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  • il y a 3 mois
Ce jeudi 18 septembre, Jean Charest, ancien Premier ministre du Québec, était l'invité d'Annalisa Cappellini dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Laure Closier. Ils ont discuté des liens administratifs et des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, ainsi que de leurs négociations avec Donald Trump. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Nous on parle de la retraite à 62 ans en France, ce sont nos débats ici économiques.
00:05Je ne sais pas si ce sont des sujets qui ont lieu au Canada.
00:07Oui aussi vous voulez la retraite plus tôt, il y a ces débats là chez vous ?
00:10Non, non, non, nous on l'a vu le plus tard possible, on vit plus longtemps,
00:13maire santé, on est en forme, on veut travailler.
00:16Oui, bon bah nous c'est pas ça l'ambiance.
00:18Jean Charest, bonjour, vous êtes l'ancien Premier ministre du Québec,
00:21vous êtes membre du Conseil des Relations canado-américaines,
00:23vous conseillez le Premier ministre du Canada dans le cadre des négociations
00:27avec l'administration Trump, ce qui est pas mal de travail au quotidien.
00:31Comment vous vous faites à l'art du deal ?
00:35Ah ben, il faut connaître un peu M. Trump, on l'a observé depuis maintenant plusieurs années.
00:40Le Canada, ben géographiquement on est très près, économiquement nous sommes très liés,
00:44très très intégrés, nous sommes très dépendants du marché américain.
00:47Alors Trump a sa méthode, alors c'est de vous frapper sur la tête et vous déstabiliser,
00:53puis ensuite négocier, et il est imprévisible.
00:57D'ailleurs, on le sait par expérience, parce que dans nos échanges avec l'administration américaine,
01:01il y a quelques joueurs importants, évidemment Lutnik qui est le ministre du Travail,
01:05Jason Greer, Bassett qui est son ministre des Finances, et le président Trump.
01:10Il arrive fréquemment que M. Trump fasse une déclaration,
01:14que ses collaborateurs apprennent sur le champ.
01:17C'est pas nouveau, ça arrive assez souvent.
01:21Alors, il n'y a rien de conventionnel avec Donald Trump, il n'y a rien de...
01:25Il faut composer avec les événements.
01:29Dans notre cas, nous, ce qu'il y a de différence,
01:31cependant, c'est que nos marchés sont très intégrés.
01:3575% des exportations canadiennes sont en direction des États-Unis.
01:39Comment on fait pour négocier quoi que ce soit quand on prend ce point en compte ?
01:43Bien, nous sommes très dépendants, un sur l'autre, et si vous avez...
01:47Nous, il y a un accord de libre-échange entre nous, entre le Canada, le Mexique et les États-Unis,
01:53depuis 1994, renégocié par Donald Trump,
01:57et le résultat de tout ça aujourd'hui, c'est que de 85 à 95% de la marchandise canadienne
02:06qui va vers les États-Unis est libre de tarifs.
02:09Et en plus, 50% de tout ce que les Américains importent,
02:14c'est ce que Donald Trump ne semble pas savoir,
02:17sont des intrants qui vont dans des produits qui sont assemblés aux États-Unis.
02:23Alors, ils se taxent eux-mêmes quand ils font des tarifs.
02:26Alors, dans notre cas, nous, c'est un scénario très différent de l'Europe.
02:29Et je pense que pour cette raison-là, l'administration Trump a décidé
02:33de protéger l'accord de libre-échange.
02:35Et même que cette semaine, grande nouvelle, ils ont finalement tiré sur la gâchette
02:39et enclenché les négociations, les consultations qu'ils doivent faire pour renouveler.
02:45La loi américaine exige qu'il y ait des consultations préalables
02:50au renouvellement de l'accord de libre-échange.
02:52Bonne nouvelle pour nous.
02:53Ils ont finalement commencé la démarche formelle de consultation.
02:58Annalisa.
02:58Alors, pour vous, les Canadiens, avec cette administration Donald Trump
03:01qui est difficilement prévisible, quelle est la stratégie?
03:04Essayer de composer tant bien que mal avec les États-Unis
03:07ou alors se tourner plutôt vers d'autres partenaires,
03:09les Chinois, les Européens, les Africains?
03:11Peu importe le scénario, les États-Unis seront toujours,
03:15toujours notre principal partenaire économique.
03:17Ça, c'est inévitable.
03:19Tarifés ou non, nous serons toujours les partenaires économiques.
03:23En même temps, oui, nous voulons diversifier.
03:25Moi, j'étais celui qui avait proposé l'accord de libre-échange avec l'Europe.
03:28On l'avait fait en 2007, en passant, le commissaire au commerce européen à l'époque,
03:33c'était Peter Mandelson, l'ancien ambassadeur de la Grande-Bretagne aux États-Unis.
03:39Et la France avait joué un rôle très important
03:41parce que nous avions eu le soutien de la France.
03:44Nous avons donc un accord de libre-échange avec l'Europe.
03:48Nous sommes dans ce qu'on appelle le CPTPP avec l'Asie.
03:51C'est les 10 pays de l'Asie.
03:52Alors, il y a une très forte volonté de diversification.
03:55Cependant, la difficulté chez nous est la suivante.
03:59Les petites et moyennes entreprises ont beaucoup de difficultés à aller vers les nouveaux marchés
04:04tellement le marché américain est attractif pour nous.
04:08Alors, c'est presque irrésistible.
04:10Alors, il faut faire un effort supplémentaire pour aller vers les nouveaux marchés,
04:14incluant la France.
04:15Nous, on a pris 15 % en Europe.
04:19C'est quoi le conseil que vous nous donneriez à nous
04:21dans nos négociations, dans nos relations avec les Américains?
