieurs indices.
20:56Il faut tout d'abord regarder le contenu de ces propos, le contexte également dans lequel les propos ont pu être tenus par le salarié,
21:05également la publicité que le salarié va faire de ces propos.
21:10Et puis, finalement, la jurisprudence aussi peut tenir compte aussi de l'activité de l'entreprise
21:15et bien évidemment des fonctions du salarié.
21:18Concrètement, vous avez des exemples pour illustrer un peu ces limites à la liberté d'expression ?
21:23Alors, par exemple, il y a une jurisprudence il y a quelques temps qui a indiqué que, par exemple,
21:31un employeur ne pouvait pas imposer aux salariés de tenir une position publique sur ses opinions dans l'entreprise
21:38et que, surtout, ça ne pouvait pas constituer une faute, donc un licenciement.
21:43Et dans le cadre de cette décision, la Cour de cassation a sanctionné l'employeur
21:48à considérer qu'il y avait une atteinte ici à la liberté d'expression.
21:52Alors, on va revenir à l'arrêt du 10 septembre dernier.
21:56La question centrale, c'était de savoir si la liberté d'expression du salarié
22:01pouvait s'exprimer par l'intermédiaire de l'avocat.
22:06Expliquez-nous un peu les enjeux de cet arrêt.
22:08Alors, qu'est-ce qui s'est passé ici ? En fait, en l'espèce, un employeur a proposé
22:13une rupture conventionnelle à une salariée.
22:16Cette salariée a voulu contester sa rupture conventionnelle, sauf qu'elle l'a fait
22:20par l'intermédiaire de son avocat qui a dressé une lettre pour contester la façon
22:25dont se sont déroulés les entretiens, considérant que les entretiens étaient brutaux et vexatoires.
22:32Et puis, peu de temps après, finalement, l'employeur a licencié la salariée pour insuffisance professionnelle.
22:38Eh bien, la question centrale ici, c'était de savoir finalement, est-ce que la liberté d'expression
22:45doit être dénoncée par le salarié personnellement, ou bien est-ce qu'elle peut être transmise
22:54finalement par l'intermédiaire d'un tiers, ici en l'espèce, par le biais d'une lettre d'avocat.
22:59Et voilà, qui peut se prévaloir finalement de sa liberté d'expression ?
23:02Alors concrètement, qu'est-ce qui est décidé dans cette décision ?
23:06Alors, dans un premier temps, la Cour d'appel a donné raison à la salariée, considérant
23:11en effet qu'il y avait une atteinte à sa liberté d'expression, parce qu'elle a pris en considération
23:16la chronologie des faits, finalement, les événements, la façon dont sont déroulés les faits,
23:21et a donné raison à la salariée. Et la Cour de cassation est venue censurer ce raisonnement
23:27en disant, mais pas du tout, puisque ici, vous êtes passé par l'intermédiaire d'un avocat,
23:32et donc ce n'est pas votre liberté d'expression, et vous auriez dû finalement la transmettre
23:42à titre personnel et pas par l'intermédiaire d'un tiers.
23:45Donc concrètement, dès lors que c'est un tiers qui exprime la parole du salarié,
23:52ce n'est pas la liberté d'expression du salarié lui-même, c'est un peu ça la distinction ?
23:58Exactement. La Cour de cassation considère ici que finalement, c'est tout salarié lui-même,
24:04à titre personnel, d'exprimer ses opinions, d'exprimer sa critique, et ça ne peut pas
24:10être fait par l'intermédiaire d'un tiers, que ce soit un avocat ou quelqu'un d'autre.
24:15On pourrait imaginer un représentant du personnel, ou un collègue qui prendrait la défense
24:21de ce salarié. Eh bien, la Cour de cassation ici considère que ça n'est pas une atteinte
24:27à sa liberté d'expression.
24:28Est-ce que malgré tout, le salarié peut lui-même user de sa liberté d'expression
24:32dans un contexte de rupture conventionnelle ou de licenciement ?
24:36Alors oui, si c'est à titre personnel, si c'est lui directement qui exprime ses opinions
24:41et qui conteste finalement la décision de l'employeur, eh bien ici, en tout cas depuis
24:46cette décision de la Cour de cassation, on peut considérer que c'est tout à fait
24:50possible de pouvoir procéder à cette contestation.
