- il y a 8 heures
Faut-il relever le niveau du bac ?
Avec
Louise Tourret, productrice de l’émission “Être et savoir” sur France Culture, auteure de "Le meilleur pour nos enfants” (ed de l’Atelier, 2025).
Claude Obadia, philosophe, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Auteur de “Petite philosophie du grand large” (PUF, 2023).
Retrouvez « Le débat de la grande matinale » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10
Avec
Louise Tourret, productrice de l’émission “Être et savoir” sur France Culture, auteure de "Le meilleur pour nos enfants” (ed de l’Atelier, 2025).
Claude Obadia, philosophe, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Auteur de “Petite philosophie du grand large” (PUF, 2023).
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00:00Et on en discute avec notre consœur Louise Touré. Bonjour Louise !
00:04Bonjour !
00:05Productrice de l'émission « Être et savoir » sur France Culture et autrice des livres « En finir avec les idées fausses » sur l'école et « Le meilleur pour nos enfants » qui sont parus aux éditions de l'atelier.
00:15Et face à vous, Claude Obadia, bonjour !
00:17Bonjour Sonia !
00:18Vous êtes philosophe, vous êtes enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, à l'université de Paris-Sergie et vous êtes auteur de cette petite philosophie du grand large qui paraît au puf.
00:27Alors, est-ce que Claude Obadia, vous partagez les inquiétudes de notre ministre ? Le bac est aujourd'hui moins crédible ?
00:35Écoutez, oui, je partage les inquiétudes de notre ministre, mais j'ai quand même l'impression que la focalisation sur l'examen du baccalauréat, c'est un petit peu, pour le dire vite, l'arbre qui cache la forêt. Pourquoi ?
00:47D'accord, en attendant, c'est notre sujet ce matin, parlons-en du bac. Crédible ou pas crédible, ce mot choisi par le ministre ?
00:53Alors, aujourd'hui, je pense qu'effectivement, il est tout simplement démonétisé.
00:57Il est démonétisé, pourquoi ? Parce que, dans la voie générale, vous l'avez dit, session 2025, 96,4% de candidats qui réussissent le bac,
01:05ce qui veut donc dire clairement que, par rapport à la cohorte des étudiants, des élèves de terminale, le bac a perdu toute sélectivité.
01:12Et, si vous voulez, conjointement, le constat affligeant que nous faisons, en termes de politique publique, en termes de dépenses publiques,
01:19c'est aussi que, si on considère la cohorte 2021, c'est-à-dire la génération qui entre à l'université en première année de licence en 2021,
01:28il n'y a que 30% de cette cohorte de 2021 qui sort de l'université en 2024.
01:34On va en reparler de l'université.
01:36Donc, on voit bien, en fait, qu'il y a une, comment dire, une inadéquation majeure du baccalauréat et de l'enseignement secondaire
01:45par rapport aux exigences du supérieur, ce qui s'explique, évidemment, par les politiques éducatives que nous avons menées depuis au moins 40 ans
01:53et dans lesquelles il n'y a pas eu véritablement, véritablement d'alternance politique.
01:56Je voudrais quand même un mot de vous, Louise Touré, crédible, pas crédible, ce baccalauréat, puisque c'est le mot choisi par le ministre.
02:02Crédible, mais le bac, en fait, n'a pas pour fonction de sélectionner, en tout cas plus maintenant, plus depuis longtemps.
02:12Vous savez combien de pourcents de jeunes Français ont le bac général ?
02:15Non.
02:1650%, à peine, même pas.
02:19Chez les garçons, c'est même pas 50%, par exemple.
02:20Donc, il ne faut pas croire que tous les gosses d'aujourd'hui ont le bac et que ça se passe comme ça.
02:27Ce n'est pas du tout le cas.
02:29Alors, il y a d'autres bacs, technologiques, professionnels, qui emmènent vers d'autres formations.
02:36Parfois, ces élèves vont à l'université et c'est même un peu compliqué pour eux.
02:39Aussi, on peut en reparler.
02:41Mais ce bac général, de toute façon, je ne sais pas si c'est un rite de passage,
02:47mais aujourd'hui, il perd en importance, il y a beaucoup moins d'épreuves écrites,
02:51parce qu'il y a Parcoursup avant, donc là, on parle bien des bacheliers dans les séries générales,
02:57enfin, ce n'est plus vraiment des séries avec le bac Blanquer,
02:59qui font face à une grande exigence et de grandes difficultés,
03:04parce que Parcoursup a instauré une sélection à l'université,
03:08ce qui ne veut pas dire qu'il y a plus de réussite à l'université.
