- il y a 2 mois
Aujourd'hui, c'est au tour de Benjamin Morel, constitutionnaliste, de faire face aux GG. - L’émission de libre expression sans filtre et sans masque social… Dans les Grandes Gueules, les esprits s’ouvrent et les points de vue s’élargissent. 3h de talk, de débats de fond engagés où la liberté d’expression est reine et où l’on en ressort grandi.
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00:00RMC, face aux grandes gueules.
00:05Vous connaissez son visage maintenant, sa voix aussi, le constitutionnaliste Benjamin Morel qui est avec nous.
00:11Bonjour Benjamin Morel.
00:13Juste une première question de suite, est-ce que c'est une crise politique du moment ou est-ce que c'est une crise de régime ?
00:19En fait, la porosité entre les deux, elle est assez importante.
00:22Vous savez, si on reprend 1958, on a l'impression que c'est la nouvelle constitution de la Vème République
00:27qui a tout changé, que tout d'un coup c'est la stabilité, etc.
00:30En fait, ce n'est pas si évident.
00:31La Vème République, elle est instable jusqu'en 1962, quand à ce moment-là, De Gaulle a une majorité absolue
00:36et c'est surtout le retour du général De Gaulle, bien plus au début que les institutions,
00:40qui permet de stabiliser le système politique.
00:43Le problème de la fin de la Vème République, c'est qu'à l'époque, vous avez 25% de communistes,
00:47on ne peut pas s'allier avec eux, on est en pleine guerre froide.
00:488% de pujadistes, c'est l'extrême droite de l'époque, on peut dire.
00:51On ne peut pas s'allier avec eux parce qu'ils sont pujadistes.
00:53Et 4,5% de gaullistes avec qui on ne peut pas s'allier parce que De Gaulle ne veut pas.
00:56Ça fait 37,5% de notre hémicycle qui est gelé à toute perspective d'alliance.
01:01Vous prenez l'Assemblée, là.
01:02Il y a 25% de RN, 12,5% de la FI.
01:05C'est le même problème d'impossibilité de former des majorités.
01:10À la fin de la Vème République, on a un problème majeur, c'est la guerre d'Algérie.
01:13Aujourd'hui, on a un problème majeur, c'est la question de la dette.
01:15Vous avez un problème que vous n'arrivez pas à régler et de l'autre côté, un blocage.
01:19Qu'est-ce qu'on fait à la fin de la Vème République ?
01:21On cherche des gouvernements, on les cherche, on les cherche, on n'en trouve pas.
01:24Et finalement, De Gaulle revient et on met par terre les institutions.
01:27Et là, on arrive à la crise de régime qui n'est pas d'abord une crise constitutionnelle.
01:30C'est vraiment cette impossibilité de régler les problèmes.
01:32Aujourd'hui, on est au même point.
01:34C'est-à-dire que le problème n'est pas tant dans la Constitution.
01:37Le problème, c'est qu'on a un blocage politique profond.
01:39Un problème qu'on n'arrive pas à résoudre.
01:41Donc, on va chercher des gouvernements.
01:42Ça ne marche pas, on fera une dissolution de l'Assemblée.
01:44Le plus probable, c'est que ça ne donne toujours pas de majorité.
01:46On peut imaginer une démission du Président de la République,
01:49mais ça ne changera pas fondamentalement la donne.
01:51On peut changer de constitution.
01:52Est-ce que ça changera la situation ?
01:53Pas forcément.
01:54Donc, il n'y a pas de solution.
01:55Juste qu'on trouve la sortie du problème.
01:56Il n'y a pas de solution.
01:56Vous écoutez Benjamin.
01:58Si on prend encore une fois le parallèle de la fin de la Quatrième République,
02:00c'est le retour de De Gaulle.
02:01Et le retour de De Gaulle, ça donne quoi ?
02:02Ça donne un parti communiste qui s'effondre,
02:04des bouges à disques qui disparaissent de la scène politique.
02:06Donc, il faut chercher notre De Gaulle.
02:08En attendant de trouver notre nouveau De Gaulle,
02:14une décision de François Bayrou qui semble quand même incompréhensible.
02:17Il demande un vote de confiance.
02:19Ça existe, c'est classique.
02:20Donc, discours de politique générale.
02:22Et c'est aux députés de se prononcer.
02:23Est-ce qu'on est d'accord avec ce discours ou pas ?