24:53Donc là, en l'espèce, il aurait dit lui-même prendre la plume plutôt que de faire faire
24:59cette lettre par son avocat.
25:01Exactement, tout à fait.
25:01Par contre, il peut bien sûr se cadrer avant juridiquement avec son avocat, j'imagine ?
25:07Bien sûr, et là, dans ce cadre, il y a deux points, je pense, à retenir, deux éléments.
25:13En fait, le salarié, pour contester une telle décision, eh bien, faire valoir qu'il y a
25:20une atteinte à sa liberté d'expression, il y a deux possibilités.
25:24Soit, un, c'est de démontrer que l'exercice de sa liberté d'expression ne revêt pas
25:28un caractère abusif. Eh bien, alors qu'est-ce qu'on entend par abusif ici ? Eh bien, il faut
25:34que les propos ne caractérisent pas une intention de nuire, par exemple, à l'employeur, à l'entreprise.
25:39Ça veut dire quoi, intention de nuire ?
25:41Eh bien, par exemple, aller indiquer que le dirigeant est un menteur, est un voleur.
25:49Ce sont des illustrations qui ont été énoncées par la jurisprudence. Autre indice, c'est de considérer
25:59qu'on ne porte pas une atteinte aussi à la réputation de l'employeur. Ce sont ce type d'exemples
26:09qui peuvent démontrer qu'il n'y a pas de propos abusifs. Et puis, le deuxième point fondamental
26:15pour le salarié, c'est qu'il doit démontrer qu'il y a un lien de causalité entre l'atteinte
26:21à sa liberté d'expression et le licenciement qui a été prononcé à son encombre.
26:25Alors, comment on démontre justement ce lien de causalité ?
26:28Alors, ce lien de causalité, il va être démontré finalement par montrer qu'il y a une atteinte,
26:35que ses propos, qu'il a tenu, n'ont pas été considérés comme abusifs, et qu'il était
26:42finalement dans son bon droit, et qu'il respectait bien le périmètre de la liberté d'expression.
26:48Pour finir, si on revient sur les enseignements de l'arrêt, pour vous, qu'est-ce qu'il faut
26:51retenir de cette jurisprudence sur la liberté d'expression ? Qu'est-ce qu'elle apporte en plus ?
26:58Alors, en mon sens, il y a deux points qui pourraient attirer notre attention. Le premier,
27:03je pense que vous l'avez bien compris, et c'est vraiment la portée de cet arrêt,
27:06c'est de rappeler qu'il appartient aux salariés d'exprimer ses opinions à titre personnel,
27:13et non pas de passer par l'intermédiaire d'un avocat ou d'un autre tiers.
27:18Et le deuxième point, qu'on a peut-être moins évoqué, mais qui est tout aussi important,
27:22c'est que ça porte sur la réparation, la question de la réparation.
27:25Ici, la Cour de cassation a considéré que le salarié n'avait pas été vexatoire et brutal,
27:37et donc le salarié n'avait pas la possibilité d'obtenir des dommages intérêts sur le fondement
27:43de l'atteinte à la liberté d'expression, et que dès lors que le salarié n'est pas en mesure
27:48de démontrer un comportement fautif de l'employeur, et distinct finalement du licenciement,
27:54il ne peut pas percevoir des dommages intérêts, il peut uniquement éventuellement obtenir des dommages intérêts
28:00ou une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
28:03et ça c'est un point qui est important parce que finalement la Cour de cassation ici par cet arrêt
28:09a voulu aussi démontrer que ce n'est pas si facile que ça de contourner les règles du barème Macron,
28:16et qu'il faut bien démontrer les critères soit d'une nullité de la rupture du contrat de travail,
28:24soit évidemment le lien de causalité entre l'atteinte à la liberté d'expression et le licenciement du salarié.
28:31On va conclure là-dessus, merci Claire Tergematt, je rappelle que vous êtes associée chez De Gaulle Florence.
28:36Merci beaucoup.
28:37C'est le moment de conclure cette émission, merci à toute l'équipe pour l'organisation de cette émission,
28:44notamment Stéphanie, également Saïd Hausson et Angel à la réalisation.
28:50Merci à vous pour votre fidélité, et quant à moi je vous retrouve dès demain sur Bismarck for Change.
28:55Sous-titrage Société Radio-Canada
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