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  • il y a 2 mois
Ce jeudi 30 octobre, Jean-Louis Martin, économiste et chercheur associé sur l'Amérique latine à l'Ifri, était l'invité d'Annalisa Cappellini dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Sandra Gandoin. Ils sont revenus sur l'élection de Rodrigo Paz à la tête de la Bolivie, le passage de cet État d'Amérique latine d'un régime socialiste vers une économie de marché, et ce qui va changer concrètement pour les entreprises. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Et nous recevons ce matin Jean-Louis Martin, économiste et chercheur associé sur l'Amérique latine à l'IFRI.
00:05Merci beaucoup d'être avec nous dans la matinale de l'économie.
00:08Bonjour, on parle de la Bolivie ce matin.
00:10Rodrigo Paz a été élu président le 19 octobre, 54,6% des voix.
00:16On parlait hier avec Annalisa Capellini de la bonne réaction des marchés au succès de Ravier Milei en Argentine,
00:23aux législatives demi-mandats.
00:25Là, les marchés n'ont pas répondu du tout de la même manière à l'élection de Rodrigo.
00:30Paz, pourquoi ?
00:32D'abord parce que c'est un petit pays.
00:34L'impact de cette élection, il est important en Bolivie, mais beaucoup moins pour le reste du monde.
00:40La Bolivie a un peu plus de 12 millions d'habitants.
00:44Un PIB qui est de l'ordre de, je crois que c'est un peu moins de 60 milliards de dollars.
00:49C'est un petit pays relativement pauvre, y compris par rapport au reste de l'Amérique latine.
00:55On a un PIB par habitant qui est de l'ordre de 11 000 dollars en parité de pouvoir d'achat,
01:01c'est-à-dire en éliminant les effets pris.
01:03La moyenne de l'Amérique latine est à 21 000, donc on est quand même dans un pays relativement pauvre,
01:12assez isolé, sans accès à la mer.
01:17Donc oui, un pacte assez faible sur le reste du monde, ça n'est pas étonnant.
01:21Mais quand même, cette nouveauté de changement de côté aux élections.
01:28Annalisa ?
01:28En effet, pour la Bolivie, c'est la fin de 20 ans de socialisme.
01:31Rodrigo Paz a parlé d'un capitalisme pour tous.
01:34Qu'est-ce qui va changer concrètement, surtout pour les entreprises ?
01:38Alors, le socialisme bolivien a connu aussi, lui, plusieurs phases.
01:45C'est-à-dire, il y a eu l'époque de Morales où, là, il y a eu des mesures de fond prises,
01:55en particulier pour rééquilibrer le pays de manière un peu moins défavorable aux populations indiennes.
02:03Parce que c'est aussi un pays qui est un peu double, c'est-à-dire, vous avez une partie andine qui est très indienne
02:08et plus pauvre que la majorité du pays, et la partie est, qui sont des plaines, en fait,
02:17vers la grande ville qui s'appelle Santa Cruz, qui ressemble beaucoup plus au Brésil avec de l'agro-exportation.
02:26Et Morales, qui était un Indien des hauts plateaux, a fait des efforts pour essayer de rééquilibrer un petit peu le pays.
02:35Après, ça, c'est un peu parti dans tous les sens et c'est devenu une sorte de socialisme rentier
02:42avec des distributions de subventions.
02:46et ça s'est traduit par des graves problèmes économiques qui sont, je pense, la principale raison du basculement politique.
02:57C'est le pays dans une crise économique tout à fait sérieuse.
03:00Détaillez-nous quelques gros problèmes économiques du pays.
03:03D'abord, le pays est en récession en ce moment.
03:07Quand on est le plus pauvre de la région, ça veut dire qu'on ne rattrape pas les autres.
03:12L'inflation a fortement progressé.
03:17Ils sont aujourd'hui à autour de 15% d'inflation, ce qui n'est pas à l'Argentine, mais ce qui est quand même beaucoup trop.
03:25Il n'y a plus de devise, ce qui se traduit par des difficultés d'importation, par un marché noir de la devise.
03:34Écoutez, c'était en train de mal tourner le FMI, dont les avis peuvent être quelques fois discutés,
03:43mais là, il était quand même très clair, la situation n'était pas soutenable.
