00:00La Cour de cassation a rendu le 5 novembre dernier un arrêt qui réaffirme l'exigence absolue de la protection de la santé psychique des salariés.
00:21Pour décrypter cette décision, j'ai le plaisir de recevoir Audrey Tomazewski, consul chez Evershed Sutherland.
00:28Audrey, bonjour.
00:29Bonjour Arnaud.
00:30On va revenir en détail sur cette décision du 5 novembre dernier, mais tout d'abord, pouvez-vous nous rappeler les faits, le contexte de l'affaire s'il vous plaît ?
00:40Oui, alors dans cet arrêt, il s'agissait d'un salarié directeur commercial qui a été licencié pour faute grave en raison de ses propos à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisant en raison de l'orientation sexuelle d'un salarié.
00:56Certains de ses propos avaient été tenus sur la messagerie interne de la société et c'était d'ailleurs un des arguments du salarié, la fameuse distinction vie personnelle, vie professionnelle, que la Cour de cassation a écartée en l'espèce.
01:11Alors le directeur commercial a été licencié, mais sur quel fondement ?
01:16Alors la Cour de cassation valide le licenciement pour faute grave sur le fondement de l'article L41-22-1 du Code du travail et érige en principe la protection de la santé psychique du salarié.
01:34Mais en réalité, se fonde sur un article qui existe déjà, qui prévoit que chaque travailleur doit prendre soin de sa santé, mais également des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions.
01:48Et la Cour de cassation relève, comme l'avait fait la Cour d'appel, que les propos en question avaient porté atteinte à la dignité de salariés en raison de leur caractère dégradant et avaient heurté certains salariés.
02:05Elle en conclut que le comportement du salarié était de nature à porter atteinte à la santé psychique de salariés et justifier son licenciement.
02:15Et donc le directeur commercial à l'origine de ses propos avait argué du ton de l'humour, de la plaisanterie. Pourquoi ça n'a pas été retenu ?
02:26Tout à fait, c'était un des arguments du salarié et la Cour de cassation, comme la Cour d'appel, rejette cet argument de l'humour.
02:35Il faut noter qu'en l'espèce, les propos étaient cumulés et la Cour de cassation indique qu'ils étaient inacceptables au sein de l'entreprise, dans un cadre professionnel, qu'ils étaient répétés.
02:50Le caractère de répétition...
02:51Ça, c'est important, la répétition des propos ?
02:54Tout à fait, c'est ce qui a été relevé par la Cour d'appel.
02:58Et ce, peu importe notamment que certains salariés étaient en l'espèce revenus sur leur attestation,
03:05puisque la Cour d'appel a relevé que certains salariés avaient rédigé une première attestation
03:13et étaient finalement revenus sur leur attestation en évoquant que, sur le moment, ils avaient pris ça sur le ton de l'humour
03:22et qu'ils n'avaient pas été particulièrement heurtés par le comportement de ce salarié.
03:28Mais on peut noter notamment comme exemple de fait que ce salarié avait émis des commentaires sur la taille de la poitrine d'une salariée qui annonçait sa grossesse.
03:38Je pense qu'on est d'accord que ces propos n'ont rien à faire dans un cadre professionnel, s'ils peuvent être acceptés dans la sphère privée.
03:47Également, il y avait des propos racistes sur des salariés malgaches d'un sous-traitant.
03:55Et un autre exemple, mais il y en a vraiment de nombreux dans ce dossier, en comité de direction,
04:01le salarié avait évoqué les rapports intimes entre une salariée et son collègue de travail pour évoquer sa formation.
04:12Donc on voit qu'il y avait beaucoup de propos qui peuvent être racistes, dénigrants, sexistes, et répétés.
04:22Tout à fait.
04:22Pourquoi la Cour de cassation a insisté et réaffirmé dans cette décision l'exigence absolue de la protection de la santé psychique des salariés ?
04:34Pourquoi c'était important ?
04:35Alors c'est important et surtout, ça revient sur un arrêt du 26 mars 2025 de la Cour de cassation.
04:42C'est en effet le prolongement de la décision de la Cour de cassation en mars 2025 qui avait validé le licenciement pour faute grave d'un salarié
04:51qui avait adopté un comportement déplacé envers une collaboratrice avec laquelle il avait précédemment entretenu une relation amoureuse.
