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  • il y a 2 jours
Regrouper des détenus de longues peines et des lycéens pour créer des statues qui représentent le mythe de Dédale et Icare : c’est un projet porté en partie par l’architecte et urbaniste Marie-Odile Foucras. Elle revient sur le film qui documente cette rencontre.

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Transcription
00:00L'invité de ce Smart Impact c'est Marie-Odile Foucras, bonjour, heureux de vous accueillir,
00:11vous êtes architecte, vous êtes urbaniste et vous allez nous présenter un projet artistique
00:15en vol, projet magnifique qui a réuni détenus et lycéens dans la réalisation de deux sculptures
00:22à Poissy, mais d'abord je veux apprendre à vous connaître, qu'est-ce qui vous anime,
00:27quel projet vous privilégiez comme architecte, comme urbaniste ?
00:31Alors les projets qu'on privilégie à l'agence c'est essentiellement des projets de logement déjà,
00:36c'est-à-dire au sens très très large du terme bien entendu, mais c'est vrai qu'au fur et à mesure
00:41on privilégie de plus en plus des projets qui mettent en lumière des gens, les gens que j'appelle
00:49invisibles, un petit peu aux yeux de la société, c'est-à-dire ça peut être des gens handicapés,
00:55polyhandicap, des gens aussi avec des handicaps plus légers, et puis dernièrement les gens
01:03qui sont enfermés vraiment et hors de la société, ce que j'appelle vraiment les murs
01:07qui coupent et qui isolent des détenus, c'est tout à fait nouveau, on ne connaissait pas
01:13du tout ce secteur-là, on a un principe à l'agence quand on fait un projet un petit
01:18peu important, on propose à la ville de faire un projet solidaire en parallèle, et à Poissy…
01:24Donc là en l'occurrence c'est à Poissy, à l'époque c'est Carl Olive qui est le maire
01:27de Poissy, on parle de quoi, d'un éco-quartier de la ville c'est ça ?
01:31Oui, l'éco-quartier Rouget de Lille, on gagne un très beau lot, assez important, on est très
01:36content, et je dis à Carl Olive je ferai un projet solidaire avec ce projet, et puis petit
01:41à petit je mets en place ce projet solidaire en disant, ben Poissy c'est la maison centrale,
01:46alors pour le coup c'est une maison centrale et elle est au centre de Poissy, on ne peut
01:50que la voir, c'est-à-dire les gens vivent autour de cette maison centrale, mais l'idée
01:55d'aller travailler uniquement avec des gens à l'intérieur d'une prison, c'était
02:01pas le but, parce que j'essaye justement de me dire on va ouvrir, on va ouvrir la ville,
02:06parce que pour moi les murs n'ouvrent pas normalement, ils font des lires, bon là c'est
02:11un petit peu différent.
02:12Donc vous avez cette idée de réunir finalement autour d'un projet des détenus de la maison
02:19centrale de Poissy, donc on parle de Longue-Pen, maison centrale, et des lycéens, d'un des lycées
02:25de la ville, c'est le Corbusier.
02:27Oui, c'est le Corbusier, c'est pas parce que c'était le Corbusier.
02:29C'est pas une architecte qui...
02:30Même si on est...
02:31Voilà, ça vous a plu comme choix, mais c'est pas vous qui l'avez initié.
02:34Et donc, autour d'un projet, alors là il faut citer un personnage important de l'histoire,
02:39qui s'appelle Emmanuel Michel, qui est un peintre, qui est un sculpteur, qui va driver
02:43tout le monde.
02:44Avec une contrainte, c'est que les lycéens travaillent d'un côté, les détenus de l'autre.
02:52Ça c'est l'administration pénitentiaire qui vous l'a imposée d'une certaine façon ?
02:56Oui, tout à fait.
02:57Moi je suis arrivée, alors je suis toujours très naïve quand je vais proposer les projets
02:59solidaires, j'ai toujours l'impression qu'on peut faire plein de choses, ce qui est très
03:02bien parce qu'à la limite c'est aussi cette naïveté qui fait un petit peu avancer les choses.
