00:00Journée spéciale, la REF avec la Tribune.
00:05BFM Business présente
00:07Le 18-19 d'Edwis Chevrillon
00:12Retour ici à la REF à Roland-Garros, maintenant vous commencez à le savoir, mais on vit ces dernières heures en tous les cas, d'ici à peu près une demi-heure, une heure, ça sera fini ici à Roland-Garros.
00:28C'est l'heure un peu de faire les conclusions, de savoir qu'est-ce qu'on en retient.
00:32Mon invité, c'est Nicolas Dufour qui est le directeur général de BPI France.
00:35Bonsoir Nicolas Dufour.
00:36Bonsoir Edwige.
00:36Merci d'être là, vous étiez à des débats.
00:39Tiens, vous avez écouté les différents chefs de partis politiques qui parlaient, enfin qui discutaient, qui s'affrontaient, on peut dire ça quand même.
00:48Vous en avez retenu quoi en fait ?
00:51Écoutez Edwige, il y a un mot dans le langage politico-syndical qui est le mot de bouger, on fait un bouger, vous voyez ?
00:58Oui, oui.
00:58J'ai vu zéro bouger.
01:00Vous avez vu zéro bouger ?
01:01Non.
01:01Oui, alors maintenant la question c'est effectivement comment paralyser un pays dans un pays bloqué.
01:06Vous savez, c'est quelqu'un qui disait ça, c'est une de mes concerts je crois, je trouvais que c'était un très bon titre, ça c'était à propos du 10 septembre.
01:13Vous Nicolas Dufour, vous aviez écrit un livre sur la réindustrialisation, absolument passionnant, que je recommande à tous nos auditeurs et téléspectateurs.
01:22Vous allez en publier un autre sur la dette, la dette sociale.
01:28Je vous pose tout de suite la question parce qu'on parle beaucoup de dette, d'endettement au niveau de la dette, c'est un TNAP, c'est catastrophique, etc.
01:35Vous c'est sur la dette sociale, mais en même temps on voit que c'est sans doute là, c'est là où le bas blesse en fait dans le modèle économique français.
01:42Oui, j'ai voulu comprendre moi-même, comme tous les français, d'où venait ce montant gigantesque de 3500 milliards d'euros de dette,
01:51et d'où venait cet échec continu de tous les gouvernements depuis 1974 en fait, qui tous ont promis de stabiliser la dette, et tous ont échoué.
02:02Or, il y a quand même des gens formidables dans les équipes qui se sont succédées.
02:06On ne peut pas simplement se dire que pendant 50 ans la France a été mal gouvernée, ça ne marche pas ça.
02:11Donc il y a quelque chose de beaucoup plus profond, qui est au cœur de la machine, au fond de fonctionnement de la société française,
02:19qui produit cette dette d'une manière tellement forte, comme une marée, des quinoxes, à laquelle vous ne pouvez pas résister.
02:25Oui, comme un gros paquebot qui est dans une corcéphale.
02:28Et vous pouvez bâtir toutes les digues que vous voulez, la marée monte quand même.
02:32Et donc j'ai voulu comprendre ça, et j'ai repris depuis le début des années 70, semestre par semestre, les explications de la montée de la dette.
02:40J'en tiens une conclusion, c'est que l'essentiel de la dette de la France, c'est des prestations sociales.
02:47C'est pour ça que je l'appelle la dette sociale.
02:49Sur les 3 500 milliards qu'on aura atteints probablement en fin d'année, de dettes publiques françaises,
02:54vous avez grosso modo 2 000 milliards qui sont des retraites, des remboursements d'assurance maladie,
03:00et des minima sociaux.
03:042 000 milliards sur les 3 500.
03:05Oui, mais c'est notre modèle.
03:06Et donc on pense toujours qu'au fond, la dette, elle a financé les investissements, en fait pas beaucoup.
03:11Elle a financé un état obèse, c'est-à-dire trop de fonctionnaires, des administratives, certes, mais c'est pas l'essentiel.
03:19L'essentiel, c'est qu'on a endetté la France pour financer des retraites payées chaque mois,
03:24des remboursements d'assurance maladie, et des minima sociaux.
