00:00Il est 7h18, on va parler de la COP au Brésil.
00:03On est à quelques jours de l'ouverture, on a une sorte de pré-show ces derniers jours.
00:07A peine une soixantaine de chefs d'État seront présents contre 150 à Dubaï.
00:12La COP de la vérité, nous dit le Brésil, il n'y a pas d'ordre du jour.
00:14Mais on doit faire un certain point sur un certain nombre de questions.
00:17On va se concentrer ce matin sur la déforestation.
00:19Et avec Sébastien Abyss, bonjour, directeur du club Déméter, chercheur associé à l'IRIS.
00:23A première vue Sébastien, quand on regarde les chiffres sur la déforestation, c'est plutôt positif ?
00:28Alors c'est plutôt positif, oui.
00:30Lula, évidemment, cherche à corriger le tir.
00:32On sait que dans son troisième mandat, il s'était engagé justement à enrayer la dynamique progressiste de déforestation.
00:38Il a toujours aussi rappelé que le Brésil n'était pas tout seul à déforester en Amérique latine.
00:42On sait qu'une partie de l'Amazonie déborde sur d'autres États.
00:46Il y a aussi de la déforestation dans les pays voisins.
00:48Mais c'est sûr que Lula ne ménage pas sa peine.
00:50Et il a aussi annoncé que derrière ce sujet de déforestation, cette COP au cœur de l'Amazonie, à Bélène,
00:56un choix géographique fort, était une COP importante pour notamment la question du financement des transitions climatiques.
01:04Il a quand même indiqué depuis quelques semaines, y compris à l'ONU, en écho au discours inversé de Donald Trump,
01:09que le climat, le tic-tac, était plus que menaçant.
01:12Et que les pays du Nord, très responsables des émissions carbone depuis deux siècles, devaient quand même passer à la caisse.
01:17Et c'est ce qu'il va faire parce qu'il lance quand même un fonds totalement inédit,
01:20avec un fonctionnement qu'on expliquait dans les journales.
01:22Il s'appelle le Tropical Forest Forever Facility.
01:25C'est destiné à financer, à aller contre la déforestation, à aider les forêts tropicales.
01:32C'est une sorte de crédit carbone dans son fonctionnement ?
01:35Oui, c'est un peu complexe.
01:36En fait, ce qu'il faut comprendre, c'est que le Brésil est très mobilisé sur une diplomatie sud-sud,
01:42où les questions agricoles, les questions forestières, les questions climatiques sont assez centrales.
01:47On sait que le Brésil, y compris de Lula et Lula 3 dans son mandat actuel,
01:52cherche vraiment à coaliser les pays du Sud autour d'un agenda du développement humain,
01:58mais aussi développement durable.
02:00Et cette question des forêts, il le met avec la question des crédits carbone.
02:05On sait que le Brésil cherche à développer une bourse au carbone avec un système monétaire un peu particulier.
02:09Et encore une fois, Lula, il est attendu au rendez-vous là-dessus, encore une fois aussi,
02:15parce qu'il a un propre agenda politique lui-même.
02:18Il vient d'annoncer qu'il était candidat à sa réélection pour un quatrième mandat.
02:22Les élections au Brésil, ce sera fin 2026.
02:24Et en même temps, Lula vient de fêter 80 ans.
02:27Et l'après-Lula est une grande inconnue au Brésil.
02:30Le Brésil est important dans les relations internationales aujourd'hui,
02:33y compris dans cet agenda climatique ou sur l'agenda forestier.
02:35Mais c'est aussi une vraie préoccupation pour les 220 millions d'habitants au Brésil,
02:39parce qu'on sait qu'il y a des forces populistes, Bolsonaro hier,
02:42qui avaient quand même profondément divisé le pays,
02:44là où Lula est quand même un peu plus rassembleur.
02:46Annalisa, en réalité, dans le discours de Lula, il y a aussi énormément de contradictions.
02:50Il se veut champion du climat.
02:51En réalité, on sait qu'il a soutenu un projet pétrolier au large de l'Amazonie il y a quelques semaines.
02:57On sait aussi que l'agrobusiness reste très très puissant au Brésil.
03:00Donc Lula est quand même soumis à ces injonctions-là.
03:03Comment il peut faire pour concilier les deux ?
03:04La productivité et en même temps les exigences climatiques.
03:07Lula, en fait, il est à l'image du Brésil, c'est-à-dire que c'est une puissance polygame.
