00:00Et l'éclaireur du jour, il s'agit de Philippe Trenard, professeur honoraire au CNAM et membre du Cercle des Économistes, qui est en duplex avec nous.
00:10Bonjour Philippe Trenard.
00:12Bonjour Nicolas.
00:13Merci d'être avec nous dans Good Morning Markets.
00:15Alors on va réagir ensemble à ce chiffre de l'inflation publié vendredi.
00:18Cet indice PCE, l'indice le plus suivi par la Fed dans son pilotage de stratégie monétaire.
00:252,6% en juillet, 2,7% en août, 2,9% en version corps.
00:32On constate, Philippe Trenard, qu'on reste sur une inflation persistante aux Etats-Unis.
00:39À mettre peut-être en regard aussi des dernières annonces de Donald Trump sur les droits de douane.
00:45Et une croissance, une croissance, et je vous laisse ensuite réagir à tous ces éléments.
00:49Mais une croissance du PIB au deuxième trimestre qui est ressortie finalement un peu plus haute que prévu, 3,8% en rythme annualisé.
00:59On a l'impression, Philippe Trenard, que malgré des annonces de droits de douane toujours plus conséquentes et toujours plus régulières,
01:08que ce soit du côté de l'inflation ou que ce soit du côté de la croissance, ça résiste, Philippe Trenard ?
01:15Oui, oui, ça résiste. C'est au fond, les économistes et les analystes financiers sont un petit peu pris de court
01:21puisque ils prévoyaient un effet récessif et inflationniste des droits de douane.
01:28Et on fait ce qu'on observe, c'est une petite accélération très très progressive de l'inflation
01:33et une activité qui demeure dynamique, ce qui est d'ailleurs aussi la conséquence d'une inflation qui ne dérape pas.
01:42Et je crois que ça, ça a été un peu la surprise.
01:45Et cette surprise, elle s'explique probablement par le fait que l'essentiel du choc des droits de douane aux États-Unis
01:52a été absorbé par les marges des entreprises et plus précisément, non pas par les exportateurs,
01:59les Européens ou les Chinois, mais par les entreprises américaines,
02:03elles-mêmes par les marges des entreprises américaines.
02:07Ça veut dire que moins d'inquiétude que prévu quand on est économiste
02:10et qu'on regarde un petit peu la situation aux États-Unis, si je comprends bien, Philippe Trenard,
02:14les entreprises pour l'instant réussissent à absorber les droits de douane,
02:18donc finalement n'ont pas plus d'inquiétude que ça, c'est ça ?
02:21– Ce serait peut-être une conclusion un peu rapide, je veux dire un tout petit peu plus prudent,
02:27en effet, parce que tout simplement, pourquoi les entreprises ont pu absorber ces hausses de tarifs ?
02:34Tout simplement parce qu'elles avaient beaucoup importé avant la hausse des tarifs
02:38et qu'elles sont en train d'épuiser leur stock d'importation qu'elles avaient acquis à des prix beaucoup moins élevés,
02:46ce qui avait causé d'ailleurs un fort creusement du déficit américain.
02:50Mais nous allons arriver au terme de ces stocks, n'est-ce pas, qui commencent à s'épuiser.
02:57Alors il y avait un deuxième facteur qui a pu inciter les entreprises américaines
03:02à rester modérées dans la hausse des tarifs,
03:04c'est l'incertitude sur la constitutionnalité de la décision de Donald Trump
03:09d'accroître les droits de douane unilatéralement, sans passer par le marlement.
03:15Non, rappelez-vous, les droits de douane, ce sont des taxes, et normalement, c'est le Parlement qui les vote.
03:21Voilà, donc il y a une incertitude, et nous serons d'ici novembre d'ailleurs fixés sur cette incertitude,
03:27puisque la Cour suprême va décider.
03:29Et donc, s'il faut voir, c'est qu'à terme, l'inflation pourrait, là pour le coup, réellement s'accélérer
03:35et les choses devenir plus sérieuses que ce que nous observons aujourd'hui.
03:39Alors, pour autant, on entend quand même, effectivement, vous l'avez dit,
03:44il y a ce sujet des entreprises qui ont déjà beaucoup commandé en amont
03:49pour éviter justement cet effet sur les droits de douane,
03:51et la Fed elle-même estime qu'il y aura effectivement un impact sur les primes
03:56et que ce sera un impact de courte durée qui, justement, n'aura pas d'incidence sur l'inflation à ce stade,
04:03même si, effectivement, la Fed suit ça de très près.
