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Ce mardi 18 novembre, la revue à la hausse, effectuée par la Banque centrale européenne, des prévisions de croissance pour 2025 à 1,2%, ainsi que la possibilité de réindustrialiser la France, ont été abordées par Christian Saint-Etienne, économiste et auteur de "Trump et nous : comment sauver la France et l'Europe", Rafik Smati, fondateur de Louxor.ai et président du groupe Aventers, et Rayan Nezzar, professeur à Sciences Po, dans l'émission Les Experts, présentée par Raphaël Legendre sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.
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00:00Et pour cette heure d'émission, j'ai le plaisir d'accueillir sur le plateau Rafik Smati.
00:04Bonjour Rafik.
00:05Bonjour Raphaël.
00:06Fondateur de Luxor.ai et président du groupe Aventors.
00:10Face à vous, Ryan Hezard.
00:11Bonjour Ryan.
00:11Bonjour.
00:12Professeur à Sciences Po et Christian St-Etienne.
00:14Bonjour Christian.
00:15Économiste et auteur de Trump et nous, comment sauver la France et l'Europe, disponibles aux éditions Odile Jacob.
00:22Alors je voulais commencer par cette bonne nouvelle, les prévisions de la Commission européenne
00:27qui revoit très sensiblement à la hausse quand même.
00:30On passe de 0,9 à plus 1,3.
00:32Les prévisions de croissance pour cette année en Europe, on n'est pas, alors on est évidemment
00:37loin derrière la Chine, mais la Chine, ça n'est pas le vieux continent.
00:41On se rapproche quand même des États-Unis dont la croissance est elle à 2%.
00:46Est-ce qu'on n'a pas tendance un peu à s'auto-flageller Christian St-Etienne ?
00:50Il y a deux niveaux de réponse.
00:53Je pense que c'est un petit rebond technique la question centrale.
00:57Tu commences déjà ?
00:58Non, mais la question centrale, c'est...
01:00Je sens l'ortie fraîchement coupée.
01:01C'est le tendanciel.
01:05Quand on analyse de manière lucide, même si on ne sort pas des orties, même sans sortir
01:11des orties, c'est toujours pour essayer d'accélérer la tendance.
01:15Oui.
01:16Donc la tendance, malheureusement, elle reste scotchée en France et pour la zone euro à 1,1%.
01:23Alors on était en dessous de 1,1%, on remonte un petit peu au-dessus.
01:28Il y a quand même un petit élément d'espoir, c'est l'Allemagne qui va dépenser beaucoup
01:34d'argent dans les deux ans qui viennent.
01:36Ça devrait avoir un effet positif.
01:38Mais sur le fond, je pense qu'il y a deux éléments à prendre en compte.
01:42Un qui n'est pas compris encore, que j'avais déjà soulevé au printemps alors que Trump
01:48venait d'arriver dans mon livre, c'est quelque chose qui se passe, qui est très très important
01:53sur le plan du commerce mondial et qui va avoir des effets massifs sur les dix...
01:58Enfin, en tout cas, au moins aussi longtemps que Trump est là.
02:01C'est que quand Trump est arrivé, il s'est cru le maître d'école de la planète.
02:06Très bien.
02:07Quand on prend divers éléments d'analyse, on peut considérer que la Chine et les Etats-Unis
02:14ensemble, c'est 43,5% du PIB mondial, 23,5% pour les Etats-Unis et 20% pour la Chine.
02:22Si ce n'est que les Etats-Unis, si c'est 23,5% du PIB mondial, c'est 10% des exports mondiales
02:29et 13% des imports.
02:30Et donc, quand Trump a dit « je libère les Etats-Unis, je vais en faire la grande
02:36puissance commerciale, tout le monde va venir manger dans ma main », en réalité, ce n'est
02:40pas ça du tout qui se passe.
02:42Il est en train d'isoler les Etats-Unis et le commerce mondial se développe rapidement
02:47maintenant autour des Etats-Unis, massivement entre l'Asie et l'Amérique latine.
02:53Il y a encore du commerce, bien sûr, entre l'Asie et les Etats-Unis, mais il y a un développement
02:58du commerce mondial hors Etats-Unis.
03:00On craignait une déglobalisation, elle n'a pas lieu.
03:04Il y a une accentuation de la régionalisation, mais le commerce mondial continue d'aller
03:08bien.
03:09Et donc, l'Europe étant quand même très dépendante du commerce mondial, nous sommes
03:14le premier bloc commercial mondial.
