Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 2 mois
Mardi 2 septembre 2025, retrouvez Alexandre Lucidarme (Docteur en droit, Universités de Lille et de Salamanque) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00On poursuit ce Lex Inside, on va parler de la thèse
00:13fraude fiscale et droit pénal, méthode pour une meilleure articulation des répressions,
00:18une thèse d'Alexandre Lucidarme, maître de conférences aux universités de Lille et Salamanque.
00:25Alexandre Lucidarme, bonjour.
00:28Bonjour Arnaud, je vous remercie beaucoup de me recevoir.
00:30Alors on va parler de votre thèse fraude fiscale et droit pénal,
00:33donc méthode pour une meilleure articulation des répressions publiées aux éditions Marre et Martin.
00:40Dans cette thèse, vous êtes intéressé au rapport entre la fraude fiscale et le droit pénal,
00:46tout en proposant une méthode innovante pour mieux articuler les différentes formes de répression.
00:52Avant de rentrer dans le vif du sujet, abordons d'abord votre démarche.
00:58Qu'est-ce qui vous a motivé à choisir ce sujet de thèse ?
01:02Alors le choix d'étudier ce sujet dans le cadre de mon doctorat résulte de l'observation d'un paradoxe.
01:11En effet, au travers de mes lectures, j'ai pu constater que depuis une cinquantaine d'années,
01:15les pouvoirs publics présentent la fraude fiscale comme constituant une préoccupation publique prioritaire.
01:22Et cela s'entend aisément lorsque l'on a à l'esprit le fait que la fraude fiscale
01:28est notamment pour effet de restreindre les capacités de l'État à répondre aux besoins des Français
01:37en matière de justice, de sécurité ou encore d'éducation.
01:41Donc on a face à nous un véritable fléau social et par ailleurs, que constate-t-on ?
01:46Eh bien que paradoxalement, ce fléau n'est que très peu sanctionné par les tribunaux pénaux.
01:53Comment vous l'expliquez ?
01:55Justement, dans le cadre de mon travail de thèse, j'ai cherché à comprendre ce paradoxe,
02:00puis j'ai mené une réflexion visant à y mettre fin.
02:03D'accord.
02:04Donc vous affirmez dans cette thèse que le droit pénal est nécessaire dans la lutte contre la fraude fiscale.
02:09Pourquoi, selon vous, ce recours est-il indispensable ?
02:14Alors je crois que le recours au droit pénal est indispensable en matière fiscale
02:17pour signifier à l'ensemble des contribuables que la fraude fiscale ne constitue pas un comportement anodin.
02:23Autrement dit, le droit pénal est indispensable pour mettre en lumière la gravité que recèle la fraude fiscale.
02:29Pour le dire encore autrement, je crois que le droit pénal est indispensable en matière de lutte contre la fraude fiscale
02:34car il a vocation dans ce domaine à être l'utile complément de la répression administrative
02:40car dans un système répressif équilibré et cohérent,
02:44on devrait permettre que les fraudes de gravité minimes et moyennes soient sanctionnées sur le plan fiscal, administratif,
02:52alors que les fraudes présentant une particulière gravité devraient, elles, faire l'objet de sanctions pénales.
02:57Alors si ce droit pénal est important, c'est peut-être aussi parce que les autres formes de répression montrent leurs limites.
03:05Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur ce point ?
03:07Alors pour répondre à cette question, permettez-moi plutôt de rappeler les avantages
03:12que présente la répression pénale par rapport aux autres formes de répression.
03:16Alors tout d'abord, le droit pénal, c'est le droit le plus protecteur.
03:20C'est le champ de la répression dans lequel les justiciables bénéficient des garanties procédurales les plus fortes.
03:28Par ailleurs, le recours au droit pénal, mobiliser le droit pénal,
03:32permet de mettre en œuvre les procédés énergiques que procure la procédure pénale,
03:37comme par exemple la géolocalisation,
03:41et ces procédés facilitent la découverte de faits infractionnels
03:45qui sont potentiellement inaccessibles aux agents du fisc
03:47parce que ces agents bénéficient d'un pouvoir coercitif plus limité.
03:51Est-ce que ça veut dire que l'effet dissuasif du droit pénal
03:56est plus fort que les sanctions fiscales classiques ?
04:01C'est un impact plus important ?
04:02Alors précisément, oui, c'est l'un des atouts également du droit pénal
04:05parce qu'il permet d'aboutir à des condamnations ouvertement intimidantes,
04:10parfois même stigmatisantes, qui peuvent s'avérer nécessaires.
04:13Mais le pouvoir dissuasif du droit pénal, j'ose encore y croire aujourd'hui,
04:19mais il ne peut être véritablement dissuasif que si l'on mobilise ce droit avec parcimonie.
04:25Or, lorsqu'on sort du champ fiscal, du domaine fiscal,
04:29on s'aperçoit que telle n'est pas la tendance actuelle.
04:31On a plutôt tendance à avoir une surmobilisation, un surarmement du droit pénal,
04:36et cette surmobilisation, finalement, nuit à l'efficacité même du droit pénal.
04:40Alors, au-delà de ce que vous venez d'expliquer, vous critiquez l'admission du cumul des répressions
04:46dans votre thèse.
04:48Ça signifie quoi, concrètement ?