03:10Donc, il est là, le moment de bascule et de passage, c'est hyper exigeant.
03:16On regarde ces notes depuis la seconde.
03:18Franchement, à côté, on a vécu une scolarité de babacool.
03:21De babacool, vous et moi, on a à peu près le même âge.
03:25Claude Obadia, je vois que vous voulez parler de l'avenir de ces bacheliers à l'université.
03:29Louise Touré, de la façon dont Parcoursup a considérablement durci, selon vous,
03:33les règles avant même le bac, on va y venir.
03:35Un mot quand même sur ce bac et sur les annonces du ministre.
03:38Édouard Geffray, qui déclare aux Parisiens qu'une copie qui n'est pas écrite de manière intelligible,
03:43avec un niveau d'orthographe, de syntaxe, de grammaire absolument déplorable,
03:47ne peut pas avoir la moyenne.
03:48Il a raison ou il n'a pas raison, Claude Obadia ?
03:50Si le bac est le premier grade de l'université, parce qu'il a été institué en 1804,
03:56et il a toujours ce statut, il est le premier grade de l'université.
04:02Si l'accès à l'université est subordonné à la détention, à l'obtention du baccalauréat,
04:08et si effectivement les étudiants entrent à l'université sans maîtriser la langue française,
04:13on peut évidemment se douter qu'ils risquent d'avoir de sérieuses difficultés.
04:18Et là encore, c'est ce que mettent en évidence les faits et l'échec massif des étudiants à l'université.
04:24Et j'entends bien ce que vous dites, madame,
04:27mais en fait, ce dont il va falloir parler aussi si on veut parler de politique éducative
04:31avec un tant soit peu de sérieux et d'objectivité, c'est de la sélection scolaire.
04:35Parce qu'en fait, nous vivons dans un pays dans lequel, depuis 40 ans,
04:40nous avons disqualifié la sélection scolaire,
04:42qu'on a accusé de maquiller des processus et des mécanismes de reproduction sociale.
04:47On a donc décidé à la fin des années 60 d'appliquer de façon brutale à la chose scolaire
04:50le principe démocratique dans lequel je me reconnais.
04:53Mais en fait, en appliquant avec cette brutalité le principe démocratique à la chose scolaire,
04:57on n'a absolument pas démocratisé le système éducatif,
05:00on l'a massifié et on a même aggravé les inégalités sociales.
05:04Ce que toutes les enquêtes internationales par-delà,
05:07les études menées par les centres de recherche français,
05:10je pense par exemple aux études menées par les sociologues Baudelot,
05:12établi ont mis en évidence,
05:14en fait, depuis 40 ans, on n'a pas du tout démocratisé le système.
05:15C'est intéressant, ce que vous dites, c'est qu'on a massifié le système,
05:19on a abandonné la sélection et en abandonnant la sélection,
05:23on accroît les inégalités.
05:25C'est absolument indéniable.
05:26Je pense que Louis Touré n'est pas du tout, du tout d'accord avec vous.
05:29Pas trop, mais Baudelot est stabilé,
05:31ce sont justement des sociologues qui se sont un peu insurgés
05:33contre l'idée que le niveau baisse,
05:36qui est une ancienne, qui est répétée génération après génération,
05:39donc en 1907, on disait déjà que le bac était donné,
05:41alors il n'était pas donné à grand monde en fait,
05:43mais c'est un discours qui revient tout le temps.
05:47Laissez-moi parler.
05:48Laissez parler Louis Touré.
05:49Concernant les commissions d'harmonisation,
05:52parce que c'est de ça dont on parle quand on parle des notes,
05:54il ne faut pas croire que les gens qui ont 6,5 sur 20 de moyenne
05:57décrochent le bac, ce n'est pas vrai.
05:58Il y a quand même des gens qui ne l'ont pas, ils sont peu,
06:01mais ces commissions d'harmonisation,
06:03elles sont menées académie par académie,
06:06et je ne pense pas qu'Edouard Geffray mettra ses mains là-dedans.
06:09Edouard Geffray dit quand même qu'il ne veut plus
06:13de ce qu'on appelle les points jury,
06:15c'est-à-dire les petits points.
