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  • il y a 6 minutes
Ce lundi 10 novembre, Mikaa Blugeon-Mered, chercheur en géopolitique de la transition énergétique à l'Université du Québec, était l'invité de Laure Closier dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Laure Closier. Ils sont revenus sur les principaux enjeux de la COP30 qui se tiendra du 10 au 21 novembre à Belém. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Le monde qui bouge, le retour sur la COP, l'ouverture officielle c'est aujourd'hui.
00:04Il y a eu déjà des prédiscussions entre la chef de l'État la semaine dernière à Belém au Brésil.
00:08Ça se tient jusqu'au 21 novembre.
00:10Notre invité c'est Mika Blujon-Mérette.
00:12Bonjour, vous êtes chercheur en géopolitique de la transition énergétique à l'université du Québec à Trois-Rivières,
00:18enseignant Pôle énergie-climat à l'école de guerre.
00:21Qu'est-ce qui peut en sortir de cette COP30 ?
00:25Pas un accord direct, on l'espère, mais déjà des pays qui sont motivés pour avancer ensemble.
00:31L'enjeu c'est de sauver le soldat du multilatéralisme climat.
00:34Voilà, c'est le principal enjeu effectivement, puisque chacun sait depuis la réélection de Donald Trump,
00:39évidemment les États-Unis sont engagés dans une lutte féroce par rapport à tous ceux qui veulent agir sur le climat,
00:44que ce soit des États, des investisseurs, des fonds, des banques ou des entreprises privées.
00:49Donc fondamentalement il faut sauver ce multilatéralisme.
00:51Et l'enjeu de Bellem, c'est aussi un enjeu de symbolique, puisque évidemment organiser la COP dans un endroit,
00:57là au cœur de l'Amazonie, c'est bien sûr absolument fondamental, notamment pour le Brésil,
01:02puisque je vous rappelle que le Brésil porte des messages relativement fermes,
01:05notamment sur la question de la transition énergétique.
01:08Mais ce n'est pas la peine d'attendre point 1, point 2, point 3, ils sont tous d'accord,
01:11et il y a un accord tenant et trébuchant, ça ne va plus arriver.
01:15Ce n'est pas que ça ne va plus arriver, c'est qu'il ne faut pas s'attendre à avoir l'accord de Paris,
01:19dix ans plus tard, deuxième version, l'enjeu là tout de suite, ou en tout cas jusqu'en 2028,
01:24jusqu'à ce que Donald Trump soit peut-être éjecté du pouvoir d'une manière ou d'une autre.
01:28Une impulsion suffit.
01:29Une impulsion pour essayer de maintenir les choses.
01:31Parce que les résultats ne sont pas si mauvais, c'est-à-dire que quand on regarde le rapport qui a été publié,
01:36donc au soutien des discussions sur cette COP30,
01:39ce qu'on voit c'est que la trajectoire qui est la nôtre aujourd'hui,
01:42elle n'est pas, si tous les États bien sûr maintiennent leurs promesses,
01:45ils livrent leurs promesses, elle n'est pas si mauvaise que ça par rapport à ce que ça pourrait être.
01:50Je vous renvoie donc tous et toutes au UN Emissions Gap Report qui est donc sorti,
01:54et donc qui nous dit, aujourd'hui, au-delà de la trajectoire qui serait classiquement à 4 degrés,
02:01si vraiment rien n'était fait, l'accord de Paris a fonctionné.
02:03Parce que l'accord de Paris nous permet aujourd'hui d'envisager une trajectoire à 2,3 jusqu'à 2,8 degrés en 2100.
02:10Ce n'est quand même pas terrible, vous êtes très optimiste là, parce qu'on est 1,5, on n'y est pas.
02:13Non, je ne voulais pas être optimiste, je voulais juste dire qu'on est sur une trajectoire
02:17qui est meilleure évidemment que le laisser-faire.
02:20Maintenant, l'enjeu c'est de passer cette période de creux
02:23pour que dans les années 2030, 2040 et ainsi de suite,
02:27on puisse avoir véritablement une action climatique qui a un impact.
02:30Annalisa, sauf que pour la faire, cette transition énergétique, il faut la financer.
02:34Donc à la précédente COP, on s'était mis d'accord sur le fait que les pays riches du Nord
02:38financeraient en partie la transition des pays du Sud global.