02:25Il demande à l'opposition, puisqu'il n'a pas de majorité,
02:28de voter la confiance.
02:29Mais, j'ai regardé, dans aucune démocratie,
02:32ça marche comme ça, parlementaire.
02:33C'est-à-dire, jamais l'opposition, tout d'un coup,
02:36vote la confiance,
02:37puisque, par définition, l'opposition, elle s'oppose
02:40à ce que vient dire le Premier ministre.
02:41Vous avez tout compris, en fait.
02:42Il y a deux façons de décrire l'opposition en sciences politiques.
02:45D'abord, l'opposition ne vote pas votre budget.
02:47Or, que demande François Bayrou ?
02:48Votez mon budget.
02:49Et deuxième élément, l'opposition ne vote pas les votes de confiance.
02:53Ou, en tout cas, ne les accepte pas.
02:54Et donc, dans ce cadre-là, on dit beaucoup,
02:56si les socialistes votaient la confiance.
02:58Mais si les socialistes votaient la confiance,
02:59ils feraient partie de la majorité.
03:00Oui, ils seraient dans le gouvernement.
03:01Donc, vous comprenez bien que ce n'est pas possible.
03:02Et donc, quand François Bayrou déclenche un 49 alinéa 1er,
03:06il sait qu'il va dans le mur, fondamentalement.
03:09Ou alors, il n'a pas compris à la Constitution.
03:10C'est une forme de suicide politique, ou alors de naïveté absolue.
03:14Parce que ce n'est pas un hasard si aucun gouvernement minoritaire
03:18dans ce pays, depuis 1958, n'a demandé la confiance.
03:21Parce que, tout bêtement, il sait qu'il ne l'obtiendra pas.
03:24C'était le cas de François Bayrou au début,
03:25donc il était un peu conscient de ça.
03:26C'était le cas de Michel Barnier,
03:27c'était le cas de Gabriel Attal,
03:29c'était le cas d'Elisabeth Borne.
03:30Avant de Gros-Rocarbe et Régo-Voix-Cresson,
03:32on ne demande pas la confiance quand on n'a pas de majorité.
03:35Et donc, en le faisant, il savait qu'il allait dans le mur,
03:38ou alors il pêche en naïveté.
03:40C'est du cinéma, cette semaine, les consultations,
03:42tout ça, c'est pour résumer la galerie ?
03:44C'est peut-être pour soigner sa sortie,
03:47pour essayer d'expliquer qu'il a négocié jusqu'au bout,
03:49mais il y a quand même des marges de négociation
03:50plutôt à l'automne sur le budget,
03:52donc auquel cas, ce n'était pas forcément excessivement habile.
03:54Dans tous les cas, en effet,
03:56pour des raisons plus arithmétiques que constitutionnelles,
03:59le vote du 8 septembre ne fait garde-doute.
04:02Antoine ?
04:04Mes cours de droit constitutionnel sont un peu loin,
04:08mais je me souviens...
04:09C'était dix minutes, je crois.
04:10Et de sciences politiques ?
04:11Un mardi.
04:13Il y a des séances de rattrapage tous les jours, en ce moment.
04:16J'ai le souvenir que les spécialistes n'arrivaient pas à trancher
04:19si la Ve République était un régime présidentiel
04:22ou un régime parlementaire,
04:23parce qu'en fait, tout dépend de la conjonction politique.
04:27Et je crois vraiment que l'exécutif bicéphale
04:31qu'on a dans notre pays,
04:32avec un président élu au suffrage universel direct
04:36pour cinq ans,
04:37qui est en fait le chef de l'exécutif,
04:39qui nomme une espèce de fusible Premier ministre...
04:43Un collaborateur ?
04:43Un collaborateur.
04:45Ça ne marche plus.
04:45Ça marchait quand on avait un président très fort
04:48qui s'inscrivait dans le temps long,
04:50avec un septennat,
04:52et qui avait le fait majoritaire.
04:54Le président avait nécessairement une majorité.
04:56Et donc, moi, j'ai longtemps été pour favorable
04:58à une vision un peu gaullienne
05:00d'un régime présidentiel.
05:03Mais en réalité, je pense que la France
05:05veut un régime parlementaire.
05:07Et qu'aujourd'hui, c'est le Parlement
05:09qui devrait désigner son Premier ministre
05:12et se mettre en fin d'accord
05:13pour trouver des solutions.