06:16Mais ce que disent les syndicats enseignants,
06:17c'est que de toute façon,
06:19ils seront donnés quand même,
06:19ça concerne 1,7% des élèves,
06:21c'est très très peu,
06:23et on est peut-être dans un moment de communication politique,
06:26parce que vous voyez bien que dès qu'on prononce le mot bac,
06:29on a un truc dans notre cerveau,
06:31qui fait qu'on a très très envie d'en parler,
06:33parce qu'effectivement,
06:34c'est un symbole républicain,
06:35et c'est peut-être un symbole important,
06:36et c'est peut-être pour ça que c'est pas mal qu'il existe,
06:38ça lie les générations,
06:40en tout cas ceux qui le passent,
06:41ceux qui font des études.
06:42Mais quand même la question que je vous pose,
06:43Louise Touré,
06:43c'est que ce taux phénoménal de réussite au bac,
06:46il faut s'en réjouir,
06:48ou il faut s'en désoler ?
06:49Ni je m'en réjouis,
06:50ni je m'en désole,
06:51c'est pas le problème.
06:52Moi je pense qu'une fois qu'on a fait sa scolarité au lycée,
06:54pourquoi pas passer le bac avec ce grand oral,
06:56parce que maintenant on nous parle de l'écrit,
06:57mais pendant des années,
06:57on nous a parlé de l'oral,
06:58et de l'importance d'installer des épreuves orales,
07:01pour que les élèves progressent aussi à l'oral,
07:08c'est une autre question,
07:09mais revenons sur la sélectivité.
07:11Parce que ce qui s'est installé ces dernières années,
07:13c'est la sélection à l'université,
07:17avec Parcoursup.
07:18C'est pas un petit machin.
07:20On est la même génération,
07:21vous en êtes en 86.
07:22Attendez, Louise Touré,
07:23qu'on soit bien précis,
07:24la sélectivité avant l'entrée à l'université,
07:26Parcoursup c'est avant l'entrée à l'université,
07:28donc c'est l'accès à l'université.
07:29Pour rentrer à l'université,
07:31à l'université,
07:32pour rentrer à l'université.
07:33Après il y a d'autres filtres,
07:34parce que pour rentrer en master aussi,
07:36il y a une sélection.
07:36Donc, les élèves s'inscrivent sur la plateforme
07:41et voient leur classement.
07:43Ça tape très fort sur la tête des élèves
07:46et de leur famille,
07:48parce que se voir classer,
07:50c'est plutôt on revient à ce qu'on faisait
07:52peut-être avant les années 50,
07:53c'est-à-dire une hiérarchisation très forte,
07:57avec le sentiment de ne pas aller où on veut,
07:59mais plutôt là où on va être accepté.
08:02Et l'idée qu'il n'y a pas de place pour les jeunes.
08:06Parce qu'il n'y a pas de place pour absorber nos jeunes
08:08dans nos universités.
08:10Parce que l'université est sous-financée en France,
08:13ce n'est pas moi qui le dis,
08:13ce sont les présidents d'universités
08:15qui se déclarent en faillite
08:16et qui sont allés en décembre 2024
08:18voir le Premier ministre
08:19pour indiquer qu'ils n'avaient pas les moyens
08:21de faire tourner leur structure.
08:23Claude Obadia,
08:24en effet, l'instauration de Parcoursup
08:26instaure une autre forme de sélectivité.
08:28Vous, vous déplorez que le bac n'est plus assez sélectif.
08:30Parcoursup l'est ou pas assez, selon vous ?
08:33Ou mal ?
08:33Parcoursup est une plateforme
08:36qui tente de mettre un peu de rationalité
08:39et qui met de la sélectivité
08:40dans l'orientation à l'université.
08:42Mais je ne comprends pas en quoi
08:44instaurer une sélection
08:46à l'entrée de l'université
08:48ou même à l'entrée d'autres formations
08:50à quoi que ce soit
08:52de révoltant et de choquant.
08:54Et je ne crois pas du tout
08:55que le mot de sélection
08:58soit a priori antinomique
09:00par rapport à celui de la justice
09:02ou par rapport à celui des valeurs démocratiques
09:05dans lesquelles nous nous reconnaissons.
09:07Il est parfaitement naturel
09:08que si nous voulons former des enseignants,
09:11si nous voulons former des avocats,
09:12si nous voulons former des médecins,
09:13si nous voulons former des magistrats,
09:16nous les recrutions
09:17et que nous nous fondions
09:19sur le critère objectif de compétences.
