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  • il y a 3 mois
Chaque soir, Julie Hammett vous accompagne de 22h à 00h dans BFM Grand Soir.

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00:00Vous publiez un nouveau livre, l'Albatros aux éditions L'Observatoire, on va en parler évidemment dans quelques minutes,
00:08mais juste avant, on ne pouvait pas ne pas vous demander votre regard sur la situation politique actuelle, comment vous la qualifieriez-vous ?
00:16Crépusculaire, mais vous savez l'intérêt du crépuscule, c'est que c'est le seul moment de la journée où vous pouvez regarder le soleil en face,
00:24avec un début d'aube éventuellement, mais le crépuscule, c'est le seul moment où vous pouvez vraiment regarder le soleil en face sans être brûlé par sa lumière.
00:33Et c'est ce qui se passe avec François Bayrou. Il est au crépuscule et donc il peut tout dire maintenant, il peut tout dire sans se brûler, sans s'irradier, c'est terminé.
00:41C'est terminé, mais ça n'est pas encore terminé et donc il a un espace de véridire, comme disait Michel Foucault, devant lui.
00:48C'est un suicide politique, il a souhaité ce crépuscule.
00:52C'est un suicide en forme d'apothéose, puisqu'il se donne un départ mendéciste, il se donne un départ emprunt d'une certaine noblesse.
01:02Il dit voilà, il est vaincu par un déni plus fort que lui, le mur de la dette reste le même.
01:08Non, il y a quelque chose, il y a de l'allure dans ça, il faut le reconnaître aussi.
01:12Ce n'est pas parce qu'on en dit du mal le plus souvent qu'il ne faut pas.
01:15Mais puisque vous vous intéressez au crépuscule des politiques, est-ce que vous n'êtes pas surpris par le suicide politique de François Bayrou,
01:26qui demande la clarification, qui justifie le vote de confiance par la nécessaire clarification ?
01:32Il emploie les mêmes mots quasiment qu'avait employé un an plus tôt Emmanuel Macron,
01:37qui lui-même avait justifié la dissolution par la nécessaire clarification.
01:40Est-ce qu'il n'y a pas un double suicide politique finalement au sommet de l'État ?
01:44Ce n'est pas le même geste.
01:46Enfin, en ce qui me concerne, je fais partie des gens qui étaient tout à fait réservés sur la dissolution et sur ses conséquences.
01:51Je ne suis pas sûr que l'avenir nous a donné tort.
01:54Ce n'est pas le même geste de réclamer un vote de confiance ou de dissoudre l'Assemblée.
01:59Ce n'est pas la même chose.
02:00Dans le fait de demander le vote de confiance, il y a aussi le fait de dire,
02:03écoutez mes chers collègues, voilà la situation, voilà la situation financière, voilà la situation budgétaire.
02:08On peut chercher des responsables à l'infini, on peut aussi tenter de trouver des solutions.
02:11On n'y parvient pas.
02:13Me donnez-vous votre confiance, oui ou non ?
02:15Je ne vois pas grand-chose à reprocher à cela, en fait, même si c'est sans avenir.
02:22D'un point de vue politique, c'était effectivement suffisant.
02:24D'un point de vue politique, c'est suffisant.
02:25Il était sûr de ne pas trouver une majorité.
02:27Et surtout, les mesures qu'il propose, parce que bien entendu, si à l'arrière, il avait proposé des vraies mesures,
02:31une vraie refonte du système public français, une vraie baisse des dépenses publiques,
02:35une vraie refonte des impôts.
02:36Et ce n'est même pas le cas, donc c'est ça qui est triste.
02:38C'est que finalement, pour une petite réformette, des petites mesurettes, il va quand même devoir partir et demander la confiance.
02:43Il ne joue pas le temps politique, il s'offre une sortie à sa mesure.
02:47Enfin, il s'offre une sortie telle qu'il la souhaite, c'est-à-dire une sortie...
02:50Je ne crois pas, je ne crois pas, justement.
02:52Il y a quelque chose de mendéciste dans le fait de dire...
