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  • il y a 2 mois
Mercredi 29 octobre 2025, retrouvez Morgane Boucher (administratrice, AFJE), Philippe Perchoc, (directeur, IRSEM Europe), Aurore Rançon-Meyrel (Présidente, ANJT) et Nathalie Dubois (vice-présidente, AFJE) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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00:00Musique
00:00Je suis au Grenelle du droit dans la sixième édition et on va parler d'une profession encore méconnue,
00:22celle du juriste territorial avec mon invité Aurore Rançon-Mérel, présidente de l'Association Nationale des Juristes Territoriaux.
00:32Aurore, bonjour.
00:33Bonjour.
00:34Alors on va essayer d'en savoir plus sur ce juriste territorial.
00:37Tout d'abord, qu'est-ce qu'un juriste territorial et quel est son rôle ?
00:41Alors, un juriste territorial, comme son nom l'indice, c'est un juriste qui travaille majoritairement dans les collectivités territoriales.
00:49Donc que ce soit les communes, les départements, les régions et tout ce qui est syndicats intercommunaux, établissements publics, territoriaux.
00:57Voilà.
00:57Donc c'est très très vaste.
00:59Aujourd'hui, on a à peu près 100 000 juristes territoriaux sur le territoire.
01:04Alors 100 000 juristes territoriaux, mais cette profession reste souvent méconnue.
01:08Alors comment faire connaître davantage cette profession ?
01:12Alors c'est un des rôles, effectivement, de l'Association Nationale des Juristes Territoriaux, qui est de travailler à développer la connaissance de ce métier.
01:24Alors on intervient dans les universités, auprès des Master 2 en droit des collectivités, pour leur expliquer ce que c'est que ce métier.
01:33Puisqu'on a encore beaucoup de juristes qui se destinent à travailler dans l'administration, mais sans connaître le rôle du juriste territorial.
01:43Après, on intervient aussi, par exemple, dans des salons comme le Grenelle du droit, les rendez-vous des transformations du droit, etc.
01:48pour justement parler de ce métier.
01:52Et puis on essaye également sur LinkedIn d'avoir une page un petit peu active pour aussi se faire connaître.
01:59On voit pas mal d'actions de communication.
02:01Si on en vient plus aux missions du juriste territorial, est-ce qu'il intervient dans les décisions stratégiques des collectivités ?
02:10Ou est-ce comment faire pour améliorer justement sa présence dans des décisions stratégiques ?
02:15Alors, c'est justement un des sujets que l'on porte au sein de la NJT.
02:21C'est le fait de dire que oui, le juriste territorial est pleinement acteur des décisions qui vont être prises par les collectivités.
02:27Et n'est pas dans un rôle de censeur, mais dans un rôle d'accompagnant de toutes les actions.
02:32Donc on va être un service ressource pour l'ensemble des services opérationnels des différentes collectivités.
02:38Donc que ce soit le service urbanisme, le service marché public, les services techniques, les services petite enfance associative, vie associative, pardon, etc.
02:48Et donc le juriste a pour rôle de vérifier la validité juridique des actions qui sont proposées par les services opérationnels.
02:58Et le cas échéant, c'est ce qui est aujourd'hui le rôle principal, c'est d'évaluer les risques à mettre en place ces actions.
03:07Éventuellement de proposer des solutions alternatives pour répondre aux besoins des administrés.
03:13Alors on connaît mieux maintenant les missions du juriste territorial.
03:17On va s'intéresser aussi à la formation, c'est un aspect très important de ce Grenelle du droit.
03:21Comment on forme le juriste territorial et est-il suffisamment armé face aux complexités de notre monde d'aujourd'hui ?
03:29Alors c'est une des difficultés du passage entre les études universitaires et la pratique.
03:38Puisque pendant les études, on va apprendre le droit des collectivités.
03:43Donc on va apprendre le droit de la fonction publique, on va apprendre le droit des collectivités territoriales qui est une matière à part entière.
03:49On va apprendre les finances publiques, on va apprendre le droit de l'urbanisme, voilà, tous ces droits.
03:55Donc les juristes qui sortent d'un Master 2 vont avoir le bagage technique suffisant pour ensuite intervenir.
04:06L'enjeu après, c'est de passer, pour être un bon juriste territorial, c'est de pouvoir analyser les risques.
04:12Et donc l'analyse des risques, elle est variable en fonction de la collectivité dans laquelle on est.
04:17Et ça, c'est un apprentissage qu'on fait sur le tas et qui est donc plus difficile à appréhender quand on est juriste junior.