09:21Là où le bas blesse
09:22et là où le débat est biaisé,
09:25c'est qu'en fait, encore une fois,
09:26depuis 40 ans,
09:28le discours progressiste
09:30veut que les compétences scolaires
09:34maquillent en fait
09:36des processus de discrimination sociale.
09:40Et là où, en revanche,
09:44je ne comprends pas votre position, madame,
09:46c'est que vous dites
09:47non, en fait, si les élèves
09:49peuvent avoir le baccalauréat,
09:50c'est très bien.
09:51Mais il faut quand même
09:51qu'on se rende compte
09:52que le scandale,
09:54le drame de l'échec à l'université
09:56et le drame aussi des étudiants
09:58qui, n'appartenant pas
10:01aux milieux les plus aisés,
10:02n'appartenant pas aux classes moyennes,
10:05ne peuvent pas intégrer
10:07les filières d'excellence,
10:09ne peuvent pas intégrer
10:10les classes préparatoires
10:11et finalement se retrouvent
10:13l'objet d'une sorte de relégation sociale
10:15à l'université.
10:16Donc, si vous voulez, encore une fois,
10:18le baccalauréat,
10:19c'est l'arbre qui cache la forêt.
10:21Ce n'est pas parce qu'on a le bac
10:23qu'on va à l'université
10:25dans la filière de son choix.
10:26L'échec à l'université,
10:27ce qu'on appelle l'échec à l'université,
10:29masque des réalités hyper variées.
10:31Par exemple, des gens qui s'inscrivent
10:33à l'université pour avoir
10:33le statut d'étudiant,
10:35ça a été bien étudié
10:36par des sociologues.
10:38Moi, je ne crois pas
10:41qu'il y ait un grand discours
10:42sur les inégalités
10:45qui aient changé les choses
10:45puisque de toute façon,
10:46la reproduction sociale marche à plein,
10:49mais à plein maintenant.
10:50Enfin, c'est complètement fou,
10:51c'est-à-dire,
10:52et vous le dites d'ailleurs
10:52dans vos écrits,
10:53et que cette question,
10:55on ne l'a absolument pas réglée.
10:57On ne l'a absolument pas réglée.
10:58Pourquoi ?
10:58Parce que notre système
10:59est hyper hiérarchisé,
11:01les places sont très chères
11:02et donc ceux qui ont le plus
11:03de capital à la fois culturel
11:05et économique vont forcément
11:07tout faire pour ça.
11:10Et moi, ce que je ne comprends pas,
11:12c'est pourquoi la sélectivité
11:14très dure introduirait
11:16plus de démocratisation.
11:17Je ne vois pas le lien logique.
11:18Alors, je vais vous expliquer,
11:19c'est très simple.
11:20Alors, en une microseconde,
11:22allez-y.
11:22Absolument.
11:23Quand l'école cesse
11:24de sélectionner
11:25les élèves intramuros
11:27selon des critères objectifs
11:29définis par les enseignants,
11:31ce sont les conditions sociales
11:33d'existence des jeunes
11:34hors de l'école
11:35qui opèrent
11:36la discrimination
11:37la plus cynique.
11:39Et c'est la raison
11:40pour laquelle je pense
11:41que s'il n'y a pas
11:42de sélection juste,
11:43la sélection méritocratique
11:45organisée par les enseignants
11:47en milieu scolaire
11:48est la moins injuste
11:50des sélections.
11:50Mais ça ne fonctionne pas
11:52la méritocratie.
11:53Eh bien, vous allez revenir
11:53tous les deux.
11:54Je crois que vous êtes bon.
11:55Éricocratie de Jean-Pasquali
11:57qui montre que...
11:58Vous êtes bon pour revenir
11:59la semaine prochaine.
11:59On s'adapte
12:00et les gens
12:01les mieux dotés
12:02s'adapteront toujours
12:03au système de sélection.
12:04mi-temps.
12:05Alors, le bac,
12:06faut-il le rendre
12:07plus sélectif,
12:08moins sélectif ?
12:09Faut-il le garder,
12:10le supprimer ?
12:11Je pense qu'on va
12:11en reparler ensemble.
12:13Louis Stouré,
12:13on vous écoute
12:13sur France Culture.
12:14Claude Obadia,
12:15on vous lit
12:15Petite philosophie
12:16du Grand Large.
12:17Aux éditions,
12:18le premier, merci.
12:19Et il faut des profs remplacés
12:22avant le bac.
12:23Allez, restez avec nous
12:24dans un instant.
12:25Le grand portrait
12:25du grand maître
12:26du Grand Orient de France.
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