05:14En fait, la Ve République,
05:15c'est un régime dans lequel le président
05:17n'est pas si fort que ça.
05:18Il est fort quand...
05:19S'il a une majorité.
05:20Il est fort s'il a une majorité.
05:21Celui qui détient une majorité
05:23est celui qui a le pouvoir.
05:24Quand c'est le Premier ministre,
05:25on appelle ça une cohabitation.
05:26Quand c'est le président,
05:27en effet, il y a ce présidentialisme
05:29quasi bonapartiste.
05:30Quand il n'y a pas de majorité,
05:31ce n'est pas non plus le Parlement,
05:32ce n'est personne.
05:33Et aujourd'hui,
05:34le problème n'est pas où est le pouvoir.
05:35Le problème, c'est est-ce qu'il y a un pouvoir ?
05:37Il n'est pas à Matignon,
05:38il n'est pas à l'Elysée,
05:38il n'est pas au Palais-Bourbon
05:39parce que je n'ai pas de majorité.
05:41Et donc, dans cette situation-là,
05:43je crée une situation,
05:44je dirais, d'impotence.
05:46Alors, on élite parfois
05:47les présidents au suffrage universel direct
05:49dans d'autres pays européens.
05:50C'est le cas, par exemple, au Portugal,
05:52c'est le cas en Autriche,
05:52c'est le cas en Finlande,
05:53mais vous avez une proportionnelle.
05:54Et comme il y a une proportionnelle,
05:55ils n'ont pas de majorité.
05:57On arrive à former des coalitions.
05:59Aujourd'hui, on cumule,
06:00je dirais, les deux problèmes.
06:02C'est-à-dire que le mode de scrutin majoritaire
06:03a deux tours.
06:04Le mode de scrutin qu'on a,
06:05c'était le mode de scrutin
06:06de la Troisième République aussi,
06:07mais il ne donnait pas de majorité.
06:08C'est un mode de scrutin
06:09qui est intéressant
06:10quand vous avez une bipolarisation
06:11de la vie politique.
06:12Quand vous avez une droite et une gauche,
06:14ça donne des effets de vagues,
06:15ça donne des majorités absolues.
06:16Quand vous avez une tripolarisation,
06:18et là, ce à quoi on assiste,
06:19c'est une vraie tripolarisation,
06:20RN, centre, gauche,
06:22et bien ça ne donne pas des majorités
06:23et ça fige les systèmes d'alliance
06:24et donc ça rend le système
06:26relativement ingouvernable.
06:27Un scrutin à un tour sur les législatives
06:30nous débloquerait la situation.
06:32Ça pourrait aider, entre guillemets,
06:33mais si vous faites un mode
06:34de scrutin majoritaire à un tour,
06:36ça veut dire que vous avez
06:37une forte irreprésentativité.
06:39Regardez par exemple la dernière fois
06:40en Grande-Bretagne.
06:41La droite a gagné très largement en voix.
06:43Seulement, elle a été divisée.
06:44Et donc la gauche a gagné en siège.
06:46Et donc aujourd'hui,
06:47vous avez un gouvernement britannique
06:48qui est très minoritaire dans l'opinion
06:49parce que la droite est partie divisée.
06:52Et donc admettons qu'on plaque ça
06:54sur le premier tour des dernières législatives.
06:57Le RN a une majorité absolue large
06:59alors que ses opposants
07:00étaient coalisés au second tour.
07:02Si vous le plaquez sur le deuxième tour
07:03des législatives,
07:04c'est la gauche qui a une majorité absolue.
07:06Alors que de l'autre côté,
07:08la droite et le centre
07:09étaient largement plus majoritaires.
07:11Donc cette situation-là
07:12fait que le risque in fine,
07:14c'est que vous arrivez à avoir
07:14une majorité absolue
07:15et quelque chose très artificielle.
07:16L'électeur votrait différemment
07:18dans ce mode de scrutin, à mon avis.
07:19Ce qu'on voit en Grande-Bretagne aujourd'hui,
07:21c'est que la tripolarisation,
07:23qui aujourd'hui n'est pas quelque chose
07:24de franco-français,
07:24il faut bien l'entendre,
07:25ça existe aujourd'hui en Allemagne
07:26et ça existe en Grande-Bretagne
07:27alors qu'on pensait qu'en Grande-Bretagne,
07:28c'était le temple des deux parties,
07:31les travaillistes contre les conservateurs.
