00:00Que pensent les autres pays européens de nos débats budgétaires français, de notre crise politique ?
00:05C'est la question qu'on va poser ce matin avec Roland Gillet. Bonjour.
00:09Bonjour.
00:09Professeur d'économie financière à l'université Paris 1, Panthéon-Sorbonne, à l'université libre de Bruxelles.
00:15On a vu des unes, notamment dans des journaux allemands, un peu sévères quand même vis-à-vis de nous, Roland.
00:20Oui, sévères, mais je vais dire logiques.
00:23À partir d'un moment où on dérape et où il n'y a personne pour remettre la voiture sur la route,
00:27et personne, c'est parce que c'est l'incertitude politique, évidemment.
00:31Chaque fois qu'il y a un capitaine, on espère que le capitaine va pouvoir diriger le bateau et savoir où va le bateau.
00:36Le problème, c'est que le capitaine ne reste pas suffisamment longtemps pour savoir où finalement va aller le bateau.
00:41Vous voyez un peu ce que je veux dire ?
00:42Et ça, ça crée de l'incertitude.
00:43C'est ni bon, bien entendu, pour la France de façon générale,
00:45mais le plus grave, c'est que ce n'est pas bon non plus pour ses entrepreneurs,
00:48pas bon pour ses consommateurs et pas bon pour les autres Européens,
00:51parce qu'un pays de la taille de la France, avec un gouvernement qui ne reste pas,
00:55c'est une incertitude pour toute l'Europe.
00:57Donc clairement, aujourd'hui, ce qu'il faut, c'est absolument trouver une solution
01:01qui tienne au moins un an, voire aller jusqu'aux présidentielles.
01:05On est sur la journée là, Roland, on n'est pas sur l'année.
01:08C'est pour ça qu'on me demandait ce qu'on se dit ailleurs.
01:09On dit, pourvu qu'ils atterrissent, l'avion est pour le moment devant une piste,
01:13puis après il en prend une autre, puis après il se pose.
01:15Mais bouffe, il décolle, donc on ne sait plus.
01:17Mais quand on entend Roland Lescure, il était à Bruxelles la semaine dernière,
01:20dire « ne vous inquiétez pas, on aura un budget d'ici la fin de l'année,
01:22et en plus on fera 3% de déficit en 2029 »,
01:25qui le croit ?
01:26Mais à mon avis, par grand monde, à partir du moment,
01:29je ne dis pas qu'il ne le pense pas,
01:31mais il le penserait même si personne ne peut mettre en place
01:33cette politique qui permet d'y arriver,
01:35vous retrouvez avec des idées,
01:37et jamais personne qui peut les implémenter.
01:40Vous avez vu aujourd'hui, Philippe Aguillon dit,
01:42il va falloir stopper, ou en tous les cas probablement jusqu'au présidentiel,
01:45la problématique des retraites.
01:46C'est un problème qui n'est pas que français,
01:48c'est un problème essentiel.
01:49Or, c'était quand même un des grands points
01:51sur lequel avait avancé à un moment donné,
01:53et je ne dis pas bien ni mal,
01:54il se dit juste que c'était un point important à traiter Emmanuel Macron,
01:57et donc qu'est-ce qui va en rester au bout du compte ?
01:59Donc tout ça monte quand même en doté,
02:01quand il y a des réformes de société,
02:02il y a une crainte au niveau de la rue,
02:04dans un gouvernement qui n'a pas de majorité,
02:06ou qui n'arrive pas à en avoir une.
02:07Donc c'est là le problème.
02:08Annalisa ?
02:09Alors quand vous dites qu'au niveau européen,
02:11on dit qu'effectivement tout va bien circuler,
02:13il n'y a rien à voir, il n'y a pas de problème,
02:14on a une perte de crédibilité,
02:16en réalité il y a aussi le risque d'une perte d'influence française à Bruxelles.
02:20Oui, je ne pense pas qu'elle est encore présente,
02:22ça veut dire que les Allemands pour le moment,
02:24puisque si on pense sur le côté militaire et ainsi de suite,
02:26étant donné le fait qu'ils ont d'abord mieux géré leurs finances publiques,
02:29et je rappelle quand même que la déviance de la France
02:31n'est pas liée qu'au dernier mois, ni à la dernière année.
02:34Ça fait quand même des années que par rapport à d'autres pays,
02:37d'autres pays par exemple, même des pays du Sud,
02:39l'Espagne, l'Italie, des gens font des efforts,
02:42font des efforts parce qu'ils respectent ce qu'on leur a demandé,
02:45ou ils essaient de le respecter par rapport à un engagement européen
02:48au niveau du nouveau pacte de stabilité.