03:12En fait, le Brésil parle avec toute la planète aujourd'hui.
03:14Finalement, même, il s'est un peu rabiboché ces derniers temps avec Donald Trump.
03:18Lula, en fait, il s'inscrit dans une continuité brésilienne d'une politique de non-alignement.
03:23Et finalement, je discute autant avec les puissances occidentales, européennes, nord-américaines,
03:29qu'avec la Chine, qui est le grand partenaire commercial, y compris agricole, du Brésil,
03:34le grand investisseur au Brésil.
03:35Mais il y a aussi toute la diplomatie et le dialogue avec l'Afrique.
03:39Et c'est vrai que Lula ne manque pas de paradoxes, à la fois dans les relations internationales
03:43ou dans ses propres politiques économiques et environnementales à domicile.
03:46On sait qu'il souhaite que Petrobras, la grande entreprise pétrolière brésilienne,
03:52aille très fortement vers les énergies renouvelables
03:54et devienne une grande compagnie énergétique d'énergies renouvelables internationale.
04:01Je précise quand même qu'au Brésil, aujourd'hui, 50% du mix énergétique
04:05vient des énergies renouvelables.
04:08Le Brésil, depuis longtemps, mis sur les biocarburants, sur la biomasse.
04:12Et donc, la biomasse mobilisée des produits forestiers
04:16fait partie du projet politique, économique et climatique du Brésil.
04:22Donc, on ne peut pas reprocher au Brésil de ne rien faire.
04:24Par contre, il y a un sujet, évidemment, sur la déforestation,
04:27parce que l'élevage a grignoté énormément de terres dans les forêts,
04:31notamment l'élevage.
04:32Et on a de la monoculture qui interroge, maïs, soja,
04:35parce que le Brésil, c'est aussi un géant agricole
04:37et un géant qui exporte énormément, aujourd'hui,
04:40sans lequel une partie de la sécurité alimentaire mondiale
04:43serait quand même très différente.
04:45Je pense aussi qu'il faut garder cette équation en tête,
04:47parce que le climat frappe aussi le Brésil.
04:50On a des chocs climatiques dans ce pays.
04:52Peut-être que demain, le Brésil ne pourra pas toujours exporter davantage,
04:55parce qu'il aura besoin d'abord de protéger son marché national,
04:57voire régional, sud-américain.
04:59Mais comment vous regardez cette COP, vous, avec votre regard d'expert ?
05:02Est-ce que vous dites qu'on est condamnés et déçus ?
05:04Est-ce que vous dites que ça sert à quelque chose,
05:05parce qu'au moins, c'est un endroit où on discute, quand même ?
05:08C'est quoi votre point de vue ?
05:09Ce qui est certain, c'est que l'absence des États-Unis complète.
05:12La Chine envoie son Premier ministre.
05:14On sait qu'un certain nombre de pays ne viennent pas.
05:15Il y a trois fois moins de participants, aujourd'hui,
05:17au sommet des chefs d'État et de gouvernement que l'an dernier.
05:20Et on a une espèce de fatigue autour de ces COP.
05:23Alors, certains disent que c'est la dernière COP.
05:24Ce sera la dernière COP de l'histoire, parce qu'en fait, ça ne sert à rien.
05:27Loulard, lui, dit lui-même, non, c'est la COP de la vérité,
05:30de savoir, en fait, qui veut continuer,
05:31et qui continue ses engagements à l'horizon 2050.
05:34L'Europe, hier, a trouvé un consensus,
05:36et donc maintient le climat comme grand narratif
05:38dans son expression internationale.
05:41Mais ce qui est certain, c'est que cette COP,
05:42elle s'inscrit dans un contexte international
05:45où on voit le multilatéralisme plutôt à la peine.
05:48Et on voit que les institutions internationales
05:50ont du mal à montrer que le climat
05:52peut être, en fait, un dénominateur commun
05:54dans toutes les grandes questions communes.
05:59Et évidemment, il ne faut pas lâcher l'affaire,
06:00puisque le sujet du climat, c'est le sujet de ce siècle.
06:03Et le sujet du climat est évidemment
06:05un immense sujet économique,
06:06mais aussi agricole ou alimentaire,
06:08si on focus sur ce secteur.
06:10Merci beaucoup, Sébastien Abyss,
06:11d'être venu ce matin dans Good Morning Business.