02:55C'est très différent de Pierre Mendès-France, parce qu'en 1955, Pierre Mendès-France, il avait réussi à nous sortir de la guerre d'Indochine,
03:03il avait réussi l'indépendance de la Tunisie, il avait réussi deux ou trois dossiers,
03:07il n'était pas du tout occupé d'économie d'ailleurs.
03:10Alors que là, on cherche...
03:10Et les bouilleurs de crues, il y a beaucoup de choses.
03:12Et l'élever du lait, c'est vrai.
03:13Voilà, absolument, c'est très important.
03:16Mais on cherche là les succès de François Rémy ?
03:19La comparaison s'arrête là, je parlais de la sortie, je trouve que...
03:23Sortir par le véridire, c'est Michel Foucault qui fait cette différence entre le véridire et le franc-parler.
03:31Le franc-parler, c'est le propre des démagogues, c'est l'acte des démagogues qui essaie de vous séduire en parlant comme vous,
03:37et qui en vérité vous mentent.
03:39Alors que le véridire, c'est Churchill, si vous voulez, qui dit ce qu'il a à dire et qui dit ce qui lui paraît vrai.
03:46Et comment on sort de cette situation très musculaire ?
03:52Comment vous sentez les choses ?
03:53La piste de la dissolution, vous avez dû entendre le Rassemblement National demander une dissolution ultra rapide,
03:58est-ce que vous pensez que ça peut être une façon d'en sortir ?
04:00Non, je reste réservé sur l'hypothèse de la dissolution,
04:04parce que le premier essai a été un désastre en 97 pour celui qui l'avait initié,
04:09le second ne l'est pas moins, je ne vois pas le troisième se terminer mieux,
04:12donc il faut s'en tenir là.
04:15D'autant que l'Assemblée que nous avons aujourd'hui est une Assemblée qui, à mon sens en tout cas,
04:20ressemble assez au peuple français.
04:23Alors elle est ingouvernable, elle est ingouvernable,
04:25mais paradoxalement, malgré le filtre majoritaire, du scrutin majoritaire,
04:29on a une Assemblée qui ressemble d'assez près à l'état de l'opinion.
04:32Sauf que vous avez vu que le RN, en cas de dissolution et de nouvelles élections législatives,
04:38l'emporterait, et que le Front républicain, vous avez vu, ne tient plus tellement.
04:43Comment on explique ça ? Le RN ne fait plus peur ?
04:45Je ne dirais pas ça.
04:47J'aurais tendance à dire, si vous prenez les trois blocs qui constituent le Parlement,
04:51enfin l'Assemblée aujourd'hui, le Rassemblement National, pour le dire vite,
04:55le Rassemblement National, en gros, Renaissance, le Centre et la gauche,
04:59vous avez des gens au Rassemblement National qui adhèrent en profondeur
05:03aux choix qu'ils ont faits et à leurs champions.
05:06Vous avez des gens à Renaissance qui adhèrent en profondeur
05:09aux décisions pour lesquelles ils ont quitté la gauche ou la droite pour venir là.
05:13Ils sont libéraux, républicains, européens, etc.
05:16Ils adhèrent en profondeur à ce qu'ils sont.
05:17À gauche, vous avez des gens qui sont pour le nucléaire,
05:21des gens qui sont contre le nucléaire, des gens qui sont pour l'Ukraine,
05:23des gens qui sont contre l'Ukraine.
05:25Ils s'entretuent sur des sujets cardinaux.
05:28Il y a deux blocs consistants au Parlement.
05:30Il n'y en a pas trois, à mon avis.
05:31Il y en a accidentellement trois pour l'instant.
05:34Mais je vois le troisième, le bloc de gauche, en tout cas,
05:37se porter mal dans l'hypothèse d'une nouvelle consultation.
05:40Vous disiez que l'Assemblée reflétait le pays.
05:45Oui, c'est sans doute vrai.
05:48Comment vous expliquez qu'on n'arrive pas à faire fonctionner une Assemblée,
05:52on n'arrive pas à faire des compromis en France ?
