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John Plassard, associé et responsable de la stratégie d'investissement chez Cité Gestion, Jean-Pierre Petit, président des Cahiers Verts de l'Économie, et Raphaël Legendre, éditorialiste BFM Business, étaient les invités de Laure Closier ce mardi 7 octobre. Il se sont penchés sur la crise politique qui touche profondément le pays, dans Good Morning Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.
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00:00L'EF édition spéciale ce matin consacrée à la crise politique et ses impacts économiques.
00:04On va tenter de savoir comment vont fonctionner nos institutions, quel budget, quel calendrier.
00:09Le regard de Bruxelles sur la crise politique, la vie de la presse étrangère.
00:12On va vous raconter tout ça en étant évidemment connecté au marché financier avec nous ce matin.
00:17Jean-Pierre Petit, bonjour.
00:18Bonjour Laure.
00:19Président des Cahiers Verts de l'économie en face de vous, Raphaël Legendre, éditorialiste de BFM Business.
00:23C'est avec nous en visio John Plassard, associé responsable de la stratégie d'investissement chez Cité Gestion.
00:28Je commence juste avec vous John Plassard.
00:30On n'a pas eu hier, on a eu une tension, on a passé une journée tendue évidemment sur les taux,
00:35mais on n'est pas sur une crise financière, on n'est pas dans un scénario à la listreuse.
00:40Non, absolument pas.
00:42Je pense qu'en fait, concrètement, les investisseurs, si on parle des marchés financiers,
00:47bien savaient à quoi s'attendre.
00:48Alors peut-être le timing, ces fameuses 14 ou 12 heures, c'est un peu surprenant,
00:54mais le problème français est beaucoup plus profond.
00:57Les investisseurs le savent.
01:00Et puis, lorsqu'on a ce type d'informations, on a vu hier que c'était les valeurs bancaires
01:07qui étaient immédiatement sanctionnées.
01:09Le spread avec le boon, c'est-à-dire avec l'Allemagne, a progressé.
01:14Et tout le monde s'attend, très logiquement, ce ne sera même pas une surprise.
01:17L'abaissement de la note de Moody's, c'est devenu quelque chose d'assez récurrent, c'est assez désespérant.
01:27En face, on a la majeure partie des journaux qui parlent du miracle italien.
01:32On ne parle plus du miracle français, bien au contraire.
01:35Et donc, on a un changement qui s'est opéré, je dirais, presque ces derniers mois.
01:41Et donc, c'est la vision de l'investisseur à l'étranger, vu de Suisse, mais aussi vu des États-Unis.
01:50Prochaine révision de la note Moody's, c'est le 13 octobre.
01:53C'est prévu... Non, ce n'est pas le 13 octobre.
01:55C'est le 24. Merci.
01:57Et après, S&P...
01:58Le 28 novembre.
01:59Non, c'est 14 octobre pour Moody's et 28 novembre pour S&P.
02:02C'est ce que j'ai noté, moi, Raphaël.
02:05Mais on va vérifier.
02:05Moi, c'est merci.
02:06Jean-Pierre, vous êtes inquiet ou pas de la situation aujourd'hui ?
02:08Quel impact ça peut avoir sur l'économie ?
02:10Alors, je voulais juste vous dire que, d'abord, on n'est pas en crise financière aujourd'hui.
02:13Il y a eu une augmentation du spread, mais c'est normal.
02:15Il y a eu une augmentation du risque.
02:16Voilà.
02:17Pour qu'il y ait crise financière à peu près semblable à celle qu'on connaît les pays d'Europe du Sud au début des années 2010.
02:22Il y en a eu cinq, mais si on compte l'Irlande dedans.
02:25Il faut une transmission au système financier.
02:27C'est-à-dire une transmission sur l'actif et le passif des banques et des compagnies d'assurance.
02:32C'est ce qu'on a vu dans ces pays-là.
02:33Donc, il y a eu une augmentation du coût de financement des banques,
02:37dévalorisation des actifs, donc un stress sur les banques,
02:39et donc contraction du crédit.
02:41Contraction du crédit ou augmentation du coût du crédit.
02:43Et là, on va directement en récession.
02:45Mais là, ça, par exemple, c'est si on touche à la réforme des retraites,
02:48c'est si on touche à des choses systémiques.
02:50Oui, ça viendra par le spread.
02:52Simplement, on ne sait jamais exempté quel va être le niveau de spread qui va déclencher ce processus.
02:56Avant, moi, j'ai suivi beaucoup de crises financières.
