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Regardez L'esprit de l'info avec Roger-Pol Droit avec Thomas Sotto du 08 octobre 2025.

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Transcription
00:00Thomas Soto, RTL Matin.
00:04Y a-t-il seulement en France des politiques qui pensent non pas à leur carrière, mais à l'avenir de la France ?
00:10J'aimerais qu'un mouvement soit lancé pour demander la démission du président.
00:15Macron, il doit démissionner, parce que là, il fout la France par terre et c'est de sa faute.
00:19Chaque jour, en ouvrant la télé, ce sont des guignols qui nous sont proposés.
00:23C'est ça la France ?
00:24Vos mots, parfois durs, sur la situation politique.
00:27Journée spéciale crise politique sur RTL. Continuez à nous appeler au 3210 et à nous envoyer des messages au 64900 avec le mot « Clé Matin ».
00:34C'est le moment de l'esprit de l'info. On a besoin de les reprendre un peu, nos esprits, ce matin, avec notre grand témoin du jour, Roger-Paul Droit, écrivain, philosophe. Bonjour, Roger-Paul.
00:42Bonjour, Thomas.
00:43Vous entendez la tonalité des messages, quand même ? Les Français trouvent que leur classe politique est indigne ?
00:49Je pense qu'ils en ont marre et qu'il y a quelque chose, effectivement, de consternant dans le spectacle que donne l'ensemble des politiques depuis quelques semaines ou quelques mois même.
01:00Et le sentiment, surtout, qu'ils sont non seulement incompétents, mais incapables de prendre leur responsabilité, de sortir le pays de ces impasses.
01:12Et il y a quelque chose là qui est à la fois irritant, décourageant, indignant. Voilà, je comprends.
01:21Il y en a un qui essaye de prendre ses responsabilités, en tout cas de faire de la pédagogie depuis 48 heures.
01:26C'est Sébastien Lecornu qui va donc intervenir, réintervenir tout à l'heure à 9h30.
01:30Vous pourrez le suivre en direct sur RTL. Il sera dans la cour de Matignon.
01:34Vous avez choisi trois mots-clés ce matin. La crise, l'ultimatum et l'oclocratie.
01:41La crise, pour commencer, on est en plein dedans. C'est quoi la crise ?
01:44Eh bien, je crois que dans ma vie, j'ai fait beaucoup de grec et de latin.
01:49Et ce n'est pas pour faire de l'érudition que je vais raconter ça.
01:52Mais c'est parce qu'on voit les choses un peu autrement, quand on regarde les mots grecs.
01:56Crise, c'est un mot grec. Et pour nous, ça veut dire, en gros, il y a des conflits, des choses qui dysfonctionnent.
02:02Ça ne va pas et ça peut durer. La preuve, on est dans une crise qui dure.
02:06C'est devenu un peu un mot fourre-tout, crise. On le met à toutes les sauces.
02:08Voilà, il y a des crises économiques, sociales, financières et de toutes sortes.
02:13Des crises psychologiques, des crises conjugales.
02:15Bon, alors que, si on regarde ce que ça veut dire en grec, c'est assez surprenant.
02:20C'est la décision.
02:22La crise, c'est la décision.
02:23La crise, c'est la décision. Et qu'est-ce que ça veut dire, cette affaire-là ?
02:26C'est que, pour les médecins grecs, comme Hippocrate, c'est le moment où ça se décide.
02:32Il y a une maladie, et puis il y a cette espèce de paroxysme, qu'ils appellent la crise,
02:37qui est une bifurcation, en quelque sorte, où ça va vers le pire,
02:41et la maladie va empirer, et puis le patient peut mourir, ou bien on guérit, on en sort.
02:47Donc on a détourné le sens du mot, parce qu'aujourd'hui, quand on dit crise, c'est que c'est le bazar partout,
02:51qu'il n'y a pas de solution.
02:52Voilà, on imagine que ça va durer internellement, et je crois que ça fait du bien de se dire,
02:57il y a un sens possible de la crise, où finalement, effectivement, on risque le pire,
03:02mais ça va se dénouer.