03:28Et les chiffres parlent, en réalité, tout ça est parfaitement quantifié.
03:30Aujourd'hui, les 3 derniers jours de chaque mois de retraite versée aux Français sont financés par de la dette.
03:37Les 3 derniers jours de chaque mois de remboursement d'assurance maladie sont financés par de la dette.
03:41C'est 10% du budget social de la France.
03:43Et ça depuis quand ? C'est très intéressant ce que vous dites, parce que justement ça éclaire aussi un peu les temps.
03:46Eh bien c'est monté très progressivement à partir de 1974, c'est la grande crise.
03:51Qu'est-ce qu'on a fait depuis 1974 ?
03:54On a créé pratiquement tous les semestres de nouveaux droits sociaux.
03:58L'équation du progrès, elle est incroyable.
04:01On a ajouté du progrès au progrès, continuement.
04:04Mais absolument, il faut que les Français quand même le reconnaissent.
04:07C'est magnifique ce qui a été bâti en termes de couverture.
04:10Le reste à charge dans la santé n'a pas cessé de baisser, il est le plus faible du monde aujourd'hui.
04:13Les retraites sont les plus généreuses d'Europe, donc du monde.
04:16Voilà, les minima sociaux qui se sont ajoutés les uns aux autres sont extraordinairement généreux
04:22par rapport à ceux dont vous pouvez disposer dans d'autres pays européens
04:25et par conséquent probablement aussi les meilleurs du monde.
04:29Ok ?
04:30Et simplement tout ceci devait être financé par l'économie et l'économie n'a pas suivi.
04:34Alors dans un premier temps on s'est retourné vers l'économie en disant
04:37« Tu devrais suivre toi, économie, c'est de ta faute ! »
04:41On a promis la croissance, le point de croissance supplémentaire, on l'a entendu à nouveau dans le débat à l'instant là.
04:46C'est toujours la croissance qui va nous sauver, sauf qu'elle ne vient pas.
04:49Et pourquoi elle ne vient pas ? Parce que la France vieillit.
04:52Un pays qui vieillit aussi vite ne peut pas croître de 2%.
04:56Pourquoi ?
04:57Mais parce qu'il y a 18 millions de retraités alors qu'avant il y en avait 10 millions.
05:01Ça fait 8 millions de travailleurs de moins.
05:03Comment voulez-vous croître comme dans les années 90 ou les années 2000 ?
05:07Un pays qui vieillit massivement ne peut plus croître de 2%.
05:11La croissance de la France c'est 1%.
05:14Par ailleurs on a cru au plan de relance, la relance va nous sauver, donc on fait un plan de relance.
05:20Ça ne marche jamais.
05:21La relance ne rembourse jamais la dette qu'on construit pour financer le plan de relance.
05:26Jamais.
05:27Depuis 1974 c'est absolument établi.
05:29On continue.
05:30Parce que les économistes keynésiens sont beaucoup plus nombreux que les non-keynésiens sur la place de Paris.
05:36C'est l'expression à propos de la relance faite par François Mitterrand, c'est que les caddies sont pleins mais les caisses sont vides.
05:44Oui.
05:45Voilà.
05:45C'est ça.
05:45Donc la relance en fait...
05:47Oui.
05:47Non mais il y a toutes sortes de croyances qui sont en fait des fables.
05:51Le fait que la France peut revenir à 2% de croissance est une fable, le fait que la relance va nous sauver est une fable.
05:57Et donc on se lance dans des programmes qui ne rapportent pas ce qu'on en attendait.
06:03Et comme ils ne rapportent pas, la dette ne fait que croître.
06:06Et donc ça veut dire que vous dites qu'il ne faut plus faire de relance ? C'est ça que vous nous dites ?
06:09Les plans de relance ça ne sert à rien ?
06:10Je suis convaincu que pour l'avenir, il faut totalement arrêter de faire des plans de relance, nous n'en avons plus les moyens.
06:17Déjà, on n'a probablement plus les moyens de se payer la prochaine grande crise systémique.
06:22On s'est pris la crise du Covid, on est monté à 114, il faut maintenant stabiliser cette dette.
