- il y a 4 mois
Regardez L'esprit de l'info avec Roger Pol Droit avec Thomas Sotto du 25 août 2025.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Nous sommes ensemble jusqu'à 9h30 et c'est l'heure de retrouver l'Esprit de l'Info.
00:04Nouveau rendez-vous pour vous donner quelques clés, pour nous aider à mieux appréhender ce monde en fusion qui nous entoure
00:10et qui n'a pas grand chose de rassurant en ce moment, il faut bien le dire.
00:13Notre lumière ce matin, c'est vous, Roger-Paul Droit. Bonjour et bienvenue à vous.
00:16Bonjour.
00:17Écrivain, philosophe, peut-être une petite impression générale pour commencer.
00:21On a raison, vous pensez, d'être tellement inquiet ou on dramatise ?
00:24Et peut-être que nous, on participe à la dramatisation ?
00:26Les deux à la fois, bien évidemment. On est en plein monde qui est en train de changer.
00:32Il y a une sorte de dislocation générale, des tas de choses craquent de tous les côtés.
00:37Mais d'un autre côté, il n'y a pas de raison d'être catastrophiste, de penser qu'il n'y a pas d'issue, que c'est la fin.
00:44Il y a des difficultés énormes.
00:45Il y en a plus que d'habitude, plus que ceux à quoi on a été habitués en tout cas.
00:48Plus inquiétantes que d'habitude, plus rudes, évidemment.
00:51Mais je ne suis pas, pour ma part, catastrophiste, cataclysmique.
00:57Et je ne pense pas que, quelles que soient les crises fortes, difficiles qu'on traverse, il faille désespérer d'en sortir.
01:05Roger Paul, votre dernier livre s'appelle « Alice au pays des idées » publié chez Albin Michel.
01:09Votre Alice, elle est anxieuse aussi. Elle a peur de la fin du monde.
01:13Comment vous la rassurez-vous, Alice ?
01:14En lui montrant que, finalement, plus on pense, plus on a des chances de s'en sortir.
01:20Donc il faut réfléchir.
01:21Voilà, il faut réfléchir. Nous vivons avec les idées que nous avons.
01:25Et si nous changeons nos idées, nous pouvons aussi changer nos comportements.
01:29Changer le monde, je ne sais pas, mais au moins le réparer un peu.
01:32Bon, n'hésitez pas à réagir au 64 900 avec le mot « Clématin » et à poser vos questions en direct à Roger Paul-Droit.
01:37Premier sujet sur lequel on va entrer un peu plus en profondeur et qui nous a occupés tout l'été, c'est la guerre en Ukraine.
01:42Ça fait plus de trois ans, trois ans et demi que ça dure.
01:45Quand vous voyez le ballet diplomatique, j'ai presque envie de dire le cinéma auquel on a assisté cet été,
01:51les rencontres, les mises en scène Trump-Poutine, ça vous inspire quoi ?
01:54Qu'est-ce qu'il faut croire dans ce que l'on voit ?
01:57Pas tout, parce qu'évidemment, c'est un théâtre.
02:01C'est un théâtre avec des jeux de rôle, avec de fausses répliques.
02:06Mais je crois que l'ensemble, c'est le fait que nous sommes en train d'entrer dans une autre forme de politique,
02:15c'est-à-dire une politique des rapports de force,
02:17alors que ce qui dominait le monde depuis, disons, la fin de la Seconde Guerre mondiale,
02:21depuis l'après 1945, c'était le droit.
02:25C'était un monde fondé sur l'idée que les États-nations devaient entretenir des liens,
02:31que le droit international devait primer.
02:33On était en quelque sorte entre gens de bonne compagnie.
02:36Voilà, et derrière, il y avait toujours évidemment des jeux d'intérêts.
02:40Mais là, c'est des jeux d'intérêts qui prennent le devant.
02:43Et là, il y a quelque chose qui est effectivement la dislocation profonde de tout un ordre international,
02:51dont l'Europe elle-même est sortie.
02:54Et je crois que c'est en train de craquer, d'être travaillé par tous les bouts
02:58pour être remplacés par des rapports de force, qui sont évidemment aussi des jeux de théâtre,
03:04mais cette fois des jeux réels.
03:06Des jeux de théâtre qui nous affolent, parce qu'on a l'impression, un jour,
03:09que ça va être la Troisième Guerre mondiale.
03:11Le lendemain, on dit, ça y est, c'est fini, c'est là, paix, tout va bien.
03:14On a l'impression que la parole donnée ne vaut absolument rien,
03:17que tout est spectacle et volatile.
03:19Là encore, on manque un peu de recul quand on réagit comme ça,
03:22où on est vraiment dans l'instant, dans l'insaisissable,
03:26et on est incapable de se projeter sur ce qui va arriver demain, après-demain, la semaine prochaine.
03:30Mais je pense que c'est à chacun d'entre nous.
03:32D'une certaine manière, c'est une époque qui nous oblige,
03:35même si on n'a pas fait de philosophie, à être philosophe.
