- il y a 4 semaines
Mardi 21 octobre 2025, retrouvez Clotilde Coron (Vice-présidente DEI, Université Paris-Saclay), Éléonore Dujardin (Rôle modèle dirigeante LGBT+ & Codirectrice, EIMA), Judith Aquien (Directrice de la rédaction, Décideurs RH) et Maya Hagege (déléguée générale, AFMD) dans INCLUSION4CHANGE, une émission présentée par Maya Hagege et Judith Aquien.
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00:00Nous sommes de retour sur le plateau d'Inclusion for Change où nous accueillons Eleonore Dujardin
00:09qui est rôle modèle dirigeante LGBT plus 2025 et co-dirigeante de l'EMA ainsi qu'avec Clotilde
00:18Coron qui est en Visio, qui est professeur des universités en sciences de gestion et vice-présidente
00:24égalité, diversité et inclusion à l'université Paris-Saclay. Merci à toutes les deux d'être présentes avec nous aujourd'hui
00:32pour décrypter notre sujet du jour, à savoir les rôles modèles et alliés LGBT plus dans un contexte qui est complexe
00:39et qu'on va pouvoir évidemment approfondir. Ce reportage que nous venons de voir montre combien la représentation compte
00:46et justement poser les termes du débat. Je m'adresse d'abord à l'universitaire Clotilde Coron.
00:52Comment est-ce qu'on explique qu'en 2025, près de la moitié des salariés LGBT plus cachent encore leur identité
00:58et n'osent pas être totalement out au travail ?
01:02Alors en fait, les chiffres montrent que les salariés LGBT, notamment, moi j'ai plutôt travaillé sur les salariés
01:09lesbiennes et les salariés gays, restent quand même plus exposés aux discriminations et aux violences
01:17que les salariés hétérosexuels. Pour vous donner une idée, sur un échantillon représentatif de salariés,
01:24il y a environ 27% de salariés lesbiennes qui disent avoir déjà été victimes de discrimination dans leur organisation de travail
01:32contre 11% de femmes salariées hétérosexuelles. Donc on voit bien qu'encore aujourd'hui, malheureusement,
01:40le fait d'être dans les minorités sexuelles expose aux discriminations et aux violences.
01:46C'est ce qui peut expliquer que la majorité des minorités sexuelles choisissent souvent des stratégies
01:52de dévoilement partiel, c'est-à-dire un dévoilement en fait où on attend de voir le degré d'ouverture des collègues,
01:59on fait auprès de certaines personnes mais pas auprès d'autres, c'est souvent auprès d'un cercle assez restreint de collègues proches.
02:05Et Léonore Dujardin, pour compléter ce constat, en tant que femme trans et dirigeante,
02:11quel constat vous vous posez sur la place des personnes trans dans le monde de l'entreprise
02:15et même sur leur possibilité de transitionner au sein de leur lieu de travail ?
02:19Pour vous dire un moment donné, je voudrais vous raconter un peu d'anecdotes.
02:23J'étais avec une autre responsable dans un ministère et je lui disais, oui, il y a beaucoup de choses à faire avancer.
02:30Elle nous dit attention au backlash, attention à comment les gens vont prendre, tout ça.
02:33Je veux dire, bon, c'est quand la dernière fois que vous avez une femme comme moi dans une réunion ?
02:40À chaque fois que je vais au vœu du maire de la ville de Toulouse, par exemple,
02:45à chaque fois que je vais dans une réunion de la communauté d'agglomération,
02:48à chaque fois que je vais où que ce soit, où que j'aille, je suis toujours la seule, je suis toujours la première.
02:55De toute ma vie, j'ai 44 ans, je n'ai jamais travaillé avec une autre personne ou autre en entrance.
02:59Alors ça, c'est anecdotique, mais ça ne l'est pas du tout.
03:06Oui, moi j'avais une question par rapport aux alliés.
03:10Selon vous, quel est le rôle des alliés ?
03:12Comment ils agissent pour finalement plus être en soutien, mais pas non plus en sauveur ou en sauveuse ?
03:20Donc, un petit manuel pour alliés.
03:23Oui, c'est ça.
