00:00BFM Bourse, l'écho du monde.
00:04Gilles Mouec nous rejoint également, chef économiste du groupe AXA.
00:06Bonjour Gilles, ravi de vous retrouver.
00:07Bonjour.
00:08On a eu aujourd'hui cette décision de la Banque d'Angleterre de justesse.
00:11RICRAC qui a choisi la Banque d'Angleterre de maintenir ses taux inchangés.
00:15Et puis on aura dans quelques semaines, dans trois semaines, le prochain budget britannique
00:18qui pourrait, ce prochain budget, comporter pas mal de hausses d'impôts.
00:21Est-ce que le Royaume-Uni, d'un point de vue budgétaire et sur les marchés,
00:24est-ce que le Royaume-Uni c'est la France juste avec une heure de retard, Gilles ?
00:28Non, c'est pas exactement la France.
00:31Alors il y a quelques ressemblances, comment dire, superficielles.
00:36Par exemple, le niveau du déficit est à peu près le même,
00:38autour de nos alentours de 5% du PIB.
00:41Le niveau de dette publique est à peu près dans la même zone,
00:44100% du PIB au Royaume-Uni, au-dessus de 110% en France.
00:50Mais il y a deux grandes différences pour moi.
00:53La première, c'est trois.
00:54La première, c'est qu'il y a une majorité parlementaire au Royaume-Uni.
00:59Elle est parfois rétive, elle est parfois rebelle, mais elle existe.
01:03Et les prochaines élections ne sont pas avant 4 ans.
01:07Donc il y a une capacité de gestion politique qui est plus forte au Royaume-Uni.
01:11Deuxième différence, le point de départ.
01:16Effectivement, on s'achemine sans doute vers des hausses d'impôts assez importantes au Royaume-Uni,
01:20plutôt que vers des baisses de dépenses.
01:23Mais il faut quand même considérer le point de départ.
01:25On a un poids des dépenses publiques dans le PIB au Royaume-Uni
01:30qui est presque 10 points inférieur à celui que l'on a atteint en France.
01:35Donc entre guillemets, on a de la marge au Royaume-Uni qui n'existe pas,
01:39côté français en termes de prélèvement obligatoire.
01:44Troisième différence, cette fois-ci plutôt au détriment du Royaume-Uni,
01:49c'est leur très grande fragilité externe.
01:52La France n'a pas de gros déficit de la balance courante.
01:56Autrement dit, nous pouvons financer nos besoins de financement public
02:01avec nos ressources intérieures.
02:04Le Royaume-Uni a besoin chaque année d'importer du reste du monde
02:07à peu près 3,5 points de PIB d'investissement étranger.
02:11Et c'est ça qui est véritablement le légal pour Rachel Reeves,
02:17la ministre des Finances britannique,
02:18qui est obligée d'aller vers un budget austéritaire,
02:23tout simplement parce qu'il faut rassurer des marchés
02:25qui peuvent être extrêmement volatiles et souvent plus volatiles
02:28s'agissant du marché obligataire britannique que du marché obligataire français,
02:32en dépit encore une fois de différences fondamentales
02:35sur la politique et sur le niveau du pays public
02:38qui devraient normalement avantager leur humain.
02:40Oui, sauf qu'ils n'ont pas l'euro.
02:42On a la chance de l'avoir l'euro jusqu'ici.
02:44C'est le 26 novembre prochain que la ministre des Finances britannique
02:51dévoilera donc ce budget, ce sera intéressant.
02:53En attendant, on regarde aussi ce qui se passe aux Etats-Unis
02:56parce que là-bas c'est complètement bloqué, paralysé.
02:58On est au 37e jour désormais de shutdown.
03:00Alors on voit Wall Street accélérer un peu la baisse aujourd'hui
03:02et plusieurs voix aux Etats-Unis disent que c'est aussi lié aux inquiétudes
03:06sur la consommation.
03:07On a eu un chiffre d'ailleurs de l'emploi.
03:08Alors ce n'est pas un chiffre officiel,
03:10c'est le chiffre du rapport Challenger
03:12qui montre 153 000 destructions d'emplois aux Etats-Unis en octobre.