03:17À partir du moment où le commerce mondial ne se casse pas la figure, l'OMC…
03:21Vous nous dites que c'est une chance pour l'Europe, parce que ce qu'on entend beaucoup,
03:24c'est que les produits chinois se sont détournés des Etats-Unis…
03:28Bien sûr, mais ça c'est un sous-élément de l'aspect commercial.
03:32Mais si le commerce mondial va bien, l'Europe en bénéficie à condition de corriger le
03:39problème chinois.
03:40Le problème chinois, ce n'est pas du commerce.
03:42Le problème chinois, c'est une stratégie agressive du Parti communiste chinois visant
03:46à prendre le contrôle d'un nombre croissant de filières pour mettre les autres pays sous
03:54la domination de la Chine.
03:56On voit maintenant que ça devient systémique.
03:59Après avoir manipulé le gourdin sur les terres rares, la Chine fait la même chose sur
04:05les batteries.
04:06Ils sont en train de multiplier les domaines comme les microprocesseurs.
04:11Donc, le problème de l'Europe, il y a un petit mieux commercial dont elle bénéficie
04:17hors Chine, mais le problème de l'Europe, il reste stratégique, c'est-à-dire l'incapacité
04:21de prendre des décisions fortes pour se protéger face à la Chine et les Etats-Unis.
04:24C'est ça Rafismati qui explique ce rebond de 0,9 à 1,3, c'est ce développement du commerce
04:30mondial ?
04:31Moi, je vois les choses de manière un petit peu différente.
04:33Je vois l'Europe comme un grand paquebot, un paquebot qui par définition est capable
04:38de résister aux vagues.
04:39Et Dieu sait qu'on a eu un certain nombre de vagues en Europe.
04:41Je vais vous passer la vague du Covid qui a été planétaire, mais vous prenez
04:44la vague inflationniste, la crise énergétique, la guerre qui est à nos portes, l'instabilité
04:51politique en France qui se joue, en tous les cas s'agissant de la France.
04:55Et les paquebots, c'est difficile à diriger, si j'anticipe.
04:57Malgré tout ça, vous me voyez venir.
05:00Et vous me voyez doublement venir.
05:02Donc, nous sommes un paquebot, c'est-à-dire que nous sommes en situation de résister aux
05:05vagues, et c'est très bien.
05:07Maintenant, faut-il savoir où va ce paquebot ?
05:09Et faut-il savoir si, en cas de très grosses difficultés, ils ne risquent pas de se transformer
05:15en titanique.
05:15Et moi, c'est ça qui m'inquiète.
05:16C'est-à-dire que nous sommes aujourd'hui face à des révolutions qui sont majeures,
05:19et j'ai le sentiment, et ça m'attriste profondément, que l'Europe est en train de rater un certain
05:24nombre de révolutions.
05:24Et si on sait que ces révolutions, elles seront constitutives de ce que sera la deuxième
05:28partie du XXIe siècle et le XXIIe siècle, on est en droit de s'interroger sur notre
05:33capacité, nous, Européens, à pouvoir créer de la croissance, non pas dans les dix prochaines
05:36années, parce qu'on va probablement rester aux alentours de 1 ou 2%.
05:40Mais si on considère, ce qui est mon cas, que nous sommes à l'origine de la plus grande
05:45période de transformation de l'histoire de l'humanité, avec des leviers de croissance
05:48partout et dans tous les domaines, on devrait être aujourd'hui en conquête et aller chercher
05:53les 5, 6 ou 7% de croissance, comme les pays asiatiques, comme le feront les Etats-Unis,
05:59même s'ils n'y sont pas encore.
06:00Or, aujourd'hui, on est en défense et on n'est pas en attaque.
06:02Et moi, c'est ce qui me fait peur aujourd'hui, sans vision stratégique.
06:06Et ce n'est malheureusement pas Ursula von der Leyen qui va être capable d'embarquer
06:11le Pagbo européen vers des cieux plus magnifiques.
06:16Ce que j'entends du côté de Rafik Smaty comme du côté de Christian Saint-Etienne, c'est
06:20le manque de leadership politique, la principale carence aujourd'hui.
06:23Et de science stratégique et de politique stratégique.
06:25La road map, on l'a un peu.
06:27On a eu un rapport Draghi, quand même, qui expliquait bien les choses.
06:31Le rapport Draghi, c'est un rapport technique, on pourra y revenir.
06:33– Peut-être pour abonder et compléter l'analyse sur deux points.
06:38Première chose, c'est qu'en effet, la croissance européenne se rapproche
06:41de la croissance américaine, mais essentiellement parce que les Américains
06:43sont les premiers perdants de leur propre guerre commerciale.