07:33Même en Grande-Bretagne,
07:34l'opinion se tripolarise,
07:36ce qui montre que ça renvoie
07:37à des structures fondamentales
07:42un phénomène franco-français,
07:44la montée du populisme,
07:45la montée d'une droite plus populaire,
07:48plus populiste,
07:49on va l'appeler comme ça,
07:50on la voit un peu partout,
07:52la fin de la gauche
07:56et de la droite traditionnelle.
07:57Comment vous l'expliquez
07:58dans nos démocraties ?
07:59Il y a beaucoup de facteurs.
08:01Je dirais qu'on a un fonctionnement
08:04de l'espace public
08:04beaucoup plus en silo que naguère
08:06et donc ce fonctionnement
08:07de l'espace public
08:07crée des fracturations
08:08qui vont être beaucoup plus profondes.
08:10L'autre élément,
08:11c'est la faiblesse des parties.
08:12On était dans le monde occidental
08:14héritier d'une structure des parties
08:16qui datait à peu près des années 20.
08:17Montée du marxisme,
08:18structuration d'une nouvelle gauche
08:19d'un côté
08:20et de l'autre côté,
08:21une droite qui se coalise
08:22pour faire obstacle
08:23à la montée du marxisme
08:25avec une question structurelle
08:27qui était la question sociale
08:28qui divisait l'opinion publique.
08:30Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
08:31Il y a plusieurs questions
08:32qui se posent.
08:32Il y a les questions d'identité,
08:33d'immigration,
08:34il y a toujours la question sociale,
08:35il y a la question de l'écologie.
08:36Tout ça crée
08:37une multifactorisation de l'opinion
08:40et par ailleurs,
08:41une fluidité du vote
08:43beaucoup plus grande.
08:44Vous savez,
08:44quand vous faites un sondage d'opinion,
08:46par exemple,
08:46pas au chocolat contre chocolatine,
08:47les gens bien disent pas au chocolat,
08:49vous avez toujours une ventilation
08:50qui est liée
08:52aux parties politiques.
08:54Est-ce que vous êtes proche
08:54des LR ?
08:55Est-ce que vous êtes proche
08:55du PS,
08:56des LFI,
08:56etc.
08:57Quand vous demandez aux Français
08:58de quel parti ils sont proches,
09:00il y a entre 4 et 6 Français
09:01sur 10
09:01qui ne répondent pas.
09:02Et donc ça fait une partie
09:03de l'opinion
09:04qui en fait,
09:04soit s'abstient,
09:05soit est volatile,
09:06il peut aller voter à gauche,
09:07à droite,
09:07etc.
09:08Alors qu'avant,
09:08quand on votait à gauche,
09:09on votait à gauche toute sa vie
09:10ou à droite toute sa vie,
09:11il y avait des espèces de...
09:12Même si c'était familial.
09:13Ceux qui sont les plus sûrs
09:14de leur vote aujourd'hui,
09:15c'est les personnes âgées
09:16parce que quand vous avez voté
09:17Pompidou,
09:18Chirac,
09:18etc.,
09:19naturellement,
09:20vous votez à droite.
09:20Quand vous avez voté Mitterrand,
09:21quand vous avez voté Hollande,
09:22etc.,
09:23naturellement,
09:23vous votez à gauche.
09:23Pour les jeunes,
09:24c'est beaucoup moins évident.
09:25On dit beaucoup,
09:26les anciens communistes
09:28se sont mis à voter RN.
09:30C'est pas vrai.
09:31C'est leurs enfants.
09:32Leurs enfants aujourd'hui
09:33ont un vote beaucoup plus volatil
09:34et donc les votes générationnels
09:36se sont déplacés
09:37et cette situation-là
09:38passe à créer de l'instabilité.
09:40Jérôme ?
09:41Mais quand vous dites,
09:42même vous votez à droite,
09:43quelle droite ?
09:45Parce que les personnes âgées
09:46qui votaient à droite
09:47voteraient donc,
09:48on peut supposer LR
09:49ou l'équivalent.
09:51Quand on voit les scores du LR,
09:53ils ne reflètent pas du tout
09:53le vote des personnes âgées.
09:55Il n'est pas à l'aune
09:55de l'importance des personnes âgées
09:57dans la population française.