04:24Donc ça se fait sur le terrain, petit à petit, au sein de la...
04:27Quand on avance dans sa carrière, j'ai envie de dire, c'est ça ?
04:30On va voir en fonction du tribunal dans le ressort duquel on est, il va y avoir des décisions qui vont être plus ou moins risquées.
04:39En fonction des administrés et des contentieux qu'ils sont susceptibles de faire, il va y avoir des décisions pareilles qui vont être plus ou moins sujettes à contentieux.
04:47Donc voilà, ça c'est la connaissance du risque et la proposition de solutions alternatives, parfois créatives et un petit peu en dehors du droit, en utilisant le droit, mais pas juste en l'appliquant.
05:01C'est vraiment l'enjeu des jeunes juristes.
05:05Et l'autre vraiment enjeu important, c'est aussi d'arriver à parler à des non-juristes.
05:11Parce que quand on est juriste en collectivité territoriale, on s'adresse principalement à nos collègues qui ne connaissent pas forcément le droit.
05:18Et donc là aussi, il y a un très gros travail.
05:21Comment on fait concrètement pour essayer de... On vulgarise le droit ? Comment on fait ?
05:25Alors aujourd'hui, on parle beaucoup de legal design, qui est une façon d'appréhender le droit, justement, dans une vision centrée utilisateur.
05:38Et donc on va d'abord rechercher à comprendre le besoin réel de notre interlocuteur, à comprendre quelles sont les facilités ou les difficultés qu'il a sur certains sujets.
05:49Et ensuite, on va adapter notre discours et donc la façon dont on va lui transmettre les règles juridiques et le plan d'action à sa compréhension.
06:01On arrive à quelque chose de plus concret au travers du legal design pour faire comprendre les enjeux juridiques, les questionnements.
06:08Tout à fait. Et donc souvent, on voit le legal design qui est à travers les schémas.
06:12Mais c'est vrai qu'un schéma vaut mieux que sans discours.
06:16Et donc c'est beaucoup plus impactant, effectivement, de montrer la vision globale d'une action, par exemple.
06:25Et donc le legal design inclut dans les notes juridiques des techniques de communication,
06:31comme le double encodage où on a des images et du texte, etc.
06:34Et j'imagine, au-delà du legal design, créer des interactions entre les autres directions des collectivités,
06:42c'est important d'avoir des échanges réguliers pour appréhender ces enjeux juridiques, ces questionnements ?
06:48Oui, c'est ça. À partir du moment où, notamment en utilisant le legal design, le juriste devient abordable,
06:53alors les services opérationnels auront moins de crainte à contacter le juriste
06:59et donc vont de plus en plus le contacter en amont des actions et pas juste à la fin,
07:04quand tout est déjà mené et qu'à part dire « bon, c'est trop tard et vous allez avoir un contentieux ».
07:12Voilà, donc c'est ça qui est intéressant.
07:14Et au sein de la NJT, on milite aussi un petit peu pour que les juristes...
07:18Enfin, on milite plutôt, mais on veut être entendu sur le fait qu'avoir un juriste au sein de la direction générale
07:27et donc proche vraiment de l'instance de décision et donc au courant des l'embryon des actions,
07:36c'est vraiment le meilleur outil.
07:37C'est important pour être au cœur des décisions et comprendre après les questionnements juridiques des directions,
07:44de la direction, de la collectivité.
07:45Et ça permet d'alerter en amont et donc de pouvoir bifurquer et reprendre un bon chemin le plus tôt possible.
07:52Pour terminer, quel message vous voulez adresser aujourd'hui à l'écosystème juridique dans le cadre de ce Grenelle du droit ?
07:59L'idée, c'est de montrer que les juristes territoriaux, alors on a un petit peu des animaux à part,
08:03mais en même temps, on est dans l'écosystème des juristes et qu'on a énormément de liens,
08:10de points communs avec l'ensemble des professions juridiques et que c'est en travaillant ensemble
08:15à faire évoluer notre métier qu'on ne sera pas submergé par l'intelligence artificielle.
08:21Le message est passé. Merci Aurore Rançon-Mérel.
08:25Je rappelle que vous êtes présidente de l'Association nationale des juristes territoriaux.
08:29Merci à vous.
08:30On va parler d'intelligence artificielle, un grand thème de ce Grenelle du droit.
08:44Quels usages de l'intelligence artificielle dans la filière juridique ?
08:49Comment appréhender ces grandes mutations ?
08:51On en parle tout de suite avec mon invité, Nathalie Dubois, vice-présidente de l'AFGE.
08:56Nathalie Dubois, bonjour.