06:46Si on regarde aujourd'hui ce qui se passe sur le fond de l'inflation,
06:49vous avez une inflation aux Etats-Unis qui est de 3% sur les 12 derniers mois.
06:53Elle est autour de 2% sur le...
06:55– Elle reste maîtrisée, c'est une bonne nouvelle.
06:56Effectivement, on a passé la crise inflationniste plutôt avec...
06:59– Et donc, le consommateur américain, et on sait que la consommation
07:03est un moteur important de la croissance aux Etats-Unis d'Amérique,
07:05le consommateur américain, il paye plus cher ses produits.
07:08Deuxièmement, les entreprises américaines perdent en compétitivité
07:12dès lors qu'elles assument sur leur propre marge
07:14une partie des taxes douanières imposées par l'administration Trump.
07:18Ce qui fait qu'aujourd'hui, en réalité, c'est plus l'économie américaine
07:21qui est fragilisée que l'économie européenne
07:23qui serait frappée par un choc de croissance.
07:27Je termine sur les Etats-Unis.
07:29Vous avez eu, le mois dernier, en octobre,
07:31des annonces assez retentissantes de boîtes comme Microsoft,
07:34comme Intel, d'entreprises dans des secteurs comme la logistique,
07:37l'alimentaire, qui ont annoncé au total 150 000 destructions d'emploi.
07:40– Des dizaines de milliers, effectivement.
07:42– Certaines destructions d'emplois depuis 20 ans aux Etats-Unis.
07:45– Exactement, depuis 2003.
07:46– Certaines sous l'effet de la révolution de l'intelligence artificielle,
07:50mais d'autres simplement sous l'effet économique de la guerre commerciale.
07:55Donc ça, c'est le premier point.
07:55Il ne faut pas dire cocoréco l'Union européenne.
07:58Je pense surtout que ça dénote la fragilité de ce qui se passe aujourd'hui.
08:01– C'est une croissance par défaut.
08:02C'est ça que vous êtes en train de nous expliquer, en quelque sorte.
08:04– Oui, et le deuxième point, si on regarde,
08:06parce qu'on a parlé de l'Union européenne en général,
08:08mais je pense qu'il faut distinguer un peu les choses.
08:10Si on regarde aujourd'hui, il y a une économie
08:11qui est particulièrement en difficulté dans l'Union européenne,
08:13c'est l'économie allemande.
08:15Difficulté d'abord politique,
08:16parce que quand on a notre instabilité politique en France,
08:19et tout le monde l'aura noté,
08:20il y a eu aussi une instabilité politique en Allemagne.
08:23Il ne faut pas oublier l'an dernier, par exemple,
08:24que la coalition allemande a explosé en fin d'année 2024
08:28sur les questions budgétaires.
08:30Le ministre des Finances libérales, Christian Lindner,
08:32voulait imposer des économies avec le retour à la rigueur budgétaire.
08:36Et que ses alliés écologistes,
08:38le Schwarzenull,
08:39ses alliés écologistes ou sociodémocrates,
08:41refusaient ces économies.
08:43Ça a conduit à des élections anticipées
08:45et à un changement de coalition en Allemagne.
08:48Deuxièmement, des difficultés démographiques.
08:50Ils ont les mêmes problèmes que nous.
08:51Un quart des Allemands sont retraités.
08:53Et donc, ça induit des difficultés
08:54pour financer le modèle social,
08:55pour financer le modèle productif.
08:57Et puis, troisièmement,
08:58des difficultés, je le disais, économiques,
09:00notamment sous l'effet non pas des États-Unis,
09:02mais cette fois-ci de la Chine.
09:03La montée en gamme,
09:04notamment de l'industrie chinoise
09:05sur des secteurs comme l'automobile,
09:08les machines outils, la tech,
09:10dans tous les secteurs de la tech,
09:11que ce soit les biotechnologies,
09:12évidemment l'IA, etc.,
09:14fait qu'aujourd'hui,
09:15les parts de marché allemandes à l'exportation
09:17sont menacées
09:18et l'industrie allemande est menacée.
09:20Et donc, on a en effet vivement besoin
09:22d'une stratégie industrielle
09:23coordonnée à l'échelle européenne,
09:25à la fois pour l'industrie allemande,
09:27pour l'industrie française
09:28et pour l'ensemble des économies européennes.
09:29Avec un effet étonnant.
09:31Annalisa Capellini en parlait ce matin
09:33dans la matinale de Goodman Business,
09:35qui est que les investissements allemands
09:37sont-ils en Chine
09:39qu'ils ne peuvent plus se passer
09:41non plus des Chinois ?