02:50Et puis vous avez un autre grand pays,
02:52qui lui, lui, dérape, continue à déraper,
02:54et explique toujours les raisons pour lesquelles lui l'a dérapé,
02:57mais qu'il ne faut pas s'en inquiéter.
02:58Et donc à un moment donné, vous voyez que même les agences de notation,
03:00je ne pense pas que quelqu'un pense pour le moment à un défaut de la France.
03:03Mais les agences de notation finissent par dire,
03:05regardez mon petit pays, il a aussi des problèmes de budget,
03:08encore même actuellement,
03:09mais il a encore une note par rapport à des agences de notation
03:13qui est meilleure et qui vient d'être confirmée que la France.
03:16Alors que si je regarde la puissance française,
03:18même au niveau de la solvabilité,
03:19je pense que la France est un pays plus solvable.
03:21Simplement c'est son comportement,
03:23et la longévité de ce comportement,
03:24qui commence à inquiéter lourdement le reste, je vais dire, de l'Europe.
03:28Mais quel point on peut avoir dans les discussions budgétaires ?
03:30Est-ce que là on va commencer l'examen du budget 2028,
03:332034 pour l'Europe ?
03:36Qu'est-ce qu'on peut dire, nous,
03:37alors qu'on ne tient pas nos propres promesses ?
03:40Vous doutez sur deux points.
03:41Un, si vous ne les tenez déjà pas à court terme,
03:43ça rend encore les choses plus incertaines à long terme.
03:46Je m'explique, si déjà pendant un an,
03:47vous ne faites pas ce qu'il faut pour corriger la trajectoire,
03:50et personne ne passe nécessairement d'un plan d'austérité,
03:53mais un plan crédible,
03:54sur le fait qu'on voit que le dérapage va s'arrêter,
03:56comment est-ce que vous voulez qu'on croit
03:57qu'après, ça va aller beaucoup mieux
04:00en termes de, je vais dire,
04:01de finalité de ce qu'on mettait sur la table.
04:04Et n'oubliez pas non plus que le pacte de stabilité.
04:06C'est vrai aussi pour mon pays, je vais dire,
04:07ce n'est pas que la France,
04:08mais pour les pays qui sont en déficit excessif,
04:09on avait parlé d'un programme de correction en quatre ans,
04:12et trois ans éventuellement supplémentaires,
04:14si on pouvait justifier,
04:16par un événement spécifique,
04:18qu'on avait besoin de sept.
04:19Tout le monde s'est assis là-dessus,
04:20tout le monde est sur sept ans maintenant.
04:21Or, quand je vois ça,
04:22à mon avis, il y en a certains qui, dans la tête,
04:25se disent, on n'y arrivera pas avant dix ans.
04:26Alors, si au moins la trajectoire,
04:29même que ça ne soit pas quatre,
04:30ça soit sept ou dix,
04:32montrait qu'on va y aller,
04:33je pense qu'alors on devient enfin
04:34un tout petit peu crédible
04:35à l'échelle de la France,
04:37à l'échelle internationale.
04:37Oui, c'est une question de trajectoire,
04:38plus que de promesses.
04:40Annalisa.
04:40Roland Gillet, votre pays, la Belgique,
04:42a l'habitude de traverser des périodes
04:43plutôt longues, sans gouvernement.
04:45Est-ce que les Français peuvent s'inspirer des Belges
04:47pour comprendre comment éviter la paralysie totale ?
04:49Malheureusement, non.
04:51Pour au moins deux raisons.
04:52La première, c'est que c'est vraiment toujours un échec,
04:54même dans mon petit pays.
04:55Mais il faut dire que dans mon petit pays,
04:57au niveau fédéral,
04:58il y a quand même un élément
04:59beaucoup plus compliqué,
05:00qui est le fait qu'on fonctionne
05:01sur base d'une proportionnelle,
05:03où certains petits partis ont un point important,
05:05parce que sinon,
05:05ils font tomber le gouvernement.
05:07Deux, la taille de la France fait
05:09qu'au niveau de l'Europe,
05:10je ne vais pas nous minoriser,
05:11mais si la Belgique va mal,
05:12c'est très dommage pour la Belgique.
05:14Et sur des décisions européennes,
05:15notre poids est relativement faible.
05:17Vous, ne pas avoir un gouvernement,
05:18c'est dommageable pour la France
05:20à la taille de la France.
05:21Et puis, c'est très dommageable
05:22à l'échelle de l'Europe.
05:23Donc, clairement,
05:24ce n'est pas du tout le même problème.
05:25Merci beaucoup, Roland-Gilles.
05:26Elle est venue ce matin
05:27dans la matinale de l'économie.