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  • il y a 3 mois
Mardi 30 septembre 2025, retrouvez François de Bérard (Associé, Lacourte Raquin Tatar) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00On commence tout de suite ce Lex Inside, on va parler de la preuve en matière de contentieux international avec mon invité François de Bérard, associé chez La Cour Traquin-Tatar.
00:21Bonjour François. Bonjour Arnaud.
00:22Alors la preuve est fondamentale en matière de contentieux et surtout en matière de contentieux international, on va en parler ensemble, mais avant toute chose, quels sont les grands principes qui régissent la preuve en France ?
00:35Bien sûr Arnaud, vous l'avez dit, c'est central. Qui veut gagner son procès doit le prouver, je dirais c'est l'élément de bon sens principal que chacun dans votre auditoire doit avoir en tête,
00:47ce qui signifie que dès que vous êtes dans un temps de pré-contentieux, il ne faut pas hésiter à faire appel à son avocat pour que cette phase se prépare progressivement pour documenter son dossier si jamais un jour il arrive devant un juge.
01:02Donc la phase amont est quand même importante ?
01:03Elle est extrêmement importante, elle est préparatoire et on va y revenir un petit peu plus tard sur certains de nos outils.
01:09Les principes en droit français, ils sont assez classiques, c'est le principe de liberté de la preuve.
01:13Les faits et les actes se prouvent par tout moyen en droit français, par exception lorsque votre acte concerne une valeur de plus de 1500 euros, le législateur exige un écrit.
01:23Pour le reste, la preuve est totalement libre.
01:25Deuxième grand principe qui irrigue notre droit de la preuve français, c'est celui de sa lycéité et là-dessus on peut attirer l'attention de notre auditoire sur des éléments récents assez importants.
01:35Pendant longtemps, on a considéré que la preuve recevable était une preuve en quelque sorte légale, obtenue dans des conditions légales.
01:44La CEDH ayant une appréciation plus ouverte de ce critère considérant que le débat contradictoire sur les éléments de preuve permettait de couvrir peut-être certaines preuves obtenues dans des conditions plus discutables.
01:57Dans un arrêt très important de l'Assemblée plénière de 2023, la Cour de cassation a considéré que des preuves obtenues dans des conditions plus contestables, en l'occurrence des enregistrements clandestins,
02:08étaient recevables au procès à condition que cet enregistrement clandestin, cette preuve obtenue dans des conditions peut-être plus déloyales, soit proportionnée à l'apparition de la vérité dans le procès civil ou commercial.
02:20Donc évidemment, ça change le paradigme de manière drastique.
02:23C'est une évolution importante.
02:24C'est une évolution très importante parce que là encore, dans notre auditoire, les gens doivent comprendre que la prudence est de mise dans les relations civiles, commerciales et économiques
02:34puisque dans n'importe quel contexte, vous pouvez faire l'objet aujourd'hui, compte tenu de nos moyens technologiques, à des enregistrements qui pourraient être versés sous réserve d'un contrôle de proportionnalité, bien sûr,
02:44mais néanmoins qui vous placent en risque dans le procès futur.
02:47Donc il faut l'avoir à l'esprit.
02:48Et enfin, dernier point sur ce sujet, je dirais, de grands cadres de notre droit de la preuve, évidemment, certains secrets sont protégés, le secret bancaire, le secret des affaires
02:58et on le sait, le législateur a là aussi mis en place ce qu'on appelle des cercles de confidentialité dans le cadre des procès, de sorte que certaines preuves nécessaires à l'établissement de la vérité
03:08soient accessibles à l'ensemble des partis mais dans des conditions de confidentialité strictes, essentiellement les conseils et les experts tels que le précise la jurisprudence.
03:16Alors on a vu les grands principes du droit de la preuve, on va s'intéresser à une autre évolution importante, c'est celle de l'article 145 du Code de procédure civile, expliquez-nous.