03:04Et il se pourrait que même dans notre crise actuelle, qui a l'air tout à fait sans issue,
03:10eh bien, il y ait quelque chose qui permette, finalement, qu'on en sorte.
03:14L'idée d'une crise, c'est quoi, dans son sens contemporain ?
03:18C'est de toucher le fond de la piscine en disant, tiens, on va remonter, un coup de talon, il remonte ou pas ?
03:21Ça peut être, il y en a plusieurs sortes, mais c'est essentiellement l'idée que, finalement,
03:26il y a quelque chose qui se grippe, d'une certaine manière, qui se crispe, qui fait crise,
03:33qui devient critique, parce que c'est le même mot, vous savez, un état critique,
03:37c'est un état, justement, où les choses se décident, d'une certaine manière, vers le mieux ou le pire.
03:43Alors, la crise s'est faite, l'ultimatum.
03:46Sébastien Lecordou, il est en plein dedans, là, puisqu'il a 48 heures, il l'a jusqu'à ce soir,
03:49pour mener d'ultimes négociations, l'ultimatum.
03:52Ultime délai, ça c'est du latin, cette fois.
03:55Mais je pense que ça a l'air, en fait, il me semble que c'est une action vaine, l'ultimatum.
04:02Ça sert à rien.
04:03Ça sert à rien, parce que, voilà, ça a l'air de montrer les muscles,
04:07je suis le maître des horloges, attention, vous n'avez plus que 48 heures ou 3 jours,
04:13et puis après, on va agir.
04:14Alors, ou bien c'est un vrai rapport de force.
04:16Et dans ce cas-là, si vous n'avez pas fait telle chose,
04:19c'est la guerre à la fin de l'ultimatum, ou l'action violente.
04:23Donc, on a un peu des ultimatums élastiques, nous, maintenant.
04:25Voilà.
04:26C'est pas encore du beau, ça sera peut-être demain.
04:27Ça sera peut-être demain, et puis le temps passe.
04:29En fait, l'ultimatum, c'est une façon de dire,
04:33je suis le maître, et de se mettre en avant.
04:35Mais elle est veine, parce qu'au terme de l'ultimatum,
04:37s'il ne s'est rien passé,
04:39la situation reste exactement la même.
04:41Et si, ce soir, nous n'avons toujours pas de gouvernement,
04:46on ne sera pas sortis.
04:47On n'aura réglé aucun problème.
04:48On n'aura réglé aucun problème.
04:49L'ultimatum sera passé, dépassé.
04:51Donc, c'est une posture, l'ultimatum ?
04:52Je crois.
04:53Oui, oui, absolument.
04:54C'est une posture.
04:54C'est une sorte de mirage d'action,
04:57sauf quelques cas particuliers, bien sûr.
04:59Mais c'est une sorte de mirage d'action
05:00qui fait croire que l'on est en train d'agir.
05:03C'est un mirage, en quelque sorte, une comédie.
05:07Si on va au-delà,
05:09est-ce que cet ultimatum posé par le chef de l'État
05:12à son premier ministre,
05:13dont on ne sait plus trop s'il l'est encore,
05:14s'il est démissionnaire, s'il va y revenir,
05:16est-ce que c'est un signe d'impuissance ?
05:18Est-ce que ça veut dire qu'Emmanuel Macron est impuissant,
05:20qu'il a perdu la main ?
05:21Je le pense.
05:22Oui, bien sûr.
05:23Il est dos au mur.
05:25Il est tout seul.
05:26Une situation où le chef du parti du président,
05:31Gabriel Attal, dit
05:32je ne comprends plus ce que dessine le président,
05:35c'est quand même, on n'a jamais vu ça.
05:37Enfin, ça c'est un diagnostic honnête,
05:40ou c'est Brutus qui tue César ?
05:42Ou c'est je tue le père ?
05:45Je pense qu'il y a effectivement du Brutus dans l'air
05:49et de l'assassinat politique, bien sûr, entre eux.
05:52Mais il y a surtout le fait qu'on se trouve
05:54face à une situation de chaos
05:58qui n'a jamais eu lieu avec cette intensité
06:01et avec cette force.
06:03Vous-même, vous êtes surpris ?
