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  • il y a 2 mois
Ce vendredi 19 septembre, Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France à New Delhi et Moscou, était l'invité dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Laure Closier. Ils sont revenus sur les blocages à l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Inde, notamment en raison des relations diplomatiques de cette dernière avec la Russie. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Claude Blanche Maison, ancien ambassadeur de France à New Delhi et Moscou.
00:03Bonjour, bienvenue dans la matinale de l'économie.
00:06On va parler des relations entre l'Union Européenne et l'Inde
00:10avec un accord de libre-échange qui pourrait être conclu d'ici la fin de l'année.
00:14Mais il y a quand même un énorme éléphant, si je puis dire, dans la pièce.
00:19C'est la Russie, ce sont les relations entre l'Inde et la Russie.
00:22On ne peut pas, si je puis dire, accepter nous en tant qu'Européens
00:25de telles relations économiques uniquement
00:28ou il y a selon vous un lien diplomatique particulier entre l'Inde et la Russie ?
00:35Alors d'abord, ça fait longtemps qu'on essaie de négocier un accord de libre-échange avec l'Inde
00:39et c'est très difficile parce que l'Inde est protectionniste.
00:41C'est normal, elle protège ses productions agricoles.
00:44Particulièrement protectionniste, l'Inde.
00:46Oui, et c'est pour l'automobile, etc.
00:48Et elle dit, vous n'avez qu'à investir en Inde si vous voulez accéder au marché indien.
00:51Là, on est dans une situation très particulière
00:53puisque M. Trump vient d'imposer 50% de droits de douane aux produits indiens
00:58qui viendraient sur le marché américain
01:00pour les punir d'importer précisément du pétrole de Russie.
01:05Et il nous demande de faire la même chose.
01:06Et il dit, je passerai au stade suivant des sanctions à appliquer à l'Inde
01:10si l'Europe applique des sanctions du même type,
01:13c'est-à-dire des droits de douane de 50% sur les importations.
01:16Alors évidemment, je pense que l'Union Européenne va répondre
01:19qu'elle n'est pas tout à fait à la disposition de M. Trump
01:22et que d'ores et déjà, les 50% qu'il applique sur les produits indiens
01:25qui allaient sur le marché américain
01:27font que les produits indiens sont en train de se rediriger vers le marché européen,
01:32c'est-à-dire le seul marché solvable,
01:34si le marché américain leur est fermé.
01:36Par conséquent, on a en effet, il est tout à fait logique
01:38qu'on ait des discussions sur le régime commercial
01:40entre l'Inde et l'Union Européenne
01:44puisque M. Trump a pris ce type d'initiative
01:46qui est une initiative en effet très agressive.
01:48Maintenant, effectivement, par ailleurs, il faut probablement convaincre les Indiens
01:51mais les convaincre peut-être d'acheter moins de pétrole
01:55et d'aller vers un moins d'achat de pétrole à la Russie.
02:00Alors effectivement, les Indiens sont très soucieux de leur autonomie,
02:05de leur indépendance
02:06et ils ne veulent pas qu'on leur dicte la conduite à tenir.
02:09Et c'est pour ça qu'ils récusent la méthode des sanctions
02:12utilisées par les Occidentaux.
02:14Ils n'ont pas tergiversé, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de négociations,
02:17ça a été non.
02:18Annalisa ?
02:18En même temps, quand on regarde la stratégie de l'Inde,
02:20on voit qu'elle est très diversifiée.
02:22Elle discute avec les États-Unis
02:24pour garder son partenariat privilégié,
02:26sa relation privilégiée.
02:27En même temps, elle affiche son amitié avec la Chine.
02:30On a vu Modi avec le président chinois Xi Jinping.
02:33Elle participe aux exercices militaires avec la Russie.
02:36Elle discute avec les Européens.
02:38Quelle est la stratégie indienne dans tout ça ?
02:40Le ministre des Affaires étrangères indiennes a théorisé
02:42cette politique étrangère que vous décrivez
02:44en appelant le multi-alignement.
02:47C'est le nouveau mode du non-alignement en réalité.
02:50Le multi-alignement, ça veut dire quoi ?
02:51Ça veut dire qu'on coopère avec tout le monde
02:53sur les segments qui intéressent les deux pays en question.
02:56Donc, en effet, il n'y a pas d'alliance militaire,
02:58ça n'existe pas.
03:00Et on cherche les sujets sur lesquels on peut coopérer.
03:02Alors, c'est vrai qu'avec la France, l'Inde a un accord
03:05de coopération stratégique.
03:07Il se trouve que j'étais en poste là-bas lorsque Jacques Chirac l'a signé.
03:11Et cet accord, qui remonte maintenant à 98,
03:14donc il y a très longtemps,
03:16permet un développement d'une coopération
03:18dans le domaine de la sécurité,
03:20dans le domaine du renseignement
03:21et dans le domaine militaire.
03:23D'où d'ailleurs les ventes d'avions, de rafales
03:26et probablement des ventes qui sont encore dans le tuyau
03:29et qui vont arriver l'année prochaine.