04:05Philippe Trénard, cette incidence des droits de douane sur l'inflation,
04:08vous, quand vous regardez les chiffres et que vous analysez, vous dites,
04:12attention, tout de même, ne nous emballons pas trop vite.
04:15C'est absolument ce que je voudrais dire, parce qu'au fond, quand nous regardons le passé,
04:19les comportements passés, eh bien, in fine, les prix se retrouvent toujours dans les hausses de tarifs,
04:26pardonnez-moi, douaniers se retrouvent toujours dans les prix à la consommation.
04:30Et là, c'est plutôt une situation un petit peu étonnante.
04:33Alors, si on regarde les marchés financiers aujourd'hui,
04:36ils sont quand même un petit peu moins pessimistes.
04:38Alors, ils restent partagés.
04:39Naturellement, il y a ceux qui pensent que ça ne dérapera pas
04:42et ceux qui pensent que ça dérapera.
04:44Mais au total, nous sommes aujourd'hui à 2,9% d'inflation
04:49si on suit l'indice des prix à la consommation.
04:52Et comme vous le disiez, 2,7% si on suit l'indice
04:55que suit la Banque centrale et la Fédérale à la réserve.
04:59Mais néanmoins, les marchés financiers prévoient plutôt 3,3% à l'horizon de 12 mois.
05:05Un mot du taux US à 10 ans, 4,15 points ce matin.
05:12On voit effectivement que celui-ci réagit sûrement à ce risque de shutdown aux États-Unis,
05:18ce rapport de force entre républicains majoritaires aux deux chambres des congrès,
05:22mais qui ont besoin d'une poignée de sénateurs démocrates pour faire passer le budget.
05:27Alors, Philippe Trenard, on est habitué aux risques de shutdown aux États-Unis,
05:31ça arrivait déjà sous l'air Biden,
05:33mais là quand même, on sent que c'est là où se joue potentiellement
05:37le rapport de force entre démocrates et républicains.
05:41Comment est-ce que vous analysez la situation ?
05:43Est-ce que c'est la même situation qu'en mars dernier ou qu'on a connu régulièrement ?
05:46Ou là, il se joue quelque chose d'un petit peu différent,
05:49alors même justement qu'on a tort le rapport sur l'emploi aux États-Unis en fin de semaine ?
05:53Non, je pense que les conséquences aujourd'hui de la négociation entre les démocrates et les républicains
05:59ont beaucoup plus d'enjeux qu'autrefois.
06:01Autrefois, nous étions simplement dans une pièce de théâtre, voire une pièce de théâtre de boulevard.
06:06Aujourd'hui, on voit bien que c'est le futur des démocrates et des républicains qui se joue là.
06:12Et au fond, l'opinion et tous les analyses sont absolument incertains.
06:16Qui va être le perdant s'il y a un shutdown ?
06:19Est-ce que ce sera reproché à Donald Trump ou est-ce que ce sera reproché aux démocrates
06:23qui n'ont pas le sens du compromis et qui ne savent pas trouver un terrain d'entente avec Trump ?
06:30Là, l'incertitude est très grande et les démocrates ont naturellement apesé le pour et le contre d'une décision,
06:36alors que dans le passé, le pour et le contre étaient rapidement vus, vous n'aviez pas intérêt,
06:42l'opposition n'avait pas intérêt au shutdown qui lui aurait été proposé.
06:46Mais comme les positions sont beaucoup plus radicalement opposées aujourd'hui,
06:50il est clair que la question reste beaucoup plus ouverte,
06:55notamment en perspective de l'élection de New York à la ville de New York.
07:00On pourrait avoir intérêt au shutdown, si je comprends bien,
07:04quand on suit effectivement les épisodes passés,
07:08on se rend compte qu'une solution a toujours été trouvée.
07:10Ce que vous nous dites, c'est qu'il faut quand même regarder ça de près,
07:12parce que là, on pourrait avoir intérêt à un shutdown, même temporaire,
07:15si ça peut imputer à l'autre, justement, certains défauts, à certains opposants politiques ?
07:22Absolument. Dans la mesure où Trump a lui-même dramatisé la vie politique,
07:26il est certain que les démocrates pourraient avoir intérêt à dramatiser la vie politique.
07:32Et donc, il y a un vrai calcul et aujourd'hui, une hésitation des démocrates,
07:36alors que dans le passé, très honnêtement, il n'y avait pas d'hésitation au sein du parti de l'opposition.
07:41On savait qu'il fallait terminer par un accord.
07:44Merci Philippe Trénard d'avoir été avec nous dans Good Morning Marquette.
07:46Je rappelle que vous êtes professeur honoraire au CNAM et membre du Cercle des économistes.
07:51Merci beaucoup.