05:54Est-ce que c'est finalement comme les Français n'arriveraient pas à faire des compromis,
05:57les politiques françaises ne semblent incapables de faire des compromis ?
06:00Et c'est peut-être une des spécificités françaises pour le coup.
06:04Parce que partout en Europe, les Assemblées fonctionnent sans majorité absolue.
06:07Les partis s'entendent plus ou moins, mais accouchent de compromis, de lois, de projets de loi, ici ?
06:14Oui, d'ailleurs, les politiques françaises qui, comme Glucksmann, sont formées à l'Europe,
06:17sont formées à l'Europe, sont des enfants du compromis
06:21et ne voient pas de concession, ou plus exactement, ne voient pas de compromission,
06:27là où il y a du compromis.
06:29C'est la voie logique, c'est la voie normale.
06:32Ce n'est pas la tradition qu'on a suivie en France.
06:33Ça tient pour beaucoup, me semble-t-il, à une gauche maximaliste
06:38qui a géré les choses en bon père de famille, tout en se donnant un discours radical.
06:44Et comment le philosophe que vous êtes, l'essayiste,
06:48perçoit le mouvement social, en tout cas l'ombre du mouvement social qui plane ?
06:53On a l'impression, et depuis des années, au moins les Gilets jaunes et même avant,
06:56que les humeurs du peuple, au sens de Machiavel, n'arrivent plus à s'épancher.
07:00Les corps intermédiaires, les syndicats, les partis politiques, n'arrivent plus à les traduire.
07:04Est-ce que vous avez l'impression aussi d'une espèce de crise de régime ?
07:07Comment vous voyez ces mouvements sociaux ?
07:08Je vois une exigence démocratique, mais une exigence démocratique peut-être mal comprise.
07:13C'est-à-dire le sentiment que la délégation de pouvoir est une dépossession.
07:19Le sentiment qu'on perd le pouvoir quand on s'en remet à quelqu'un pour l'exercer en notre nom.
07:24Ce sentiment-là est un sentiment démocratique,
07:28puisque on le vit en tout cas comme un approfondissement démocratique.
07:32Le droit de révocation, le RIC, etc.,
07:34c'est-à-dire que les modalités d'intervention supplémentaires du peuple sur les gouvernants
07:38nous paraissent, paraissent en tout cas à ceux qui les défendent,
07:42des approfondissements démocratiques.
07:43À mon sens, ils ne le sont pas.
07:45Mais ce n'est pas la question, si vous voulez.
07:48Ce qui est intéressant, c'est de comprendre qu'il y a un désir de démocratie
07:52au principe même de démarche qui démonte la démocratie.
07:57On avait le même problème dans les années 70 avec l'abstention.
08:01Jean-Paul Sartre théorisait dans Libération, le fait qu'abstention piège à cons,
08:06que l'abstention était une façon de se déposséder de sa citoyenneté,
08:09puisqu'on allait déposer son petit bulletin,
08:11et puis après, en bon bourgeois, on ne se souciait plus de ce qui se passait.
08:15Et qu'en somme, c'était une démission.
08:21J'ai dit abstention piège à cons, c'était élection piège à cons, bien sûr.
08:26C'est un lapsus magnifique.
08:29Il est tardif en plus, c'est ridicule.
08:31On vous parle.
08:32Non, mais c'est ridicule.
08:34Mais ce que je veux dire, ce qui est intéressant,
08:37c'est que, bien souvent, l'envie de s'abstenir,
08:41ou bien n'est pas le fruit de la dépolitisation,
08:45mais le fruit d'une politisation accrue,
08:47et le désir de lutter contre les pouvoirs intermédiaires,
08:51est une façon, à mon sens illusoire, de politiser encore sa démarche.
08:54Il y a un climat insurrectionnel.
08:56C'est ce que j'allais demander, oui.
08:58Moi, je ne dirais pas ça.
08:59Non ?
08:59Je ne dirais pas ça, un climat insurrectionnel.
09:02C'est rare, les climats insurrectionnels.
09:04On n'a pas tous la chance d'en vivre.
09:06Non, mais c'est le mouvement Bloquons-Tout, le 10 septembre.