04:50Alors, en France, un contribuable peut, pour un même manquement fiscal,
04:55être sanctionné doublement.
04:57Il peut se voir infliger des sanctions fiscales par l'administration
05:00et, cumulativement, des sanctions pénales par l'autorité judiciaire.
05:06Ce cumul des répressions est permis par le législateur,
05:10il est admis par la jurisprudence,
05:13et alors qu'il s'opère en violation d'un principe fondamental de la procédure pénale,
05:18en l'occurrence la règle nebis in idem,
05:20selon laquelle nul ne peut être poursuivi deux fois,
05:23nebis, pour un même fait in idem.
05:26Dans ma thèse, je démontre donc qu'il y a une mise à l'écart de cette règle fondamentale
05:29en matière fiscale, et cette mise à l'écart est regrettable
05:32parce que cette règle de procédure pénale, la règle nebis in idem,
05:36vise non seulement à garantir la stabilité des décisions de justice
05:40en évitant de fâcheuses contrariétés de décision,
05:43mais elle permet également d'épargner les justiciables du risque d'acharnement judiciaire
05:47qu'ils pourraient potentiellement subir de la part de la puissance publique.
05:50Alors, vous indiquez que, pour vous, ce cumul, c'est une erreur de politique criminelle.
05:55Pourquoi ?
05:56Alors, d'après moi, le cumul des répressions, il est admis en France
06:00parce que l'on pense que les répressions administratives et pénales
06:05sont naturellement complémentaires.
06:08Dans le cadre de mon travail de thèse, je prouve précisément le contraire.
06:11Je démontre plus exactement que, tout d'abord, que cette complémentarité n'est ni spontanée ni naturelle
06:19et que, pour l'obtenir, il est nécessaire de séparer les champs d'intervention respectifs
06:23de chacun des réseaux de sanctions.
06:25Maintenant, pourquoi c'est également une mauvaise idée de cumuler les répressions ?
06:30Quand on s'intéresse aux conséquences pratiques engendrées par ce cumul des répressions,
06:34que constate-t-on ?
06:35Eh bien, ce cumul des répressions permet notamment de mettre en œuvre
06:39une répression potentiellement incohérente et imprévisible
06:43pour les justiciables concernés par elle.
06:46Pourquoi c'est incohérent ?
06:47Parce que, parfois, on a une double répression
06:50pour des manquements de moyenne gravité.
06:55Et le juge pénal va sanctionner,
06:59alors que le juge fiscal va dire qu'il n'y a pas d'infraction.
07:01Donc, il peut y avoir des incohérences dans la répression.
07:03Mais au-delà des incohérences constatées,
07:06ce cumul des répressions aboutit en pratique
07:08non seulement à une instrumentalisation,
07:10mais aussi à une marginalisation du droit pénal en matière fiscale.
07:14Et cette marginalisation du droit pénal
07:17se traduit par une invisibilisation de la délinquance fiscale
07:21et cette invisibilisation de la délinquance fiscale
07:23elle-même entretient une certaine forme de tolérance
07:26de la fraude fiscale en France.
07:28Alors, comment vous voyez l'évolution des rapports
07:32entre le droit pénal et la fraude fiscale ?
07:35Alors, précisément, je plaide dans ma thèse
07:37pour la prévision d'une interdiction législative
07:41des cumuls de répression en matière fiscale.
07:45Et je démontre qu'interdire les cumuls de répression
07:48permet précisément de mettre en œuvre
07:51une répression à la fois plus prévisible pour les justiciens,
07:54mais également plus cohérente,
07:55dans le sens où la répression, lorsque le cumul des répressions
07:58est interdit, serait davantage en adéquation
08:02avec la gravité des manquements constatés.
08:05Est-ce que vous pensez, aujourd'hui,
08:06il y a une pénalisation importante,
08:09par exemple menée par le garde des Sceaux,
08:12est-ce que vous pensez que les politiques
08:14vont aller un peu dans votre sens ?
08:17Alors, en 2018, il y a eu une réforme très importante
08:20de la répression mise en œuvre en matière fiscale
08:23avec le déverrouillement partiel du verrou de Bercy.
08:28Et c'est une première réforme qui va dans le bon sens,
08:30d'après moi, mais elle n'est pas suffisante
08:32parce que, dans bien des cas encore aujourd'hui,
08:35le système pénal est dépendant de l'administration fiscale.
08:38Et tant que le système pénal n'aura pas retrouvé
08:42ou trouvé la même autonomie que celle
08:45dont il dispose en droit commun,
08:47les défauts du système actuel persisteront, selon moi.
08:51Et vous pensez que quelqu'un va se saisir de cette question ?
08:55Peut-être que votre émission permettra à un député
08:59de s'intéresser plus en détail à ma thèse
09:01et peut-être qu'effectivement, mon travail sera repris
09:03dans les années à venir, je le souhaite évidemment,
09:05mais je ne peux pas me prononcer sur cette question.
09:07On va conclure là-dessus.
09:08Merci Alexandre Lucidarn.
09:10Je rappelle que vous êtes docteur en droit
09:12aux universités de Lille et de Salamanque.
09:16Tout de suite, on enchaîne.
09:17On va parler de la nouvelle procédure
09:19de saisie des rémunérations.
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations