00:00Chaque jour, un expert vient combattre le consensus et les idées reçues.
00:03Aujourd'hui, c'est Thibaut Prédé, économiste indépendant et auteur.
00:07Bonjour Thibaut.
00:08Bonjour.
00:08Auteur. H-A-U-T-U-R. Vous apportez de la hauteur.
00:11Ouais, j'ai déjà fait la fête la dernière fois.
00:13Oui, je l'avais déjà fait.
00:14La situation budgétaire française va mettre sous pression l'euro.
00:17On l'entend beaucoup.
00:19Mais vous n'êtes pas d'accord, vous dites bullshit.
00:23Vous foudroyez.
00:24Cette idée que parce que le gouvernement va sans doute tomber,
00:27c'est encore une mauvaise nouvelle pour la France et donc pour l'euro.
00:31Vous êtes content donc qu'on retrouve l'instabilité politique.
00:33Pour vous, ce n'est pas grave.
00:34Oui, alors de là à dire que ce n'est pas grave, je ne sais pas.
00:36Mais là, vous voyez encore les Pays-Bas qui ont annoncé que probablement
00:38leur gouvernement allait sauter, ça affole personne.
00:41La réalité, c'est que c'est notre régime.
00:42Notre régime, c'est un régime de coalition qui sont par nature instables
00:45un peu partout en Europe.
00:47Et ce n'est pas un drame.
00:48Alors c'est vrai que vous pouvez avoir la lassitude du français
00:50qui se dit on ne réformera jamais, c'est infernal.
00:52On va vers un précipice et on ne freine pas.
00:55Je suis d'accord avec ça, mais je pense que le précipice est plutôt
00:57à 50 km qu'à 50 mètres.
01:00On peut être déçu.
01:01De là à dire qu'il y a une urgence ou un drame, je ne crois pas du tout.
01:04Mais l'euro vient fortement monter.
01:06Elle a tous ces derniers mois depuis le début de l'année face au dollar.
01:08Vous ne pensez pas qu'à un moment, la situation française
01:10pourrait servir de prétexte à des doutes, en tout cas
01:12à une consolidation de l'euro, un retour en arrière ?
01:14Est-ce que vous savez, Guillaume, à quel niveau a été introduit l'euro-dollar ?
01:18Oui, je sais parce que vous nous en avez parlé.
01:19Vous aussi, vous répétez.
01:20Exactement au niveau actuel.
01:21Oui, mais bon, comme on yoyote, il faut bien que je le dis à chaque fois qu'on revient à ce niveau.
01:24Tout ça pour dire qu'en réalité, on est dans une grande stabilité.
01:27Et grande stabilité qui s'explique par le fait, de manière assez étonnante,
01:29qu'on a exactement les mêmes problématiques des deux côtés.
01:31C'est-à-dire que vous râlez sur le déficit français, mais les Américains ont plus.
01:35On râle sur la dette française, les Américains ont la même.
01:37Et ils ont moins d'épargne et besoin de financements internationaux.
01:40Donc en fait, aujourd'hui, on est dans quelque chose qui est relativement stabilisé,
01:42si ce n'est qu'avec le reste de l'Europe qui est plus sérieuse.
01:45L'image européenne est peut-être plus rassurante que l'image américaine.
01:47Et ça, c'est avant de parler de tous les éléments qui sont peut-être évoqués plus durablement dans le club
01:52sur ce qu'est en train de faire les Etats-Unis par rapport à la réserve fédérale, par rapport à Intel,
01:57qui ne sont pas des choses qui rassurent beaucoup les investisseurs internationaux.
01:59Donc en fait, j'aurais envie de dire peut-être un poil le bazar en Europe,
02:02mais quand on se compare, on se rend compte que ce n'est pas si mal.
02:04Et j'anticipe plus une mise sous pression du dollar que de l'euro pour les mois à venir.
02:07Julien ?
02:08Quand je me regarde, je me désole.
02:09Quand je me compare, je me console.
02:11Alors oui, d'accord, l'euro, il ne baisse pas parce que le dollar, vous avez raison,
02:15les Etats-Unis, c'est n'importe quoi, donc le dollar chute, donc l'euro ne chute pas.