02:58Non, mais quasiment 90.
02:59Oui, 90, mais ça ne suffit pas.
03:00J'ai connu beaucoup de crises financières dans les pays émergents et en Europe du Sud.
03:05Là, il faut que ça se transmette au système financier.
03:09Et pour l'instant, ce n'est pas le cas,
03:10parce que les banques ont des ratios de levier, de fonds propres très élevés.
03:15Il faut un petit peu regarder le ratio de liquidité.
03:17Mais pour l'instant, c'est assez solide.
03:19Elles n'ont pas des engagements énormes dans les obligations françaises.
03:22Mais il est bien évident que ça va commencer par le spread.
03:24Alors, conséquences économiques, quand même, parce qu'il n'y a pas que ça.
03:27Il y a la confiance, évidemment.
03:29Il y a le taux d'épargne qui est très élevé.
03:32Les chiffres d'investissement sont archi mauvais.
03:34Bon, et puis, il ne faut pas rêver.
03:35La croissance potentielle française a baissé.
03:37Regardez les chiffres de productivité des cinq dernières années.
03:40Regardez les heures travaillées par habitants.
03:43Elles sont très faibles, etc.
03:44Donc, la croissance potentielle, à mon avis, est guère supérieure à 0,5, premièrement.
03:48Et ensuite, il y a des pressions déflationnistes.
03:51Regardez ce qui se passe sur le renminbi.
03:53Les produits chinois explosent, en Europe et en France en particulier,
03:57avec une monnaie sous-évaluée et des prix en renminbi dumpés, c'est-à-dire subventionnés.
04:03Il y a l'augmentation des droits de douane qui pèsent beaucoup sur les entreprises industrielles.
04:08L'emploi décélère, les salaires décélèrent.
04:10Voilà, les prix de l'énergie restent assez faibles et l'euro est fort par-dessus le marché.
04:16On a la totale, si je puis dire.
04:18Donc, ce n'est pas seulement la croissance réelle qui va être faible, c'est la croissance nominale.
04:21Regardez les taux d'intérêt réels, par exemple, c'est-à-dire déflatter de l'inflation des entreprises manufacturières.
04:27On parle de réindustrialisation depuis des années.
04:30Les prix sont déjà en territoire négatif.
04:32Avec les taux des entreprises, les taux réels sont très élevés.
04:34Donc, on est déjà en pression déflationniste en France, de toute façon, dès aujourd'hui.
04:39Alors, si la crise, effectivement, la crise financière s'étend, ça va renforcer les pressions déflationnistes et récessives.
04:45Raphaël, la crise politique, elle n'est pas terminée.
04:47Le seul sujet, c'est le budget.
04:49On ne l'aura probablement pas d'ici la fin de l'année.
04:52Il faudrait qu'il soit déposé avant le 13 octobre pour pouvoir en débattre.
04:55On va vers une loi spéciale.
04:56Oui, très clairement.
04:58Alors, effectivement, on n'aura pas de nouveau gouvernement capable, en capacité de faire un budget d'ici le 13 octobre.
05:06Donc, on va terminer tranquillement le budget 2025.
05:09Il faudra gérer l'exécution, déjà, du budget 2025.
05:13S'assurer que les dépenses ne débordent pas.
05:15Et on se dirige tout droit vers une loi spéciale l'année prochaine.
05:19Alors, la loi spéciale, c'est quoi ?
05:20Ce qu'on appelle les services votés.
05:22C'est que vous reprenez, en fait, la loi de 2025.
05:24Vous la découpez en 12 tranches de 12 mois.
05:26Et chaque mois, vous distribuez les budgets nécessaires au ministère pour qu'ils fonctionnent à minima.
05:32Alors, d'un côté, ça peut vous apporter des économies, parce que vous n'augmentez pas les budgets.
05:37Sauf que de l'autre, dans cette loi spéciale, il n'y a pas le budget de la sécurité sociale.
05:42Et là, les dépenses de sécurité sociale continueront d'augmenter sans contrôle.
05:48Un PLFSS, à chaque fois, ça sert à limiter, ces dépenses sociales.
05:52Et donc là, ça veut dire que ça va nous coûter, par contre, probablement beaucoup plus cher.
05:56Le tendanciel d'augmentation des dépenses sociales en France, c'est 10 milliards.
06:00Des dépenses de santé, uniquement, pardon, c'est 10 milliards par an.
06:04Donc, en réalité, in fine, ça risque de coûter un peu plus cher.