06:27Pour stabiliser la dette, il faut ce qu'on appelle un solde primaire équilibré, déjà dans un premier temps, ce qui suppose de faire 120 milliards d'euros d'économie.
06:36Ce n'est pas 44, c'est 120.
06:37Oui mais là c'est 120 milliards sur 3 ans en fait.
06:39Sur 3 ans, 4 ans, mais il faut les faire. Et ensuite il faut s'y tenir.
06:43Oui, mais vous voyez bien dans quelle situation nous sommes, la situation politique.
06:47La situation politique est telle que personne ne veut bouger.
06:51Et donc la dette va continuer de croître.
06:55J'ai interviewé dans le livre 50 personnes qui ont piloté la question de la dette depuis 40 ans,
07:02qui sont les présidents de la République, les premiers ministres, les ministres, les directeurs de la sécurité.
07:05Les directeurs du Trésor qui expliquent ce qu'ils ont essayé de faire devant la marée.
07:10Oui mais est-ce qu'ils ont conscience de leur échec ?
07:12Ils en ont parfaitement conscience.
07:14Oui.
07:15Mais simplement, dans un quinquennat, vous pouvez faire une grande réforme sociale, pas deux.
07:20Or il en faudrait trois pour stabiliser la dette.
07:23Voilà le problème auquel nous sommes confrontés.
07:25Oui, mais vous voyez déjà la question des retraites, vous voyez bien la difficulté.
07:28Mais je vois parfaitement la difficulté.
07:30Les retraites sont au cœur du sujet.
07:32Les Italiens ont vécu ça.
07:33Mais les Français n'ont pas envie d'entendre ça.
07:34Quand les Italiens ont fait leur réforme des retraites en 2011,
07:36ils avaient à l'époque 3 000 milliards d'euros de dettes.
07:39Sur les 3 000 milliards d'euros de dettes, il y avait 2 000 milliards qui venaient des retraites.
07:44Parce qu'ils n'avaient pas fait les réformes nécessaires.
07:46Ils ont fait les réformes nécessaires.
07:48Aujourd'hui, leur dette est stabilisée.
07:51Et donc, ce moment de vérité viendra en France inévitablement.
07:55Et pourquoi ils arrivent et pourquoi nous on n'y arrive pas ?
07:57Ils y sont arrivés parce qu'ils ont eu une crise des marchés financiers
08:00qui a fait qu'ils ont été obligés dans le mois de décembre 2011
08:05de prendre une disposition législative en urgence.
08:08La loi s'appelle Sauver l'Italie, Salva Italia,
08:12où la retraite est passée à 67 ans.
08:16Décembre 2011.
08:17Mais alors, en même temps, vous dites les plans de relance, le soutien,
08:21on n'a plus les moyens d'affronter la grande crise.
08:23Vous avez été au cœur, justement, en tant que patron de BPI France.
08:26En fait, c'est vous qui avez soutenu avec les prêts garantis qui ont été mis en place par l'État.
08:31C'est vous qui avez organisé ASSA, soutenu, financé.
08:34C'était une erreur, rétrospectivement ?
08:36Non.
08:37Ou de continuer aussi longtemps ?
08:38Non, non, non, non.
08:39Il y a eu le plan de soutien à l'économie
08:42quand l'économie était arrêtée par décision administrative.
08:46Ça, c'est normal.
08:48Et d'ailleurs, le PGE ne coûte pas grand-chose à l'État.
08:50Le PGE, au total, va coûter probablement 8 milliards, quelque chose comme ça.
08:54Absolument rien à voir.
08:558 milliards, c'est déjà beaucoup.
08:56Non, mais rien à voir avec ce qu'a coûté la crise du Covid à l'État,
08:58c'est-à-dire plusieurs centaines de milliards d'euros
09:00à cause du financement du chômage partiel,
09:02à cause des fonds de sécurité, des fonds de restructuration, etc.
09:05Et puis après, il y a eu le plan de relance.
09:10À nouveau.
09:10Et puis après, il y a eu le plan anti-inflation Ukraine.
09:13Trois plans successifs qui ont coûté extraordinairement cher.