03:06Et je demande à la maison centrale, à l'administration pénitentiaire, la possibilité au minimum
03:11de faire des visios entre les lycéens et les détenus.
03:15Parce que je savais que les détenus auraient beaucoup de mal à sortir, c'était assez clair.
03:20Et en fait on me dit non, non, même pas un lien direct par visio.
03:25Alors on propose, puisque associé à cette opération, il y a un cinéaste aussi.
03:29Et le jeune cinéaste me dit...
03:33Qui est Arthur Michel, qui est le fils d'Emmanuel Michel.
03:35Voilà, donc c'est le couple père-fils qui travaille là-dessus et qui me dit, écoute,
03:40on peut faire des capsules, on filme les lycéens à la fin d'un atelier qui parle aux détenus,
03:45on le projette au début d'atelier des détenus et puis vice-versa.
03:50Et finalement le dialogue s'installe comme ça, avec cette idée aussi que le dialogue passé
03:55par l'art, par le dessin, par plein de choses.
03:59Donc ce n'est pas que la parole, heureusement.
04:02Parce que ça c'était extrêmement intéressant et très bien driveé par Emmanuel Michel.
04:08Et alors, il se trouve que j'ai eu la chance de voir le film hier,
04:11qui est un très beau documentaire, qui raconte cette histoire.
04:16Et donc le choix évidemment est très symbolique de ces statues
04:19qui vont représenter Dédale et Icarre, donc le père et le fils.
04:24On est dans la mythologie, on est évidemment dans des thématiques d'enfermement.
04:29Dédale, c'est ce labyrinthe qu'il a créé, de l'envol.
04:33Icarre qui va rêver de s'envoler et qui va se brûler les ailes en s'approchant trop près du soleil.
04:38Le choix, il s'est imposé de lui-même.
04:40Pourquoi vous avez choisi Dédale et Icarre comme statue ?
04:43Parce que c'est le talent d'Emmanuel Michel, qui un dimanche matin,
04:46depuis son jardin, m'a appelé et me dit
04:48pourquoi on ne ferait pas le mythe Dédale et Icarre.
04:51Et il m'a déroulé tout son argumentage.
04:55C'est évident, bien entendu.
04:57Et en fait, on s'est aperçu que, comme souvent dans la mythologie,
05:01le point de départ étant l'histoire, bien entendu.
05:03Mais en fait, les détenus notamment, ont réécrit une histoire
05:07qui était très liée à la leur.
05:09Et en fait, les échos par rapport à leur vie ont été très forts.
05:13Très, très forts.
05:14Et notamment, un élément qui nous a énormément fascinés,
05:19c'est que, en Maison Centrale, on sait que la plupart du temps,
05:22il y a eu des homicides, que c'est des gens, voilà.
05:24Or, ils ont vraiment décidé que Icarre ne pouvait pas mourir.
05:29C'est-à-dire qu'il ne pouvait pas quasiment redonner la mort une autre fois
05:32et la montrer dans l'espace public.
05:35Et ça a été assez fascinant.
05:37Ça a été vraiment très fascinant.
05:38Et puis, le rôle du père et du fils.
05:41Tous les échos qu'il y avait dans leur vie.
05:44Et puis, finalement, tout ça drivé par un couple de père et fils.
05:49Oui, en plus, c'est vrai que c'était le fils qui filmait son père.
05:52Donc, il y avait une résonance et une mise en abîme qui était passionnante.
05:55Et un duo exceptionnel, en plus.
05:57Donc, ils avaient sous leurs yeux un duo.
06:00Alors, ici, on parle de RSE.
06:03Là, on est vraiment dans le S de sociétal et de social
06:06avec une entreprise, un cabinet d'architecte qui oeuvre en la matière.
06:10Et avec une thématique qui est la thématique de l'enfermement des détenus et de la récidive.