03:26Bien sûr, là aussi, petit rappel d'ordre général, le principe posé par l'article 145 est une mesure, je dirais, extrêmement efficace du droit de la preuve français
03:38puisque avant tout procès, parfois même de façon non contradictoire, vous pouvez demander l'autorisation au juge de mener des mesures d'instruction parfois extrêmement intrusives
03:49qui consistent alors soit simplement à aller faire des constats chez un de vos concurrents, soit même à aller obtenir copie de disques durs, de données, d'échanges e-mails,
03:59de notes de téléphone portables pour établir les faits qui seront la base de votre procès futur.
04:06Donc on a un mécanisme extrêmement efficace qui a fait l'objet, je dirais, de plusieurs évolutions qui méritent d'être prises en compte.
04:14Alors une évolution très récente prise par le pouvoir réglementaire qui vient de rentrer en vigueur en septembre 2025
04:20qui concerne la compétence parce qu'il y a eu quelques divergences de la jurisprudence dans nos juridictions sur la question de la compétence territoriale en la matière.
04:29Ça a été réglé par le texte et aujourd'hui les précisions sont dans la loi et dans le texte de l'article 145.
04:35Et ça a dit quoi ?
04:36Et essentiellement, on indique que le juge territorialement compétent est le juge qui sera compétent sur le procès au fond
04:42ou le juge du lieu dans lequel la mesure doit être exécutée.
04:45Et il est également précisé qu'en matière de mesures d'instruction qui portent sur un immeuble,
04:51le seul juge compétent est le juge ou dans le ressort duquel se trouve l'immeuble en question.
04:56Donc on a précisé un peu ce point-là.
04:58Et puis l'autre élément qui est en réalité plus une tendance de fond, je dirais, de la jurisprudence sur cet outil qui est vraiment extrêmement efficace
05:04et que les opérateurs étrangers et nos confrères étrangers connaissent peut-être un peu moins cet article 145,
05:12c'est que sur la base d'un texte très large, puisque le texte est très court et très large,
05:18la jurisprudence a quand même encadré au fil du temps la pratique,
05:21évidemment en mettant en place des séquestres lorsque vous saisissez des documents
05:25et notamment des documents informatiques chez un commissaire de justice
05:28et en encadrant, en resserrant, je dirais, les conditions de l'appréciation du motif légitime
05:34qui vous autorise à obtenir cette mesure.
05:36Et la petite limite qu'on a observée et que les praticiens observent aujourd'hui,
05:41c'est que vous avez un premier temps très efficace,
05:44où vous allez chez votre adversaire opérer des constats, saisir des documents très importants,
05:49ce qui évidemment...
05:50On se constitue des preuves.
05:51On se constitue des preuves et c'est très agressif à l'égard de votre adversaire.
05:54C'est très intrusif.
05:55Très intrusif, il n'est pas prévenu.
05:56Et ensuite, on entre dans une deuxième phase de recours contradictoire
06:01qui, compte tenu des délais un peu incompressibles, je dirais, de nos juridictions,
06:06ouvre une phase beaucoup plus longue,
06:08durant laquelle vous n'avez toujours pas accès à vos documents
06:11et qui retarde un peu d'autant, je dirais, l'engagement du procès au fond.
06:15Et là, aujourd'hui, je crois qu'il y a un constat assez général chez les praticiens
06:18qui observe qu'on a sans doute trop resserré les conditions de l'article 145
06:24et qu'une réflexion plus générale sur son évolution
06:28pour retrouver quand même une certaine efficacité,
06:30tout en protégeant évidemment...
06:31Et pour préserver les garanties de la défense, c'est ça ?
06:33Évidemment.
06:34Ces dispositifs ont été mis en place pour préserver les droits de défense
06:37et ils sont tout à fait essentiels et cardinaux.
06:39Mais compte tenu, encore une fois, de ces délais,
06:42l'efficacité était un peu diluée dans le temps.
06:44Et là, il est grand temps, à mon avis.
06:47J'y avais appelé il y a quelques années dans un article.
06:50Peut-être que l'ensemble des praticiens, des magistrats,
06:53se mettent autour de la table avec le législateur
06:55pour voir comment on pourrait redonner un second souffle
06:58à ce mécanisme qui est essentiel pour établir des preuves en droit français.
