00:00Tiens, il est 16h53, chaque jour un expert de marché vient combattre les idées reçues,
00:05combattre le consensus, notre combattant du coup.
00:07C'est Thibaut Prébet aujourd'hui, économiste et auteur.
00:10Bonjour Thibaut.
00:11Bonjour Guillaume.
00:11C'était dur dans Paris là, il y avait des embouteillages ?
00:13Il pleut.
00:14Il pleut, oui.
00:15Je ne vous cache pas que ça fait 10 minutes qu'on rame en attendant que vous arriviez là.
00:17Non, je n'en crois pas un mot.
00:18Si, si.
00:20On va parler de l'Italie, tiens, parce que pendant 100, c'est le 10 ans français aussi qui rame face au 10 ans italien.
00:24Le 10 ans français, tous ces derniers jours, c'est ancré au-dessus, au-dessus du 10 ans italien.
00:30Sous nos yeux, certains le croient, le croient sincèrement, mais pas vous.
00:33Vous dites même bullshit.
00:37Vous foudroyez cette idée que le miracle italien est en route.
00:42Et là, Fitch a relevé la note de l'Italie, contrairement à la note de la France.
00:45Donc il y a un miracle italien, que vous le vouliez ou non, Thibaut, c'est comme ça.
00:49Oui, c'est intéressant parce qu'on a aujourd'hui beaucoup de gens qui nous poussent soit l'Italie, soit l'Espagne,
00:52souvent sur leur bord politique, avec une Italie qui a un gouvernement d'extrême droite
00:56qui fait beaucoup d'immigration, et l'Espagne qui a un gouvernement de gauche qui refuse les 37,5 heures
01:01et qui a une retraite à 67 ans.
01:03Donc on voit qu'en fait, c'est assez amusant parce qu'au-là des étiquettes, on veut d'autres pays.
01:07Moi, j'appelle ça l'illusion démographique.
01:09J'appelle même ça la cristallisation démographique, en reprenant le terme de Stendhal.
01:12C'est-à-dire qu'en fait, il y a des pays qui, par le vieillissement,
01:16ont l'air d'aller beaucoup mieux à un moment, comme l'Allemagne a une dizaine d'années,
01:19et comme pour l'Allemagne désormais, ça se finira mal.
01:21Et donc je pense qu'on est dans une illusion cosmétique qui, pour l'instant, a l'air sympa.
01:26On y sera d'ailleurs dans 10 ans, donc c'est nous qui aurons l'air sympa,
01:28mais qui, à mon avis, derrière, cache des lendemains qui vont déchanter.
01:32Julien ?
01:32Oui, bon, après, vous n'avez que le taux de chômage qui est bas en Italie.
01:35Alors vous me direz, il est bas aussi en France.
01:36Ce n'est pas forcément une bonne, mais c'est quelque chose qu'on met souvent en avant dans le bilan de Madame Numele.
01:42Vous avez raison de soulever ça, parce qu'on est quand même sur une dizaine d'années,
01:445% de baisse du taux de chômage italien, donc c'est majeur.
01:47Mais il ne faut pas oublier la recette qu'a connue l'Allemagne.
01:48Je vous rappelle, en 1980, l'Allemagne ou le Japon, c'est 2% de taux de chômage.
01:51Sur les 40 ans qu'on suivit, c'est les pires croissances quasiment mondiales, économiques,
01:55et des performances boursières qui ne sont pas top.
01:57Pourquoi ? Parce qu'en fait, quand vous arrêtez d'avoir des jeunes,
01:59au début, c'est quand même cool, parce que vous n'avez plus personne qui arrive sur le marché de l'emploi,
02:03et vous avez plein de gens qui partent, donc votre taux de chômage, il se casse la gueule.
02:05Mais au bout d'un moment, on a tous les effets négatifs de manque de consommateurs,
02:08de disponibilité de main-d'oeuvre, qui arrivent.
02:11Donc en réalité, et d'ailleurs, du coup, ce besoin d'immigration.
02:13Et donc les pays les plus vieux de la zone, qui étaient d'abord l'Allemagne,
02:16mais avec l'immigration, ils ont rajeuni, et qui est maintenant l'Italie,
02:18avec 48 ans de moyenne, c'est quasiment 6 ans de plus que nous,
02:21on a un effet chômage qui, à mon avis, dit plus de la démographie,
02:24et donc des perspectives pas top, que d'une amélioration.
02:27En vrai, c'est normal, tous les pays au monde ont la même chose,
02:30c'est démographique, je ne pense pas que ça ait grand-chose à voir avec Mélanie.
02:32L'âge moyen des Italiens, 48 ans, et en France, 42.
02:36C'est énorme comme les cas.
02:37Un peu plus dans les deux cas.
02:37Oui, après, en Asie...
02:39Et dans les deux cas, c'est une moyenne qui fait qu'on se reproduit moins.
02:41Un 42, on se reproduit moins, et un 48 encore plus.
