Ce lundi 15 décembre, les questions agricoles autour de la dermatose et du climat sur le mercosur ont été abordées par Emmanuel Lechypre et Raphaël Legendre dans leur chronique, dans l'émission Good Morning Business, présentée par Laure Closier, sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.
00:00Face à Emmanuel Lechypre, c'est Raphaël Lechand qui saute sur sa chaise pour venir débattre face à Emmanuel Lechypre.
00:07On va revenir sur les questions agricoles, entre la dermatose, le climat autour du Mercosur.
00:12On est en pleine séquence émotion dans une crise politique assez infamable.
00:16Est-ce qu'on en fait assez ? Est-ce qu'on en fait trop pour les agriculteurs ? C'est quoi votre point de vue Emmanuel ?
00:20On peut juger qu'on en fait trop, mais c'est surtout qu'on en fait mal.
00:24Et c'est bien ça le sujet, c'est-à-dire que si vous essayez de regarder un petit peu et de dézoomer sur cette crise extrêmement passionnelle
00:34dans laquelle effectivement il y a la raison froide de l'État qui s'oppose finalement à tout ce côté émotionnel qu'on ressent chez les agriculteurs.
00:45Mais la réalité c'est qu'en fait tous les maux dont souffre notre agriculture et qui lui font traverser sans doute sa pire crise depuis la fin du 19ème siècle
00:54ce sont les mêmes mots que ceux que connaissent toutes les autres entreprises et qu'en gros toutes les raisons qui ont provoqué la désindustrialisation
01:03Vous dites brande agriculteur, même combat ?
01:05Ce sont exactement les mêmes qui sont en train de provoquer ce qu'on pourrait appeler, je ne sais pas, une désagriculturisation de notre économie.
01:11C'est-à-dire qu'un, il y a un problème, alors qu'il y a purement un problème agricole, il faut reconnaître que nos filières et certaines, pas toutes,
01:19mais certaines de nos filières n'ont pas su s'adapter à la nouvelle donne des 20 dernières années.
01:23La nouvelle donne agricole des 20 dernières années c'est l'industrialisation de l'agriculture et pas à l'autre bout du monde, pas en Amérique du Sud, chez nos voisins
01:32parce que ce sont nos voisins qui nous font le plus de mal aujourd'hui.
01:34Quand vous voyez par exemple que la taille des élevages de porc a quadruplé au Danemark au cours des 30 dernières années
01:41et qu'il y a 4 fois moins d'élevages de porc, vous comprenez qu'ils sont tous plus compétitifs, prenez la même chose pour les fruits et légumes
01:46donc je ne vous refais pas la litanie de nos baisses de parts de marché, des produits importés sur les fruits et légumes, etc.
01:53Donc oui, il y a eu un modèle agricole, certaines entreprises qui n'ont pas su s'adapter.
01:59Vous rajoutez à ça le problème économique qui est le handicap avec lequel courent toutes les PME françaises en matière de coût du travail, notamment, etc.
02:06Ajoutez le handicap réglementaire avec les surtranspositions, le délire écolo, etc.
02:12qui a ruiné une partie de nos filières en matière de compétitivité.
02:17Rajoutez à ça la problématique commerciale qui fait que c'est compliqué quand vous êtes agriculteur de négocier avec la grande distrib.
02:23Vous avez une crise majeure.
02:25Tout ça, ce n'est pas de la faute de l'État.
02:28Les réglementations, c'est la faute à qui ?
02:30La fiscalité, c'est la faute à qui ?
02:31Tout le reste, ça reste quand même l'adaptabilité.
02:34Vous avez beau dire que nos agriculteurs, ils sont super aidés, qu'ils touchent presque 10 milliards d'euros de la paque, etc.
02:38Ah, attendez, parce que vous faites les arguments de Raphaël avant Raphaël.
02:40C'est bien, il fait le...
02:41Il débat tout seul, Raphaël.
02:44Prochaine fois, je reste...
02:45Non, mais non, pardon, je m'en bats.
02:48Allez-y Raphaël.
02:50On aide énormément nos agriculteurs, énormément.
02:53On est en France, on avait...
02:55Malheureusement, on n'a plus vraiment la première agriculture mondiale.
02:58On a l'agriculture de meilleure qualité, ça c'est l'ONU qui le dit.
03:03Et évidemment, on l'a aussi parce qu'elle est extrêmement soutenue.
03:07Alors, c'est vrai qu'il y a tous les mots soulevés par Emmanuel.
03:11Mais enfin, la France, c'est quand même la première bénéficiaire de la PAC.
03:14Effectivement, comme vous le disiez, c'est près de 10 milliards par an.
03:169,3 milliards sur les 55 qu'on distribue chaque année à nos agriculteurs en Europe.