04:25Bien, vous avez pris 15 % et en plus, vous vous êtes engagé à investir.
04:30Ça, c'est la nouvelle formule de M. Trump.
04:32On vous fait payer.
04:33Il fait la même chose avec le Japon.
04:35Il a fait la même chose avec la Corée du Sud.
04:37Et dans le cas du Canada, le sujet a été évoqué.
04:40Dans le fond, l'Europe a fait l'essentiel pour essayer de limiter les dommages.
04:45Et je pense que ce que nous devons faire, la prochaine étape, tant pour l'Europe que pour le Canada
04:50et les autres partenaires, il faut recréer autour des États-Unis une nouvelle entente,
04:56un nouveau mécanisme sur le commerce.
04:58Ce qu'il y a de très intéressant, Mme Closier, c'est que personne ailleurs suit les Américains.
05:06Alors que dans les années 30, lorsque les Américains avaient monté des barrières tarifaires,
05:11le reste de la planète avait répliqué.
05:14Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.
05:16Personne ne suit l'administration Trump dans la construction de barrières tarifaires.
05:21C'est donc dire que nous avons une vision commune du commerce.
05:23Avec raison, ça a été une formidable locomotive de création de richesses, le commerce, depuis les années 80.
05:30Ça a permis à des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté.
05:34C'est ça, la réalité.
05:35Alors, nous avons cette vision commune maintenant à nous, avec l'Europe,
05:40de construire, je pense, une nouvelle architecture avec l'OMC sur le commerce
05:46pour que nous puissions continuer à prospérer.
05:48À chaque fois que Donald Trump dit « vous seriez mieux si vous étiez le 51e État américain »,
05:54à chaque fois qu'il dit ça, quel effet ça a sur la population canadienne ?
05:57Est-ce que ça vous aide à être plus dur, peut-être, avec Donald Trump ?
06:01Ça a eu un effet très important, parce que les Canadiens ont été insultés par la remarque.
06:08Et c'est un peu comme si Donald Trump disait « vous n'existez pas ».
06:12Mais vous savez qu'il ne rigole pas. Parce que ce qu'il veut, c'est les réserves en eau.
06:14Mais attention, en même temps, il n'y a personne de sérieux aux États-Unis qui l'a suivi là-dessus.
06:19Pas un chat. Personne.
06:20Il n'y a pas d'analyste politique, économique autrement, qui dit « ah, très bonne idée,
06:25vous devriez être le 51e État ».
06:27Alors, il y a un raidissement dans les relations.
06:29C'est très mauvais pour les Américains.
06:31Résultat réel, la diminution du tourisme canadien en Europe est dramatique.
06:37C'est des milliards de dollars qu'ils perdent.
06:39Nous sommes les principaux touristes, naturellement, c'est notre voisin.
06:41Et on a enlevé sur les tablettes des magasins d'alcool qui sont contrôlés par les gouvernements provinciaux,
06:47tous les produits américains.
06:49Et de manière générale, les Canadiens ont boycotté dans les épiceries les produits américains.
06:54C'est très mauvais pour eux.
06:56Alors, c'est une première puissance.
06:59Ce qu'il faut savoir au sujet des États-Unis aussi,
07:01ce n'est pas uniquement une puissance économique, c'est une superpuissance.
07:04Et les superpuissances se comportent de plusieurs façons, ont des impulsions, ont des comportements.
07:14D'ailleurs, la preuve de ça, observez l'émergence de la Chine.
07:18Et vous allez voir les comportements similaires sur la façon de traiter avec le reste de la planète.
07:23Et pour Donald Trump, il avait dit en 2017, ses conseillers, il n'y a pas de communauté internationale.
07:29En anglais, il disait « there is no global community » et la planète, c'est une arène.
07:36C'est le mot qu'ils avaient choisi.
07:37Dans l'arène, il n'y a pas de consensus, il n'y a pas de multilatéralisme.
07:42Il y a le vainqueur et le vaincu.
07:44Et ça, c'est une perspective d'un pays qui met à contribution sa puissance pour obtenir des concessions de ses partenaires.
07:52La seule solution, c'est quand même de travailler un peu sur l'indépendance.
07:55McCartney dit « build, baby, build ».
07:57Ici, en France, on dit « plug, baby, plug » parce que nous, on a du nucléaire.
08:01« Build », ça veut dire des investissements massifs, des mégaprojets.
08:04Au Canada, c'est la seule solution de lutter contre Donald Trump.
08:07En particulier.
08:09Et au Canada, c'est...
08:11Ironiquement, on va remercier Donald Trump dans 20 ans d'ici au Canada
08:15parce qu'au Canada, nous étions devenus assez complaisants sur notre économie.
08:19C'était assez facile pour nous de transiger avec les Américains.
08:22Ce n'est plus vrai.
08:23On ne peut plus compter sur eux.
08:24Alors donc, McCartney, son premier mandat, c'est évidemment de négocier avec Trump.
08:30Mais ce qui sous-tend cette négociation, c'est de repenser l'économie canadienne.
08:35La repenser.
08:35C'est une économie du savoir, l'économie canadienne, qui en plus est bénie de ressources naturelles.
08:40Mais les projets d'infrastructures, on n'a pas été capables dans les 20 dernières années de les réaliser.
08:45Alors là, c'est un avertissement.
08:49Et il y a une volonté forte chez nous, avec le gouvernement fédéral et les provinces,
08:53de construire et de mettre de l'avant des projets, que ce soit dans le secteur nucléaire,
08:58dans l'intelligence artificielle, dans tous les secteurs.
09:0040 milliards d'investissements sont prévus.
09:03Merci beaucoup Jean Charest d'être venu sur le plateau de la matinale de l'économie.
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