00:00On poursuit ce Lexi Inside et on va parler d'un arrêt de la cour de cassation du 10 septembre dernier sur les congés payés et le décompte des heures supplémentaires.
00:21Quels sont les enjeux, quelles sont les conséquences pour les entreprises ? On en parle tout de suite avec mon invité Victor Mollet, avocat fondateur d'Aig Avocat. Victor Mollet, bonjour.
00:32Bonjour Arnaud.
00:33Avant de s'intéresser aux conséquences de l'arrêt du 10 septembre dernier, on va revenir un peu avant sur l'état du droit positif avant cet arrêt majeur sur les congés payés et le décompte des heures supplémentaires.
00:49L'état du droit positif actuel, qu'est-ce que prévoit le Code du travail ?
00:54Le Code du travail dispose que toute heure accomplie au-delà de 35 heures, la durée légale hebdomadaire, est considérée comme une heure supplémentaire.
01:06Dès lors qu'un salarié est soumis à un décompte hebdomadaire du temps de travail, dès lors qu'il dépasse cette durée légale de 35 heures,
01:14les heures au-delà de 35 heures sont décomptées comme des heures supplémentaires avec les majorations afférentes.
01:21Donc 25% pour les 8 premières heures et 50% pour les heures au-delà.
01:27Et la Cour de cassation, à l'analyse du Code du travail, vient dire que pour calculer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires,
01:36on prend uniquement le temps de travail effectif.
01:40Et donc la Cour de cassation, par une jurisprudence constante, par plusieurs arrêts,
01:45exclut en fait la prise des congés payés pour calculer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
01:51Donc je vais prendre un exemple pratique.
01:54Je suis salarié, je travaille 39 heures par semaine.
01:57Semaine 1, je vais travailler 39 heures.
02:02Je vais avoir 4 heures d'heures supplémentaires majorées à 25%.
02:07Semaine 2, je décide de prendre un seul jour de congés payés.
02:12Mais mécaniquement, le jour de congés payés va être exclu du seuil de déclenchement des heures supplémentaires
02:19et ma semaine 2 ne va pas générer d'heures supplémentaires.
02:23Alors on va revenir sur le revirement de jurisprudence justement du 10 septembre dernier.
02:30Mais pour bien comprendre ce revirement, revenons aux faits, aux arguments de l'affaire.
02:36Quels sont-ils ?
02:36Quels sont-ils ?
02:38Il s'agit de 3 salariés qui ont saisi la justice.
02:41Ces 3 salariés étaient soumis à une convention de forfait heure, Sintec, 38,5 heures par semaine.
02:48Et ils ont saisi la justice pour réclamer le paiement des heures supplémentaires et majorations afférentes.
02:56Le Conseil de Prud'homme et la Cour d'appel ont condamné l'employeur à payer des heures supplémentaires.
03:02Sauf que dans le calcul des heures supplémentaires, la Cour d'appel a neutralisé la période de congés payés.
03:10Et les salariés, mécontents de cet arrêt de Cour d'appel, ont décidé de former un pourvoi en cassation.
03:17En fait, la Cour d'appel avait appliqué le droit positif que vous avez...
03:19Exactement, la Cour d'appel a décidé d'appliquer le droit positif, la jurisprudence constante de la Cour de cassation,
03:27qui applique strictement le Code du travail.
03:29Donc, il y a eu un pourvoi. Et donc, quelle est la motivation de la Cour de cassation ?
03:34Alors, quelle est la motivation de la Cour de cassation ?
03:37Elle vient casser l'arrêt de la Cour d'appel en considérant que toute mesure qui inciterait les salariés à ne pas prendre leur jour de congés payés est interdite.
03:54Et donc, désormais, pour calculer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires,
03:59il convient de prendre en compte la période de congés payés.
04:04Et en fait, elle va s'appuyer sur les arguments des salariés.
04:10Et les salariés se sont en fait fondés sur le droit européen,
04:13qui interdit en fait toute mesure incitative,
04:17qui imposerait en fait, qui obligerait,
04:20enfin, toute mesure incitative...
04:21Qui pourrait créer un désavantage financier.
04:26Qui pourrait créer un désavantage financier pour le salarié, exactement.
04:30Et donc, elle vient s'appuyer en fait sur la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
04:35et sur une directive de la Commission européenne.