08:58Bonjour.
08:58Alors vous avez participé à la plénière sur l'IA dans la filière juridique.
09:05Quels constats sont dressés dans les différentes professions du droit ?
09:10Ce qui était très intéressant, c'est finalement de partager les différentes problématiques
09:15et les différents enjeux auxquels on est confronté dans les différents métiers du droit
09:18et avec une convergence finalement de l'état des lieux et des sujets sur lesquels nous travaillons
09:26chacun dans nos filières et donc finalement une nécessité de dé-siloter nos approches
09:32pour pouvoir avoir beaucoup plus de convergence, de partage, pour reprendre une formule qui est chère
09:37à notre président de l'AFGE, pour qu'ensemble on s'augmente et d'avoir justement une approche convergente
09:44de cet enjeu d'intelligence artificielle dans la filière juridique.
09:48Alors un des enjeux de ce Grenelle, c'est aussi l'attractivité du droit.
09:52Est-ce que l'intelligence artificielle peut être un levier pour rendre notre droit plus attractif ?
10:00Je pense qu'au-delà d'un levier, c'est finalement une nécessité puisque quoi qu'il arrive,
10:06l'ensemble des jeunes générations utilisent l'intelligence artificielle,
10:11les juristes d'entreprise, mais les juristes dans tous les métiers du droit l'utilisent.
10:16Donc c'est finalement juste un constat.
10:19Après, en termes d'attractivité, on a une nécessité de pouvoir aussi attirer les jeunes collaborateurs
10:26et de pouvoir leur présenter des parcours d'apprentissage et des parcours d'intégration
10:31qui puissent tenir compte aussi de cet apprentissage qui aujourd'hui n'est pas nécessairement encore une réalité
10:37au niveau de la formation initiale.
10:39Il peut y avoir aussi une hétérogénéité des approches dans les différentes universités sur ces enjeux.
10:44Donc clairement, pour chacun de nos métiers, le fait de leur proposer quelque chose
10:49justement pour qu'ils puissent apprendre à se servir d'intelligence artificielle,
10:53c'est clairement probablement un facteur différenciant.
10:55Alors vous êtes vice-présidente de l'AFGE, vous avez une vision un peu globale de la profession de juriste d'entreprise.
11:02Comment les juristes d'entreprise appréhendent-ils l'intelligence artificielle ?
11:08Chez les juristes d'entreprise, on ne sent pas particulièrement d'appréhension.
11:12Donc on parle, ce terme, de grand remplacement des juristes.
11:16On ne sent pas aujourd'hui d'inquiétude, tellement chez les juristes d'entreprise
11:21qui voient plutôt l'intelligence artificielle comme une opportunité de pouvoir travailler sur des tâches répétitives
11:27ou perçues comme sans valeur ajoutée suffisante pour pouvoir déplacer leur curseur
11:33et pour pouvoir justement avoir plus de temps à passer sur des tâches qui sont plus intéressantes
11:39ou à plus forte valeur ajoutée.
11:40Le questionnement qu'on va avoir plutôt côté juriste d'entreprise va être aussi sur l'intégration
11:46des nouveaux collaborateurs qui sortent de la faculté
11:49avec probablement un risque qu'il y ait une espèce de fracture numérique
11:54qui se crée entre ces nouveaux collaborateurs qui auparavant apprenaient justement
11:59avec ces tâches répétitives et avec une plus faible valeur ajoutée
12:03avec cette question de comment revoir nos parcours de formation et d'intégration
12:08pour pouvoir justement les intégrer dans une direction juridique
12:13qui va avoir avancé en matière d'intelligence artificielle
12:16peut-être plus vite que les formations initiales qu'ils auront suivies.
12:20Alors repenser les parcours mais peut-être aussi les compétences
12:23puisque l'intelligence artificielle va supprimer des tâches à faible valeur ajoutée
12:29donc il faut aussi repenser les compétences, c'est ça ?
12:32Oui, paradoxalement le déploiement de l'intelligence artificielle
12:36met encore plus en valeur les compétences humaines
12:40qui sont attendues des collaborateurs
12:41donc travailler sur l'intégration de l'intelligence artificielle
12:44c'est travailler sur la place de l'humain avec l'intelligence artificielle
12:48et ces compétences qu'on appelait les soft skills
12:50qui étaient parfois cherry on the cake
12:53vont devenir des vraies compétences fondamentales
12:56parce qu'il y a des choses que l'intelligence artificielle ne pourra pas intégrer
13:01c'est l'intelligence émotionnelle, l'expérience du droit que vont faire vos clients internes
13:08et ça ça doit être vraiment des compétences à travailler
13:11alors côté juriste d'entreprise de pouvoir justement avoir ces relations
13:16avec la formation artificielle, le monde de l'université
13:18pouvoir expliquer ces mutations qui sont en train de se passer
13:22et ensuite pour les jeunes collaborateurs de pouvoir avoir ces expériences
13:26et cette acquisition de nouvelles compétences humaines
13:29Alors on parle de compétences, aujourd'hui on va s'intéresser maintenant aux usages
13:33quels sont les usages de l'intelligence artificielle par les juristes d'entreprise ?