06:04Vous le sage, vous êtes inquiet ou pas ?
06:07Oui, bien sûr, je suis inquiet.
06:08Je suis comme tous les Français.
06:10Je suis inquiet de l'avenir de la France.
06:12Je suis sidéré du comportement de nos politiques.
06:18Je suis aussi, par moments,
06:21comme ça, consterné de voir
06:22les crises où nous sommes.
06:26Je n'arrive pas à désespérer.
06:28Tant mieux, ça nous fait du bien, au moins.
06:32Mais je crois que nous sommes effectivement
06:34dans une situation qui est extraordinaire
06:37au sens où elle est exceptionnelle.
06:40On a fait la crise, on a fait l'ultimatum.
06:42Voilà le troisième mot qu'on va garder pour le Scrabble.
06:44L'oclocratie.
06:46Oui.
06:47J'avoue, mon ignorance, c'est quoi ?
06:49C'est un mot très inconnu.
06:50C'est un mot très inconnu et très rare.
06:52Mais je crois qu'il est utile
06:55et qu'il peut être éclairant pour aujourd'hui.
06:58Il veut dire quoi ?
06:58Il veut dire le gouvernement.
07:01Crassie, c'est toujours la domination.
07:04Non pas du peuple, des Mosses,
07:07mais de Oclos, la foule, la multitude.
07:11C'est la différence, si vous voulez,
07:12entre le peuple et la populace,
07:14dans le vieux vocabulaire.
07:16C'est l'idée que la démocratie,
07:18c'est quelque chose qui est finalement
07:21le peuple organisé.
07:24Les citoyens respectueux des lois,
07:27respectueux de la volonté majoritaire.
07:30Et lorsque ça se transforme par dégradation,
07:33et nous sommes dans ce moment
07:35où finalement la démocratie est en train
07:38de se corrompre, de tanguer,
07:40enfin il faut, j'espère, la revivifier,
07:43mais elle est effectivement malade.
07:45et l'oclocratie, c'est le moment,
07:49c'est un terme, je dirais, tout à l'heure
07:50qu'il a inventé,
07:51mais c'est le moment où finalement
07:53ce qui règne, ça n'est plus le peuple,
07:57mais c'est la foule.
07:58La foule en colère, désordonnée,
08:00ce sont les émeutiers, les manifestations,
08:03les passions, les intérêts particuliers,
08:06les factions.
08:06Est-ce que ça se rapproche du populisme, du coup ?
08:08D'une certaine manière, si vous voulez,
08:09c'est un peuple qui n'est plus
08:11un peuple simplement raisonnable
08:15et, encore une fois,
08:16constitué, encore souverain,
08:19mais qui est un peuple désordonné,
08:21qui méprise les lois,
08:23qui est finalement soumis
08:24à des violences,
08:25à des rapports de force,
08:26à ses propres caprices.
08:29Et qui a inventé ce mot, alors ?
08:31C'est un historien grec.
08:33Vous nous faites des petits suspects,
08:34je vous dirai tout à l'heure
08:35qu'il a inventé.
08:35Il s'appelle Polybe.
08:37Il s'appelle Polybe, cet homme.
08:39Il n'est pas très connu.
08:41Il a eu pourtant une grande influence
08:42parce qu'il a été lu tout au fil des siècles,
08:45notamment par Machiavel,
08:47par Jean-Jacques Rousseau.
08:48Et il est l'inventeur de ce terme d'oclocratie
08:53qui, pour lui, est la manière
08:56dont la démocratie se dégrade
08:59et devient non plus le règne du peuple,
09:02mais la souveraineté d'une foule désordonnée,
09:07multiple,
09:07et qui va finalement
09:10vers une désorganisation croissante.
09:13Et pourquoi c'est important pour nous ?
09:15C'est important, pas simplement
09:17parce que ça décrit des choses que nous vivons,
09:19mais parce que ce que dit Polybe,
09:22c'est que derrière le désordre
09:24de cette occlocratie,
09:25de ce règne de la foule,
09:27c'est la dictature qui arrive.
09:29Merci beaucoup à vous, Roger Pauldroit.
09:31Occlocratie.
09:31Merci.
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