04:59Il avait été insistant, il avait envoyé de nombreux messages à cette salariée par message SMS, mais également sur la messagerie professionnelle.
05:09Donc pendant le temps et sur le lieu de travail, c'est ce qu'avait retenu la Cour de cassation.
05:16Et son caractère insistant et le fait qu'il avait à un moment même invoqué, dans le cadre des échanges avec cette salariée,
05:24sa qualité de membre du comité de direction a été retenue par la Cour de cassation en mars
05:30pour dire que son comportement constituait un manquement à l'obligation de sécurité,
05:35incompatible avec ses responsabilités et de nature à porter atteinte à la santé psychique de la salariée.
05:43C'est donc une confirmation en l'espèce.
05:45D'accord. Est-ce que la hiérarchie dans ce type de dossier n'a pas un rôle à jouer dans la détection et dans la gestion de ces situations ?
05:53Si, tout à fait. On peut invoquer des dispositifs qui permettent de prévenir ce type de comportement,
06:03chartes éthiques, formations, dispositifs de signalement.
06:06Les formations et les dispositifs de signalement, notamment, sont des bons moyens de lutter contre ce type de comportement
06:14et de protéger la santé psychique des salariés.
06:17Également, les enquêtes internes.
06:19Vous le savez, les enquêtes internes se développent de plus en plus ces dernières années.
06:25Et la hiérarchie est également là, non seulement pour lancer ce type d'enquête, pour relayer les signalements.
06:34Et également, il faut noter que ce qui est important pour que les managers soient en mesure de relayer ce type de signalement,
06:43c'est qu'il faut absolument prévoir des formations à ce titre pour les managers.
06:49Il faut les sensibiliser, les former.
06:52Donc, si on revient sur cette jurisprudence, sur ces conséquences, est-ce qu'elles modifient les obligations de l'employeur
07:00ou non, elles reposent leurs obligations ?
07:04Non, ce n'est pas une modification puisque l'article L41-221 du Code du travail sur l'obligation de sécurité existait déjà.
07:14C'est un renforcement, on peut dire.
07:15Mais les obligations sont les mêmes avec, bien entendu, des signalements qui doivent être pris au sérieux
07:25et qui doivent être traités et un renforcement de l'obligation de santé et de sécurité au travail, bien sûr.
07:32Vous l'avez indiqué, c'est une jurisprudence qui est confirmée.
07:36Pour vous, c'est une vraie tendance de fond qu'on a ?
07:39Est-ce qu'on peut s'attendre à d'autres contentieux dans ce domaine ?
07:45Oui, je pense, et surtout dans la mesure où, ici, la Cour de cassation écarte l'argument de la sphère privée
07:52s'agissant de conversations sur la messagerie interne, en l'occurrence la messagerie Slack de l'entreprise.
07:59Il faut savoir que dans ce dossier, c'est un peu particulier parce qu'il n'y avait pas uniquement
08:03que des échanges Slack qui venaient prouver les propos du salarié.
08:10Il y avait également des attestations, même si elles ont été contredites par la suite,
08:15par certains salariés, en évoquant notamment le ton de l'humour.
08:20Les propos en eux-mêmes n'étaient pas contestés.
08:23Il y avait également cette histoire en comité de direction qui était attestée, etc.
08:28Mais effectivement, le fait que dans cette décision, la Cour de cassation va plus loin qu'en 2024,
08:35puisque je vous rappelle qu'en 2024, la Cour de cassation avait au contraire écarté des conversations privées
08:43en mars s'agissant de propos racistes et en septembre s'agissant de propos sexistes.
08:51Et la Cour de cassation avait notamment décidé que ces propos dans le cadre d'échanges internes à l'entreprise,
09:01internes sur la messagerie de l'entreprise, relevés de la sphère privée, ne pouvaient pas justifier un licenciement.
09:08Donc aujourd'hui, en 2025, on peut dire que la Cour de cassation va plus loin en écartant la sphère privée en l'espèce.
09:15Elle va plus loin, elle est plus sévère.
09:16Exactement.
09:17On va conclure là-dessus. Merci Audrey Tomaszewski. Je rappelle que vous êtes console chez Everschette Sutherland.
09:23Merci Arnaud.
09:24Tout de suite, on enchaîne. On va parler upcycling et propriétés intellectuelles.
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