03:24D'ores et déjà, c'est vraiment le fait de faire de la pédagogie pour les autres à notre place.
03:30C'est épuisant d'être toujours la personne ressource,
03:34et d'autant plus quand on est la personne concernée potentiellement par un problème qui est arrivé.
03:39Donc dire aux personnes, quand nous, on n'est pas là,
03:42ça c'est un pas de côté, c'est probablement pas volontaire,
03:44mais quand tu parles de la personne au passé, par exemple,
03:47tu parles de la personne dans son genre effectif aujourd'hui,
03:50ou là tu l'as mégenré, fais attention la prochaine fois,
03:52je pense que c'était assez inconfortable pour cette personne.
03:54C'est vraiment faire cette partie du travail,
03:57un petit peu de gérer les émotions des autres,
03:59quand on a besoin de faire de la pédagogie,
04:00et que les gens ne se sentent pas bien, ça, ça change tout.
04:03Petit-il de Coron, vous lancez un projet de recherche
04:06sur l'inclusion au travail des personnes stigmatisées,
04:09et notamment, précisément, le cas des salariés lesbiennes.
04:15Quelle est la problématique que vous trouverez,
04:18et quels sont les enjeux relatifs à cette population ?
04:21Oui, en fait, j'ai lancé ce projet parce que, moi, initialement,
04:25je travaille sur les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes,
04:28donc vraiment, entre femmes et hommes,
04:32mais en fait, cette littérature, elle a tendance à considérer les femmes
04:35vraiment comme un ensemble homogène, et les hommes comme un ensemble homogène.
04:39Donc, on va comparer d'un côté les femmes, de l'autre côté les hommes.
04:42Or, ça, c'est méconnaître le fait que, en fait, les femmes,
04:45ce n'est pas un groupe homogène, il y a plein de caractéristiques
04:48qui font qu'une expérience d'une femme,
04:50ce n'est pas la même que l'expérience d'une autre femme,
04:53et notamment la question de l'orientation sexuelle.
04:56Et ce qui est assez intéressant, c'est que, pour le coup,
04:58dans la littérature sur les salariés gays et lesbiennes,
05:02finalement, les salariés gays ont beaucoup plus été étudiés.
05:06Donc, il y a un peu un angle mort des connaissances actuellement
05:10sur le vécu au travail des salariés lesbiennes spécifiquement.
05:14Et il ne suffit pas de dire que l'expérience des salariés lesbiennes,
05:17c'est simplement une addition de sexisme et d'homophobie,
05:21parce qu'en fait, ce qu'on voit, notamment dans les données
05:23que j'ai déjà récupérées, c'est qu'on ne peut pas vraiment simplifier ça comme ça.
05:29D'ailleurs, c'est des formes de violences particulières,
05:32ce qu'on appelle la lesbophobie.
05:34Mais dans le même temps, il y a quelque chose qui est assez paradoxal,
05:36c'est qu'alors qu'elles sont plus confrontées aux violences,
05:40aux discriminations, les salariés lesbiennes,
05:42elles sont plutôt, alors pas avantagées,
05:45mais elles sont en tout cas moins pénalisées
05:46que les salariés femmes hétérosexuelles
05:49dans tout ce qui est carrière et réussite professionnelle.
05:53Donc, ça montre qu'on ne peut pas simplement dire
05:56que les femmes lesbiennes, c'est une combinaison de sexisme et d'homophobie.
06:01Ce n'est pas ça, parce qu'il y a un paradoxe à comprendre
06:04autour de leur situation.
06:06Moi, je voulais juste compléter et en savoir plus, Clotilde,
06:10parce qu'on voit des enquêtes qui disent que quand même,
06:13globalement, il y a des chiffres qui sont plus encourageants.
06:16On voit de plus en plus d'employeurs qui sont LGBT-friendly,
06:21même si je n'aime pas cet aspect anglophone de l'expression.
06:26Donc, on a l'impression que ça va de mieux en mieux.
06:30Et là, et je vais tutoyer parce qu'on se connaît,
06:34tu viens de le dire, finalement, ça cache des choses.
06:37Il y a des inégalités qui sont invisibles,
06:39il y a des violences qui existent.