02:41Est-ce que ça va vraiment arriver ?
02:43Difficile à dire aujourd'hui, parce que tout simplement,
02:45l'implémentation de ce qui a été décidé à Bakou l'année dernière à la COP29
02:49est difficile effectivement à mettre en œuvre.
02:51Alors là aussi, sans vouloir faire trop d'optimisme,
02:54ce qui avait été décidé à Bakou, c'était piteusement, malheureusement,
02:57300 milliards de dollars à l'échelon mondial par an comme action climat.
03:02C'est évidemment insuffisant pour vous donner un ordre de grandeur.
03:04Il faudrait à horizon 2025-2030 en rythme annuel,
03:093 500 milliards de dollars d'investissement,
03:13ne se passe que pour la transition énergétique,
03:15pour espérer être sur une trajectoire inférieure à 2 degrés.
03:18Donc si vous voulez, on n'est pas du tout dans les ordres de grandeur,
03:20dans les magnitudes nécessaires pour avoir une action climat
03:23qui nous amène à respecter les accords de Paris quoi qu'il arrive.
03:26Donc l'enjeu là aujourd'hui, c'est de faire en sorte que d'une part,
03:29la roadmap qui a été validée de la COP29 à la COP30,
03:34d'une part, puisse permettre que des nouveaux outils de financement,
03:39des logiques d'implémentation, soient validés à cette COP,
03:42de manière à ce que l'année suivante, l'année encore d'après, etc.,
03:45l'accord de Paris puisse continuer à fonctionner.
03:48Mais l'enjeu aujourd'hui, ce n'est pas juste ça,
03:50ça va être dans les années suivantes,
03:52parce que cette année, ça va être difficile à mettre en œuvre,
03:54tout simplement d'essayer d'aller plus loin.
03:57Alors, parmi les outils, évidemment, il y a toujours les taxes,
03:59sur le transport aérien, sur les transactions financières,
04:01sur les produits luxe, sur les biens militaires.
04:02Il y a eu une proposition de Lula qui est intéressante,
04:04sur un fonds pour la déforestation,
04:06sur un modèle de crédit carbone,
04:08ça c'est plutôt intéressant.
04:10C'est intéressant, et c'est un modèle qui est ce qu'ils essayent
04:13d'appliquer ce modèle-là à différents types de transition,
04:15que soit sur la transition en faveur, par exemple, de l'hydrogène vert,
04:18que soit en faveur de la transition pour des carburants de synthèse.
04:21On retrouve ce genre de mécanisme-là relativement à toutes les sauces.
04:26L'enjeu aujourd'hui, c'est de savoir qui va être capable
04:28de véritablement mettre ça en œuvre.
04:29Je vous donne un exemple concret.
04:30On a vu sur les neuf derniers mois,
04:32Scott Besson, le secrétaire d'État américain au Trésor,
04:36tout simplement dire, il faut que la Banque mondiale,
04:38il faut que le FMI arrête de rentrer dans ses logiques climat,
04:42dans ses logiques environnementales,
04:43revenir à un périmètre plus classique.
04:45Et de fait, les États-Unis usent de leur poids,
04:47évidemment, dans les votes au conseil d'administration de ces institutions-là,
04:51pour faire en sorte que ces institutions-là
04:52ne livrent pas cette finance carbone,
04:55n'aident pas les pays du Sud, justement,
04:57à pouvoir récupérer des financements venant du Nord.
05:00Donc, si vous voulez, il y en a tous ces enjeux-là
05:01qui, aujourd'hui, sont exacerbés par ce que les États-Unis
05:04sont en train de mettre en œuvre,
05:05c'est-à-dire pas juste essayer de dérégler le multilatéralisme climat,
05:09mais essayer d'aller encore plus loin,
05:11d'attaquer frontalement toutes celles et ceux,
05:14même les grandes banques de développement,
05:16qui essayent d'implémenter ce qui a été décidé à Bakou l'année dernière.
05:20Annalisa ?
05:20Mika Bujon-Mered, il y a deux ans,
05:22on s'était mis d'accord pour sortir progressivement des énergies fossiles.
05:25Aujourd'hui, le thème ne figure pas à l'agenda de la COP30.
05:29Donc, en fait, c'est une COP qui s'ouvre sur un pas en arrière, carrément.