09:11On voit que là, il y a les ferments quand même de quelque chose
09:14qui peut potentiellement être violent.
09:16Ce qui est intéressant, c'est de lire un tel mouvement,
09:18comme le mouvement des Gilets jaunes,
09:20même s'il y a des nuances et des différences entre les deux.
09:22C'est de les lire à la lumière, pardon de faire le cuistre,
09:25mais après tout, il est tard,
09:27à la lumière de ce que disait Camus dans L'Homme révolté.
09:30Camus dans L'Homme révolté dit une chose extrêmement simple.
09:32Il dit que l'homme révolté se révolte,
09:34que c'est par haine et non par haine qu'on se révolte.
09:36L'homme révolté dit oui avant de dire non.
09:39Parce que si l'homme révolté dit non avant de dire oui,
09:41il pourra dire non à l'infini, bien sûr,
09:44mais en revanche, dès qu'il s'agira de proposer quelque chose,
09:46il ne sera plus là.
09:47La révolte est un projet avant d'être un rejet.
09:50Or, les Gilets jaunes étaient dans le rejet
09:54avant d'être dans le projet.
09:55C'est la raison pour laquelle ils pouvaient coaliser
09:57des opinions disparates
09:58qui ensuite politiquement débouchaient sur rien du tout,
10:02si vous voulez, il n'y avait pas de proposition.
10:04Et là, avec Bloquons-Tout,
10:07on a légitimement la même crainte,
10:09c'est-à-dire le fait qu'on soit dans l'atmosphère d'un rejet,
10:13d'un rejet systématique,
10:14d'un rejet qui fédère des opinions là encore très différentes,
10:18mais qui en soi ne débouche sur rien.
10:21Donc, ce mouvement du 10 septembre peut prendre ?
10:23Je ne sais pas.
10:25Je ne sais pas.
10:26Je ne m'aventurerai pas.
10:29Ce qui est clair, c'est qu'on a quand même une situation,
10:31je dirais, de marasme social, sociétal,
10:34le chômage qui est en train d'augmenter,
10:35les entreprises qui sont en train de faire faillite,
10:37on a des records historiques de faillite d'entreprises,
10:39donc c'est-à-dire que le chômage va augmenter.
10:40C'est ça qui est, moi, ma grande crainte,
10:42je pense qu'il y a effectivement un vrai risque sociétal,
10:43et c'est ça qui est nouveau,
10:45c'est qu'on a à la fois, on va dire,
10:46des gens d'extrême droite ou d'extrême gauche,
10:48et puis également au milieu,
10:49qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts,
10:51et donc qui ne se retrouvent pas du tout
10:53dans le système politique et dans l'offre politique.
10:55C'est ça qui, aujourd'hui, est particulièrement inquiétant,
10:57qui peut générer cette crise sociétale,
10:59et si, justement, il n'y a pas de stabilité sociale, sociétale,
11:03on va vouloir faire de la croissance,
11:06générer, effectivement, de l'investissement, de l'innovation,
11:08et donc créer des emplois.
11:09C'est ça qui, aujourd'hui, je pense, est très dangereux.
11:11Donc, il faut, moi, je pense, faire un électrochoc,
11:13peut-être une dissolution, pas de révolution,
11:15vous voyez l'absence aussi,
11:16peut-être une dissolution,
11:17pour créer, effectivement, cet électrochoc
11:18et redonner un horizon.
11:20Et la dissolution risque d'être un piège à compte.
11:22Alors, certainement,
11:23mais si on ne redonne pas d'horizon,
11:24alors là, évidemment, on est bloqué
11:25pour encore des mois et des années,
11:27ce qui coûtera très cher, effectivement, à notre économie.
11:29Ce mouvement du 10 septembre,
11:30c'est un peu devenu le mouvement anti-Macron,
11:32Jean-Luc Mélenchon l'a dit.
11:33Le 8, c'est on fait tomber Sobaïrou.
11:35Le 10, on fait tomber Emmanuel Macron.
11:41Comment vous l'analysez ?