04:38Donc là, on a une primauté du droit européen sur droit interne qui opère le revirement.
04:43Exactement. On a la Cour de cassation qui vient consacrer le droit européen,
04:47qui vient appliquer le droit européen
04:49et écarte une disposition du Code du travail.
04:54Alors, on a bien compris ce changement.
04:56C'est un changement vraiment important.
04:58Et du coup, quelles sont les conséquences pour les entreprises ?
05:00Alors, quelles sont les conséquences pour les entreprises ?
05:02On a une jurisprudence qui est applicable aux litiges en cours,
05:08avec un risque en fait de rappel de salaire qui s'étend sur les trois dernières années.
05:14Et donc, les entreprises, si elles suivent cet arrêt de la Cour de cassation,
05:19vont devoir reparamétrer leur logiciel de paie.
05:23Et ça peut entraîner un surcoût, finalement, des rémunérations.
05:29Et donc, les entreprises ont tout intérêt en fait à sensibiliser leur manager
05:34pour que les salariés, en fait, évitent de poser un jour de congé payé la semaine
05:40et que ça entraîne en fait un maintien de la rémunération
05:44si on suit toujours cet arrêt de la Cour de cassation.
05:47Donc, il faut vraiment être vigilant par rapport à cet arrêt
05:50et donc alerter les services RH pour bien prendre en compte ces nouvelles dispositions.
05:54Exactement, oui. Il faut alerter les services RH pour bien prendre en compte ces nouvelles dispositions.
06:00Mais il serait intéressant que le ministère du Travail, en fait, se prononce,
06:04en fait, donne des précisions sur cet arrêt de la Cour de cassation
06:08pour orienter les entreprises.
06:11Alors, est-ce que cet arrêt de la Cour de cassation se place dans une tendance générale ?
06:16Alors oui, bien sûr, il se place dans une tendance générale
06:19qui a commencé à partir de septembre 2023.
06:22Vous vous souvenez, les arrêts, en fait, qui imposent, en fait,
06:26qui accordent du droit à congé payé pendant une période d'arrêt maladie
06:31et qui a obligé, en fait, le législateur à légiférer sur ce point-là.
06:36Et là, de nouveau, 10 septembre 2025,
06:40on a deux arrêts qui consacrent la primauté du droit européen
06:45et qui consacrent la primauté du droit au repos.
06:50Est-ce qu'on peut s'attendre à d'autres bouleversements
06:52sous l'effet du droit européen dans les prochaines semaines ?
06:56Dans les prochaines semaines, je ne sais pas.
06:58Mais effectivement, c'est très possible qu'on ait de nouveaux arrêts
07:03qui aillent dans ce sens-là,
07:04c'est-à-dire une consécration du droit européen
07:07et une consécration du droit au repos.
07:10Donc, ça veut dire qu'il faut être très vigilant
07:11par rapport aux règles européennes
07:14et bien être attentif justement aux nouvelles dispositions.
07:19On pense par exemple à la directive transparence des rémunérations,
07:22mais il y a bientôt bien d'autres textes.
07:24Effectivement, vous avez raison.
07:25C'est-à-dire qu'il faut être vigilant au droit européen
07:26parce que les salariés qui n'obtiennent pas une décision favorable
07:32vont aller chercher des dispositions du droit européen
07:35qui les arrangent et vont demander en fait,
07:38dans un premier temps au juge Prudomal,
07:40à la Cour d'appel puis ensuite à la Cour d'accassation,
07:43de consacrer la primauté du droit européen
07:45sur les dispositions légales françaises.
07:49Est-ce que pour terminer,
07:51est-ce qu'il y a des bonnes pratiques à avoir en tête
07:53pour justement mettre en place de manière sereine
07:58l'essentiel de ces dispositions ?
08:00Alors, les bonnes pratiques,
08:01je pense que ce serait d'abord d'attendre les précisions
08:05du ministère du Travail.
08:08Je pense que ça, c'est le premier conseil.
08:11Et ensuite, sensibiliser en interne sur ces décisions
08:16qui peuvent avoir un impact en fait sur les litiges en cours.
08:20On va conclure là-dessus.
08:22Merci Victor Mollet.
08:23Je rappelle que vous êtes avocat, fondateur du cabinet EG Avocat.
Écris le tout premier commentaire