06:41Est-ce que tu peux nous en dire plus sur quel type d'inégalité,
06:44quel type de violence ?
06:46Oui, alors ce qu'on voit, c'est que les femmes lesbiennes,
06:49en fait, elles sont particulièrement exposées,
06:51notamment aux comportements humiliants.
06:54Et ça, c'est vraiment une spécificité des femmes lesbiennes,
06:57parce que par ailleurs, elles sont aussi assez exposées
06:59aux violences sexistes et sexuelles.
07:01Mais ça, c'est le cas aussi pour les femmes hétérosexuelles.
07:04Donc, la spécificité vraiment des femmes lesbiennes,
07:07c'est l'exposition aux comportements humiliants.
07:09Alors après, elles ont aussi une assez forte exposition,
07:11plus élevée que le reste de la population,
07:13à tout ce qui est violence morale.
07:17Mais ça, c'est valable aussi pour les salariés gays.
07:19En fait, ce qui les distingue vraiment par rapport à la fois
07:22aux salariés, aux femmes hétérosexuelles et aux hommes gays,
07:27c'est cette exposition aux comportements humiliants.
07:30Ça, c'est la première chose.
07:31Et la deuxième chose qu'on voit quand même,
07:34plutôt dans les entretiens qu'on a menés avec des salariés lesbiennes,
07:37c'est le côté, la présomption à l'hétérosexualité.
07:41C'est-à-dire que toutes les femmes qu'on a interviewées,
07:44elles expliquent que leurs collègues, à un moment,
07:46leur disent « mais toi, ton mari, il fait quoi ? »
07:48Et donc là, ça, ça met les personnes en difficulté,
07:50même si ce n'est pas violent comme question.
07:52On ne peut pas le ranger dans le registre des violences.
07:55Mais de fait, ça crée des difficultés pour les personnes
07:58qui ne savent pas comment réagir.
08:00Alors, soit je reprends le collègue,
08:01mais bon, ça dévoile l'orientation sexuelle.
08:04Alors, peut-être pas au moment où je voulais le faire, par exemple.
08:06Soit je ne reprends pas le collègue,
08:07mais on a des entretiens, par exemple, avec des salariés
08:09qui expliquent qu'elles ont été enfermées dans une sorte de mensonge
08:13parce qu'on ne peut pas avoir repris un collègue une première fois.
08:16Et finalement, après, elles se disent « c'est trop tard,
08:18parce qu'il va falloir que j'explique pourquoi je ne l'ai pas dit la première fois ».
08:21Donc, finalement, il y a encore pas mal de sujets
08:25qui sont plus ou moins graves, on va dire,
08:28dans une échelle de gravité entre des violences sexuelles
08:32et puis là, ce que je vous disais, des violences beaucoup plus d'ambiance,
08:36on va dire, mais qui ne sont pas anodines
08:38pour le vécu au travail des salariés lesbiennes.
08:42On va revenir au rôle modèle et à leur place
08:46pour favoriser la visibilité LGBT+,
08:49et permettre à de nombreuses personnes d'être pleinement elles-mêmes au travail.
08:53Et Léonore Dujardin, d'abord, qui peut être rôle modèle ?
08:57C'est une question bête,
08:58mais je pense que ça intéresse certaines personnes qui nous écoutent,
09:02qui nous regardent.
09:03Et quelles sont les actions qui peuvent être mises en place
09:06en tant que rôle modèle ou alliées, du reste,
09:08pour favoriser l'inclusion, la diversité,
09:12favoriser la visibilité de personnes qui n'osent pas ?
09:17Donc, peut être rôle modèle toute personne
09:20qui travaille à une plus grande inclusion des personnes LGBT en entreprise,
09:23qu'elle soit elle-même concernée ou qu'elle soit simplement alliée.
09:26Donc, si vous n'êtes pas une personne concernée,
09:29si vous n'êtes pas LGBTQIA+,
09:31même si vous n'êtes pas plus,
09:33vous pouvez être rôle modèle si vous travaillez
09:35au fait qu'on soit mieux et qu'on puisse être nous-mêmes au travail.
09:39Ensuite, ce qu'on peut faire, c'est très très large.