09:43Christian, c'est un peu bloqué là-bas.
09:46Je pense qu'il faut laisser passer
09:48un peu de temps.
09:49Il y aura une analyse
09:50très intéressante à mener
09:53sur les politiques allemandes
09:54depuis sept ans.
09:56Je sens que vous avez une petite idée.
09:58Alors même que c'était déjà visible
10:01que la Chine devenait
10:03le compétiteur le plus violent
10:05pour l'Allemagne,
10:08dans la mesure où l'Allemagne
10:09a délocalisé ses technologies
10:11vers la Chine,
10:12or les Chinois sont parfaitement capables
10:15de produire avec des niveaux
10:17de qualité proches de l'Allemagne,
10:18ce que les Allemands n'ont pas anticipé.
10:21Donc on se retrouve...
10:23Alors même que c'était déjà visible
10:24il y a sept ans, six ans, cinq ans,
10:26les Allemands ont investi massivement là-bas.
10:28Il y a eu plusieurs grandes entreprises allemandes,
10:31à la surprise générale,
10:32y compris en Allemagne,
10:33qui ont lancé des plans d'investissement
10:35de 10 milliards d'euros,
10:3615 milliards d'euros en Chine,
10:38avec le risque...
10:39Alors la rationalisation
10:42qui est toujours faite,
10:43c'est de dire que la Chine,
10:45ce qui est exact,
10:45est devenue le deuxième marché mondial,
10:47donc on a besoin d'être présent
10:48pour vendre.
10:49Mais ces entreprises,
10:51quand elles construisent des usines
10:53en Chine pour vendre en Chine,
10:55elles n'exportent plus en Chine.
10:57Et donc, en plus,
10:58elles deviennent dépendantes
11:01du pouvoir chinois.
11:03Il faut quand même rappeler
11:03que Xi Jinping remet en place
11:07depuis plusieurs années en Chine
11:09des comportements
11:11qu'on avait connus
11:13sous Mao Zedong.
11:14Il y a eu un retour des cellules
11:16du Parti communiste
11:16dans toutes les entreprises,
11:18y compris les entreprises occidentales,
11:20y compris les entreprises américaines
11:22qui ont vu débarquer des cellules
11:24du Parti communiste,
11:26y compris dans les banques américaines,
11:28ce qui a conduit d'ailleurs
11:30les Américains
11:31à réduire de manière significative
11:33les investissements.
11:34Mais les Allemands,
11:35ils y sont allés à fond.
11:36Donc, il y a une vraie interrogation
11:38sur la compréhension
11:39des évolutions stratégiques
11:41par l'Allemagne.
11:41Je termine par un point
11:42parce qu'en France,
11:44à juste titre,
11:44on admire toujours l'Allemagne
11:47sur le plan économique.
11:48Mais il faut se rappeler
11:49que quand on regarde
11:50sur les trois derniers siècles,
11:52les grandes décisions stratégiques
11:54prises par l'Allemagne,
11:55elles se plantent à chaque fois
11:56et ça conduit à chaque fois
11:57à des catastrophes.
11:59Donc, quand l'Allemagne,
12:00contrairement aux évidences,
12:02se met à investir massivement
12:04sur la Chine
12:05plutôt que de pousser
12:08aux investissements en Europe,
12:09sur tous les dossiers techniques précis
12:12et le bloc,
12:14enfin, en quoi ça les gêne
12:17de laisser la main à Dassault
12:19sur le SCAF,
12:21quand Dassault est le meilleur au monde
12:22sur ces questions.
12:24Donc, les Allemands sont victimes
12:26non seulement de leur difficulté
12:28à prendre des bonnes décisions stratégiques,
12:30notamment depuis le milieu du 19ème,
12:32mais l'autre point,
12:34ils sont aussi victimes
12:35d'une sorte de rapacité systémique
12:38que j'avais bien vu
12:39quand j'avais travaillé
12:42sur le dossier de fusion
12:43des bourses européennes
12:44en 2007.
12:46Dans le dossier,
12:47au début du démarrage
12:48de la négo,
12:48il y avait sept sous-dossiers.
12:50Il y avait trois domaines
12:51dans lesquels la France
12:52était la meilleure au monde.
12:53Les gens n'imaginent pas,
12:55mais en France,
12:55on est très bon en finance,
12:56on est la finance,
12:57mais on est bon en finance.
12:59Il y avait deux dossiers
13:00où les Allemands étaient bons
13:01et deux dossiers
13:02où ni l'un ni l'autre
13:03étaient bons.