13:37Probablement que de la même manière que dans les autres métiers
13:41on commence par ce qui sont les usages assez basiques
13:44quand vous êtes dans une entreprise, très souvent vous allez avoir
13:47quand vous avez des partenariats avec Microsoft, Copilot, Copilot MS 365
13:51enfin des intelligences artificielles de base
13:55et les premiers usages sont des usages assez classiques
13:58sur lesquels d'ailleurs le niveau de satisfaction est plutôt assez bon
14:02ça va être tout ce qui est traitement des emails, synthèse de documents
14:06de pouvoir avoir également des recherches basiques
14:11parce que c'est sûr qu'on voit aujourd'hui que les IA ont tendance à remplacer
14:17les moteurs de recherche traditionnels avec des recherches finalement beaucoup plus contextualisées
14:22poussées et avec des résultats qui sont beaucoup plus efficients
14:25donc ça j'ai tendance à dire, ces usages basiques aujourd'hui se démocratisent très largement
14:30chez les juristes d'entreprise mais comme je pense dans toutes les fonctions de l'entreprise
14:35ensuite il va y avoir des réflexions sur des cas d'usage beaucoup plus poussés
14:40notamment en matière de veille
14:42clairement on a un enjeu aujourd'hui d'inflation réglementaire et législative
14:47qui fait que ça devient très compliqué de pouvoir absorber tous ces nouveaux textes
14:51donc on a vraiment là beaucoup d'attention sur les cas d'usage des éditeurs juridiques
14:57qui vont permettre là encore de pouvoir améliorer l'expérience des juristes en matière de veille
15:03On vient de voir les usages du point de vue des juristes mais on va se porter sur l'ensemble de l'écosystème
15:10puisque c'est l'objet du Grenelle du droit d'avoir une vision collective de l'ensemble des professions du droit
15:15aujourd'hui est-ce qu'il y a une stratégie commune, si ce n'est pas une stratégie commune
15:20mais au moins des axes communs de réflexion sur l'intelligence artificielle ?
15:24Alors probablement pas assez, c'est aussi tout l'intérêt et tout l'enjeu de cette plénière du Grenelle
15:31puisqu'on voit que sur les questions de formation des collaborateurs
15:35clairement on a vraiment tous les mêmes problématiques, les mêmes façons finalement d'y réfléchir
15:43alors après on intègre tous des juristes qui ont les mêmes formations à la base
15:48qui viennent du monde de l'université
15:50donc on a vraiment cette nécessité-là d'avoir et de mettre en commun nos réflexions
15:55et je pense, j'espère d'ailleurs que ça va être un des enseignements du Grenelle
16:00de pouvoir faire ce pas en avance sur la question d'intelligence artificielle
16:04et on va avoir aussi beaucoup de sujets qui ont émergé dans cette plénière
16:08la question de souveraineté qui est une préoccupation commune pour l'ensemble des professions
16:12la notion de sécurité aussi juridique, de sécurité des données en matière de déploiement de l'intelligence artificielle
16:21donc on voit, on a vu émerger vraiment des grandes thématiques sur lesquelles nous avons clairement
16:26des réflexions qui sont convergentes et qu'il nous faut maintenant pouvoir mettre en musique
16:33de manière beaucoup plus transversale, de manière interprofessionnelle entre nos métiers
16:38ça veut dire qu'on peut peut-être espérer des actions communes dans le futur ?
16:42Alors j'appelle de mes voeux et tout à fait, c'est vrai que le fait de lancer par exemple
16:48un observatoire interprofessionnel des métiers du droit et de l'intelligence artificielle
16:52pourrait être une belle initiative parce que l'intelligence artificielle progresse très vite
16:59et donc on a aujourd'hui une injonction à avancer, à avancer rapidement
17:05et mettre en commun nos forces pour le faire serait particulièrement pertinent et opportun en 2025
17:14On va conclure là-dessus, merci Nathalie Dubois, je rappelle que vous êtes vice-présidente de la FGE
17:18Merci beaucoup
17:19Nous sommes toujours au Grenelle du droit, on va parler d'un des enjeux de ce Grenelle
17:33l'innovation contractuelle avec mon invité Morgane Bouchère, administratrice de la FGE
17:39Bonjour
17:39Bonjour Arnaud
17:40Alors on va parler d'un sujet dont on parle beaucoup en ce moment, l'innovation contractuelle
17:45mais concrètement, de quoi s'agit-il ?
17:48Concrètement, il s'agit de réfléchir à ce que sera le contrat de demain
17:52comment on va l'établir, comment on va le négocier, comment on va le signer
17:57et comment on va anticiper les risques de demain dans cet outil qui est le contrat aujourd'hui
18:01Pour aller un peu plus loin, ça veut dire quoi concrètement ?
18:06Qu'est-ce qu'il y a derrière cette innovation ?
18:08C'est aller plus vite, avoir des clauses types ?
18:11C'est un peu tout ça, c'est réfléchir à comment le juriste peut intervenir dans la négociation
18:17et dans la construction du contrat et avoir une haute plus-value juridique dans son établissement
18:24c'est avoir des outils performants qui nous permettent de mieux travailler
18:28sans doute plus vite mais surtout mieux
18:30et puis aussi d'anticiper au sein même du contrat par des clauses les risques de demain
18:36et donc réfléchir avec des universitaires, avec d'autres directeurs juridiques, d'autres juristes, d'autres métiers
18:41c'est ce qu'on fait ici au Cornell du droit
18:43à la manière dont on peut anticiper ces risques
18:46à la manière dont on peut rédiger des clauses créatives
18:49et qui protègent les parties au contrat
18:53Alors travailler plus vite, travailler mieux avec cette automatisation
18:58qu'est-ce que ça change dans le rôle du juriste d'entreprise ?
19:01Ça change que le juriste d'entreprise doit appréhender les outils d'aujourd'hui
19:05savoir comment travailler avec des contrats life cycle management
19:11voir comment on peut intégrer l'intelligence artificielle à nos façons de travailler
19:16et puis voir où le juriste doit intervenir pour maintenir la sécurité juridique du contrat
19:21puisque l'intelligence artificielle va faire du juriste un juriste augmenté
19:25mais le juriste doit toujours avoir en dernier lieu une vision globale de ce qu'il fait signer à son entreprise
19:32Alors vous parlez de sécurité juridique
19:34concrètement comment on fait pour concilier innovation juridique et sécurité juridique ?
19:40Alors le juriste doit intervenir au stade de la construction même de l'outil
19:44dont il va bénéficier au sein de son entreprise
19:46avec les partenaires et les éditeurs de logiciels
19:49ça apporte de la sécurité puisqu'on sait que l'outil intègre les conditions
19:56dans lesquelles l'entreprise veut bien contracter
19:58et puis également avoir une idée de la jurisprudence
20:05d'être toujours très au fait de ce qui se passe aujourd'hui dans le monde juridique
20:09qui nous entoure, de la manière dont les décisions de justice sont rendues
20:13pour avoir une qualité de conseil qui est toujours à la hauteur des enjeux
20:18Alors ici il y a une certaine émulation
20:20les juristes d'entreprise qui sont présents, Grenelle du droit
20:23sont assez aguerris à ces questions d'intelligence artificielle
20:27d'outils, d'automatisation des contrats
20:30mais est-ce que au sein des organisations
20:33il y a quand même des freins à cette innovation contractuelle ?
20:36A la conduite du changement dans les directions juridiques
20:38c'est un grand sujet, c'est un grand programme
20:41mais c'est toute la teneur de mon poste aujourd'hui chez Bureau Veritas
20:46la conduite du changement, de la transformation, de l'excellence opérationnelle, des directions juridiques
20:51alors oui il y aura toujours des freins
20:53mais c'est à nous de savoir les anticiper, les lever, rassurer, expliquer
20:57et comprendre le métier du juriste de demain
21:00pour pouvoir embarquer nos équipes
21:02et les convaincre de l'utilité et de la nécessité de ce changement
21:06Alors vous évoquez votre poste chez Bureau Veritas
21:10comment vous faites justement pour inculquer cette culture de l'innovation ?
21:15Alors on s'en imprègne, Bureau Veritas c'est une entreprise
21:17qui a en son sein la culture de l'innovation
21:22c'est une entreprise qui réfléchit sans cesse à la manière
21:26dont on peut se saisir des nouvelles technologies
21:29de l'intelligence artificielle
21:32au sein même de nos modes de fonctionnement
21:36donc je dirais que les uns et les autres chez Bureau Veritas sont très aguerris
21:40et que la direction juridique aussi suit ce mouvement
21:44et il faut savoir emporter tout le monde
21:48mais de Paris à Bangkok en passant par Buenos Aires
21:50et c'est ça tout l'enjeu de la transformation
21:52Un vrai challenge
21:52Alors comment on fait justement pour sensibiliser les équipes
21:57surtout quand il y a une vue comme ça internationale ?
22:00Alors il faut déjà être sûr de ce que l'on fait
22:03je pense qu'il faut aussi s'imprégner de ce que les uns et les autres disent et font
22:06c'est aussi tout l'enjeu de ce Grenelle du droit pour moi
22:10et puis pour tous ceux qui ont le même métier que moi aujourd'hui
22:12c'est d'avoir l'avis de tous ceux qui ont à en connaître
22:17c'est-à-dire les éditeurs, les universitaires, les juristes, les avocats
22:21et je pense qu'on ne peut pas se passer d'une discussion commune
22:27à toutes les professions du droit pour arriver à un niveau de compréhension
22:30et un niveau de technicité et d'homogénéité des pratiques
22:34qui pourra permettre d'avoir une adhésion de l'ensemble des équipes
22:39Alors justement aujourd'hui au Grenelle du droit
22:41dans l'atelier auquel vous avez participé
22:44comment vous voyez, quels constats vous faites
22:46sur l'avancement des uns et des autres sur ce sujet ?
22:49Alors on a tous, j'allais dire, un socle commun d'attente
22:53et d'avis qui convergent vers la nécessité de s'emparer
23:01de l'outil de l'intelligence artificielle
23:04et on a des petites divergences aussi parfois
23:06mais qui font...
23:07De quelle nature ?
23:08Sur jusqu'où peut-on aller en matière de technique contractuelle
23:13jusqu'où peut-on anticiper, doit-on tout écrire ?
23:16Je crois que les uns et les autres
23:17on a passé l'année 2020 post-Covid
23:21à voir comment le contrat pouvait être interprété par les juridictions
23:24nos assureurs, nos courtiers, les assurés
23:27et les entreprises ont eu à se pencher un peu plus
23:30sur les contrats pour voir comment ils étaient protégés
23:33et on a eu affaire à une jurisprudence assez sévère parfois
23:38dans l'interprétation des clauses contractuelles
23:40on fait aujourd'hui face à une technique contractuelle différente
23:45avec le legal design, avec des propos un peu plus simples
23:48un langage un peu moins juridique
23:49mais est-ce que c'est pour le meilleur
23:50dans l'interprétation des contrats que peuvent faire les juridictions ?
23:54Donc voilà, parfois on a des petites divergences
23:56sur ce qu'on doit écrire et ne pas écrire
23:58est-ce qu'on doit anticiper et ce qu'on ne peut pas anticiper ?
24:00Alors peut-être il y a un point de convergence
24:02c'est la question de l'éthique et de la sécurité des données
24:05parce que c'est extrêmement important
24:08surtout la confidentialité des données avec les outils d'IA
24:11Alors les directions juridiques sont très très sensibilisées à ce sujet
24:15notamment grâce aux règlements européens
24:20sur la protection des données
24:22on a grandi en même temps que la numérisation, la digitalisation
24:27et l'utilisation de l'intelligence artificielle
24:30donc c'est notre grande chance, c'est de grandir avec
24:32et de pouvoir au fur et à mesure bâtir des politiques internes
24:36et avec nos partenaires
24:37qui maintiennent un niveau de sécurité important
24:41pour les données personnelles des gens
24:44Pour terminer, peut-être est-ce que vous avez un message
24:46à adresser aux téléspectateurs, aux juristes
24:50qui sont peut-être encore pas convaincus
24:52par les avantages de l'intelligence artificielle
24:55dans la méthode contractuelle ?
24:57Alors moi je suis très enthousiaste
24:58non seulement parce que j'ai vu des démonstrations
25:01d'un certain nombre d'outils
25:03qui vont révolutionner, changer le métier de juriste
25:07qui vont permettre aux juristes de se concentrer
25:09sur son cœur de métier, le droit
25:11et je crois qu'il faut se saisir de ces outils-là
25:16il faut se saisir de l'avenir
25:18qui se joue aujourd'hui pour la filière juridique
25:21et c'est important que tous universitaires, avocats, juristes d'entreprise
25:26nous puissions prendre ce train en marche
25:28Et bien on va terminer sur ce mot
25:30Merci Morgane Bouchère
25:31Merci à vous
25:32Les tensions géopolitiques s'affirment comme un risque majeur en Europe
25:45On en parle tout de suite avec mon invité Philippe Perchoc
25:48directeur de l'IRSEM Europe
25:50Philippe bonjour
25:51Bonjour
25:52Alors on va parler ensemble des risques géopolitiques
25:55mais avant toute chose un mot sur l'IRSEM Europe
25:58de quoi s'agit-il ?