09:41Si on prend simplement, par exemple, la question trans,
09:43une de mes premières actions, ça a été de faire mettre des corbeilles
09:47dans les toilettes des garçons.
09:49Parce qu'il y a des hommes trans dans la vie,
09:52et que repartir avec, on ne va pas rentrer dans les détails,
09:55mais on va de ça à mettre en place des process administratifs
09:59qui permettent des changements de prénom
10:01ou des changements de civilité à l'intérieur de l'entreprise,
10:05jusqu'à des choses qui vont beaucoup plus loin.
10:07Il y a certaines entreprises qui font des congés de transition,
10:10qui rajoutent des semaines qui sont données pour les gens pour se remettre.
10:14Parce qu'un vrai problème que peuvent avoir les entreprises dans ces cas-là,
10:17c'est que beaucoup de personnes trans prennent une année sabbatique
10:20et souvent quittent l'entreprise pour faire leur transition
10:23ou juste après avoir fait leur transition, pouvoir être tranquille.
10:26Donc les entreprises ont tout intérêt à se positionner activement
10:29comme accompagnatrices des transitions,
10:32de manière à fidéliser leur talent,
10:34parce qu'il y a beaucoup de gens très talentueux.
10:36Quand vous dites que vous pouvez être tranquille,
10:37c'est pour ne pas avoir à expliquer qu'elles ont transition,
10:41n'est-ce pas à expliquer leur nouvelle identité ?
10:44Entre autres choses, puisque si on prend le cas spécifique des femmes trans,
10:49notre survictimisation concernant les violences sexuelles et sexistes
10:53est très bien documentée.
10:55Donc bien sûr, avoir à s'expliquer, c'est difficile.
10:57Il y a de la pression sociale, il y a même de l'humiliation,
10:59des formes de harcèlement, encore plus que les salariés gays et lesbiennes,
11:03ce qui est beaucoup dire.
11:04C'est vraiment beaucoup dire, ce n'est pas du tout une minimisation.
11:09Mais on peut aller jusqu'à des choses qui sont beaucoup plus graves
11:12et beaucoup de personnes trans font le choix.
11:14Simplement de laisser leur vie derrière et d'aller ailleurs.
11:17Ce qui fait que ça augmente l'invisibilisation,
11:19ce qui continue l'exclusion systémique et c'est un cercle vicieux.
11:23Si on devait dire à une entreprise demain,
11:27maintenant la stratégie, c'est faire émerger les rôles modèles,
11:31qu'est-ce que vous proposeriez ?
11:32Qu'est-ce que vous auriez des idées ?
11:33Je pense que ce n'est pas du tout la stratégie que je prendrais.
11:35Je prendrais vraiment une stratégie de construction de leadership.
11:40Parmi les personnes minorisées, en général, on a vraiment un vivier de talent,
11:44un vivier de talent qui est sous-exploité.
11:46Et on a un ensemble de perspectives qui sont absolument vitales jusqu'au comité exécutif.
11:51C'est vraiment vital, ça change toute la manière dont le business est fait.
11:55On sait très bien que les diversités de genre, c'est le BCG qui a étudié ça,
12:00vont donner jusqu'à 20% de chance de surperformer le marché.
12:06Donc moi, c'est sur quoi je m'appuierais.
12:09Ce ne seraient pas forcément les rôles modèles,
12:11ce serait vraiment de monter en puissance des personnes concernées
12:14et ensuite en faire des rôles modèles.
12:18Et ensuite dire, regardez, par exemple, moi ce que j'ai fait en 5 ans,
12:21j'ai triplé la taille d'une école sur un marché qui a dû gagner 20% en 5 ans.
12:28Donc ça, là, du coup, on devient un rôle modèle,
12:30mais pas parce qu'on a voulu nous mettre en avant,
12:32mais parce qu'on nous a donné les moyens de réussir
12:34et c'est ce qu'a fait la PDG de l'UIMA.
12:38Clotilde parlait tout à l'heure des obstacles
12:41que rencontraient les personnes gays et lesbiennes en particulier.
12:45Est-ce qu'il y a une documentation,
12:47enfin, est-ce qu'il y a des choses sur justement les obstacles
12:50que rencontrent aussi les personnes trans et non-binaires ?