13:03Les Allemands ont commencé
13:04à arriver en disant
13:05bon, les dossiers
13:07où on est bon sont hors négo
13:08et tout le reste est dans la négo,
13:10y compris là où les Français
13:11sont meilleurs.
13:12Ils refont pareil sur le SCAF,
13:13ils refont pareil sur tout.
13:15Est-ce qu'on ne fait pas pareil
13:15un peu en France aussi ?
13:17Avant d'avoir une vraie stratégie
13:19de rebond technologique
13:21pour l'ensemble de l'Europe,
13:22il y a des comportements
13:23qui vont devoir changer.
13:25On manque d'esprit pro-européen,
13:27c'est ce que je retiens.
13:28Mais on fait pareil à Paris, non ?
13:29Oui, mais on a lâché
13:31dans beaucoup de domaines.
13:32On a laissé partir
13:33beaucoup de grands groupes, nous.
13:34Ce que dit Christian Saint-Etienne
13:37est intéressant,
13:37c'est-à-dire que
13:38si on se considère
13:41comme européen,
13:42ce qui est mon cas,
13:43il faut que chacun
13:43fasse sa part.
13:44Et c'est vrai que parfois,
13:45vu de France,
13:46certaines nations européennes,
13:48et l'Allemagne en fait partie
13:49avec l'histoire des F-35,
13:50avec le SCAF,
13:53on se dit,
13:53mais pourquoi ?
13:54On est censé être
13:55dans le même bateau
13:56et si on a envie
13:57de construire cette Union européenne
13:58qu'on appelle de nos voeux,
13:59il va falloir faire un pas.
14:01Et ce n'est pas le cas.
14:01Et le chancelier Merz,
14:04indirectement et sans le savoir,
14:06ce n'est évidemment pas son objectif,
14:07mais il est en train
14:08de faire monter
14:08le Rassemblement national en France.
14:10Et en faisant monter
14:11le Rassemblement national en France,
14:12parce que leur argument,
14:14c'est précisément celui-ci,
14:15c'est, regardez,
14:16l'Allemagne,
14:16il roule pour eux,
14:17donc nous,
14:17il faut qu'on roule pour nous.
14:18Et en faisant monter
14:19le Rassemblement national,
14:20s'ils arrivent au pouvoir...
14:21Ce n'est pas qu'elle est l'œuf,
14:22qu'elle est la poule,
14:23c'est aussi la montée
14:23des extrêmes dans les deux pays
14:25qui font peut-être
14:25que les leaders politiques
14:26suivent aussi
14:27l'opinion publique.
14:27Il y a peut-être de ça,
14:28mais à un moment donné,
14:29justement,
14:29c'est ça la question
14:30du leadership politique.
14:31Le leadership politique,
14:32jadis,
14:33l'Union européenne,
14:34c'était un vrai projet politique.
14:36Suffisamment ambitieux
14:38et suffisamment galvanisant
14:39pour entraîner derrière lui.
14:41Aujourd'hui,
14:41l'Union européenne
14:42apparaît comme étant
14:43devenue un projet technocratique,
14:44complètement dénué
14:46de leadership politique.
14:47Et tant que nous serons
14:48dans cette logique-là,
14:49vous parliez tout à l'heure
14:50du rapport Draghi.
14:51Le rapport Draghi
14:52est une réalité,
14:53ça montre que l'Europe
14:53est capable de produire
14:54de bons diagnostics,
14:56encore faut-il être en situation
14:57de le mettre en œuvre.
14:58Et aujourd'hui,
14:5814% du rapport Draghi
15:00a été mis en œuvre.
15:02On a des lois Omnibus
15:02qui arrivent là.
15:03Demain, Bruxelles
15:04va faire des annonces
15:05dans le digital,
15:05notamment,
15:06suite au sommet aujourd'hui
15:08à Berlin.
15:08Mais ce que nous avons perdu
15:09de vue en Europe,
15:10c'est que nous sommes partis
15:12du principe que c'est
15:14constitutif de l'esprit
15:15de l'Union européenne,
15:16c'était qu'il y avait
15:17une question de taille critique.
15:18Et c'est important.
15:19Au XXe siècle,
15:20plus que jamais,
15:20la notion de taille
15:21était importante.
15:22Mais vous savez,
15:24loi de physique de base
15:25qu'on apprend
15:26dans les premières années
15:27du lycée,
15:28l'énergie est fonction
15:29de la masse
15:30et du carré de la vitesse.
15:32Ce qui veut dire
15:32que la vitesse,
15:33en réalité,
15:33devient beaucoup plus importante
15:34que la masse.