06:14Ce chiffre, 63% des détenus récidivent dans les 5 ans qui suivent leur libération en France.
06:21On est en retard par rapport à d'autres pays européens.
06:24Là, c'est un constat d'échec collectif, d'une certaine façon.
06:27Oui, enfin, je crois qu'on peut parler de ça.
06:30Hier, j'ai dit à un moment donné que dans l'Assemblée,
06:33il y avait à peu près toutes les administrations, toutes les institutions,
06:36sauf des élus qui avaient été invités.
06:38C'est un sujet qui n'est pas abordable pour les élus, quasiment.
06:42C'est très compliqué.
06:43Ce n'est pas porteur politiquement de dire qu'on va oeuvrer pour la réinsertion des élus.
06:47Exactement.
06:47Ce n'est pas politiquement correct, on dirait.
06:51Et finalement, c'est un petit peu le discours de Foucault.
06:54C'est-à-dire que même la prison ne suffit pas, ou de Robert Badinter,
06:57qui nous a soutenus avant de décéder, puisqu'il a suivi l'œuvre.
07:01Et Elisabeth Badinter continue à nous soutenir.
07:06En fait, ce n'est même pas assez que les gens soient enfermés.
07:09Il faut qu'ils payent encore plus.
07:11Et surtout, il faut les rayer de la société.
07:14C'est-à-dire que cette insertion est très compliquée.
07:17Nous, on l'a gérée à l'agence pour un jeune détenu.
07:19On a vu tous les obstacles qu'il fallait franchir.
07:24Ce qui est une absurdité économique.
07:25Parce qu'un euro d'argent public qu'on dépense pour la réinsertion, il va rapporter.
07:31Parce que s'il n'y a pas de récidive, il n'y a pas tous les dégâts qu'une récidive provoque dans la société.
07:35Mais ça ne passe pas, ce discours-là.
07:37Non, ça ne passe pas.
07:38Parce que d'abord, ils sont coupés de la vie.
07:39Vraiment, quand je dis coupés de la vie, c'est vrai.
07:42On passe le mur de la prison.
07:43Même à Poissy, on est dans une ville.
07:45On quitte la ville quasiment.
07:47Il n'y a que les oiseaux qui passent au-dessus, qui nous rappellent que la ville est là.
07:51Et qui nous ramènent au rêve d'hier.
07:53Mais en fait, il y a un système comme ça.
07:58Et je dois dire quand même que l'administration pénitentiaire fait des efforts pour faire beaucoup d'activités.
08:03Pour maintenir des activités.
08:05Mais il y a un moment où les détenus lâchent.
08:07C'est-à-dire que c'est trop difficile d'être enfermés inactifs.
08:11Nous, on a eu beaucoup de mal.
08:12Enfin, on n'avait pas compris.
08:13Mais en fait, on a eu une fidélité dans ce...
08:17Et c'était exceptionnel.
08:18Que les détenus restent.
08:20Parce que ça a duré deux ans.
08:21Ça a duré deux ans.
08:22Et les statues, elles ne se fabriquent pas d'un claquement de doigts.
08:24Et c'était très long, en fait.
08:25Et parce qu'ils perdent leur repère.
08:28Il n'y a plus d'emploi du temps.
08:30Il n'y a plus de...
08:30On se lève le matin.
08:31On ne sait pas ce qu'on va faire.
08:33On se coupe d'une société.
08:34Puisque, normalement, on n'a pas de portable.
08:37On n'a pas...
08:38Enfin, voilà.
08:39On sait que certains...
08:40On ne va pas.
08:41Mais d'ailleurs, vous parlez des efforts que l'administration pénitentiaire peut faire.
08:45Il y a dans le documentaire un exemple de détenu qui va...
08:48Parce qu'il a trouvé un emploi.
08:49Parce qu'effectivement, il a été un détenu exemplaire.
08:52Il va réussir à sortir avant la fin de sa peine.
08:54Je voudrais qu'on parle du destin de ce film en vol, réalisé par Arthur Michel.