03:31Mais vous pensez que l'argument commercial,
03:34alors il y a les aspects de sécurité évidemment,
03:35mais le fait de dire, bon, vous ne pouvez plus vendre aux Etats-Unis,
03:38donc vous allez pouvoir vendre en Europe plus facilement,
03:40ça suffit à arrêter les ventes de pétrole ?
03:43C'est-à-dire que c'est presque suffisamment puissant ?
03:46Non, ça ne suffit pas,
03:47mais il va falloir les en convaincre.
03:49Mais certainement pas en écrivant, en publiant,
03:53en criant haut et fort,
03:55je vous ordonne d'arrêter d'acheter du pétrole à la Russie.
03:59Parce que ça, effectivement, l'Inde ne supportera pas.
04:01De la même façon d'ailleurs que la Chine ne le supporte pas non plus.
04:04Et la Chine, elle continue d'acheter du pétrole à la Russie,
04:07bien entendu.
04:08Et parce que la Chine est puissante
04:09et parce qu'elle a des terres rares qu'elle vend aux Etats-Unis,
04:12les Etats-Unis n'osent pas lui coller les 50% de droits de douane
04:15dont ils l'ont menacé.
04:16Il y aura un coup de fil entre Xi Jinping et Donald Trump.
04:19Ça sera tout à l'heure, évidemment, on suivra ça sur BFM Business.
04:22L'autre blocage, Annalisa, et il n'est pas petit,
04:24c'est la question du riz.
04:25Absolument, le riz, puisque l'Inde veut être la seule
04:28à pouvoir vendre du riz basmati,
04:30étiqueté comme basmati à l'Union européenne.
04:33Ça crée des tensions avec le Pakistan,
04:35qui lui, pour l'instant, exporte plus de riz vers l'Union européenne.
04:39Est-ce qu'on est prêt à lâcher cette question de riz basmati à l'Inde
04:43ou au risque de créer des tensions régionales trop importantes ?
04:46Je crois que les relations avec le Pakistan sont difficiles
04:50et qu'un choix a été fait, en effet,
04:54lors de la conclusion d'un accord de coopération stratégique en 1998
04:59par le président de la République de l'époque.
05:02Effectivement, notre allié privilégié,
05:04notre point d'appui dans la zone, dans l'océan Indien,
05:08c'est l'Inde, ce n'est pas le Pakistan.
05:09Ça l'a été dans le passé, mais le Pakistan aujourd'hui,
05:12est d'ailleurs assez largement sous la domination de la Chine.
05:17La Chine a construit un port à Gwadar,
05:19qui lui a un accès direct à l'océan Indien,
05:22et entre le territoire chinois et Gwadar,
05:24c'est une autoroute, c'est un chemin de fer
05:26qui sont gardés par des forces chinoises.
05:30Donc, effectivement, la Chine est très active au Pakistan,
05:35et donc, je ne pense pas que ce soit un argument déterminant pour nous,
05:39cette affaire-là.
05:40Il y a d'autres sujets qui sont probablement plus sensibles.
05:43Mais sur l'agriculture, ça résonne avec le Mercosur,
05:47on aimerait bien que l'Inde nous ouvre le marché pour leur vendre des produits agricoles,
05:50alors qu'on est vent debout en France contre l'accord du Mercosur
05:53pour ne pas que les produits brésiliens ou argentins arrivent chez nous.
05:55On a un espoir de pouvoir ouvrir le marché indien, vraiment ?
05:59Oui, probablement sur les produits transformés.
06:03On ne risque pas d'être inondé de viande de bœuf,
06:05puisque comme vous le savez, la vache est sacrée,
06:08et que par conséquent, c'est une viande qui est destinée aux musulmans.
06:12Et qu'en plus, en Inde, on ne distingue pas vraiment le lait de vache et le lait de buffle.
06:16C'est pourquoi l'Inde a une production de lait énorme,
06:20parce qu'on compte aussi dans la production de lait, le lait de buffless.
06:23On les mélange, ça fait un lait particulier.
06:26Et bon, effectivement, on n'exportera pas de lait cru,
06:29mais on pourra exporter sans doute des produits transformés.
06:31Ça, probablement.
06:33L'Inde connaît assez peu le fromage, peut-être qu'elle peut le décrire,
06:36comme elle a découvert d'ailleurs, au cours des dernières années,
06:40le vin français, qui évidemment subit des droits de douane très élevés.
06:44Peut-être que ce sera un des objets de négociation,
06:46d'avoir des droits de douane plus bas.
06:49Et puis, elle veut protéger évidemment ses productions locales,
06:52ses productions sur son territoire, et notamment ses usines d'automobiles.
06:56Et ça, c'est un sujet important, parce que le marché indien,
06:58c'est peut-être le marché du siècle pour l'automobile,
07:01parce qu'il y a encore assez peu d'automobiles,
07:04et des automobiles, disons, de qualité moins médiocre.
07:09Merci beaucoup d'être venu ce matin, Claude Blanche-Maison,
07:11dans la matinale de l'économie.
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