15:35Et aujourd'hui,
15:35on est dans un monde
15:36de vitesse,
15:37on est dans un monde
15:37d'accélération,
15:38on est dans un monde
15:39où l'agilité prime
15:40sur tout le reste.
15:41Et quelque part,
15:42ceux qui gagneront
15:43les grandes batailles à venir,
15:44ce ne seront plus forcément
15:45les gros,
15:45ça sera aller rapide.
15:46Et aujourd'hui,
15:47le manque de leadership
15:47de l'Union européenne
15:48nous transforme en lents
15:50et risque de nous faire passer
15:52à côté des plus grands défis
15:53de ce siècle.
15:53Je voudrais rebondir
15:54sur ce que vous disiez
15:54sur la montée
15:56des nationalismes.
15:57Finalement,
15:58je trouve qu'il y a
15:58une transposition
15:59qui nous saute aux yeux.
16:01C'est notre dernier
16:02Choose France.
16:03C'était hier.
16:03C'était un Choose France France.
16:06C'est d'ailleurs une France
16:07recroquillée sur elle-même,
16:08sur ses propres entreprises,
16:10là où on accueillait
16:11le monde depuis 2017
16:13à Versailles,
16:14sous les ors
16:14du château de Versailles,
16:16et où les plus grands patrons
16:17des grands groupes mondiaux
16:19venaient voir
16:21où en était la France.
16:23Hier, c'était à la Maison de la Chimie,
16:25avec des patrons
16:27qui ont plutôt traîné les pieds
16:29pour y aller,
16:29et on a affiché péniblement
16:3130 milliards d'investissements,
16:32dont 20 milliards d'euros
16:33de recyclage.
16:35Christian Saint-Etienne,
16:36est-ce que la France
16:36peut encore être
16:38réindustrialisée
16:39quand on voit
16:39ce qui se passe à l'Assemblée ?
16:41C'est très important,
16:42et là,
16:42les orties,
16:44je les foule aux pieds.
16:45c'est un manque
16:47d'ambition absolu.
16:49C'est-à-dire que,
16:50je lis partout,
16:51qu'on évoquait
16:53la possibilité,
16:54il y a encore deux ans,
16:55de rattraper notre retard
16:56dans le poids
16:57de l'industrie manufacturière
16:59en Europe.
16:59Je rappelle que nous sommes,
17:00pour faire simple,
17:01à 9,5,
17:02avec une Europe...
17:029,7% du PIB,
17:05avec une Europe
17:07à 14,5,
17:08on a 5 points de retard.
17:08L'Italie est à 15
17:09et l'Allemagne à 18.
17:10Voilà,
17:11mais en gros,
17:12la zone euro
17:13à 14,5,
17:13on a 5 points de retard.
17:15Et il y a deux ans,
17:17les gens disaient,
17:18ok,
17:18il y avait ceux qui disaient
17:19on peut remonter à 12,
17:20moi je disais,
17:21mais visons 14,
17:23c'est comme ça
17:23qu'on aura 12,
17:24parce que si on vise 12,
17:25on aura 10.
17:26Toujours viser la ligne
17:26pour attraper dans les détails.
17:27Et là,
17:27il y a une débandade,
17:29là,
17:29depuis quelques mois,
17:30les gens disent
17:31c'est pas possible,
17:32si on reste à 9,5,
17:34ça va être un miracle.
17:34On voit qu'il y a plus
17:35de fermeture d'usines
17:36aujourd'hui que d'ouverture.
17:36Oui,
17:37mais bien sûr,
17:37mais pourquoi ?
17:38Il y a une responsabilité
17:40politique majeure
17:41du Parlement français
17:42qui a cassé
17:44les animal spirits
17:47du rebond entrepreneurial
17:51avec les deux automnes
17:54de suite
17:54où des gens
17:56qui n'ont jamais créé
17:58d'entreprise
17:59discutent de la fiscalité
18:01et de la production
18:01où l'obsession
18:03c'est la répartition
18:04en oubliant totalement
18:06la question de la production.
18:08La question de la production
18:08en France,
18:10on était un peu revenu
18:11pour en parler
18:11dans Hollande 2.
18:14Hollande 1
18:15est une catastrophe absolue
18:16en 2012-2013
18:17mais ils se rendent compte
18:18qu'il est en train de se planté.