02:19Enfin, n'empêche que sur les taux, on en parlait avant avec les spreads,
02:22ça se resserre avec l'Italie et ça s'écarte avec l'Allemagne.
02:26Oui, mais ça, c'est sûr qu'en même temps, vu ce qui est fait en France,
02:28on ne peut pas non plus espérer un traitement merveilleux.
02:30Et de manière générale, on voit bien qu'il y a une défiance,
02:33puisque si vous regardez les notations des agences,
02:35la France est bien mieux notée que l'Italie, et malgré tout, le marché n'y croit pas trop.
02:39Donc ça, il n'y a pas de doute sur le fait qu'il y a une dégradation de la France.
02:43Mais il faut être honnête, c'est un repricing à un niveau qui est légitime,
02:46plus qu'une crise, c'est-à-dire qu'on n'est pas en train de dire que le taux français devrait être à 10,
02:49on vient juste dire qu'ils n'ont absolument rien à faire au niveau auquel ils étaient encore en début d'année.
02:53Ce qui, objectivement, est vrai dans la mesure où on a un pays qui ne se réforme pas
02:56et qui dépense plus que ce qu'il gagne.
02:57Mais de là à dire que ça va entraîner une méga crise à court terme,
03:00je ne crois pas du tout, c'est un repricing à un niveau qui est malheureusement légitime.
03:02Mais finalement, c'est peut-être ça le problème, Thibaut,
03:04c'est le fait qu'on a l'euro pour nous protéger,
03:06donc au résultat, on ne fait rien, on laisse traîner les finances,
03:09on ne s'attaque jamais aux vrais problèmes en se disant
03:11« mais il y a toujours l'euro, l'euro il nous protège, c'est notre parapluie ».
03:14Ce n'est pas la plus merveilleuse des excuses quand même ce truc-là ?
03:17Oui, ce n'est pas faux, mais si on est complètement objectif,
03:19la France c'est un pays qui malgré tout a une épargne qui est excédentaire,
03:23une dette qui est en l'occurrence détenue en bonne partie par la Banque de France,
03:26donc si on corrige de la dette qui ne nous coûte rien,
03:28qui est détenue par la Banque de France,
03:30les niveaux ne sont pas si élevés que ça par rapport à ce qu'il était ces 20 dernières années.
03:32C'est un pays qui, avec son épargne excédentaire,
03:34peut se financer tout seul sans avoir besoin de l'étranger,
03:37ce qui n'était évidemment pas le cas de la Grèce,
03:39ce qui n'est pas le cas du Royaume-Uni, ce qui n'est pas le cas des États-Unis.
03:41Donc voilà, l'agacement qu'on peut avoir face aux hurlements d'austérité
03:48dès qu'on veut baisser le déficit de ça est agaçant.
03:50De là à dire que la France serait totalement nue sans l'Europe,
03:52je pense que c'est encore une fois malheureusement, ou heureusement, assez excessif.
03:55Avec encore une fois, en plus dans notre arsenal,
03:57une des GFIP qui sait très bien collecter l'impôt
03:59et des traders de l'agence France Trésor
04:02qui savent admirablement bien placer nos bons du Trésor.
04:05Donc ça, c'est vrai que c'est des munitions quand même.
04:07Et alors justement, les prochains tests là-dessus,
04:09les prochaines grandes adjudications ?
04:10Il va falloir qu'ils soient bons.
04:11Ce sera quand, Thibaut ?
04:12Alors déjà, moi, ça sera tous les jeudis,
04:15donc première et troisième semaine.
04:16Les grosses adjudications, c'est-à-dire les emprunts longs
04:19qui peuvent perdre un peu plus peur, c'est le premier jeudi,
04:21donc ce sera la semaine prochaine.
04:22Je ne peux pas m'en apporter, je pense qu'on s'en fout complètement.
04:24C'est-à-dire que, pour résumer ça en un terme boursicoteur,
04:27c'est comme si vous disiez,
04:28« On va attendre la prochaine boîte station de LVMH
04:30pour savoir si la boîte va bien ».