11:42Ce qui demande la démission d'Emmanuel Macron,
11:45il n'y a pas que le RN et LFI.
11:47Il y a, chez les LR, Valérie Pécresse,
11:50Jean-François Copé,
11:51des gens plus modérés
11:52qui demandent le départ du président.
11:55Non, mais rien n'est plus commode
11:56que d'en vouloir au président.
11:57De toute façon,
11:58quand vous êtes président de la République,
12:00vous êtes condamné à ce que les gens vous en veulent.
12:02C'est inévitable.
12:03Donc, rien n'est plus commode
12:05que d'en vouloir au président de la République
12:06et de considérer que son départ
12:08serait une purge salutaire.
12:10Je n'y crois pas.
12:11Les institutions sont ainsi faites
12:12que le président est élu pour 5 ans.
12:15Qu'il aille au bout de son quinquennat.
12:18De façon générale,
12:20mon sentiment
12:21est qu'on a toujours tort
12:23de greffer et d'indexer
12:25le temps politique
12:26sur le temps publicitaire.
12:28J'appelle publicitaire
12:29le temps d'une rumeur,
12:31le temps d'un buzz,
12:32le temps d'un écho défavorable.
12:35On a tort de caler le temps politique
12:37sur cette durée-là
12:38parce que ça produit
12:39des décisions irrationnelles
12:41et des sentiments irrationnels aussi.
12:44Je me permets de revenir
12:45à votre thèse de tout à l'heure
12:45que j'aime beaucoup vis-à-vis
12:46de François Bayrou.
12:47L'homme condamné
12:48qui, se sachant condamné,
12:50se libère en parole.
12:52J'aurais beaucoup aimé d'ailleurs
12:53que le Premier ministre
12:54se libère davantage
12:55et puisse dire
12:55ce que les autres hommes
12:56et femmes politiques
12:57ne peuvent pas dire
12:57parce qu'une échéance électorale
12:59les attend
12:59et qu'il faut parfois
13:00savoir mentir au peuple
13:02pour pouvoir être élu.
13:02Qu'auriez-vous aimé
13:04l'aimer entendre dire
13:05qu'il n'a pas dit
13:06et que d'autres
13:07ne peuvent pas dire ?
13:08Je ne sais pas.
13:10Je ne sais pas.
13:11Ce qui me frappe, moi,
13:11c'est que les qualités
13:12en politique,
13:14les qualités requises
13:15pour être élu
13:16sont aux antipodes
13:18des qualités requises
13:19pour gouverner.
13:21Vous devez,
13:22pour être élu,
13:23passer des compromis
13:24avec des tas de gens
13:25que vous n'aimez guère.
13:26Vous devez, pour être élu,
13:27plaire à une majorité de gens.
13:29Vous devez, pour être élu,
13:30d'une certaine manière,
13:31vendre votre âme.
13:31Et, en revanche,
13:33vous devez, pour gouverner,
13:34pour imprimer l'histoire,
13:35pour laisser une trace durable,
13:37pour changer véritablement
13:38les choses,
13:39pour faire bon usage
13:40du moyen dont vous disposez,
13:41vous devez, pour gouverner,
13:42faire preuve
13:43d'un tempérament
13:43de tête de mule.
13:45Et donc, c'est très intéressant
13:46d'observer que,
13:48c'est la raison pour laquelle
13:49nous avons d'excellents candidats
13:50qui ont fait de piètres présidents
13:52dans l'histoire
13:53de la Ve République.
13:54et donc, c'est assez rare
13:58de trouver ces qualités,
14:01ce double ordre de qualité
14:03chez la même personne.
14:04Certains parlent déjà
14:05de crise de régime.
14:06C'est prématuré ou pas ?
14:07On parle volontiers
14:08de crise de régime.
14:08On parlait de crise de régime
14:09au moment du énième 49.3.
14:12Moi, je ne vois pas de crise de...
14:15Non, je vois...
14:16Juste une question.
14:16Ça ne nous inquiète pas,
14:17effectivement,
14:18le fait qu'il y ait autant de jeunes
14:19aujourd'hui
14:19qui votent encore LFI.