18:19et il y a Hollande 2
18:21où il prend des mesures
18:23pour relancer l'activité
18:24et ensuite Macron
18:26prend quelques petites mesures
18:28pour essayer d'accélérer
18:29mais depuis la dissolution
18:33qui restera, je pense,
18:34aux yeux des historiens
18:36dans 10-15 ans
18:37comme une des erreurs politiques
18:39les plus colossales en France
18:41depuis la Deuxième Guerre mondiale
18:42parce que les dégâts sont massifs.
18:44Nous ne serions pas du tout
18:45dans cette position
18:46et situation sans cette dissolution.
18:48La croissance serait au moins
18:50un demi-point supérieur en France
18:51en 2025
18:52à ce qu'elle est actuellement.
18:54Donc dans ce contexte,
18:56cette débandade des volontés
18:58me choque
18:59parce qu'on sait
19:00ce qu'il faut faire.
19:01Il y a d'énormes travaux
19:03qui ont été faits
19:03depuis deux ans
19:05sur la façon
19:06dont il faut mener
19:07la réindustrialisation.
19:09On sait qu'il faut bosser
19:09sur les filières,
19:11on sait qu'il faut bosser
19:12sur les territoires,
19:13on a besoin de terrain,
19:15on sait que pour retrouver
19:155 points de PIB
19:18de l'industrie manufacturière,
19:20il faut 50 000 hectares,
19:21il faut les trouver.
19:22Moi, ça fait au moins 4 ans
19:24que je propose,
19:25parce qu'on n'est pas aux Etats-Unis,
19:27on est en France,
19:27la France étant la France,
19:28je propose une agence foncière nationale
19:30travaillant avec les régions
19:32et développant ces 50 000 hectares,
19:34c'est-à-dire achètent
19:35les 50 000 hectares,
19:36les nettoient,
19:37fait les traitements archéologiques.
19:39Ça, c'est pas Bercy
19:40qui décide où sont
19:41les 50 000 hectares.
19:42Il faut des conférences régionales
19:44où on réunit les industriels
19:46et les logisticiens
19:47et c'est eux qui disent
19:48où ils volent les hectares.
19:50Donc, on fait un plan national,
19:51un master plan
19:52et on bouge
19:53et on ne fait rien,
19:54on est le cul sur la chaise,
19:55c'est insupportable.
19:56On vous sent très remonté,
19:57Christian.
19:57Oui, mais je ne peux pas accepter
19:59qu'on dise,
20:00voilà, on est à 9,5.
20:01Déjà, si on reste à 9,5,
20:03c'est miraculeux.
20:04Mais non,
20:04il faut enlèrer le pays
20:05et il faut bouger.
20:06On a abandonné,
20:07c'est ça, Ryan Nezard ?
20:09Il y a des plans
20:09qui ont été mis en place
20:10quand même pour trouver ces friches,
20:12pour les nettoyer.
20:13Non, mais attendez,
20:13on a fait 2 000 hectares
20:14sur les 50 000.
20:16Tout à fait.
20:17Ryan Nezard.
20:17Ce qui est vrai,
20:18c'est qu'aujourd'hui,
20:18ce sommet de Chous France,
20:19il y a eu un peu plus de 150 projets
20:22d'investissement
20:22qui ont été annoncés,
20:27c'est finalement un sommet
20:29qui marque le frein
20:30de la réindustrialisation française.
20:31Si on regarde sur longue période,
20:33vous avez raison de rappeler
20:34que la réindustrialisation,
20:36en tout cas le timide début
20:37de réindustrialisation
20:38a commencé en 2014.
20:39Si on regarde sur 10 ans,
20:40il y a eu environ 200 créations nettes
20:42de sites industriels,
20:43150 000 créations d'emplois
20:45dans l'industrie.
20:45Ce qui n'est pas rien.
20:46Ce qui n'est pas rien.
20:47Parce que ça faisait des décennies
20:48qu'on détruisait de l'emploi industriel
20:51en France et qu'on fermait des décennies.
20:51On a arrêté l'érosion.
20:53Voilà, c'est ça.
20:53Oui, mais c'est plus qu'arrêté.
20:54On a quand même renversé la vapeur
20:55sur les dix dernières années.
20:57Le problème, c'est qu'en effet,
20:58l'année 2024 a été une année de frein
21:01à cette réindustrialisation.
21:02Et que si on regarde
21:03la production manufacturière,
21:04elle continue de progresser
21:05de plus 0,9% sur 12 mois.
21:08Mais l'investissement a reculé l'an dernier
21:09de moins de 5% d'investissement.
21:12Et donc la production de demain
21:13va reculer.
21:15C'est-à-dire que ça va continuer
21:16à reculer.