03:22Vous avez une agriculture qui est du coup beaucoup moins exposée au choc de marché
03:26et que partout ailleurs, autour du monde.
03:29Il n'y a pas beaucoup de pays qui consacrent autant d'argent à leur agriculture.
03:33Vous avez aussi tout un arsenal réglementaire et politique pour protéger les producteurs.
03:40Vous avez la loi Egalim.
03:41Emmanuel parlait des négociations difficiles avec les distributeurs.
03:46On a quand même Egalim 1, 2 et 3 qui sont venus calmer les choses.
03:49L'interdiction de vente à perte.
03:52Vous avez des clauses miroirs qui sont défendues au niveau européen.
03:55Et on voit qu'avec des grands traités de libre-échange comme le Mercosur,
04:00quand même des levées de boucliers, la France est l'un des rares pays
04:03à s'opposer à ce traité de libre-échange pour défendre une fois de plus ces agriculteurs.
04:09Et encore, je dirais même au sein de l'agriculture, une certaine filière.
04:12On va recevoir le patron de la filière bovine tout à l'heure.
04:15C'est quand même principalement la filière bovine qui bloque contre le Mercosur.
04:20Car vous avez énormément d'autres filières agricoles qui profiteraient du traité du Mercosur,
04:25mais qui n'osent pas trop sortir du bois par solidarité agricole.
04:30Non mais alors, plusieurs points quand même.
04:31Raphaël, Raphaël, Raphaël, on t'a pas que l'argument politique agricole commune.
04:36C'est pas vrai.
04:38Près de 10 milliards par an, pardon.
04:40Pourquoi c'est pas vrai ?
04:40C'est pas vrai parce que c'est une aide qui est principalement attribuée à la surface,
04:44que c'est la France qui a la plus grosse surface
04:46et que proportionnellement, les autres y touchent autant.
04:49C'est-à-dire que les Allemands, les Espagnols touchent autant.
04:50Et d'ailleurs, la règle est à peu près la même,
04:52et c'est peut-être un des problèmes.
04:54C'est le 80-20.
04:55C'est-à-dire que dans tous les pays d'Europe,
04:57vous avez 80% des aides qui sont captées par 20% des exploitations.
05:01Mais pour le coup, comme c'est proportionnel à la surface,
05:04on peut pas dire que les Français soient particulièrement avantagés.
05:08Après, les lois égalies, Raphaël, il faut arrêter de plaisanter.
05:12Les lois égalies, c'est très bien ce que la grande distribution en a fait.
05:17C'est du pipeau.
05:18Je veux dire, les producteurs aujourd'hui sont aussi contraints
05:21qu'ils l'étaient il y a 5 ans, il y a 10 ans, il y a 15 ans.
05:24Là où je vous rejoins, effectivement, vous avez raison,
05:26c'est que quand vous avez des filières qui ont su s'organiser,
05:30ça se passe plutôt pas mal.
05:32Très intéressant quand même sur cette maladie.
05:35Regardez, est-ce que vous avez entendu les exploitants du Jura,
05:38de savoir manifester, hurler quand il a été question d'abattre leurs troupeaux ?
05:43Non, parce que là, vous êtes sur des secteurs, sur des filières
05:46qui sont extrêmement bien structurées.
05:48La filière des fromages, par exemple, Comté, etc.
05:51Où vous avez un choix qui est collectif.
05:53L'idée, c'était de se dire, on a toute une filière.
05:55C'était de la filière laitière.
05:56Et c'est ça qui est intéressant, c'est que là, on est sur la filière bovine
05:58et que la filière bovine n'a jamais su s'organiser.
06:01Regardez la question des abattoirs.
06:03On n'a jamais été foutu de faire en France des filières intégrées.
06:05C'est pour ça que, comme en Allemagne, par exemple,
06:07c'est pour ça qu'on a autant de problèmes avec nos abattoirs.
06:10Donc oui, il y a un problème aussi de filière qui n'a pas su s'organiser.
06:14Mais grosso modo, on ne peut pas dire que c'est parce qu'ils sont trop aidés financièrement.
06:17Non, mais la filière bovine est l'une des plus organisées de France.
06:19C'est elle qui bloque tous les traités de libre-échange.
06:23Le CETA, c'est eux qui ont bloqué, alors qu'on a trois carcasses, grosso modo,
06:26qui viennent en Europe, en France, et que tout le monde en profite.
06:31Et c'est la même chose sur le Mercosur.
06:32Après, il faut quand même tirer la sonnette d'alarme sur la productivité.
06:40Emmanuel a un peu évoqué le sujet, mais la productivité de notre agriculture.
06:44On était quand même à la première puissance agricole il y a trois ans.
06:47On risque d'être en déficit commercial cette année pour la première fois.
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