14:21C'est-à-dire qu'effectivement,
14:21leurs références,
14:23ça reste l'URSS, etc.
14:24Globalement, pour faire simple.
14:26C'est-à-dire qu'ils ne proposent
14:27pas grand-chose, bien entendu.
14:27Pour faire simple.
14:28Très simple.
14:29C'est-à-dire que je dis souvent ça,
14:30Mélenchon, je lui dis...
14:31Ce que vous proposez...
14:32Vous avez réussi à simplifier
14:33la proposition politique de l'URSS.
14:34Voilà, ça s'appelait l'URSS
14:35et on l'a déjà tenté,
14:36ça n'a pas fonctionné.
14:37Bon, je blague, bien entendu.
14:38Ce que je dis pas là,
14:39c'est que moi,
14:39ce qui me choque quand même,
14:40c'est que moi,
14:49vous êtes justement un philosophe
14:52qui pouvait parler aux jeunes,
14:53que c'est pas inquiétant
14:54d'avoir autant de jeunes
14:55qui aujourd'hui se réfléchissent
14:56justement dans cette destruction.
14:57Je ne sais pas.
14:59Je ne sais pas.
14:59Je ne sais pas.
15:00Moi, s'il y a bien un âge
15:01dans la vie où il faut voter LFI,
15:03c'est avant d'avoir 18 ans.
15:06C'est compliqué pour voter.
15:08Non, mais c'est un système
15:10de pensée pour adolescence.
15:11Ah, voilà.
15:11C'est un système de pensée
15:12qui vous donne le sentiment
15:13qu'en vous opposant,
15:14vous existez.
15:15C'est un système de pensée
15:16qui vous laisse croire
15:17que la solution est l'effet
15:19d'une volonté politique.
15:19LFI, c'est niveau ado, quoi.
15:21Pas plus.
15:22C'est-à-dire que c'est intéressant.
15:23Alors, il y a des gens
15:23qui restent à l'adolescence
15:24toute leur vie.
15:25Il y a des gens
15:26qui ne sortent pas
15:27de l'adolescence.
15:28Mais de façon générale,
15:29la proposition politique
15:31qui consiste à vous faire croire
15:32qu'en vous opposant,
15:33vous allez exister
15:33ou qu'une position radicale
15:36est une position courageuse,
15:37c'est un discours pour adolescents.
15:39Donc, je serais plutôt inquiet
15:40que les adolescents
15:41ne soient pas tentés
15:41par le vote de l'eau.
15:42Ça va, mais là,
15:43mais pour les...
15:44Tout est dans l'ordre des choses.
15:45Voilà, c'est l'âge d'après,
15:46si vous voulez.
15:47Mais encore une fois,
15:47certains n'en sortent pas.
15:48Il y a l'actualité politique,
15:50il y a votre actualité...
15:51Oui, vous m'avez appâté
15:52en me disant
15:52que vous n'alliez pas
15:53mais on y arrive,
15:54figurez-vous.
15:55On y arrive.
15:56On fait de la politique
15:56depuis 20 minutes
15:57à ses heures indues.
16:00Vous publiez donc
16:01l'Albatros
16:02aux éditions de l'Observatoire.
16:03C'est un hommage
16:04en quelque sorte
16:05à votre mère,
16:06Catherine David,
16:06pianiste, écrivaine,
16:08et son combat
16:09contre la maladie
16:10de Parkinson.
16:11Le livre se lit...
16:12C'est une série de conversations
16:15que vous avez
16:16avec votre maman.
16:19Vous avez ressenti, vous,
16:20ce besoin,
16:21après sa mort en 2023,
16:22de poursuivre le dialogue
16:23avec elle,
16:25de continuer à lui parler ?
16:26J'avais cette chance,
16:27j'ai cette chance merveilleuse
16:28d'avoir une mère écrivaine.
16:30Et non seulement écrivain,
16:31mais écrivain de talent.
