00:01Quelle recomposition au Moyen-Orient après l'accord à Gaza et la libération des otages ?
00:06On va tenter de dézoomer ce matin pour comprendre le rôle des pays du Moyen-Orient.
00:10Gilles Ali Ben-Shaban, bonjour, vous êtes consultant expert en stratégie et géopolitique.
00:14Quand on écoute Donald Trump et son discours à la Knesset, on l'entend parler du djihadisme, de l'antisémitisme qui ont échoué.
00:20On l'entend parler de la recomposition du Moyen-Orient et puis d'une nouvelle organisation économique.
00:27Comment vous avez lu ce discours, vous, à la Knesset ?
00:30Tout d'abord, c'est un discours triomphant, celle d'un président qui obtient enfin le succès inespéré qu'il attendait sur la scène internationale
00:38et qui s'est fait attendre puisqu'il l'a tenté au préalable avec la question ukrainienne, ça n'a pas fonctionné.
00:44Essayer de rétablir un canal de communication et d'aboutir à un accord sur le nucléaire avec l'Iran, là encore, ça avait bugué.
00:49Et là, finalement, c'est ce triomphe avec cette trêve qui était inattendue, inespérée, dont les grandes puissances,
00:56y compris l'Europe se sont impliquées mais n'ont pas obtenues.
00:58Et là, effectivement, il y a cette envolée quasi lyrique avec cette idée que l'Amérique est de retour,
01:04ça c'est un fait incontestable, avec cette idée qu'il y a un résultat tangible, celle du cessez-le-feu.
01:09Après, la question qu'on peut se poser, c'est est-ce que ce cessez-le-feu va être durable et va pouvoir aboutir vers une paix
01:14et est-ce que la mécanique enclenchée va pouvoir permettre de modifier la tectonique des plaques dans la région ?
01:19Parce que quand il parle à Knesset, il ne parle pas qu'à Israël ni Kouamas, il s'adresse à l'ensemble du Moyen-Orient jusqu'à l'Iran.
01:26Clairement, parce qu'on a assisté à un discours où on a évoqué le terme d'autres nouvelles,
01:31avec cette idée que désormais, il y avait une espérance, une opportunité pour que la paix s'installe,
01:37mais qu'elle ait aussi des bénéfices sur le plan économique, qu'elle stabilise diplomatiquement.
01:41Lors du discours à la Knesset, le président Trump a envoyé des messages subliminaux assez clairs à l'Iran,
01:46en précisant que les États-Unis étaient prêts à aller vers une paix.
01:50Donc, on est vers une vision qui est ambitieuse.
01:52Et j'ai envie de dire que cet accord, cette trêve, c'est une première étape.
01:57Ce n'est pas forcément, en soi, un aboutissement.
02:00Il y a d'autres espérances et d'autres attentes du côté États-Unis.
02:03Annalisa ?
02:04Jilali Ben Chaban, pourtant, l'Iran est très fragilisé en ce moment par la guerre contre Israël du mois de juin,
02:09par les sanctions occidentales qui sont rentrées en vigueur il y a quelques semaines.
02:13Est-ce que l'Iran peut encore avoir un vrai poids dans les questions régionales ?
02:17L'Iran est affaibli sur le plan économique, c'est incontestable.
02:21Elle a subi, je dirais, une sorte de blocage,
02:25parce que certains de ses proxys aujourd'hui sont clairement en situation de régénération
02:31et plus en capacité d'agir.
02:33Néanmoins, l'Iran reste un pays important dans la région,
02:37et ça reste un pays qui compte,
02:38d'où le fait qu'on ait eu ce message des États-Unis
02:40et cette volonté de raccrocher un moment ou un autre le wagon iranien
02:44à la stabilité du Moyen-Orient.
02:46Quand on parle de recomposition économique,
02:48qu'est-ce qu'on attend globalement du côté du Qatar, du côté de l'Arabie saoudite ?
02:54Il y a plusieurs éléments.
02:55D'abord, il va y avoir ce chantier de la reconstruction de Gaza,
02:59qui est un chantier important,
03:00donc l'implication des entreprises régionales.
03:03Du côté États-Unis, c'est aussi clairement avoir son mot à dire.
03:08Et il y a une vision aussi peut-être plus large et ambitieuse,
03:11avec certainement l'idée d'accord d'Abraham étendu,
03:14qui permettrait justement de créer plus de synergies sur le plan politique,
03:18diplomatique, mais aussi économique.