12:53Est-ce qu'il y a des études qui sont faites sur le sujet
12:56et qui approfondissent ça pour montrer un peu la voie ?
13:00On a un double problème.
13:03Un double problème, c'est que pour toutes les données,
13:05qu'elles soient des données médicales de base,
13:07pour prendre soin des gens,
13:08jusqu'aux données professionnelles et sociologiques,
13:10les populations trans sont sous-étudiées.
13:14Alors qu'on est une toute petite minorité,
13:15on est sous-étudiés par rapport à qui on est,
13:18très très largement.
13:19Donc ça, c'est un problème.
13:20Et l'autre problème, c'est que justement,
13:22quand on fait la collection de données,
13:24on fait pas mal de collections de données de problèmes,
13:26mais il y a très peu de travail qui est fait
13:28sur la dimension constructive et faire avancer les choses.
13:32Et du coup, on travaille un peu entre ce carib d'essis-là,
13:35de peu de données qui ne sont pas forcément adéquates,
13:36et des données qui ne nous donnent pas une image
13:39de à partir de quoi construire.
13:42Donc voilà, c'est les problèmes qu'on a.
13:46Ce ne sont pas les mêmes pour les hommes trans,
13:47ce ne sont pas les mêmes pour les femmes trans.
13:49Vous prenez donc les problèmes que beaucoup de femmes ont.
13:53On vous envoie les problèmes de fertilité,
13:55les problèmes liés à la grossesse,
13:57les choses qui sont très présentes dans le milieu professionnel.
13:59Ce n'est pas du tout un détail.
14:00On enlève ça, mais vous prenez les autres problèmes,
14:04sexisme, harcèlement, tout ça,
14:07le fait qu'on nous laisse moins de place,
14:10et vous le multipliez.
14:11Vous rajoutez une perte de crédibilité.
14:15Et une sorte de, socialement, on en a encore à un point,
14:19où ne pas considérer une personne trans
14:21comme une personne vraiment humaine,
14:22c'est quelque chose qui n'est pas trop indécent.
14:23Comment, justement, encourager les entreprises
14:28à prendre ce wagon ?
14:30Je vous pose la question d'abord,
14:32et puis j'aimerais qu'on la pose aussi à Clotilde.
14:34Je sais qu'il y a de bonnes raisons de le faire.
14:37Je sais que, oui, on superforme le marché.
14:40Un des grands avantages,
14:42et je m'adresse aux personnes cisgenres,
14:43du coup aux personnes qui ne sont pas transgenres,
14:45les personnes trans sont les expertes du genre
14:47et du sexisme en entreprise.
14:49Parce que nous sommes le canari dans la mine.
14:51Vous savez, le canari qu'on mettait pour voir
14:53s'il y avait du gaz et si les gens allaient mourir.
14:55Quand on fait une transition, tout de suite,
14:58les dynamiques de sexisme, les dynamiques genrés,
15:01qui sont souvent des dynamiques inégales,
15:02c'est là qu'on est sur du sexisme,
15:04deviennent très, très évidentes.
15:07Et si vous voulez savoir où en est votre organisation,
15:10vraiment là-dessus,
15:12faites en sorte que les personnes trans soient allées
15:13chez vous pour faire la transition.
15:15Et vraiment, prenez-les en conseil, en fait.
15:18Parce que tout se révèle.
15:20Des gens qui faisaient des choses pas OK
15:22vont faire des choses pires.
15:23Et des dynamiques qui sont pas visibles.
15:25Parce que quand on a toujours vécu
15:26dans un monde qui est profondément sexiste,
15:29on ne se rend pas forcément compte.
15:32Quand on n'a pas vécu,
15:33quand comme moi, jour après jour,
15:34on est remis à sa place,
15:35on a deux, trois choses à souligner
15:37qui paraissent évidentes pour tout le monde.
15:38Donc si vous voulez faire avancer
15:40votre performance,
15:41en particulier en s'en prenant
15:42une dynamique genrée
15:43qui concerne beaucoup plus de gens
15:45que les personnes trans,
15:46je sais, on est une toute petite minorité.
15:48C'est vrai que c'est un crash test ultime, en fait.