16:32C'est-à-dire,
16:32j'appelle talent
16:33cette forme de courage
16:34qui consiste à
16:34mettre l'essentiel
16:35de ce qu'on a
16:36et mettre tout son cœur
16:37dans ses textes.
16:38Et donc,
16:39les textes qu'elle a laissés
16:40sont des textes
16:40où j'entends sa voix
16:41et où je la retrouve.
16:42Et donc,
16:42quand elle est morte,
16:44je me suis précipité
16:45vers ces textes
16:46que j'ai lus
16:47un peu comme un cagneux,
16:48si vous voulez,
16:49en faisant des liens
16:49entre les différents ouvrages.
16:51Et à tel point
16:52qu'au bout d'un moment,
16:52j'avais une pelote
16:53conceptuelle intéressante
16:55et j'étais très proche
16:56intellectuellement de ma mère.
16:57Nous avions une grande
16:57proximité intellectuelle
16:58par le plus grand des hasards,
17:00puisque je n'avais pas
17:01grandi avec elle,
17:02mais grande proximité intellectuelle.
17:05Et nanti de ce travail
17:07de dissection
17:09auquel j'avais ajouté
17:11quelques notes,
17:12que j'avais prises
17:12pendant sa maladie,
17:13je me suis lancé
17:14dans l'écriture de ce texte.
17:16Et en fait,
17:16c'est venu en trois mois,
17:17à partir de là.
17:18C'est venu très rapidement.
17:19C'était votre façon
17:21de faire le deuil,
17:22d'une certaine manière ?
17:22Je ne sais pas.
17:23Je ne sais pas.
17:24Je ne sais pas.
17:24Ce qui est vrai,
17:25c'est que quand vous arrivez
17:27à coucher sur le papier
17:28des choses si intimes
17:30que vous croyez
17:31que les mots,
17:32pour les dire,
17:33n'existent pas,
17:35et que vous,
17:35vous réussissez soudain
17:36à décrire quelque chose,
17:37ça peut être un geste,
17:38ça peut être une phrase,
17:39ça peut être une réflexion,
17:40ça peut être un clin d'œil,
17:41n'importe quoi.
17:42Mais quand vous arrivez
17:43à fixer ça,
17:45ce n'est pas que vous faites
17:46œuvre utile,
17:48c'est que vous créez
17:50le conservatoire
17:51d'un talent disparu.
17:52Est-ce que ce n'est pas
17:54un trait...
17:56Ce qui est étonnant,
17:57c'est le hasard,
17:58mais dans cette rentrée littéraire,
18:00c'est qu'il y a énormément
18:01d'écrivains
18:01qui écrivent sur leur mère.
18:04Amélie Nothomb,
18:05Régis Geoffray,
18:07Emmanuel Carrère,
18:08vous-même,
18:09et quelques autres.
18:10Est-ce qu'il y a,
18:12chez les écrivains,
18:13un rapport particulier
18:15à la mère ?
18:17Je ne sais pas.
18:18Je ne sais pas.
18:18Ce n'est pas une source
18:19d'inspiration particulière ?
18:21Ça, c'est certainement,
18:22oui,
18:22mais on n'a pas attendu
18:24la rentrée littéraire
18:252025
18:25pour le constater.
18:27Pour le constater,
18:29non,
18:29je ne sais pas,
18:30je m'étonne de cette convergence.
18:31Ça vient peut-être du fait
18:32que tous les écrivains
18:33en France ont 50 ans
18:34et que, je ne sais pas,
18:35les enfants ont de drogue
18:36et les parents meurent.
18:37Et alors,
18:37je pose la question aux philosophes,
18:39est-ce qu'il est possible
18:39de faire le deuil
18:40de la mort de sa mère ?
18:41Certains disent
18:42que c'est impossible.
18:43Je ne suis pas sûr
18:44qu'il faille faire le deuil
18:45de quelque chose.
18:46C'est-à-dire,
18:46ou plutôt,
18:49vous savez,
18:51tout l'enjeu,
18:53c'est de passer...
18:55Quand les gens sont morts,
18:56parfois,
18:57on se sent comme anesthésié
18:59et on se reproche même
19:00d'assez peu penser à eux.
