00:00– Voilà, après la presse écrite, après la musique,
00:07place maintenant au cinéma, avec François Grandjac qui nous a rejoint.
00:11Bonsoir François. – Bonsoir.
00:13– Vous êtes réalisateur producteur, dirigeant du studio Tais-toi donc,
00:17mais on va vous donner la parole ce soir, parce qu'on a envie de vous écouter là-dessus.
00:20Vous êtes un, je le disais, un réalisateur producteur qui se passionne
00:24par la tech et par l'intelligence artificielle, je crois bien,
00:26et vous dites que l'IA ouvre des portes incroyables.
00:30C'est intéressant parce qu'il y a deux postures dans votre métier,
00:32il y en a qui redoutent l'arrivée de l'intelligence artificielle.
00:34Vous, vous avez l'air d'être du côté enthousiaste.
00:38Expliquez-nous pourquoi.
00:40– Pourquoi je suis enthousiaste ou pourquoi…
00:42– Pourquoi vous êtes enthousiaste ?
00:43– Moi, je le vois comme un nouvel outil qui va pouvoir me permettre de faire des recherches
00:50et c'est ce que j'ai toujours aimé dans l'audiovisuel, c'est chercher,
00:53découvrir ce qu'on peut faire avec cette matière.
00:57Et puis, il y a autre chose, c'est que dès le début,
01:01quand je suis sorti de mon école de cinéma,
01:02j'ai compris que quand même le cinéma, c'était une industrie
01:05et qu'un réalisateur, c'est aussi un directeur des ressources humaines,
01:09directeur de la communication, un chef d'entreprise, etc.
01:12Et donc, c'est difficile d'avoir un rapport direct avec la création.
01:16Et moi, j'avais envie d'être comme un peintre ou un écrivain,
01:21d'être seul face à mon œuvre et pouvoir créer.
01:23Et là, avec l'IA, enfin, il y a quelque chose.
01:27Je peux comprendre qu'il y a des gens qui préfèrent dans le cinéma le groupe,
01:31le fait de refaire des rencontres, etc.
01:33Mais là, c'est juste une autre manière de pouvoir créer.
01:35– Oui, c'est une autre posture, en fait.
01:36– Une autre posture.
01:37– Alors, vous avez réalisé pas mal de choses avec l'IA.
01:41Typiquement, vous avez fait en 2023 un film sur les 90 ans de l'aquarium de Biarritz.
01:45– Exactement.
01:46– Ce qui est intéressant, c'est que vous aviez un délai à respecter
01:48qui était monstrueux, qui était irréalisable avec des technologies traditionnelles.
01:52– Exactement.
01:53– Et grâce à l'IA, vous avez réussi à livrer votre contenu en temps et en heure.
01:57– Et tout en plus que c'était vraiment le début de l'IA.
01:59Là, c'était le nombre d'hallucinations.
02:02Hallucinations, c'est ce que les IA font des erreurs.
02:04Qu'on a eues pour, voilà, je vois les images qu'on a eues là-dessus.
02:09C'était très drôle.
02:09On avait des phoques qui se transformaient en humains.
02:12C'était complètement fou.
02:13– Ah oui.
02:13– Ça marche un peu mieux maintenant.
02:15Et donc, on a quand même pas mal bossé.
02:17Mais c'est clair que tout ce qu'on a pu faire là,
02:20et surtout, c'était de la création d'images qui n'existaient pas,
02:22ou des photos qu'on mettait en mouvement.
02:25On n'aurait pas pu le faire normalement sans l'IA, oui, c'est clair.
02:28– Alors ça, c'était en quelle année ?
02:31– 2023.
02:31– 2023, novembre.
02:32– Deux ans.
02:33– C'était il y a deux ans.
02:34– C'est deux siècles dans l'IA, non ?
02:37– Oui, c'est clair.
02:37– Quand on voit l'arrivée de ces modèles de génération de vidéos
02:41comme Sora 2, VO3 et beaucoup d'autres,
02:46ça va à une vitesse incroyable.