03:47Et c'est ce qui a fait que le parti au pouvoir depuis 20 ans, le MAS,
03:53qui en plus était divisé parce qu'il y a eu un candidat dissident
03:56qui a fait d'ailleurs beaucoup mieux que le candidat officiel
03:59qui lui a fait 3% des voix aux élections présidentielles.
04:03C'est pour ça que la population bolivienne a voté assez massivement autre chose,
04:08parce qu'il voulait sortir de ce socialisme qui ne marchait plus.
04:13Pour autant, le FMI n'interviendra pas pour le moment.
04:16Non, mais je pense qu'il va y avoir une ouverture des négociations très vite
04:23avec la nouvelle administration PASSE.
04:26Donc je m'attends à ce que, courant 2026, il y ait un programme FMI qui se mette en place.
04:33Et la Bolivie, on a besoin à la fois pour être accompagnée
04:38dans une sorte de remise en ordre de son économie,
04:42et puis elle a aussi besoin de financement extérieur.
04:45Et là, on revient un petit peu au cas argentin,
04:47où les caisses sont vides et pour faire tourner l'économie,
04:50il faut un peu de dollars.
04:51C'est un paradoxe, Jean-Louis Martin,
04:54parce qu'en réalité, la Bolivie a des ressources naturelles plutôt présentes.
05:00On parle du gaz, notamment, qu'elle exporte beaucoup.
05:02On parle du lithium, elle a les plus grandes réserves au monde.
05:05Comment elle peut exploiter cette richesse ?
05:07Est-ce que c'est là la clé pour le redressement du pays ?
05:11Oui, ça aidera certainement.
05:15Il faut savoir l'exploiter.
05:16Oui, alors le gaz, ça peut aller assez vite,
05:19puisque c'est déjà en exploitation.
05:21Alors, il y a quelques choses à remettre en place,
05:27mais ça, ça peut aller très vite.
05:29Le lithium, c'est un petit peu plus compliqué.
05:30Il y a déjà eu des investissements,
05:32mais c'est quand même une industrie naissante.
05:36Tout n'est pas maîtrisé sur le plan technique.
05:40Il y a des difficultés techniques aussi,
05:44assez sérieuses en particulier,
05:45parce que c'est une activité qui demande beaucoup d'eau,
05:47et il se trouve que les réserves sont dans des endroits
05:50où il n'y a pas beaucoup d'eau.
05:51Ça pose des problèmes environnementaux.
05:54Et ça, il est clair que la Bolivie ne pourra pas résoudre ça tout seul.
05:58C'est-à-dire qu'il faudra des investissements étrangers.
06:01Et pour ça, il faut qu'il y ait un minimum de retour de confiance
06:05dans une stabilité économique et une politique économique soutenable.
06:10On a des chances que, enfin, les chances que ça arrive
06:14se sont améliorées avec l'élection de Rodrigo Paz.
06:19Il faut aussi, vous parliez de basculement politique,
06:24Rodrigo Paz était quand même le plus modéré
06:28des candidats d'opposition, d'une certaine manière,
06:30puisqu'il a battu au deuxième tour
06:33qui était beaucoup plus à droite que lui.
06:41Il y avait un autre candidat de droite
06:43qui est arrivé troisième au premier tour.
06:47Donc, oui, basculement, mais pas basculement radical.
06:51C'est-à-dire, je ne crois pas qu'il faille attendre en Bolivie
06:54ce qu'on a vu en Argentine,
06:57et en particulier quelque chose d'aussi bruyant.
06:59D'abord, sa personnalité paraît quand même assez différente
07:03de celle, c'est quelqu'un de beaucoup plus posé.
07:05C'est un homme du serail,
07:08c'est-à-dire son père a été président,
07:10son grand-oncle a été président,
07:12il est le troisième Paz président de la Bolivie.
07:16Et visiblement, c'est quelqu'un qui ne veut pas
07:19de révolution radicale dans le pays.
07:23Mais on va avoir des changements,
07:25plus d'ouverture aux investissements étrangers,
07:29des réformes économiques
07:31qui iront dans le sens de celles réclamées par le FMI,
07:34par exemple, fin de subvention, des choses comme ça.
07:37Merci beaucoup, Jean-Louis Martin,
07:39économiste et chercheur associé sur l'Amérique latine,
07:41à l'IFRI, d'être venu nous voir ce matin.
07:44Vous voulez y rajouter quelque chose ?
07:45Non.
07:45Merci beaucoup d'être venu sur notre plateau.
07:48Merci beaucoup.
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