02:43Ah oui, mais ça c'est sûr aussi...
02:45C'est le cercle vicieux, quoi.
02:46Mais en fait, c'est pas qu'on se reproduit moins parce qu'on a 48 ans,
02:48c'est qu'on a 48 ans parce qu'il n'y a pas assez de jeunes,
02:49qui viendraient baisser la moyenne d'âge.
02:50Donc vous avez raison, mais en réalité, en fait, ça part dans l'autre sens.
02:53Mais au Japon, on a plus de 50 ans, et ainsi de suite.
02:56Et on se reproduit peu, oui.
02:57C'est une vraie tendance.
02:59C'est-à-dire que, globalement, il y a moins de naissances partout.
03:01Et là encore, l'Italie, l'Espagne sont des moins bons élèves que nous.
03:04Donc c'est ça qui nous a mis dans la difficulté.
03:06Moi, j'aime bien reparler de ça.
03:08C'est le baby-boom d'après la guerre qui fait qu'on a eu du chômage de masse en France.
03:11On est quand même contents aujourd'hui d'avoir gardé cette fécondité.
03:13Mais ça a fait du chômage de masse.
03:14En Allemagne et au Japon, ils ne l'ont pas eu.
03:16Puis après, ça fait une économie qui est éparpillée façon puzzle.
03:18Donc voilà.
03:19Il faut regarder un peu plus long terme que ça avant de se féliciter.
03:21Bon, cela dit, si on regarde sur les chiffres budgétaires, ils sont à 3,4% de déficit, les Italiens.
03:29Ils vont même sans doute passer sous les 3% avec peut-être un an d'avance.
03:36Budgétairement, ils récoltent aussi les fruits d'avoir passé leurs finances à la paille de fer.
03:41Ce que nous, on n'a jamais réussi à faire ces dernières années.
03:43Oui, ça pour le coup, c'est indiscutable.
03:45C'est-à-dire qu'effectivement, avec une croissance qui est quand même proche de zéro,
03:48et une inflation qui est assez basse, c'est encore trop pour l'Italie.
03:50Mais il est indiscutable que, sous la pression des marchés,
03:54ils ont su faire cet effort sur le budget.
03:57Ils ont su baisser leurs dépenses et ils ont su parvenir à un déficit qui est acceptable.
04:01Nous, on en est extrêmement loin.
04:03Ce serait souhaitable qu'on soit capable d'y arriver.
04:05Mais je voudrais faire une remarque par rapport à ça qui est très intéressante.
04:08C'est que quand on nous a dit que le déficit italien devait baisser de 3 points,
04:11tous les keynésiens nous ont dit que c'était un effondrement de la croissance.
04:13En fait, elle n'a pas bouché.
04:14Elle est toujours à son potentiel entre 0 et 1.
04:16Ce qui montre que quand on est arrivé au plein emploi,
04:18la renonce keynésienne a de moins en moins d'effets.
04:20Et on peut baisser un peu les défenses sans drame économique.
04:24Donc, il faut être capable d'y aller.
04:25On a aujourd'hui une fenêtre de tir.
04:26Ça paraît un peu logique.
04:27Toute l'idée de Keynes, c'est que la relance,
04:30elle se justifie lorsque les facteurs de production sont sous-optimales.
04:33D'accord.
04:33Et donc, en plein emploi...
04:34Ça, c'est complètement discutable.
04:35Mais en fait, la réalité, c'est que tous les pays au monde,
04:37sauf les États-Unis, font de la relance keynésienne en perpétuel.
04:40Donc, c'est complètement vrai.
04:41Mais on vous l'avait en Italie sur l'immobilier,
04:44alors que c'est exactement le même problème.
04:45Donc, c'est entièrement vrai ce que vous dites.
04:47Pour autant, c'est notre doctrine.
04:48Et à chaque fois que quelqu'un dit qu'il faut baisser un peu le déficit,
04:50j'en disais, oh là là, ça va casser la croissance.
04:51Je ne sais pas pourquoi,
04:52mais c'est quand même la doctrine dominante politique.
04:54Aujourd'hui, dès que vous parlez d'une toute petite baisse des dépenses quelque part,
04:57on vous dit, oh là là, mais l'activité, c'est un drame.
04:59Donc, oui, je suis entièrement d'accord,
05:00mais c'est malgré tout l'opposé du discours dominant.
05:03Vous restez avec nous, Thibaut, ça vous dit ?
05:04J'ai tellement eu de mal à venir.
05:06Vous avez mis combien de temps pour venir ?
05:08Une heure.
05:09Vous êtes à 500 mètres d'ici, vous avez pris la voiture.
05:11Merci beaucoup Thibaut,
05:15qui nous accompagnera donc encore dans un instant
05:17pour la dernière ligne droite qui avancera mieux.
05:19Vous verrez que dans les embouteillages parisiens,
05:21ce sera dans un instant.