07:02Alors, on va s'intéresser maintenant aux spécificités
07:04du contentieux international.
07:07Quelle est la singularité de ce contentieux ?
07:09Alors, je dirais que dans le cadre des contentieux,
07:12on va dire privés, civils et commerciaux internationaux
07:15pour l'essentiel,
07:17la spécificité, elle tient au fait d'abord
07:20que le procès est international.
07:22Donc, vous pouvez avoir plusieurs juridictions
07:23saisies peu ou prou des mêmes faits
07:26ou de faits connexes
07:27qui intéressent les différentes juridictions
07:29qui sont saisies du dossier.
07:33Et la seconde spécificité,
07:35c'est des traditions juridiques extrêmement divergentes
07:39entre, pour l'essentiel,
07:40les systèmes de civil law,
07:42tels que le nôtre,
07:43et les systèmes de common law, exactement,
07:45où la procédure d'obtention des preuves
07:47est entre les mains des partis.
07:49C'est-à-dire que ce sont les partis
07:50qui vont aller chercher des preuves
07:51avec des procédés très efficaces,
07:54très intrusifs qui sont les discoveries
07:55où vous faites...
07:56Aux Etats-Unis,
07:57c'est qu'on peut tout vous prendre quasiment, c'est ça ?
07:59Pour l'essentiel,
08:00on peut quasiment tout vous prendre.
08:02Et ensuite, les partis,
08:03dans des phases d'ailleurs assez longues
08:04et pas si efficaces que cela,
08:08discutent des preuves
08:09qu'elles vont admettre pouvoir déposer au procès.
08:11Mais la grande crainte,
08:12notamment des opérateurs économiques français,
08:13c'est qu'on ouvre les livres
08:15de la société française,
08:17on ouvre les livres d'un concurrent,
08:19et tout ça part aux Etats-Unis
08:20dans des procédures,
08:21ou en Angleterre,
08:22dans des procédures
08:23dont on a assez peu de contrôle.
08:25Pour essayer de protéger les opérateurs,
08:27d'abord, la France est partie
08:29à la convention de l'AE de 1970
08:30sur l'obtention des preuves
08:32qui met en place un système
08:33de commission regatoire internationale
08:35d'autorité à autorité,
08:37c'est-à-dire que l'autorité étrangère
08:39qui souhaite que des preuves françaises
08:40soient produites
08:41doit contacter l'autorité française central,
08:43qui est en gros une division
08:45du ministère de la Justice,
08:47et puis ensuite,
08:48le juge français opère
08:49les mesures d'instruction,
08:51soit l'audition d'un témoin,
08:52soit la recherche de documents
08:53qui seront ensuite versés.
08:54Donc vous avez un processus
08:55assez cadré, un peu long,
08:57mais que typiquement,
08:58les Etats-Unis refusent
09:00de mettre en œuvre.
09:02Et à cet égard,
09:04le législateur français,
09:05pour, je dirais,
09:07protéger les opérateurs français,
09:09a adopté la loi de blocage
09:10en 68 et 80,
09:11qui, en quelque sorte,
09:13interdit, sous peine pénale,
09:14aux opérateurs français
09:15de produire à l'étranger
09:17des documents
09:18qui seraient demandés
09:20dans le cadre de Discovery.
09:21Et là-dessus,
09:22en 2022,
09:23le processus a été
09:23largement modifié,
09:25modernisé en, je dirais,
09:29donnant une compétence élargie
09:31à un service de Bercy,
09:32le CIC,
09:33qui va opérer un test,
09:35en réalité,
09:36et va donner son avis
09:37sur la capacité
09:38pour un industriel français,
09:40une grande société française,
09:41de produire ces pièces
09:42à l'étranger.
09:43On va conclure là-dessus.
09:44Merci François de Bérard.
09:45Je rappelle que vous êtes associé
09:46chez la Cour Traquin-Tatar.
09:48Je vous remercie.
09:49Tout de suite,
09:49l'émission continue.
09:50On va parler du cadre juridique
09:52des fake news.
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