15:50C'est ce qui dit,
15:52c'est un très bon point de départ
15:54pour ensuite construire une politique égalitaire.
15:58Tout à fait.
15:59Clotilde, vous, de votre côté,
16:01qu'est-ce que vous préconisez
16:03pour justement encourager les entreprises,
16:07des grands groupes au TPE ?
16:09Enfin, je pense que le bar tabac du coin
16:12peut aussi être un facteur.
16:16Oui, alors moi, je pense que je ne vais pas vous étonner
16:19puisque je suis enseignante chercheuse.
16:20Moi, je crois beaucoup
16:21d'abord à la production de connaissances
16:23sur les sujets.
16:24Il faut produire des connaissances,
16:26produire des chiffres,
16:27documenter les inégalités,
16:30documenter ce qui se passe.
16:31Moi, je crois beaucoup
16:32dans la recherche sur le sujet
16:34et qui, pendant longtemps,
16:36a été quand même assez peu,
16:39ce sont des sujets qui, pendant longtemps,
16:41étaient assez peu étudiés.
16:42Donc, ça, c'est le premier point.
16:43Et puis, ensuite, en tant qu'enseignante,
16:45en tant qu'universitaire,
16:46je crois beaucoup aussi à la formation
16:47et à la sensibilisation
16:50de nos étudiants et étudiants à l'université
16:52qui vont devenir des salariés,
16:55voire les dirigeants et dirigeantes de demain.
16:58Donc, je pense qu'il faut qu'on commence,
17:01nous, déjà, à notre niveau.
17:03Les entretences qu'on a menées
17:04avec des salariés lesbiennes
17:07qui travaillent, par exemple,
17:08dans des collèges
17:08ou à des niveaux
17:10avec des publics plus jeunes
17:12montrent qu'il y a vraiment
17:14beaucoup, beaucoup de difficultés,
17:16en fait, beaucoup d'homophobie
17:18et de transphobie chez ces publics.
17:21Donc, un travail à faire
17:22vraiment auprès aussi
17:23des jeunes générations
17:25qui va se répercuter ensuite
17:27au niveau de l'entreprise,
17:29même si ça va prendre un peu de temps.
17:31Je peux juste ajouter quelque chose.
17:35On sort à la FMD
17:37une enquête sur les stéréotypes
17:39de genre des étudiants
17:40et étudiantes de grandes écoles.
17:42Et justement, je réagis
17:43à ce que tu dis, Clotilde,
17:45parce que ce qu'on voit
17:47depuis huit ans
17:47qu'on fait cette enquête,
17:49c'est qu'il n'y a pas d'évolution
17:50des stéréotypes
17:51pour les filles et les garçons
17:53et qu'il y a encore
17:53une vision très genrée aussi,
17:54d'ailleurs, des compétences.
17:56Et moi, ce que ça me questionne,
17:57ça me questionne, en fait,
17:59sur le rôle des écoles, justement,
18:01dans l'action pour contourner
18:05ces stéréotypes,
18:06parce que la majorité des écoles
18:07avec qui on travaille,
18:08en huit ans,
18:09elles n'ont pas non plus
18:10inversé la courbe.
18:13Non, je pense qu'il y a
18:14beaucoup d'écoles,
18:16y compris des universités,
18:17qui estiment que
18:18ce n'est pas leur rôle.
18:20C'est-à-dire que nous,
18:20pendant longtemps,
18:21à l'université,
18:21on formait sur les compétences
18:23de votre formation.
18:25Vous êtes en licence de droit,
18:26vous êtes formé en droit,
18:28vous êtes en licence de physique,
18:29vous n'avez des formations
18:29que sur la physique.
18:31Je pense que c'est pareil
18:32dans les écoles.
18:33Là, c'est assez récent
18:34que les universités
18:35et les écoles
18:36commencent à se dire,
18:36ben non,
18:37on doit aussi former
18:38sur des valeurs
18:40plus sociétales,
18:41sur des engagements citoyens.
