00:00Le tribunal de Munich a sanctionné OpenAI pour atteinte aux droits d'auteur sur des chansons.
00:18Quelles sont les conséquences de cette décision ?
00:21On en parle tout de suite avec mon invité, Sophie Dupéret,
00:24console chez Dorienic, associée.
00:27Sophie Dupéret, bonjour.
00:30Bonjour.
00:31On va parler de cette décision du tribunal de Munich qui sanctionne OpenAI pour des atteintes aux droits d'auteur de chansons.
00:39Mais avant de rentrer dans la décision concrètement, quel était le contexte de cette décision ?
00:46Cette affaire concerne la GEMA d'une part, qui est l'équivalent de la SACEM en France,
00:51une société représentant les droits des auteurs et compositeurs de musique,
00:55et OpenAI de l'autre, que l'on connaît tous, éditeurs commercialisant un certain nombre de systèmes d'IA génératifs.
01:04Et la GEMA reprochait à OpenAI un ensemble d'actes de reproduction de neuf chansons, en l'occurrence,
01:13reproduction dans le cadre des modèles d'IA d'un côté et de l'autre dans le cadre des résultats qui étaient générés en réponse des promptes des utilisateurs.
01:22Alors pourquoi cette décision va nous intéresser ? Parce que c'est une décision qui est allemande.
01:28En qualité de cabinet d'avocat français, elle nous intéresse directement,
01:32puisque nous sommes spécialisés en droits des nouvelles technologies.
01:35Et c'est la première décision européenne en la matière, qui vient traiter directement de l'IA et de la contrefaçon.
01:42Et le tribunal allemand, pour la première fois, va venir considérer que nous avons une atteinte aux droits des auteurs.
01:48Donc ça veut dire que c'est une première. Il n'y a pas d'autre, on entend beaucoup de contentieux aux États-Unis et ailleurs dans le monde.
01:54Il n'y avait rien dans ce domaine de l'industrie musicale ?
01:57Alors, de l'industrie musicale, non. On avait une décision précédemment en lien qui avait été rendue, mais sur un autre terrain en Europe.
02:06Et en revanche, comme vous l'indiquez, on a moult décisions qui ont déjà été rendues, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni,
02:13mais qui se distingue très clairement de la décision allemande, puisque la décision allemande, elle vient venir analyser très finement, finalement, la manière dont l'IA fonctionne,
02:24le mécanisme notamment de mémorisation de ses chansons, de ses paroles et la manière dont c'est retranscrit dans le fonctionnement.
02:32Et donc, elle vient caractériser une atteinte globale et générale aux droits des auteurs, en l'occurrence des auteurs et compositeurs de musique,
02:39ce qui n'était absolument pas le cas des décisions étrangères qui étaient davantage favorables aux éditeurs et aux acteurs du monde de l'intelligence artificielle.
02:49Alors, vous venez d'expliquer les droits qui étaient en cause, mais comment le tribunal lui-même a caractérisé l'atteinte aux droits d'auteur, si on en revient à cette décision ?
02:59Alors, la décision, elle se concentre sur ses neuf chansons.
03:02Et donc, le tribunal va venir considérer qu'on a finalement deux grandes atteintes aux droits des auteurs et notamment à ce droit de reproduction.
03:12Dans un premier temps, il va venir considérer que, de par l'entraînement du modèle, finalement, le modèle d'IA va venir s'entraîner, enregistrer et mémoriser, finalement, les résultats de cet apprentissage
03:25et que ces résultats-là, ils peuvent se retrasuire et se retranscrire au travers de questions simples posées par les utilisateurs.
03:33Donc, on a ce premier acte de reproduction qui est considéré comme étant illicite, puisque fait sans autorisation.
03:39Et le deuxième, qui est un deuxième acte de reproduction et de diffusion au public,
03:43qui est que nous avons finalement une reproduction des paroles des chansons, en totalité ou de manière partielle, parfois avec des variantes,
03:51mais peu importe, finalement, les paroles sont reconnaissables dans les résultats des promptes.
03:57Donc, ça, c'est une seconde atteinte.
03:59Et le tribunal vient aussi, finalement, se prononcer sur toutes les exceptions du droit d'auteur,
04:07puisqu'Open AI a invoqué un certain nombre d'exceptions au droit d'auteur pour légitimer ces pratiques.
04:11Et qu'est-ce qu'il dit là-dessus ?
04:12Et là-dessus, le tribunal vient dire très explicitement que l'ensemble des exceptions du droit d'auteur ne sont pas applicables,
04:18puisqu'on doit les apprécier de manière très stricte,
04:21et qu'en l'occurrence, l'entraînement, notamment des IA, va au-delà des exceptions qui sont possibles,
04:28que ce soit la courte citation comme l'exception d'analyse de textes et de données,
04:33le texte en data mining, cela va au-delà.
04:36Finalement, la reproduction n'est pas simplement faite pour de l'analyse de textes,
04:40pour trouver des corrélations ou des tendances.
04:44On a une reproduction durable, et ça, ça constitue bien une atteinte durable et importante au droit d'exploitation.