21:17Donc aujourd'hui,
21:18si je devais résumer les choses,
21:20il y a trop d'impôts
21:21et pas assez de robots
21:21dans l'industrie française.
21:22On a ce spectacle
21:25de la lutte des taxes
21:25entre la France Insoumise
21:26et le Rassemblement National
21:27à l'Assemblée
21:28et cette surenchère fiscale
21:29qui fait qu'on rajoute
21:31à chaque fois des boulets au pied
21:32des industriels
21:33qui essayent d'un côté de la France.
21:34Et tout ça au nom du bien du peuple.
21:36C'est ça qui est important.
21:37Je ne sais pas au nom du bien du peuple,
21:38plutôt le bien du parti.
21:39Oui, mais eux,
21:40ils disent que c'est au nom du bien du peuple.
21:42Bien sûr,
21:42on n'est pas obligés
21:43de les croire sur parole.
21:44Et on a de l'autre côté
21:45des investissements,
21:46par exemple,
21:47sur les robots,
21:48je le disais,
21:48qui sont 5 fois inférieurs en France
21:52et pas non plus...
21:534 900 robots en France en 2024,
21:5627 000 en Allemagne.
21:58Donc on fait 5 fois moins bien.
22:00Et de la même manière,
22:01sur le déploiement
22:02de l'intelligence artificielle,
22:03optimiser des lignes de production,
22:05notamment dans l'industrie,
22:06et gagner en productivité,
22:07on est encore loin
22:08de ce que font, par exemple,
22:09les Américains.
22:10Donc si je devais résumer les choses,
22:12il y a quand même encore de l'espoir.
22:13Il y a des choses à faire.
22:14Si on devait lister aujourd'hui
22:16les grands défis qui sont devant nous
22:18si on veut vraiment
22:19réindustrialiser le pays,
22:20le premier défi,
22:20c'est de changer de modèle social,
22:22changer de modèle de financement
22:23de la protection sociale
22:24qui continue de peser
22:26à 80% sur le facteur travail.
22:29Il faut trouver d'autres moyens
22:30de le financer.
22:31Deuxièmement,
22:32de développer,
22:33ça peut paraître un peu tabou en France,
22:35mais de développer la capitalisation,
22:37notamment sur le système de retraite,
22:39pour avoir un véritable financement
22:40de l'investissement productif en France.
22:42Troisièmement,
22:43de refuser ce qu'on décrivait,
22:45cette fameuse lutte des taxes
22:46qu'on observe aujourd'hui
22:47à l'Assemblée nationale.
22:48En tout cas,
22:48ce n'est pas bon pour l'économie française.
22:50Et puis quatrièmement,
22:51beaucoup de personnes n'en parlent.
22:54Moi, je suis assez frappé,
22:55mais c'est la question de la formation.
22:56On va manquer de 100 000 soudeurs
22:58dans les prochaines années,
22:59dans l'industrie navale,
23:00dans le nucléaire,
23:01dans toute une série de filières industrielles
23:03sur lesquelles,
23:03soit on recule,
23:04soit on a des projets.
23:05On va manquer de dizaines
23:05de milliers de techniciens.
23:06Et dans le même temps,
23:08je vous le dis parce que
23:08j'ai eu la chance,
23:10le bonheur
23:10et le plaisir de travailler
23:11à l'éducation nationale
23:12auprès de deux ministres successifs,
23:14et dans le même temps,
23:15on a un quart des places
23:16en lycée professionnel
23:17qui insèrent trop peu dans l'emploi
23:19et qui conduisent beaucoup trop
23:21à du décrochage scolaire.
23:22On a engagé depuis 2022,
23:242023, 2024,
23:25une transformation du lycée professionnel
23:27pour que les filières de formation
23:28correspondent vraiment
23:29à ce qui permet d'insérer dans l'emploi
23:31et notamment dans l'emploi industriel.
23:33Mais on est encore très loin du compte.
23:35On a beaucoup de travail à faire,
23:36mais on peut y arriver.
23:37Il y a eu une réforme qui avait été lancée,
23:38normalement,
23:39des lycées professionnels.
23:40Mais qui est en cours.
23:40Non, mais le problème,
23:41c'est qu'il faut la poursuivre
23:42dans la durée.
23:43Et comme on le voit,
23:44je termine par là,
23:44on manque de continuité
23:46dans nos politiques,
23:47que ce soit éducative,
23:48économique ou sociale.
23:49Et on a besoin
23:49de poursuivre cet effort
23:50et non pas de l'arrêter
23:51et de changer de politique économique
23:53en allant carrément en arrière
23:56vers le ras-le-bol fiscal.
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