25:59Alors l'IRSEM c'est le centre de recherche du ministère des armées
26:02et moi je dirige le campus bruxellois
26:06qui est tout nouveau et qui a deux ans
26:08Alors on va revenir maintenant sur le risque géopolitique
26:11Quelles sont les zones de tension géopolitique en Europe ?
26:16En Europe je dirais qu'il y a quelques foyers principaux
26:19D'abord il y a toute la frontière entre l'Union Européenne et la Russie aujourd'hui
26:23On en entend toujours dans les médias presque quotidiennement
26:29Je dirais qu'il ne faudrait pas oublier que dans les Balkans
26:32il se passe beaucoup de choses récemment
26:34et qu'on est certes dans une dynamique d'élargissement de l'Union Européenne
26:38pour cette région mais que c'est aussi une région encore aujourd'hui de tension
26:42Et puis je crois que ce qui est particulier aujourd'hui
26:44c'est l'apparition de tensions un peu partout sur le continent européen
26:48et pas seulement à la frontière avec la Russie
26:50On l'a vu particulièrement en mer Baltique
26:52la flotte fantôme, les drones qui ont paralysé des aéroports
26:55et toutes sortes d'opérations qui peuvent avoir lieu
26:57pas seulement à la frontière avec la Russie mais jusque chez nous
27:00Alors au-delà de l'Europe il y a aussi tout le contexte international
27:03avec une guerre commerciale accrue menée par les Etats-Unis
27:08ça aussi une influence sur les risques géopolitiques en Europe ?
27:12Alors je pense qu'en fait pendant et après la seconde guerre mondiale
27:15et surtout après la chute du mur
27:17il y a eu un grand moment de dépolitisation
27:20notamment du commerce
27:21et aujourd'hui on revient dans une dynamique de politisation de tout
27:25les Anglais diraient « weaponization of everything »
27:28c'est-à-dire l'arsenalisation globale
27:30et tout ce qui peut être utilisé pour faire mal aux concurrents ou à l'adversaire est utilisé
27:35alors bien entendu le commerce là-dedans joue un rôle prépondérant
27:39Alors ici on s'intéresse à l'association des juristes d'entreprise
27:43donc on s'intéresse particulièrement aux entreprises
27:46et quelles sont les conséquences de ces tensions géopolitiques sur la vie des entreprises
27:51et sur leur stratégie particulièrement ?
27:53Alors moi je ne viens pas du monde des entreprises
27:55mais je pense que très clairement on vivait dans un monde
27:58et pendant la guerre froide et après la guerre froide
28:00qui était prévisible et aujourd'hui il l'est beaucoup moins
28:02il est beaucoup moins pour les entreprises
28:04parce que on l'a vu avec la guerre commerciale
28:06la guerre des droits de douane récemment
28:08elles font face à des changements qui sont des changements immédiats
28:11avec lesquels bien sûr elles doivent faire
28:15et elles ne sont pas concertées avant que ces choix arrivent
28:17et globalement on a aussi une sorte de reflux du cadre global
28:20c'est à dire l'OMC ne joue plus le rôle qu'elle jouait avant
28:23on est dans des deals qui sont plutôt des deals entre blocs ou entre pays
28:27et donc pour les entreprises c'est difficile à naviguer
28:29donc tout ça ça nécessite en fait de comprendre l'environnement en temps réel dans lequel on est
28:35mais aussi les entreprises peuvent être parfois partie de la stratégie vis-à-vis des adversaires
28:40que ce soit les entreprises étrangères vers nous ou parfois bien sûr nos entreprises aussi
28:45vis-à-vis de nos concurrents voire même de nos adversaires
28:50et donc là ça les met dans une situation encore plus délicate
28:54et on comprend que c'est difficile d'anticiper dans ces conditions
28:58ce que vont être les conflits, quelles vont être les conséquences
29:01alors je pense que même pour les diplomates aujourd'hui
29:03c'est une crise inimaginable par an
29:06que ce soit la guerre en Ukraine, ce qui se passe aujourd'hui au Moyen-Orient etc.