09:58Donc ça montre
09:59qu'il y a une rupture
10:00entre le politique
10:01et la base,
10:03le votant,
10:03quelle que soit sa génération.
10:05D'ailleurs,
10:05on n'y comprend plus rien.
10:06Moi, ma question,
10:07c'est comment on en sort ?
10:08Parce que hormis
10:09les balles neuves
10:10dont parle Barbara,
10:11c'est-à-dire
10:12une élection présidentielle anticipée
10:14qui remettrait les compteurs à zéro,
10:15hormis cela,
10:17quel est le salut ?
10:18Parce que la situation,
10:19elle est inextricable,
10:20on perd du temps,
10:21on est dans un pays
10:22qui a été construit
10:23sur une sphère politique nationale
10:25qui gouverne
10:26en droite ligne
10:27toutes les administrations,
10:29quel que soit leur niveau.
10:30Et aujourd'hui,
10:30les entreprises,
10:31par exemple,
10:32n'ont plus d'interlocuteurs.
10:33S'il n'y a pas de gouvernement,
10:33il n'y a pas d'interlocuteurs.
10:34Donc tout s'arrête.
10:35Donc comment on sort de ça ?
10:36Comment on sort de cette crise ?
10:38Alors,
10:38pour reprendre un peu vos éléments,
10:40en effet,
10:40il n'y a pas qu'une droite.
10:41Et quand on regarde aujourd'hui
10:42l'électorat RN,
10:44ce n'est pas un électorat de droite,
10:45très majoritairement.
10:46C'est un électorat plutôt populaire
10:48qui vote pour le social
10:49et pour l'identité.
10:50Et ce n'est pas forcément soluble
10:51avec l'électorat LR.
10:53C'est des enjeux
10:53qui sont très différents.
10:55Et donc,
10:55d'où la difficulté
10:56des idées du nom des droites,
10:57etc.
10:57Électoralement,
10:58ça tient peu.
10:59Ensuite,
10:59sur le deuxième élément,
11:01alors on parlait tout à l'heure
11:01de mode de scrutin de proportionnel.
11:03L'avantage de la proportionnelle,
11:04c'est que ça permet plus facilement
11:05de construire des coalitions,
11:06tout bêtement,
11:07parce que vous n'êtes pas prisonnier
11:08de vos alliances
11:08pré-premier tour.
11:09Je ne vais pas rentrer dans les détails,
11:11mais ça peut permettre de fluidifier.
11:12Ce que permettrait de faire
11:13une proportionnelle
11:14plus facilement aujourd'hui,
11:15c'est quelque chose
11:16type grande coalition à l'allemande.
11:18Et vous comprenez bien
11:18que la grande coalition à l'allemande,
11:19ça a un des avantages majeurs,
11:21c'est que derrière,
11:22quelle alternative ?
11:23Et donc,
11:23les grandes coalitions,
11:24in fine,
11:24ça donne le sentiment
11:25que la seule alternance possible,
11:27ça devient la droite de la droite,
11:28l'extrême droite,
11:28la droite nationale,
11:29on l'appelle comme on veut,
11:30ou la gauche de la gauche,
11:31l'extrême gauche,
11:31on l'appelle comme on veut également.
11:33Et donc,
11:33le champ des partis
11:34dits de gouvernement
11:35se restreint.
11:36Vous en sortez que d'une façon,
11:38soit vous avez une droite
11:40et une gauche traditionnelle
11:41qui arrive à faire baisser ses forces
11:43et à les dévorer,
11:44soit vous avez à terme
11:46ces forces qui rentrent
11:47dans le jeu d'alliance politique.
11:48C'est Mélanie en Italie,
11:49par exemple,
11:50qui fait alliance
11:52avec la droite traditionnelle
11:53et qui finit elle-même
11:54par la dévorer.
11:55Ce qui est certain,
11:56c'est qu'un système tripolaire
11:57comme on le connaît
11:58et étanche,
11:59ça crée forcément
12:00de l'instabilité
12:00sous les Troisièmes Républiques,
12:02Quatrièmes, Cinquièmes,
12:03avec la conscience
12:03de l'Allemagne,
12:04du Népal ou du Bhoutan,
12:06vous arrivez toujours
12:06à un système instable.
12:07Donc,
12:08il faut arriver à rebipolariser
12:10et à redonner un sens
12:11qui ira à l'alternance.