02:49– Oui, oui, et puis ça va encore s'accélérer.
02:51Mais ce que je remarque par contre maintenant,
02:53c'est que les outils sont plus…
02:56C'est la forme de l'outil qui change plutôt que l'image que ça va rendre.
03:00C'est-à-dire que maintenant, il va y avoir des outils qui vont permettre de…
03:03On donne le fond, on donne un personnage, on donne des couleurs, on donne de la matière
03:08et il va mélanger tout ça.
03:10Alors qu'avant, c'était juste un prompt.
03:11Donc voilà, c'est en train de se complexifier.
03:14– D'accord.
03:15Pourtant, VO marche avec des promptes, finalement, ou Sora aussi.
03:21– Oui, mais VO, par exemple, on peut lui donner une image de départ et de fin.
03:26Et donc, il va faire l'animation entre les deux.
03:28– D'accord.
03:28Oui, oui, oui, c'est ça.
03:29En fait, il y a plusieurs entrées dans VO.
03:31– Oui, il y a plusieurs entrées.
03:32– Mais quand on voit la qualité aujourd'hui photoréaliste des vidéos
03:36qui sont faites par tous ces modèles de dia-génératives,
03:39on se dit qu'allez, dans 10 ans, 15 ans, le cinéma va être complètement bouleversé.
03:44C'est-à-dire que les comédiens seront des avatars,
03:49les décors, les effets spéciaux seront faits par l'IA,
03:52enfin, je veux dire, les figurants seront faits par l'IA,
03:55les scénarios, il existe aujourd'hui des IA génératives
04:00qui arrivent à générer des scénarios.
04:01Qu'est-ce qu'il va se passer dans quelques années ?
04:04– Alors moi, je n'y crois pas trop à ça.
04:05– La question a 10 euros.
04:06– Oui, c'est vrai.
04:07– Elle est bien comme il faut, ça.
04:08– Elle est dangereuse aussi.
04:10– Alors moi, je n'y crois pas trop parce que, par exemple,
04:13là, je viens de terminer un film pour une ONG qui s'appelle VMEH.
04:17Et l'idée, c'est qu'on devait raconter 400 ans d'histoire.
04:24Et sur ces 400 ans d'histoire, on a fait un film de 6 minutes.
04:29Sur ces 6 minutes, il y a, je ne sais plus, 80-90 plans.
04:32Chaque plan a été fait l'un après l'autre,
04:35avec des essais de promptes, 15 fois, 20 fois réessayés.
04:39Et finalement, c'est moi qui faisais le choix.
04:42Je travaillais avec Jean-Pierre Renard de VMEH.
04:49Et donc, on a essayé, on a essayé de créer des choses.
04:53Et finalement, il n'y a pas eu…
04:56Ça n'a jamais été, je tape une phrase et c'est l'IA qui fait la chose.
04:58Ça n'a jamais été ça.
05:00Bon, maintenant, ça va progresser.
05:01Donc, on peut avoir peur de ça.
05:01Est-ce que ça ne va pas le devenir, finalement ?
05:03Je pense que non, parce que…
05:05Est-ce qu'un petit jeune, je ne sais pas moi, féru de cinéma,
05:08très créatif, avec son Mac ou son PC dans quelques années,
05:11ne pourra pas prompter un Dune 5, un Star Wars 12,
05:16avec un photoréalisme et des effets spéciaux
05:19encore plus impressionnant que ceux de Georges Lucas
05:22il y a 30 ans ou 40 ans ?
05:25Alors, dès le début, le cinéma, ça a été une sorte de concours
05:27au truc le plus impressionnant.
05:28Donc, oui, ça va être de plus en plus impressionnant,
05:31mais ce n'est pas ça qui fait le cinéma.
05:34Même dans un film comme Star Wars, c'est quand même l'histoire,
05:38c'est parce que Lucas s'est basé sur les bases du scénario,
05:42qu'il arrive à faire quelque chose qui a touché beaucoup de monde.