18:42Donc, on voit
18:42dans les universités,
18:43maintenant,
18:44qu'il y a des formations
18:44sur, par exemple,
18:46nous, à l'université
18:47Paris-Saclay,
18:47on a mis en place
18:48des formations
18:48sur le développement durable,
18:50on a mis en place
18:50des formations
18:51sur les violences,
18:51de la sexité sexuelle.
18:53Et donc, c'est là
18:54qu'on voit que ça peut
18:54tout à fait,
18:55ça se développe,
18:57en tout cas,
18:57dans les universités,
18:59l'idée de se dire,
19:00de sortir d'une logique
19:01de formation
19:02un peu circonscrite
19:03à un domaine
19:04de compétences
19:05et se dire
19:05qu'on forme aussi
19:06des citoyennes
19:07et des citoyens,
19:08en fait.
19:08pas seulement
19:09des gens
19:09qui ont des compétences.
19:11Oui, excusez-moi,
19:12je vous interromps,
19:12parce qu'on a presque
19:14plus de temps.
19:16Léonard Dujardin,
19:17vous êtes co-directrice
19:17d'une école,
19:18justement,
19:19et ça compte.
19:22C'est un vrai,
19:23enfin,
19:23c'est un méta-role modèle
19:24à ce stade.
19:27Qu'est-ce que ça fait
19:28au sein de la communauté
19:29des étudiants ?
19:31Qu'est-ce que ça provoque
19:32comme, justement,
19:33libération aussi,
19:34possibilité d'exister,
19:37de se sentir
19:38à l'aise ?
19:39Oui,
19:40et d'ailleurs,
19:40c'est un petit point
19:41sur le point d'avance,
19:43c'est que la chose
19:44qui change,
19:44c'est la position
19:45des dirigeantes
19:46et des dirigeants.
19:47Ça change tout,
19:48avoir cet appui-là.
19:50Dans l'école,
19:51il y a vraiment eu
19:52un moment très,
19:53très touchant
19:54quand j'ai fait
19:54mon coming-out
19:55auprès des élèves.
19:56Il y avait des élèves
19:56concernés,
19:57je suis passée
19:57un peu dans toutes les classes,
19:58j'ai voulu l'accompagner.
20:00Les gens n'ont pas
20:00l'étiquette,
20:01les gens n'ont pas
20:01les cases,
20:01donc c'est important
20:02d'accompagner.
20:03Et j'ai vu
20:06les élèves
20:07en face de moi,
20:08certains,
20:08vraiment pleurer
20:09de soulagement,
20:12de savoir qu'il y avait
20:12une personne
20:13qui avait du pouvoir
20:13sur leur environnement,
20:15qui savait exactement
20:17ce qu'il vivait.
20:19J'ai eu un élève
20:19qui est venu me voir
20:20et qui m'a dit
20:20« Mais en fait,
20:21jusqu'à ce que je te rencontre,
20:24je n'avais jamais vu
20:26une personne comme moi,
20:27adulte, professionnelle.
20:28Je ne savais pas
20:28que je pouvais vivre,
20:29ne serait-ce que
20:29jusqu'à ton âge. »
20:32Et ça,
20:33ça change tout.
20:35Et c'est vraiment
20:36pour ça qu'on travaille.
20:37Merci beaucoup
20:38Eléonore Dujardin
20:39pour ce témoignage
20:41extrêmement touchant.
20:42Merci à vous deux,
20:44Eléonore et Clotilde Coron.
20:46Je rappelle
20:46qu'Eléonore Dujardin,
20:47vous êtes rôle modèle
20:48dirigeante LGBT+,
20:502025.
20:51Félicitations.
20:52Et co-dirigeante
20:53de l'EMA.
20:54Clotilde Coron,
20:55je rappelle
20:55que vous êtes
20:56vice-président
20:56égalité
20:57d'I.I.
20:59à l'université
21:00de Paris-Saclay
21:01et professeur
21:02en sciences de gestion.
21:04Merci encore
21:05à toutes les deux.
21:06Le prochain épisode
21:07sera sur la transition juste
21:08et sera le mois prochain.
21:10À très bientôt.
21:11Sous-titrage Société Radio-Canada
21:20Sous-titrage Société Radio-Canada
21:22Sous-titrage Société Radio-Canada
21:22Sous-titrage Société Radio-Canada
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