08:59Est-ce qu'on peut le voir ?
09:01On en est où de cette histoire-là ?
09:03Alors, on espère maintenant.
09:04Maintenant qu'il est terminé, c'est vrai qu'on n'est pas des professionnels.
09:08Donc, on a fait un peu par étapes.
09:10Et en fait, on espère maintenant pouvoir le diffuser.
09:13Alors, soit dans des festivals.
09:15Le précédent film qu'on avait fait, nous, sur le polyhandicap, pour une maison d'accueil spécialisée,
09:20circule dans des festivals et commence à bien circuler.
09:24En fait, Arthur est très ouvert par rapport à cette diffusion.
09:28C'est un de ses premiers films.
09:30Il est très jeune.
09:31Il a investi toute son énergie, toute son humanité dans ce film,
09:37avec des très, très belles images.
09:39Enfin, quelque chose de très beau.
09:39On en a vu, évidemment, quelques-unes en illustration.
09:43Il y a aussi un livre.
09:44Oui.
09:44Et je veux bien qu'on termine là-dessus.
09:46Il nous reste à peu près une minute.
09:47Qui raconte l'histoire de ce projet.
09:51Et qui, en plus, est au bénéfice d'une cause, la lutte contre le cancer des enfants.
09:55Oui, c'est ça.
09:57Parce qu'en fait, en réalité, pour les détenus, c'était compliqué d'acquiser le film.
10:03Même si on peut le diffuser une fois.
10:05Et avoir un livre, pour eux, c'était extrêmement important.
10:08Je considérais que c'était très important.
10:10Donc, on a fait vraiment le compte-rendu des deux ans dans ce livre,
10:13avec les images du film, d'ailleurs.
10:15Tout le monde parle, Emmanuel, Michel, Arthur et moi-même.
10:18Et on a, dans les statues, on a mis, tout le monde a mis des petits signes.
10:24Donc, il y a aussi toutes les histoires personnelles, des donateurs, de tout le monde.
10:27Et il y a un petit signe d'une petite fille, Joséphine,
10:30qui est décédée d'un cancer.
10:32Et je connais les parents.
10:33Et en fait, on a 50 livres qui sont destinés,
10:38il y en aura plus si plus de gens veulent acheter, bien entendu,
10:41qu'on peut acheter sur le site des éditions Jarkot, je crois qu'on peut le dire.
10:45Et tout l'argent ira à cette fondation, qui s'appelle Joséphine Power,
10:50mais qui est abritée par Imagine for Margot,
10:53qui est une association très connue.
10:56Et cette petite Joséphine, d'ailleurs, je le dis,
10:57elle est à côté d'Idis, la grand-mère de Robert Badater,
11:00que j'avais joint en lui disant,
11:02au lieu de mettre vos initiales à vous,
11:04je vais mettre le prénom de votre grand-mère en yédish,
11:07si vous le voulez bien, puisque c'était une passion, sa grand-mère.
11:09Il m'a dit, Idis, qui était analphabète, aurait adoré cette œuvre.
11:13Et on a mis Joséphine à côté d'Idis en se disant.
11:16Parce que les détenus, les lycéens, ont tous mis leurs initiales ou un signe
11:21qu'on peut voir sur les deux statues.
11:24Et on retrouve cette histoire dans le livre.
11:26Donc, édition Jarkot.
11:28Jarkot, J-A-R-K-H-O-T.
11:31Voilà, si vous voulez participer, achetez ce livre
11:34et en espérant voir très vite ce film,
11:37qui est vraiment magnifique.
11:39Et pourquoi pas, tiens, allez voir ces statues dans les coquartiers
11:43rougets de Lille à Poissy.
11:45Merci beaucoup, Marie-Adeen Foucras, d'être venue nous présenter
11:48cette très belle histoire.
11:50A bientôt sur nos antennes.
11:52C'est l'heure du débat de ce Smart Impact.
11:54On va parler décarbonation des industries du verre.
11:56Sous-titrage Société Radio-Canada
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