12:12Moi, j'entends ce que vous dites,
12:14mais je pense que
12:15la crise de régime
12:17qu'on traverse,
12:18en réalité,
12:18c'est une crise démocratique
12:20très sévère
12:21qui a commencé en 2005.
12:23Parce que dans un pays
12:24comme la France
12:25qui aime la démocratie
12:26et qui aime
12:27qu'on joue le jeu
12:27de la démocratie,
12:28et notamment De Gaulle
12:29avait joué le jeu
12:30de la démocratie,
12:30quand on dit non
12:31à un référendum,
12:32c'est non à un référendum.
12:33Et quand en 2005,
12:34les Français disent non
12:35à un référendum,
12:36mais que toute la classe politique
12:37vient lui dire derrière
12:38« Vous avez dit non,
12:40mais vous êtes des abrutis »
12:41parce qu'en fait,
12:41il faut penser oui.
12:43Cette crise de régime,
12:44elle s'étale dans le temps
12:45et elle devient
12:46de plus en plus pernicieuse
12:48parce qu'elle justement,
12:49elle est en train
12:49de pourrir
12:50les institutions
12:51de la cinquième.
12:52Et je pense que
12:52on ne mesure pas
12:54à quel point
12:55le non-respect
12:56du référendum de 2005
12:58a miné
12:58la vie démocratique
12:59et la vie politique
13:00des Français
13:00et aussi
13:01les a éloignés
13:03en termes de confiance.
13:04Donc aujourd'hui,
13:05même si on était
13:06dans une crise de régime
13:07ou une crise politique,
13:08là vous expliquez
13:09comme si la France
13:10avait encore
13:11une grande marge
13:11de manœuvre
13:12de souveraineté politique.
13:13Mais excusez-moi,
13:13si demain,
13:14la France décide
13:15de changer de république
13:16et de passer à la sixième,
13:17je ne crois pas
13:18que Mme Ursula,
13:19Van der Leyen,
13:20va réussir encore
13:21à piloter son avion.
13:22Là,
13:22ce ne sont plus
13:23des interférences
13:23qu'elle va avoir,
13:24c'est qu'elle va avoir
13:25les Spoutniks
13:25qui vont vraiment
13:26s'agiter
13:27parce qu'on a
13:28l'Union Européenne
13:29maintenant.
13:30Donc,
13:31un De Gaulle,
13:32oui,
13:32mais De Gaulle
13:33avec l'Union Européenne,
13:34je ne pense pas
13:34que ça aurait fait bon ménage.
13:35Donc,
13:35comment est-ce qu'on fait
13:36pour que la France
13:37reprenne le contrôle
13:39de l'avion,
13:40effectivement,
13:41de son avion,
13:42pas de celui de Van der Leyen,
13:44et qu'elle puisse reprendre
13:45le chemin de la démocratie
13:46quand,
13:47effectivement,
13:47elle n'est plus
13:47complètement souveraine
13:48et qu'en plus,
13:49elle a tourné le dos
13:49à la démocratie en 2005 ?
13:51Alors,
13:51je vous rejoins tout à fait,
13:52en fait,
13:53on peut changer
13:54la Ve République,
13:55mais la Ve République
13:56n'explique pas
13:56pourquoi aujourd'hui,
13:57des États-Unis
13:57à la Pologne,
13:58de la Finlande
13:59au Portugal,
13:59il n'y a personne
13:59dans le monde occidental
14:00qui va bien.
14:01Le vrai problème,
14:02actuellement,
14:02c'est une crise du politique.
14:04C'est quoi le politique ?
14:04On parle beaucoup
14:05de crise de la représentativité.
14:06Dans la notion
14:07de représentativité,
14:08il y a ressemblé à.
14:09Est-ce que mes représentants,
14:10ils me ressemblent,
14:10ils ont la même tendance
14:11politique que moi ?
14:12Mais il y a également
14:12le agir ou non d'eux.
14:14Est-ce que le politique
14:14peut à nouveau agir
14:16sur le réel ?
14:16Si ma réponse,
14:17c'est non,
14:18eh bien,
14:18à ce moment-là,
14:18j'ai trois actions rationnelles.
14:20Soit je me dis
14:20la politique,
14:28un interlocuteur extérieur
14:29qu'est l'État.
14:30L'État,
14:31c'est en fait,
14:31normalement,
14:32l'instrument que le peuple
14:33se donne pour agir
14:34sur son propre destin.