03:20Car les États-Unis, sous Trump, ce sont des deals qui ont quand même une portée économique,
03:24avec l'idée de consolider la position américaine,
03:27qui avait connu sous l'air à Biden une forme d'affaiblissement.
03:32Annalisa ?
03:32Vous avez mentionné lors le Qatar et l'Arabie saoudite.
03:35On a en ce moment l'impression qu'on sort du schéma de lecture de la rivalité
03:40entre l'Iran et l'Arabie saoudite,
03:42pour aller plutôt vers un Moyen-Orient,
03:44réglé par les deux grandes puissances, l'Arabie saoudite et le Qatar.
03:47Est-ce que c'est une impression réelle ou c'est plutôt la conjoncture du moment ?
03:52Je pense qu'on est plus sur un élément conjoncturel,
03:54c'est-à-dire qu'on ne peut pas nier le rôle du Qatar,
03:56qui a joué un rôle fondamental en tant que puissance médiatrice
03:59et qui a permis d'obtenir ce résultat.
04:01De l'autre côté, l'Arabie saoudite reste un acteur économique,
04:04mais il ne faut pas oublier que l'Arabie saoudite elle-même
04:06a avancé sur sa problématique relationnelle avec l'Iran,
04:10notamment lors du rétablissement des canaux diplomatiques en 2023
04:13sous l'égide de la Chine.
04:15Donc ça veut dire que l'Iran, quoi qu'il arrive, reste un partenaire
04:18et il est nécessaire parce qu'une stabilité régionale à long terme
04:22ne peut pas s'envisager sans l'Iran.
04:25Et l'Iran se positionne comment ?
04:27Ils ne sont pas venus en Égypte, ils ont dit qu'ils avaient été invités,
04:31mais qu'ils ne sont pas venus aujourd'hui.
04:32On est dans quel état d'esprit en Iran ?
04:36Je pense que du côté de l'Iran, on réfléchit à la posture
04:39parce qu'on a quand même eu un certain nombre d'événements qui se sont passés,
04:42dont les bombardements qui ont laissé des traces durant le cycle de négociations.
04:46Donc il y a la question de savoir comment on rétablit le canal de communication
04:51avec les puissances occidentales et les États-Unis en particulier,
04:55comment on se repositionne sur ce Moyen-Orient pour ne pas être affaibli.
05:00Donc je pense qu'on est là aujourd'hui dans une posture de redéfinition,
05:05de reconfiguration de leur stratégie, clairement.
05:07Ils sont en attente, il y a une sorte d'attente, on ne se positionne pas officiellement ?
05:13On ne se positionne pas, d'ailleurs l'Iran a réagi de façon modérée
05:17par rapport à l'ouverture américaine,
05:20parce que derrière on a encore ces traces des bombardements américains
05:24qui ont échaudé une grande partie de l'appareil étatique iranien, l'exécutif.
05:31Donc la question du rétablissement, des normalisations et de la passe de l'Iran
05:35passera forcément par cette passe de réflexion, d'introspection
05:38et de comment on revient dans le jeu et à quelles conditions surtout.
05:41L'accord à Gaza, il est fragile, il y a évidemment cette étape avec la libération des otages,
05:46mais on voit que chaque jour c'est compliqué avec le retour des corps
05:49qui est évidemment très attendu.
05:51Est-ce qu'il y a une chance pour que ça fonctionne ?
05:53On aimerait qu'il y ait une chance pour que ça fonctionne,
05:55mais là encore il y a la première dimension qui était la dimension je dirais la plus évidente et symbolique,
06:00c'est la restitution des otages des corps
06:02et de l'autre côté la libération des prisonniers palestiniens.
06:05Ensuite on va commencer à entrer dans le dur, c'est-à-dire toucher les questions techniques,
06:09les questions techniques c'est-à-dire le retrait progressif de l'armée israélienne,
06:13la problématique du désarmement du Hamas, ce qui est loin d'être acté,
06:18l'effacement sur le champ politique.
06:20Donc ce sont des sujets qui sont importants,
06:23pour le moment ils ne sont pas encore mis en avant,
06:25mais dès qu'on va rentrer sur ce sujet-là, ça risque d'être très compliqué.
06:28Merci beaucoup Jérébien Chaban d'être venu ce matin dans la matinale de l'économie.