29:11donc au ministère des armées on appelle ça les surprises stratégiques
29:15et maintenant la surprise est devenue le quotidien en fait je pense
29:18de nos diplomates et de nos militaires
29:20et bien entendu pour les entreprises c'est exactement la même chose
29:23ils sont peut-être même en deuxième ligne c'est-à-dire qu'ils n'ont pas l'information en temps réel
29:28mais quelques secondes après le temps réel et il faut pouvoir faire avec
29:31Alors si on se place maintenant au niveau de l'Union Européenne
29:34est-ce que vous pensez que l'Union Européenne est armée pour justement faire face à ces chocs géopolitiques ?
29:42Alors d'abord aujourd'hui l'Union Européenne elle offre pour les entreprises françaises
29:47le seul cadre qui soit prévisible et ça je pense qu'il ne faut pas l'oublier
29:51ça reste, les Européens ont longtemps pensé que c'était une avant garde
29:56ce qu'il allait se passer dans le monde aujourd'hui ils sont plutôt une exception
29:59et le seul endroit pour les entreprises françaises dans lesquelles on fait du commerce
30:04et on est à peu près sûr non seulement des règles dans lesquelles ce commerce se fait
30:08et des moyens d'aller au contentieux si jamais on a du contentieux
30:11ça reste l'échelle européenne donc ça reste un îlot quand même de stabilité
30:15de prévisibilité avec 500 millions de consommateurs potentiels
30:18après est-ce que l'Union Européenne elle est capable d'exporter ça vers l'extérieur ?
30:23on le voit aujourd'hui c'est-à-dire qu'elle se tourne vers des acteurs qui n'étaient pas les acteurs habituels
30:28c'est-à-dire les Etats-Unis ça devient compliqué donc on explore peut-être avec l'Inde
30:33donc voilà dans un monde dans lequel le bilatéral jouera un rôle de plus en plus important
30:38l'Union Européenne c'est la bonne échelle puisque pour parler avec la Chine, avec l'Inde, avec le continent africain
30:43il vaut mieux le faire à 27 et en représentant 500 millions de consommateurs que
30:50j'allais dire pour le Luxembourg c'est évident mais l'ancien premier ministre belge
30:54Paul-Henri Spaak disait il y a deux catégories de petits pays en Europe
30:57ceux qui le savent et ceux qui vont l'apprendre
31:00c'est une belle formule
31:01on a évoqué ensemble la guerre économique, les conflits armés, la guerre en Ukraine, au Proche-Orient
31:07est-ce qu'il y a de nouveaux types de conflits ?
31:10Alors clairement je pense qu'aujourd'hui les conflits ont lieu dans tous les espaces
31:15donc ça va être des conflits sous-marins
31:18aujourd'hui je pense qu'on les détecte pas bien mais ils vont jouer un rôle fondamental
31:22c'est aussi dans le cyberespace, c'est aussi dans les espaces financiers, dans les espaces informationnels
31:28donc en fait ce mouvement d'arsenalisation globale il a tendance à coloniser tous les espaces
31:33y compris l'espace extra-atmosphérique, c'est difficile à dire
31:38donc en fait on n'aura plus un seul espace qui soit exempt de ces rivalités mondiales
31:43Alors ici on est au Grenelle du droit, j'ai envie de dire et le droit dans tout ça, quelle est sa place ?
31:48Alors bon comme je le disais à l'échelle européenne elle reste absolument fondamentale
31:53pour ce qui reste du droit international, à la fois droit international humanitaire
31:56aujourd'hui on voit que c'est compliqué, droit international du commerce avec l'OMC qui est totalement bloqué c'est compliqué aussi
32:02néanmoins ce droit il faut continuer à le porter et il est nécessaire
32:08puisqu'il apporte un tout petit peu de prévisibilité dans le système
32:12Alors pour terminer on a l'impression qu'on est crise sur crise, c'est ce que vous évoquiez au début de cet entretien
32:18est-ce que vous pensez qu'on va finir par sortir de ce contexte où on a une succession de crises ?
32:24Je pense qu'on a été mal habitué, je pense que les 40 dernières années c'était plutôt une exception dans l'histoire globale
32:30et aujourd'hui on revient à ce qui est plutôt la normalité des relations internationales
32:34c'est-à-dire des relations qui sont conflictuelles, qui sont empreintes de rivalité
32:38et donc voilà, moi je pense pas qu'on va revenir au monde d'il y a 20 ans
32:46Il va falloir s'y habituer
32:48On va terminer là-dessus, merci Philippe Perchotte
32:51Merci beaucoup
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