06:06Et puis, vous avez des petites mauvaises surprises fiscales aussi,
06:09comme le barème de l'impôt sur le revenu, qui ne serait pas indexé sur l'inflation.
06:14Donc, c'est plus d'impôts pour tout le monde.
06:16Et les retraites non plus.
06:17Et les retraites, elles, seraient indexées, par contre, si.
06:21Sur l'inflation, ça fait partie des dépenses sociales aussi.
06:24Le social augmente.
06:25Tout ce qui est État est gelé, mais y compris les recettes de l'État, donc l'impôt sur le revenu.
06:30Il y aurait des grands gagnants, quand même, par rapport à ce qu'on attendait du projet de loi Lecornu.
06:37C'est les 15 milliards d'euros d'impôts de justice fiscale qui, là, sautent, du coup, effectivement.
06:43Donc, est-ce qu'une loi spéciale serait davantage pro-business et finalement favorable à la croissance que ce que ne prévoyait le plan Lecornu ?
06:52C'est possible.
06:53John Plassard, on entendait...
06:54Alors, on me dit dans l'oreillette que c'est bien 24 octobre.
06:56Vous avez raison.
06:58Le 28 novembre.
06:59John Plassard, on entendait Jean-Pierre Petit dire qu'on n'est pas encore sur une crise financière,
07:03mais le contexte, quand même, c'est un alignement de planètes négatives.
07:06Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, la machine peut se gripper, quand même ?
07:10Écoutez, on a eu en Suisse, on a eu une crise absolue, il n'y a pas très longtemps de ça,
07:15où la deuxième plus grande banque suisse, qui s'appelait le Crédit Suisse, a quasiment fait faillite, a été repris par UBS.
07:23Elle était bien capitalisée, mieux capitalisée que certaines banques françaises.
07:28Elle avait des comptes qui étaient absolument vus de l'extérieur, absolument extraordinaires.
07:34Et on a eu un manque de confiance.
07:36Et lorsque vous avez un manque de confiance, vous ne pouvez pas forcer les investisseurs à revenir vers une entreprise, vers un pays.
07:43Mais je crois qu'en fait, ici, on ne parle pas du cœur du problème.
07:47On est en train d'expliquer comment est-ce que le gouvernement français va continuer à survivre.
07:54Et le mot est bien choisi.
07:56Ce qu'il faut voir aujourd'hui, d'un point de vue d'un investisseur, pas d'un politicien,
08:00c'est que plus personne ne veut gouverner dans un cadre budgétaire qui est aussi contraint.
08:07Vous avez le prochain Premier ministre, qu'il soit de droite ou de gauche,
08:10qui va hériter d'un déficit public record, d'un appareil d'État qui est saturé,
08:16et puis d'une coalition qui est totalement impossible.
08:19Donc oui, on peut aller, on peut repousser jusqu'aux prochaines élections présidentielles,
08:24mais il y a un réel problème ici et potentiellement la démission ou non de Lecornu 1 ou 2,
08:33je ne sais plus lequel, potentiellement, ça va marquer beaucoup plus les esprits
08:39parce qu'on a l'impression ici qu'on ne peut même pas essayer, comme l'a fait Beyrou,
08:45qu'on ne peut même pas essayer de gouverner.
08:47Alors évidemment, d'un point de vue d'un investisseur et surtout de l'étranger
08:51et même des investisseurs américains qui revenaient sur l'Europe...
08:54La France ingouvernable !
08:56Tout à fait, et je ne parle pas du passé, je parle du futur.
09:03Et c'est ça qui est assez incroyable, c'est vraiment cette vision.
09:06Et hier, j'étais sur une émission anglaise et on me posait clairement cette question
09:11en disant, est-ce que la France est gouvernable ?
09:14Et c'est ça le problème.
09:15Jean-Pierre.
09:16Un point très important dans le cas de la France, contrairement aux autres grands pays européens,
09:20c'est qu'il y a une détention par les non-résidents de la dette publique à hauteur de 54%
09:23et de façon plus importante, 25% par des investisseurs non-européens.
09:28Ils sont plus éloignés.
09:29Et moi qui discute avec des investisseurs étrangers, je peux vous dire que c'est un sujet.
09:33Alors ce qui les préoccupe particulièrement pour le moyen terme, pas à court terme,
09:36à court terme, il n'y a pas le feu.
09:37La France n'est pas en risque pays, elle a un équilibre de la balance courante,
09:41le service de la dette c'est 2% du PIB, vous voyez.