03:38C'est-à-dire à ne pas se laisser avoir par l'impression de l'instant.
03:45Essayer de discerner les choses, essayer de prendre un peu de distance.
03:50Poser les choses sur la table, en sorte.
03:51Oui, c'est ça, et d'une certaine manière,
03:54sans devenir paranoïaque, il faut se méfier de tout,
03:57mais avoir, si vous voulez, ce réflexe de se dire,
04:01je réfléchis d'abord, j'examine, je regarde,
04:05et je ne me laisse pas aller à ma propre émotion de l'instant, tout le temps.
04:09Si vous deviez donner un petit conseil à Donald Trump, projet Paul Droit,
04:12qui doit se dire, tiens, qu'est-ce que je vais faire maintenant ?
04:14Qu'il peut-être vous écoute ?
04:16Eh bien d'abord, je pense qu'il ne m'écouterait pas, et c'est ça.
04:18Ah oui, c'est déjà le problème.
04:20C'est le problème, mais si j'avais un conseil à lui donner,
04:24c'est d'écouter les autres, justement, peut-être.
04:28Tout ça, dans un contexte politique tendu, en politique intérieure,
04:32avec une date cochée par tout le monde, qui est devenue une sorte de gimmick.
04:35C'est le 10 septembre, le jour de ce fameux mouvement.
04:38Bloquons-tout, il y a ceux qui l'attendent, il y a ceux qui en espèrent quelque chose,
04:41il y a ceux qui redoutent cette date.
04:43Déjà ce nom, Roger Paul Droit, Bloquons-tout, il évoque quoi pour vous ?
04:46L'arrêt et la totalité, si vous voulez, mais c'est évident.
04:51Mais justement, il évoque probablement et centralement un fantasme, un grand mythe.
04:57Vous savez, le grand soir, la grève générale, dont Mélenchon a repris.
05:02C'est un très vieux thème, évidemment, de l'histoire ouvrière du 19e siècle, du 20e siècle,
05:08mais aussi de l'Antiquité, la plème qui fait sécession et qui dit, on arrête.
05:14Et il y a quelque chose de très paradoxal là-dedans, que bien évidemment qu'on peut comprendre.
05:19Il faut d'abord dire qu'il y a toutes ces exaspérations, ces lassitudes, ces énervements, ces colères.
05:25Oui, la colère est légitime, peut-être légitime.
05:28Évidemment, évidemment, mais surtout, c'est les moyens de son expression
05:32et la manière dont elle se vit elle-même et se projette dans l'avenir.
05:35Là, il y a le risque, évidemment, d'une sorte, pas simplement de convergence des luttes,
05:41j'ai envie de dire, d'agglomération des colères.
05:45Bon, c'est évident.
05:47Mais c'est surtout le paradoxe, pour moi, d'une action qui consiste à ne rien faire.
05:52C'est extraordinaire.
05:53Si vous voulez, bloquons tout.
05:54Ah oui, bloquons, oui.
05:55Voilà, on arrête, on ne va pas au travail, on reste chez soi, on retient la TVA, etc.
06:04Bon, c'est juste, finalement, alors, bien sûr, c'est une menace,
06:08mais je dirais qu'il y a deux manières de construire le monde.
06:11Il y a deux façons, me semble-t-il, derrière tout ça, qui s'opposent fondamentalement.
06:15Lesquelles ?
06:16Il y a, d'un côté, l'idée que, ben voilà, on se retrouche les manches,
06:20on va essayer de construire ensemble, on peut s'engueuler,
06:23on peut avoir des intérêts différents, mais on va faire des compromis,
06:27on va essayer de se... voilà.
06:28Et puis, il y a cette autre façon qui est, commençons par tout foutre par terre.
06:34Commençons par organiser le bordel, le chaos.
06:37Ça, ça a toujours existé, non ? C'est pas nouveau.
06:39Oui, c'est pas nouveau, mais ça prend, aujourd'hui, une forme, finalement, aiguë, je crois,
06:45qui est aussi une sorte de dislocation des horizons collectifs.
06:50Voilà, ce qui prime, me semble-t-il, c'est cette sorte de craquure, de craquelage,
06:58je ne sais pas comment on dit, le craquement, peut-être, le craquement, voilà, tout simplement,
07:02de la démocratie, de la société, de la République.
07:06Ça ne veut pas dire qu'elle s'effondre, mais ça veut dire qu'elle ne va pas bien.
07:09Je reviens quand même sur quelque chose, elle dit, bloquons tout,
07:11et chacun, l'appel est à rester chez soi.
07:14Est-ce que ce n'est pas symptomatique d'une époque où, finalement, on ne fait plus rien en collectif,
07:18mais chacun est sur son écran, ses réseaux sociaux, dans sa petite bulle,
07:22et finalement, on ne sait plus échanger, on ne sait même plus partager nos colères, aujourd'hui ?
07:26En tout cas, il y a effectivement une crise du collectif,
07:31puisque chacun, finalement, est dans son intérêt particulier, son couloir, si je puis dire, sa solitude,
07:38et ne réfléchit pas à la question du bien commun, des compromis, du vivre ensemble, etc.