04:51On a bien compris les différentes atteintes.
04:54Est-ce que cette décision, elle ouvre la voie à d'autres actions, qu'elles soient individuelles ou collectives ?
05:01Alors, très clairement, parce que ça vient conforter les droits des titulaires de droit,
05:05dans le domaine de la musique, mais de manière plus générale, finalement,
05:09tous les titulaires de droit d'auteur.
05:10On peut imaginer des actions identiques dans le secteur de la presse, notamment, ou des œuvres littéraires.
05:17Et puis, de manière, cette fois-ci, un petit peu extrajudiciaire,
05:22la décision de justice, elle ouvre aussi la voie à des revendications, on va dire plus en amont du contentieux,
05:29pour solliciter notamment et négocier des licences,
05:32puisque les éditeurs de systèmes d'intelligence artificielle vont quand même être tentés
05:37de sécuriser le mieux possible leur exploitation,
05:41et donc, de négocier des accords pour prévenir d'éventuelles contentions.
05:45Un peu ce qui s'est fait avec des acteurs de la presse,
05:48qui ont négocié avec des grands acteurs de l'IA ?
05:51Totalement. On a déjà des accords qui sont intervenus,
05:54et ils pourraient avoir vocation à se généraliser.
05:56Et pour vous, qui sont les grands bénéficiaires de cette décision,
05:59si on doit faire une petite liste ?
06:01Alors, très clairement, là, dans un premier temps, on est sur une décision qui se limite aux demandeurs,
06:07donc l'AGEMA et les fameux auteurs et titulaires de droits des neuf chansons concernées.
06:13Après, très clairement, de manière indirecte, ça va bénéficier à tous les ayants droit potentiel,
06:18titulaires de droits de propriété intellectuelle.
06:20Alors, si on se place maintenant d'un point de vue international, j'ai envie de dire,
06:25est-ce que cette décision qui est rendue par un tribunal allemand,
06:28peut avoir un écho européen, voire même plus large ?
06:31Alors, très clairement, puisqu'en fait, la décision allemande,
06:35elle se fonde certes sur les textes allemands,
06:37mais ces textes sont issus de directives européennes.
06:40Et dans le corps même de la décision, le tribunal insiste vraiment sur l'analyse des textes européens
06:45et cite un certain nombre de décisions, notamment de la Cour de justice de l'Union européenne.
06:49Donc, le raisonnement en tant que tel, il est clairement duplicable dans d'autres États membres
06:55et donc pourra servir de référence dans le cadre d'autres contentieux.
06:59On a déjà un certain nombre de contentieux qui sont initiés en France.
07:03Autres éléments à avoir en tête, on a également, exactement sur ce sujet,
07:09donc droit d'auteur, contrefaçon et entraînement des IA,
07:12une question préjudicielle qui a d'ores et déjà été posée auprès de la Cour de justice de l'Union européenne,
07:17qui ne s'est pas encore prononcée sur le sujet,
07:20mais qui tiendra très probablement compte de cette décision également dans son analyse.
07:23Donc, on va suivre de près cette question préjudicielle.
07:27Pour finir, si on doit résumer un peu, quels sont les enseignements de cette décision ?
07:33Alors, premièrement, on a clairement une responsabilité qui est posée de manière claire
07:39sur les acteurs de l'intelligence artificielle.
07:42Ce sont eux qui sont responsables du fonctionnement des modèles,
07:46de la manière dont les IA sont entraînés,
07:48et qui sont finalement responsables de la manière dont les résultats vont être produits.
07:53Donc, ce sont eux qui sont responsables et qui sont tenus de respecter les droits des auteurs,
07:58de mettre en place des politiques respectant ces droits des auteurs,
08:02ce qui est totalement en lien avec notamment un certain nombre d'obligations
08:06qui sont posées par le règlement sur l'intelligence artificielle.
08:10Le jugement vient aussi préciser que cette responsabilité ne peut pas être reportée sur l'utilisateur,
08:16et ça, c'est un point important.
08:18Le simple fait de générer un prompt qui aboutirait à un résultat contenant des reproductions
08:25ne suffit pas à caractériser une faute en tant que telle.
08:27Donc ça, c'est un enseignement très important.
08:30Et puis, de manière plus générale, le jugement, et ça, c'est peut-être plus d'un point de vue de portée,
08:35il s'inscrit quand même dans un débat actuel très important
08:39sur finalement la place des auteurs vis-à-vis des acteurs de l'intelligence artificielle
08:45et cette balance finalement entre protection d'un côté et juste rémunération
08:50et de l'autre le frein potentiel à l'innovation,
08:54des débats qui sont vraiment actuellement en cours sur le sujet,
08:57que ce soit en France comme au niveau européen.
09:00Et clairement, à mon sens, ce respect du droit des auteurs,
09:04il sera clé pour les suites de développement de l'intelligence artificielle.
09:09On va conclure là-dessus.
09:10Je vous remercie Sophie Dupéret.
09:12Je rappelle que vous êtes compte seul au sein du cabinet de Yannick.
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