03:16153 000.
03:17Encore une fois, ce n'est pas le rapport mensuel officiel.
03:19Mais si ce 53 000 se confirmait,
03:22ce serait quand même le pire chiffre hors Covid depuis 2008.
03:24Bref, il y a beaucoup d'interrogations
03:25et comme on est dans le brouillard,
03:27elles grandissent et elles parviennent à prospérer ces interrogations.
03:30Est-ce qu'on va rester dans ce flou ?
03:31Un, longtemps selon la possibilité de sortir du shutdown.
03:34Et deux, une fois sortis, est-ce que les turbulences macro continueront
03:37dans la mesure où ce flou qui aura duré plus d'un mois, un mois et demi,
03:41va entraîner encore des surprises peut-être
03:43dans ce qui sera annoncé des statistiques économiques ?
03:46Oui, record battu sur le shutdown, puisque jusqu'à présent,
03:49le record était 35 jours, on en est à 37.
03:52Pour l'instant, ça a été un shutdown plutôt limité dans ses effets,
03:57parce que le gouvernement fédéral a réussi à trouver des moyens
03:59de continuer à rémunérer un nombre un peu plus important
04:03que d'habitude de fonctionnaires.
04:05Mais là, on voit qu'effectivement, ça commence à faire mal,
04:08avec des obligations, par exemple, de réduire la voilure
04:11sur le trafic aérien, on rentre dans une phase
04:16où les effets macro du shutdown commencent à se faire sentir.
04:20Comment sortir ?
04:21Eh bien, pour l'instant, effectivement, on ne voit pas de voie de sortie.
04:26Ce qui était attendu, c'était que l'aiguillon formidable
04:30pour convaincre tout le monde d'avancer,
04:33c'était le 1er novembre, parce que c'était à partir du 1er novembre
04:36que les assurés américains reçoivent leurs nouvelles factures.
04:43Et donc, c'est là où les personnes qui n'allaient plus bénéficier
04:46des subventions fédérales pour payer leur assurance maladie,
04:51c'était là où ça allait se révéler.
04:52Et il y avait une hypothèse en laquelle ça ferait vraiment trop mal
04:56en termes de popularité au gouvernement américain,
04:59et qu'on serait obligé d'aller vers le deal.
05:02Et pour l'instant, on ne va pas au deal.
05:04Et on a de plus en plus évoqué par Donald Trump
05:07ce qu'on appelle l'option nucléaire.
05:09L'option nucléaire, c'est tout simplement de mettre fin
05:11à la règle des 60 voies pour débloquer un vote budgétaire,
05:17revenir à la majorité simple.
05:19Pour l'instant, c'est faisable, techniquement, institutionnellement.
05:23Un vote à la majorité simple du Sénat suffirait à abolir cette règle.
05:28Et pour l'instant, on a beaucoup de sénateurs républicains
05:31qui rechignent à appuyer sur ce bouton, parce qu'évidemment,
05:34si les républicains venaient à perdre leur majorité
05:36aux élections mid-term l'année prochaine,
05:38c'est quelque chose qui se retournerait contre eux.
05:40Donc voilà, toujours beaucoup d'options sur la table,
05:43mais pas véritablement de solutions pratiques.
05:46Et en attendant, comme vous l'avez dit,
05:47on a un marché qui oscille en fonction de données statistiques
05:52qui ne sont pas forcément idéales.
05:54le chiffre, par exemple, de Challenger sur les licenciements,
05:59ce ne sont pas des licenciements sur le noir,
06:02ce sont des annonces, c'est la comptabilisation d'annonces cumulatives
06:05de licenciements.
06:07Et pour une grande partie, on était déjà au courant,
06:10parce qu'une grande partie de ces 150 000 et quelques licenciements
06:14avaient été annoncés par les grandes boîtes de la tech
06:17au cours des 2-3 semaines qui viennent s'écouler,
06:20ou encore par Target.
06:21Donc il n'y a pas vraiment de nouvelles nouvelles,
06:23mais on a un marché qui est tellement nerveux,
06:25qu'effectivement, on a presque immédiatement une réaction.