07:46Voilà, là, il y a quelque chose qui est, me semble-t-il, à travailler, à réinventer, à retisser autrement.
07:54Qu'aurait pensé Platon, que vous aimez beaucoup de tout ça ?
07:57Alors, je ne l'aime pas, c'est-à-dire que je l'aime parce qu'il a été, évidemment,
08:01celui qui a posé les règles du jeu de la pensée philosophique,
08:05mais il ne faut pas oublier non plus que c'est un homme d'ordre, Platon.
08:08Vous aimez le désordre, vous, Roger Paul Droit ?
08:10J'aime la liberté. J'aime la liberté, et pas nécessairement le désordre,
08:15une liberté qui se concilie avec celle des autres.
08:18Mais ce que Platon, finalement, défend, c'est l'idée qu'il y a un ordre cosmique,
08:23un ordre du monde, un ordre de la cité, un ordre de l'âme,
08:27et que tout ça doit aller ensemble.
08:30Je voudrais qu'on se dise, il nous reste moins de deux minutes,
08:32quelques mots d'un autre sujet d'actualité.
08:34On entendait tout à l'heure la sœur d'Ilan Halimi,
08:36qui était l'invité de Marc-Olivier Fogel en face à Fogel à 8h15 sur RTL.
08:41On parlait de cet antisémitisme totalement décomplexé
08:44qui semble gagner notre pays.
08:47Pourquoi, Roger Paul Droit, le juif est-il toujours le bouc émissaire
08:51qui semble mettre tout le monde d'accord ?
08:53Pourquoi, à la fin, les sociétés tombent sur le juif ?
08:57D'abord, est-ce qu'on en est là ?
08:59Et on y retourne d'une manière terriblement inquiétante.
09:04Moi, ce qui me paraît, si vous voulez, effarant,
09:07consternant au cours de cet été,
09:09c'est évidemment cette explosion
09:11où on voit que l'on défait la plaque commémorative
09:15de la déportation des enfants d'Isieux,
09:18que l'on coupe.
09:21Et il y a Franck Louvrier, le maire de La Baule,
09:24qui a proposé que dans les 36 000 communes,
09:26il y ait un arbre pour Ilan Halimi.
09:29Moi, ce qui me sidère,
09:31je vais essayer de revenir à votre question,
09:32mais je n'ai pas la réponse,
09:35mais ce qui me sidère,
09:36c'est finalement le silence, c'est l'absence.
09:40Où sont les manifs ?
09:41Où sont les protestations vives ?
09:44Parce que ce qui arrive à des citoyens juifs,
09:51en ce moment,
09:53ça ne concerne pas que les juifs.
09:55Ça concerne évidemment tout le monde, chacun de nous.
09:58Depuis quand ?
10:00Quand des gens sont maltraités, insultés, injuriés, frappés,
10:05dit-on, c'est leur problème.
10:08Imaginez qu'en France, il y ait du racisme anti-noir
10:10qui tout d'un coup se met à flamber.
10:12Et que parce que quelqu'un est black,
10:14on va l'injurier,
10:16lui cracher dessus,
10:18le frapper, etc.
10:20Eh bien, on ne dirait pas que c'est l'affaire des Noirs.
10:23On dirait que c'est l'affaire de nous tous.
10:24C'est une question à la fois de république,
10:27mais c'est tout simplement une question d'éthique.
10:30Vous voyez, quand il y a de l'homophobie
10:34et des homosexuels qui sont frappés
10:37tout simplement parce qu'ils se tiennent par la main ensemble,
10:39etc., on ne dit pas que c'est leur affaire.
10:43C'est celle de tout le monde,
10:44les hétéros compris.
10:45Quand les femmes se font violer,
10:46c'est aussi l'affaire des hommes, etc.
10:47Quand ils se sont pris aux Juifs, j'ai rien dit.
10:49Quand ils se sont pris aux Noirs, j'ai rien dit.
10:51Quand ils se sont pris aux femmes, j'ai rien dit.
10:53Quand ils se sont pris à moi,
10:53il n'y avait plus personne pour me défendre.
10:54Voilà.
10:55Et donc, évidemment, ça nous concerne tous.
10:58Quant à la question immense
10:59de savoir pourquoi il y a de l'antisémitisme dans le monde,
11:01j'essaierai de faire tenir la réponse en une phrase.
11:06C'est très probablement
11:08parce que les Juifs sont les inventeurs de la loi,
11:12de la loi morale et de l'égalité.
11:15Et ça, c'est quelque chose qui, finalement,
11:18ne se pardonne pas.
11:19Merci beaucoup à vous, Roger Poulot.
11:20Vous reviendrez nous voir, promis.
11:22Promis.
11:22L'esprit de l'info.
11:23Nouveau rendez-vous dans RTL Matin,
11:25tous les jours à 9h15.
11:27Merci infiniment.
Écris le tout premier commentaire