09:16Donc l'ABPI, son rôle, c'est de monter la croissance potentielle de la France.
09:21De quelques points de base.
09:22On ne va pas la monter de 1 à 2%,
09:23mais de 1 à 1,2 par exemple.
09:26En permettant aux entrepreneurs de déployer tous leurs projets.
09:29Ça, bien sûr que j'y crois.
09:32Simplement, ça ne pourra pas marcher
09:34si l'État-providence continue de galoper toujours devant.
09:39Et il galope toujours devant
09:40quand on ne tient pas compte du fait que l'espérance de vie galope également.
09:47L'horloge suisse de la France, elle est assez claire.
09:50On est un pays vieillissant,
09:52avec des gens qui ont une espérance de vie magnifique,
09:55qui augmente constamment,
09:56et qui ne produisent plus.
09:58Et donc si on veut financer les 30-35 ans de retraite
10:03qu'on offre aux Français aujourd'hui,
10:05à cause de cette espérance de vie,
10:07il faut une économie prospère.
10:09Pour que l'économie soit prospère,
10:10l'État-providence ne peut pas galoper
10:12toujours devant l'économie.
10:15Il faut permettre à l'économie,
10:16à un moment donné,
10:17de rattraper l'État-providence,
10:18de le financer à 100%,
10:19peut-être même de le dépasser un petit peu.
10:22Et à ce moment-là,
10:22on se paiera les nouveaux progrès sociaux.
10:24– Oui, donc drôle de paysage que vous nous décrivez.
10:32Un point quand même peut-être pour conclure,
10:35parce que ça passe vite.
10:37Vous, vous êtes donc à la tête de BPI France,
10:39vous financez beaucoup d'entreprises.
10:40Est-ce que vous sentez là qu'il y a un climat des affaires
10:43un peu fragile,
10:45que les entreprises deviennent très frileuses ?
10:48Alors on vient de rentrer,
10:50c'est presque un peu tôt ma question.
10:52– Oui, l'emploi est stable,
10:56c'est quand même un indicateur très important.
10:58La volonté d'investir, elle est toujours là,
11:01elle est un peu plus fraîche qu'avant,
11:02c'est tout à fait clair,
11:03en euros et en nombre d'opérations d'investissement.
11:07Mais je sens les entrepreneurs tout de même très combatifs.
11:10Ils commencent à se dire des crises comme celle-ci,
11:12politiques, on en a vécu tant,
11:14on oublie, on ferme les écoutilles,
11:16on ne lit plus les journaux, on avance.
11:18On fonce, après tout, le monde est vaste.
11:23Et les déclarations faites par Éric Lombard hier,
11:26ici à l'AREF, les rassurent.
11:28– Oui, à condition qu'ils puissent tenir parole.
11:31– Alors bien entendu.
11:32Mais on est dans un paradoxe,
11:34c'est qu'encore une fois l'économie,
11:36l'économie n'est pas mauvaise,
11:37tous ceux qui disent qu'on est en crise,
11:38ce sont des contre-vérités,
11:40l'économie n'est pas mauvaise,
11:42simplement elle est trop petite
11:43par rapport à l'État-providence.
11:47Et donc il faut la faire grandir à tout prix.
11:49Il faut plus d'entrepreneurs,
11:50il faut que leur projet soit plus ambitieux,
11:52il faut que l'équation du tout est possible,
11:56à laquelle je crois en France,
11:58soit réelle pour tout le monde, etc.
11:59– Merci Nicolas Dufourc d'avoir été avec nous,
12:04directeur général de BPI France,
12:05sorti de votre livre qui s'avère passionnant,
12:07c'est quand ? C'est dans un mois ?
12:08– C'est début octobre.
12:09– Début octobre.
12:10Et puis avant, il y a la vérité,
12:11et non pas si je mens,
12:12mais la vérité, il y a Big,
12:15un grand événement qui sera le 23 septembre.
12:17– J'ai choisi le table de la vérité
12:18avant que Trump arrive au pouvoir,
12:20je ne croyais malheureusement pas
12:21être à ce point d'actualité.
12:24– Dans le mille, comme on dit.
12:25Merci beaucoup d'avoir été avec nous.