19:02Et puis, un jour,
19:03un souvenir involontaire
19:04fait qu'ils ressurgissent
19:05et qu'ils s'imposent à vous
19:06et que là,
19:07vous comprenez,
19:07vous prenez la mesure
19:08de cette absence.
19:09Et en fait,
19:10tout dans la vie
19:11et dans ce passage,
19:12entre le moment
19:13où on sait que les gens
19:13sont morts
19:14et le moment
19:15où on le comprend.
19:17Et le deuil,
19:17c'est ce zigzag
19:18entre des moments
19:19de paix
19:20où vous savez
19:20que les gens sont morts
19:21et des moments
19:22d'intense douleur
19:23où vous le comprenez
19:24par toutes les fibres
19:25de vous-même.
19:26Et c'est ça
19:28qu'on raconte
19:29quand on raconte
19:29un deuil.
19:29L'albatros pose
19:31plus largement
19:32la question
19:32de la littérature
19:33de l'intime.
19:34Et vous n'êtes pas
19:35le seul,
19:36on l'a dit,
19:37avec des livres
19:37plus ou moins sévères
19:38sur ses parents
19:39de manière générale.
19:40Je pense par exemple
19:41celui sur Girard.
19:43Quelle est la limite
19:44au dévoilement ?
19:45Est-ce qu'un écrivain,
19:47lorsqu'il écrit
19:47sur sa famille,
19:48lorsqu'il écrit
19:49sur sa propre famille,
19:51est-ce qu'il s'empêche ?
19:52Est-ce qu'il y a
19:54un cadre même implicite
19:55que l'on se fixe
19:56sur cette intimité
19:57dévoilée
19:58qui va être partagée ?
19:59Une autocensure.
20:02Est-ce que c'est
20:02quelque chose
20:02qui vous a traversé ?
20:03Pour l'écriture
20:05de celui-là,
20:06non.
20:07En aucune façon.
20:08En aucune façon.
20:09Parce que
20:09la seule indiscrétion
20:11dont je pouvais
20:11me rendre coupable,
20:13c'était de décrire
20:13quelqu'un de malade.
20:15Mais vous ne touchez pas,
20:18vous n'accédez pas
20:19au cœur de l'autre
20:20si vous ne faites pas
20:22la concession
20:22d'un peu
20:23de cette vérité-là.
20:25Vous êtes obligés
20:25de délivrer
20:26un peu de cette vérité-là
20:27pour parler aux autres,
20:29bien sûr.
20:29Et puis,
20:30vous mentez par omission
20:31si vous ne racontez pas ça
20:32alors que vous racontez
20:33une maladie.
20:34Donc, bien sûr,
20:35c'est la seule indiscrétion.
20:37Pour le reste,
20:39c'est le commentaire
20:40à la fois
20:40d'un fils aimant
20:42qui a adoré
20:43discuter avec sa mère
20:44pendant 45 ans
20:45et d'un lecteur fidèle
20:49qui reste émerveillé
20:50par ses livres
20:50et qui veut
20:51en partager
20:51la lecture.
20:52Donc,
20:52c'est une fiction
20:53ou une réalité ?
20:55C'est un récit.
21:00C'est un récit
21:01où j'essaie
21:02d'être aussi près
21:02de moi-même
21:03que possible.
21:04Et vous dites
21:05que l'adage favori
21:06de votre maman,
21:08c'était
21:09ne vous inquiétez pas,
21:09tout finira pas
21:10s'arranger,
21:10même mal.
21:11Je ne sais pas
21:11si on peut l'appliquer
21:12à la situation politique
21:13actuelle
21:13et si c'est de nature
21:15à nous rassurer.
21:15C'est formidable.
21:17Le pessimisme
21:18est une façon
21:18d'avoir raison,
21:19vous savez.
21:20On ne peut pas
21:20se tromper
21:21quand on fait
21:21des épis.
21:22C'est pratique.
21:23Merci beaucoup.
21:23Merci à vous,
21:24d'être venu
21:25sur le plateau
21:26de BFM TV
21:26ce soir.
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