05:44Ce n'est pas les effets spéciaux.
05:45Même si ça a été peut-être ce qui a attiré les gens au cinéma,
05:48effectivement, et que moi-même, je peux être très impressionné par ça
05:52et j'adore ça.
05:52Mais ce n'est pas ça qui fait le cinéma.
05:55Et donc, ça ne suffira pas.
05:57Et ce petit jeune avec son ordinateur,
06:00il faudra toujours qu'il fasse des choix quand même
06:02et qu'il dise je veux plutôt mettre ça là,
06:04plutôt faire ça là, etc.
06:06Donc, moi, je pense que c'est vraiment un nouvel outil
06:09qui est impressionnant.
06:11Ce qui est peut-être très bien,
06:12c'est qu'il va nous réapprendre à ne pas faire confiance en l'image.
06:16Jusqu'en 1830-1850, on ne faisait pas confiance dans l'image.
06:24Quand on voyait une peinture, on ne se disait pas que c'était la réalité.
06:26Après, la photo nous a fait croire qu'il y avait une réalité due à l'image.
06:30Maintenant, à mon avis, d'ici 10-20 ans, on ne croira plus à aucune image.
06:34Ce qui est peut-être pas mal, en fait.
06:35Mais ça peut être un problème,
06:36parce que finalement, on ne pourra plus croire à l'information.
06:40C'est ça, la limite, en fait.
06:41Est-ce que ce n'est pas un problème maintenant de croire à l'information
06:44alors qu'il suffit de déplacer l'axe d'une caméra,
06:46de deux mètres ?
06:48On montait différemment une interview.
06:50Voilà, pour faire dire autre chose.
06:53Donc finalement, ce n'est jamais la vérité, une image.
06:56Donc là, au moins, les gens se douteront tout le temps.
06:59Et c'est plutôt bien.
07:01Est-ce que l'IA va bouleverser, à votre avis,
07:03des secteurs peut-être plus B2B,
07:07comme par exemple les promoteurs immobiliers,
07:08les archis, les stylistes, etc.,
07:11pour faire plus facilement des documents,
07:14des vidéos, des choses comme ça ?
07:16Oui, oui.
07:17Là, on fait ça pour plusieurs sociétés dans l'immobilier.
07:22Et oui, l'idée, c'est d'améliorer ou de simplifier leur communication,
07:27que ce ne soit plus que des photos, seulement des photos,
07:29mais que ce soit des photos animées qui deviennent des vidéos.
07:34Non, c'est sûr que ça va développer de plus en plus.
07:36Là, pour reprendre l'exemple de VMEH,
07:39le film qu'on a fait,
07:41si on l'avait fait en réel,
07:42il aurait coûté un million d'euros minimum.
07:43Là, ça a coûté beaucoup, beaucoup moins cher.
07:46Je ne veux pas vous donner le budget, mais beaucoup moins cher.
07:49Il va y avoir des portes qui vont s'ouvrir.
07:51Et ça vous a pris moins de temps que si vous aviez pu faire ce film avec des moyens ?
07:56Oui, 21 jours sur 4 mois, mais si on avait tourné,
08:00déjà, ça aurait été une préparation dingue.
08:02Il y aurait eu plein de pays, on aurait tourné en Égypte, etc.
08:05Le film va un peu partout.
08:07Il y aurait eu une trentaine de comédiens,
08:09de l'avion, du transport, etc.
08:13Ça aurait été énorme.
08:15Là, cette VMEH n'aurait jamais eu de film il y a 3 ans.
08:20Maintenant, ils peuvent.
08:20Et bien voilà, ça bouge en tout cas.
08:23Ça évolue tout cela.
08:24Merci beaucoup François Grandjacques, réalisateur, producteur et dirigeant du studio.
08:28Tais-toi donc.
08:28Merci pour vos éclairages sur ce sujet.