04:32Non, le titre, il échange.
04:33Tous les jours, des milliers de fois par jour
04:35entre des gens qui en ont à vendre,
04:36d'autres qui veulent en acheter.
04:37Et ce n'est pas le moment où il y a une émission
04:38qui va surtout chez des cases de retraite,
04:39des mutuels qui sont obligés de les acheter,
04:41qu'on a l'info.
04:41L'info, vous l'avez en live toute l'année.
04:43Donc en fait, cette adjudication,
04:44il n'y a aucune chance que tout le monde veuille
04:46des emprunts d'État et que donc les cours se tiennent bien
04:48et que tout d'un coup, personne n'en veuille à l'émission
04:49ou réciproquement qu'il y ait une méga crise
04:51qui ne se verrait pas dans les échanges au quotidien.
04:53Donc en fait, c'est vrai que cette adjudication,
04:54c'est amusant intellectuellement,
04:56mais en réalité, c'est un flux parmi des flux quotidiens.
04:59Donc ça ne va vous donner aucune info
05:00que vous n'ayez pas déjà en réalité.
05:01Et il est même possible que la hausse des taux français
05:02attire de nouveaux investisseurs.
05:04Certains investisseurs japonais d'ailleurs disent
05:05que c'est une opportunité.
05:06Les fonds Five Star AM et Nisa AM
05:08parlent d'opportunités d'investissement
05:10avec leur montée des taux français
05:11comparativement à d'autres taux européens.
05:13Ça rend la dette française, disent-ils,
05:14plus attractive, tiens.
05:15Mais oui, rappelons-vous d'une chose,
05:16c'est que le marché obligataire,
05:17la valeur de fin est la même pour tous.
05:19Donc en fait, s'il n'y a pas de faillite
05:21de l'État français, de sortie de la zone euro,
05:23que vous ayez acheté allemand, néerlandais,
05:25espagnol ou français,
05:25vous avez à la fin le rendement qui était prévu.
05:28Et donc, tant que vous n'avez pas de scénario
05:29de graphisme, autant acheter celui qui rémunère le plus.
05:32Et donc forcément, c'est cette force de rappel
05:34qui permet à tout le monde de converger un peu
05:35vers les mêmes niveaux de taux.
05:36C'est quand même sacrément tordu comme situation.
05:38C'est tordu, mais c'est la vie.
05:38Après, je crois qu'on a eu le même article
05:39de Bloomberg, Mitsubishi,
05:41qui est quand même une dernière banque,
05:42là, vous dites, non, non, nous, on n'y va pas.
05:44C'est vrai, Mitsubishi, au contraire,
05:45il n'y a pas non plus un consensus
05:46chez les Japonais si fort que ça.
05:48Mitsubishi dit, si le gouvernement tombe,
05:49effectivement, nous, on retirera,
05:50on allègera en tout cas nos positions
05:52sur les obligations françaises.
05:53Vous restez avec nous ?
05:54C'est réglementaire ?
05:54Oui, alors voilà, en plus,
05:56si la note de la France, justement,
05:58est dégradée, gaffe.
05:59Oui, ça a zéro impact.
06:01Attendez, si on passe de double A à simple,
06:03mécaniquement, obligatoirement,
06:04réglementairement, certains sortiront la France.
06:06Non, mais il faut comprendre qu'en fait,
06:08et ça, c'est très technique sur les marchés,
06:10mais il faut comprendre qu'un acheteur
06:11d'emprunt d'État,
06:12c'est un acheteur qui, généralement,
06:13est forcé par une réglementation,
06:14solvant-ci,
06:15qui s'applique aux mutuelles,
06:17aux caisses de retraite, tout à fait,
06:18qui est quand même imposé par l'État.
06:19Donc, en fait, ce gars,
06:20tant qu'on est sur une notation
06:21investment grade,
06:22on est très au-dessus,
06:23en fait, il est un peu obligé
06:24d'en acheter tout le temps,
06:24et il le fera.
06:25Et donc, on est très loin
06:26des niveaux de notation
06:27qui seraient un problème,
06:28heureusement, malheureusement.