05:32Lula a essayé en disant très clairement,
05:34voilà, il faut maintenir cet objectif-là,
05:36qui est en fait l'objectif qui avait été difficile à arracher
05:39à la COP28, donc à Dubaï, il y a maintenant deux ans.
05:42Donc, c'est encore sur la table.
05:44Maintenant, le problème qu'on a, c'est évidemment qu'on a un certain nombre d'États,
05:47les États-Unis en tête, bien sûr,
05:49qui de toute manière sont sortis de l'accord de Paris,
05:51mais qui ont évidemment une influence importante,
05:52même si le gouverneur de Californie vient essayer de supplanter,
05:57de pallier à cette absence de l'État fédéral.
05:59Enfin bref, l'enjeu aujourd'hui,
06:01c'est d'essayer de maintenir ce sujet sur la table,
06:03ce que Lula essaye de faire.
06:04Maintenant, il ne faut pas se leurrer,
06:06il y a une vraie difficulté là aussi
06:07de financer cette transition énergétique spécifiquement,
06:10parce que les solutions qu'il faudrait mettre en œuvre
06:12sont à une magnitude tellement énorme
06:16que s'il n'y a pas une impulsion multilatérale forte,
06:21c'est difficile à mettre en œuvre.
06:23Et donc, pour vous donner un ordre de grandeur,
06:24aujourd'hui, cependant,
06:25on a des moyens d'être optimistes, entre guillemets, là aussi.
06:29Je vais vous donner un chiffre clé.
06:30On a vu, sur le premier semestre 2025,
06:33les nouvelles constructions de nouvelles capacités
06:36de solaire et d'éolien dans le monde
06:38dépasser l'augmentation de la demande en électricité.
06:42Donc, ce qu'on est en train de dire et de voir,
06:44c'est que sur ce début d'année 2025,
06:46ce premier semestre,
06:48on a vu une transition énergétique s'opérer
06:50à une petite échelle,
06:52mais tout de même avec une vraie substitution des fossiles
06:55par des solutions d'énergie renouvelable.
06:56Mais ça ne suffit pas.
06:57Il faut des vecteurs.
06:58Il faut des vecteurs qui soient organiques,
07:00il faut des vecteurs non organiques,
07:01il faut de l'hydrogène, de l'ammoniaque,
07:03des carburants de synthèse.
07:03Et ça, aujourd'hui,
07:05ce n'est malheureusement pas sur le sommet de la pile.
07:07Il nous reste une minute pour le rôle des États-Unis.
07:10C'est clair.
07:10Comment voyez-vous celui de la Chine dans la cople ?
07:12La Chine qui essaye aujourd'hui
07:13d'être un relais de la transition énergétique.
07:16Parce que la Chine, on bénéficie à pleine balle, évidemment.
07:18C'est-à-dire que la Chine, aujourd'hui,
07:19maîtrise, par le raffinage, par la transformation,
07:22les cinq métaux les plus stratégiques
07:23de la transition énergétique, bien sûr.
07:25Et quand je dis métaux,
07:30au-delà de ça, il y a évidemment l'impact que la Chine
07:33peut avoir d'un point de vue industriel
07:34sur les véhicules électriques,
07:35sur les aimants, sur les turbines,
07:37sur l'hydrogène, là encore,
07:39puisque c'est typiquement la Chine
07:40qui tire le secteur de l'hydrogène bas carbone
07:42dans le monde entier aujourd'hui.
07:44Donc, fondamentalement, la Chine a un rôle à jouer.
07:46L'Inde est en train de plus en plus
07:47de jouer un rôle aussi.
07:49Et au milieu, l'Europe ne sait pas encore
07:50sur quel pied danser.
07:52Est-ce qu'il faut continuer à essayer de plaire à Trump,
07:54comme on l'a vu avec l'accord du mois de juillet
07:56avec l'Union européenne qui dit
07:57« On va acheter des énergies fossiles américaines »
07:59et puis de l'autre côté, évidemment,
08:00la Chine ou l'Inde qui jouent ce rôle d'épouvantail,
08:03même si ça peut être aussi un bon partenaire.
08:05Merci beaucoup, Mika Bujon.
08:06Mérède est venue ce matin
08:07dans la matinale de l'économie.

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