09:44Les taux d'intérêt, le vrai taux d'intérêt moyen de financement c'est un petit peu moins de 2% actuellement
09:50parce qu'on bénéficie encore des taux d'intérêt négatifs de la décennie précédente.
09:54Puis on sait bien que la BCE à un moment va intervenir parce que la France est un pays systémique.
09:58Enfin tout ça, tout ça ils l'ont en tête.
09:59Par contre sur le moyen terme, ils se disent quand même qu'il y a un sujet.
10:03Premier sujet, donc cette grosse dépendance à l'égard de l'étranger,
10:06instabilité politique peut-être jusqu'en 2017 quand on voit l'Italie aujourd'hui.
10:0927, oui.
10:10Donc ça fait quand même très très long.
10:12Incapacité totale à réduire les dépenses publiques de toute la classe politique française.
10:18Très forte difficulté quand même à lever les impôts en dépit des espoirs ici ou là
10:22partagés par certains universitaires français.
10:24situation politique quand même délétère avec quand même des forces politiques
10:30qui ne sont pas totalement en ligne avec les traditions républicaines, démocratiques, etc.
10:35Enfin bref, ça fait quand même beaucoup de choses.
10:37Donc à moyen terme, la France est un risque ?
10:39Bah écoutez, je vais vous dire franchement ce que je pense.
10:42C'est que d'ici deux ans, à mon avis, il y aura une très grave crise financière et politique.
10:46Ah donc quand même d'ici deux ans ?
10:47Ah oui, je pense, oui.
10:48Sauf amélioration rapide, c'est-à-dire un modèle comme l'a fait un pays très fortement redistributif
10:54qui s'appelait la Suède au début des années 90, même si la situation politique n'était pas comparable.
10:59Mais néanmoins, elle a réussi à maîtriser les dépenses après une élection.
11:02Donc si jamais il y avait une élection présidentielle qui venait à la suite d'une démission de l'actuel président
11:07avec une nouvelle majorité, là il y aurait de la confiance qui reviendrait.
11:12Mais si on en reste comme on en est à peu près là...
11:15Il faut pouvoir tout remettre sur la table.
11:16Donc élection présidentielle puis dissolution et pas l'inverse, Raphaël.
11:21Oui, ça pourrait être un inversement du calendrier, effectivement.
11:25Très franchement, Emmanuel Macron ne lâchera jamais le pouvoir, il faut se le dire.
11:28Il sera là jusqu'en 2027 et donc l'hypothèse la plus probable, c'est d'abord celle d'une dissolution.
11:34Alors est-ce qu'elle se débouchera sur une nouvelle stabilité politique ?
11:37Rien n'est moins sûr, ça c'est très clair.
11:39Ce qu'on voit c'est que c'est probablement beaucoup plus de députés pour le RN,
11:45peut-être davantage pour les R, un effondrement du bloc macroniste et une baisse de LFI.
11:50On verra quelle stabilité, s'il y a un accord des droites qui peut se faire,
11:53une union des droites qui pourra apporter éventuellement de la stabilité.
11:57Mais sur le scénario Cassandre de Jean-Pierre Petit,
12:01on n'a jamais connu en fait l'effondrement, il n'y a que les marchés obligataires
12:03qui pourraient effectivement nous faire balayer des gouvernements.
12:06le scénario principal c'est celui d'une érosion lente de la position de la France
12:11au sein du bloc européen.
12:12Attention Raphaël, ça fait 30 ans que je fais ça et j'en ai vu des crises financières.
12:18C'est là que vous êtes plus en égalité.
12:20Personne ne sait prévoir exempter la formation d'une opinion dominante sur les marchés.
12:24Ce n'est pas seulement les marchés obligataires, c'est le marché actions
12:26et c'est les conditions macro-financières de financement qui sont attaquées.
12:29Et là on rentre en récession.
12:31Et si on rentre en récession, ce ne sera pas un léger déficit primaire qu'il faudra.
12:35Ce sera un solde primaire positif.
12:37C'est ça Alric, c'est la récession.
12:39Beaucoup plus que les marchés obligataires qui vont être à l'adresse.
12:41La récession que les finances publiques.
12:42Donc la boucle serait bouclée.
12:44Et là on serait dans une dynamique infernale.
12:46Très bien, 6h56 sur BFM Business, sur MC Life.
12:49Merci beaucoup à tous les trois.
12:50Merci à John Plattard qui était avec nous en duplex.
12:52Merci Raphaël et Jean-Pierre Petit.
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