06:29Et cette nervosité, pour moi, elle s'explique assez bien
06:32par le fait qu'on a à la fois une économie réelle
06:35et un marché écoutier américain
06:37qui sont extrêmement dépendants d'un tout petit nombre de secteurs,
06:40en particulier du secteur de la tech.
06:42Et ça, ça rend tout le monde nerveux.
06:44Et donc, encore une fois, dans ce brouillard,
06:46la moindre petite étincelle,
06:48même lorsqu'il n'y a pas de vraies nouvelles nouvelles,
06:50à se traduire par une réaction finalement assez vive.
06:53Antoine ?
06:54Gilles, c'est vrai qu'avec ce manque cruel de statistiques nationales,
07:00avec ce shutdown, on est en quête d'indicateurs un petit peu partout.
07:04Alors c'est vrai qu'il y a l'enquête Challenger Gag Christmas.
07:07On voit d'ailleurs et tomber il n'y a pas très longtemps
07:09les encours totaux de cartes de crédit du côté des États-Unis
07:12qui explosent tous les records.
07:13Et puis, il y a ce que nous disent les entreprises.
07:17Et il y a un truc qui paraît peut-être un petit peu anecdotique,
07:20mais qui en dit peut-être un peu long sur l'état de la société américaine.
07:24On voit que McDo, par exemple, au sein de ses résultats, nous dit
07:27« Ben voilà, on a des pauvres qui, de toute manière, ne vont même plus au McDo.
07:32Et une classe moyenne qui n'a plus les moyens d'aller au resto,
07:35qui se retrouve comme nouvelle clientèle chez McDo. »
07:39Est-ce que, selon vous, il y a peut-être un indicateur à suivre là-dedans ?
07:44Non, c'est vrai qu'il y a le sentiment d'une espèce de déclassement progressif
07:48de beaucoup de catégories dans la population aux États-Unis.
07:52Ça avait d'ailleurs été un des moteurs de la victoire de Donald Trump
07:55aux présidentielles l'année dernière.
07:57Et on a des informations par salaire qui nous viennent,
08:00par exemple des grands gérants de réseaux de cartes de crédit aux États-Unis,
08:04qui nous disent qu'en fait, le dynamisme de la consommation des ménages
08:09est devenu de plus en plus dépendant d'un tout petit sous-segment de la population,
08:15les gens plutôt âgés, plutôt en seconde moitié de leur vie,
08:19et plutôt bien améliorés.
08:21En revanche, tous les autres sont déjà dans une phase de rationnement
08:24de leur consommation.
08:27Et je pense qu'il faut le ramener à deux points.
08:29Premier point, je sais que tout le monde dit aujourd'hui
08:33que les économistes se sont tous trompés
08:35et que les tarifs n'ont pas d'effet sur l'inflation américaine.
08:38Je continue à dire que c'est faux.
08:39Les tarifs ont un impact sur l'inflation américaine.
08:42L'inflation américaine, aujourd'hui, reste aux alentours de 3-3,5%.
08:45Ça dépend comment on la regarde.
08:47Et ça, ça se traduit de toute manière par une érosion du pouvoir d'achat des ménages.
08:52Donc ça, premier élément.
08:53Deuxième élément, la résistance des taux d'intérêt.
08:55Parce que même si le FED a réduit ses taux de 25 points de base,
09:00on voit bien que c'est une baisse des taux qui est très réticente.
09:04Et vous avez signalé l'explosion des cartes de crédit.
09:08Eh bien, on est dans une situation où les conditions de crédit
09:11ne sont pas extrêmement favorables pour les ménages,
09:14que ce soit sur les cartes de crédit
09:16ou que ce soit aussi sur l'investissement en logement,
09:19parce que le coût de l'emprunt immobilier est aujourd'hui assez élevé.
09:23Et donc, on a une espèce de pincement.
09:25Ce n'est pas catastrophique.
09:27Ça tient à peu près.
09:29Mais disons que les vents contraires commencent à s'accumuler quand même aux Etats-Unis.
09:34Merci Gilles Mouek avec nous, chef économiste du groupe AXA.