14:35Si je pense que c'est
14:36un acteur extérieur,
14:38à ce moment-là,
14:38j'engendre le communautarisme,
14:40j'engendre le localisme,
14:41etc.
14:42La troisième option,
14:43c'est de dire,
14:43je vais chercher quelqu'un
14:44qui va mettre un grand coup de pied
14:45dans la fourmilière
14:46et qui, à ce moment-là,
14:47va dégager tout
14:49et ça donne le populisme,
14:50voire l'autoritarisme.
14:51Donc, notre crise
14:52de démocratie occidentale...
14:53Ça permet de donner autre chose ?
14:54De Gaulle, à sa façon,
14:56il a donné un coup de pied
14:57à la fourmilière.
14:58Il y a des coups de pied
14:59à la fourmilière.
14:59Et on l'a traité de facho.
15:00Emmanuel Macron,
15:01c'était du dégagisme soft.
15:02C'est une forme de populisme
15:03en 2017.
15:04Il rejetait les partis traditionnels.
15:06Il rejetait les partis, etc.
15:07La question, c'est
15:08quelles conséquences
15:08vous en tirez ?
15:09Évidemment, ça n'a pas marché.
15:10Est-ce que, par exemple,
15:11vous mettez l'État de droit,
15:13si vous jetez l'État de droit
15:14avec l'eau du bain ?
15:16D'une certaine façon,
15:17aujourd'hui,
15:17on a quand même besoin
15:18des structures de l'État de droit.
15:19Il n'y a pas vraiment
15:19de démocratie possible
15:20sans un minimum
15:21d'État de droit.
15:22Et donc, il faut arriver
15:23à trouver aujourd'hui
15:24quels sont les points de blocage.
15:25Au niveau européen,
15:26il y en a beaucoup,
15:27tout en maintenant,
15:28malgré tout,
15:28un système qui est
15:29un système de démocratie libérale.
15:30Un mot, parce que,
15:31comme on a un constitutionnaliste
15:32avec nous,
15:33il y a tout un débat
15:33autour de la taxe Zuckman,
15:35cette fameuse taxe
15:36préconisée par un économiste
15:37qui consisterait à taxer
15:39à 2% les patrimoines
15:41au-delà de 100 millions d'euros.
15:42François Bayrou nous a dit dimanche
15:44c'est anti-constitutionnel.
15:46Qu'est-ce que vous en pensez ?
15:47Alors, le droit,
15:48ce n'est pas des maths.
15:48Celui qui vous dira
15:49c'est inconstitutionnel,
15:50il a un truc à vendre.
15:51Celui qui vous dira
15:51que ça ne l'est pas,
15:53il aura également
15:53quelque chose à vendre.
15:54C'est-à-dire qu'on a
15:55aujourd'hui des doutes.
15:57C'est-à-dire que,
15:57politiquement,
15:58dire oui ou non,
16:00c'est déjà adopter
16:01une position politicienne.
16:03Il y a deux risques
16:04par rapport à la taxe Zuckman.
16:05Le premier,
16:06c'est que vous rompez
16:07ou pourriez rompre
16:08l'égalité de chacun
16:09devant l'impôt.
16:10Étant donné que vous créez
16:11une taxe sur une catégorie
16:13particulière de population
16:14sans qu'il y ait a priori
16:15de justification
16:16d'intérêt général
16:17qui puisse vraiment être posé.
16:18L'autre élément,
16:19c'est qu'on a la notion
16:21également en droit constitutionnel
16:22d'impôt confiscatoire
16:23que le Conseil a fixé à 66%.
16:25Si ça devait dépasser
16:27les 66% du revenu
16:29de celui qui était taxé,
16:30à ce moment-là,
16:31en effet,
16:32ça serait inconstitutionnel.
16:34Après,
16:34on peut avoir des mécanismes
16:35pour atténuer ces deux risques.
16:37Que décidera le Conseil constitutionnel ?
16:39Là, je peux vous pondre
16:4010 pages pour,
16:4110 pages contre.
16:42C'est la beauté du droit constitutionnel
16:44et du droit tout court.
16:45Ce n'est pas une affaire de mathématiques,
16:46c'est une affaire d'interprétation.
16:47Merci,
16:48monsieur le constitutionnaliste
16:49Benjamin Morel.
16:50Merci d'être venu
16:51éclairer nos lanternes.
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